• Commentaire QPC

Commentaire de la décision 96-387 DC

18/02/2023

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 1996, par un groupe de députés, de la loi tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance. En vertu de la loi déférée, la prestation, accordée sous conditions de ressources, d'âge et de degré de dépendance, est servie et gérée par le département.

La saisine faisait essentiellement grief à la loi déférée de demeurer en-deçà de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, s'agissant en particulier de la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale.



En consentant de trop larges délégations aux départements, était-il en outre soutenu, la loi aurait méconnu des exigences de valeur constitutionnelle, telles que l'égalité devant la loi et la sécurité des vieux travailleurs, proclamée par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.



Le Conseil s'est d'abord attaché à distinguer les éléments de la prestation qui devaient être fixés par le législateur de ceux qui relevaient du pouvoir réglementaire.



Cette répartition ne pouvait être directement fondée sur les dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives aux principes fondamentaux de la sécurité sociale, car précisément la prestation spécifique dépendance, comme d'ailleurs l'allocation compensatrice pour tierce personne créée par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, relève de l'aide sociale et non de la sécurité sociale.



Il convient de relever que, si le Conseil constitutionnel, saisi notamment en application de l'article 37 de la Constitution, s'est prononcé à de nombreuses reprises sur la détermination des " principes fondamentaux de la sécurité sociale " au sens de l'article 34 de la Constitution, c'est la première fois qu'il a été conduit à délimiter le domaine de la loi s'agissant de prestations d'aide sociale.



Il a en réalité transposé sa jurisprudence sur le partage des domaines de la loi et du règlement en matière de sécurité sociale. En conséquence, relèvent du domaine de la loi l'institution même des prestations d'aide sociale, les règles essentielles relatives à leur régime juridique, en particulier la nature des conditions exigées pour leur attribution et la détermination des catégories de prestations.



A l'inverse, il appartient au pouvoir réglementaire de mettre en oeuvre les règles que le législateur aura ainsi fixées, en déterminant les éléments qui concernent les conditions d'attribution, notamment ceux relatifs à l'âge du bénéficiaire, en définissant précisément la nature des prestations et en déterminant les modes de fixation des prestations qui pourront tenir compte, conformément à la volonté du législateur, des autres ressources de l'intéressé et le cas échéant de celles de son conjoint ou de son concubin.



Sur la base de cette délimitation, le Conseil a rejeté les griefs tirés de l'incompétence négative du législateur.



S'agissant du grief relatif au non respect de l'exigence de solidarité nationale imposée par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le Conseil constitutionnel a indiqué que ce principe n'interdisait pas, par lui-même, la mise en place d'un mécanisme de solidarité mis en oeuvre par le département. Il a toutefois introduit une réserve d'interprétation en précisant que les décisions réglementaires et individuelles relatives à la prestation spécifique dépendance doivent être prises sous le contrôle du juge de la légalité, de façon à ne pas aboutir à mettre en cause les dispositions du onzième alinéa du Préambule compte tenu de la diversité des situations de nature à se présenter.



Les auteurs de la saisine invoquaient également la violation du principe d'égalité au motif que la compétence reconnue au département conduirait nécessairement, quant à l'accès à la prestation, à des discriminations territoriales au détriment des personnes âgées dépendantes, sans que ces différences de traitement soient justifiées au regard de l'objet de la loi. Dans sa réponse, le Conseil constitutionnel a souligné la nécessaire conciliation qui doit être trouvée entre d'une part le principe de la libre administration des collectivités territoriales et d'autre part le principe d'égalité ; il a retenu qu'en matière d'aide sociale, laquelle relève traditionnellement des collectivités locales, il appartient au législateur de prévenir, par un encadrement effectif, les ruptures caractérisées d'égalité dans l'attribution de la prestation spécifique dépendance.



Il a ensuite relevé que les dispositions, tant procédurales que de fond, de la loi déférée, prévenaient les ruptures caractérisées du principe d'égalité, l'attribution de compétences au profit du département répondant, quant à elle, au but d'intérêt général visé par le législateur.



Les députés soutenaient également que l'article 32 de la loi déférée méconnaissait le principe d'égalité en conservant aux personnes s'étant vu attribuer la prestation expérimentale instaurée par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale le bénéfice de ce régime après l'entrée en vigueur de la loi déférée.



Le Conseil constitutionnel a considéré que le maintien à titre personnel d'un avantage accordé en vertu d'une loi antérieure, eu égard à la nature des prestations en cause, ne méconnaissait pas le principe d'égalité.



Enfin, le Conseil constitutionnel a introduit d'office une réserve d'interprétation concernant l'article 34 de la loi soumise à son contrôle ; cet article fixe en effet la date d'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 1997, alors que certaines des dispositions de cette dernière posent des incriminations nouvelles ; le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère a donc conduit le Conseil constitutionnel à préciser que les dispositions pénales prévues aux articles 24 et 26 ne peuvent s'appliquer qu'aux faits commis après la date de promulgation de la loi.