• Commentaire QPC

Commentaire de la décision 96-386 DC

18/02/2023

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 1996 par des députés, à l'initiative de l'un d'entre eux, de la loi de finances rectificative pour 1996. Un certain nombre des signatures des requérants avaient été transmises par télécopie. Entre la date de la saisine et l'ouverture de la séance, plusieurs députés, par courrier adressé au Conseil constitutionnel, déclaraient soit qu'ils avaient signé "par erreur" le document initial émanant d'eux, soit qu'ils entendaient "retirer" leur signature ou ne plus figurer sur la liste des signataires ; par ailleurs, des confirmations portant des signatures manuscrites des saisines initialement faites par télécopie parvenaient au Conseil constitutionnel ainsi qu'un certain nombre de nouvelles signatures.

Il revenait donc en premier lieu au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la régularité de sa saisine et de résoudre ainsi deux questions : celle de la validité de la saisine par télécopie, celle du sort devant être réservé à des déclarations d'intention qui peuvent paraître assimilables à des désistements.

Le Conseil constitutionnel a retenu, d'une part, qu'il appartenait aux auteurs des saisines de permettre par une signature manuscrite, l'authentification des requêtes qu'ils entendaient lui adresser.

D'autre part, il a indiqué que sa saisine par les parlementaires résultait indivisiblement d'une ou plusieurs lettres signées par au moins soixante députés ou soixante sénateurs, et que par l'effet de cette saisine il lui appartenait de mettre en oeuvre avant la clôture de la procédure législative, la vérification de toutes les dispositions d'une loi déférée, et a relevé par ailleurs que ni la Constitution, ni l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ne prévoient la possibilité pour les autorités ou parlementaires habilités à déférer une loi au Conseil constitutionnel de le dessaisir ; il a toutefois fait réserve des cas d'erreur matérielle, de fraude ou de vice de consentement ; en l'espèce, aucune de ces circonstances n'étant alléguée, le Conseil devait donc poursuivre l'examen de la loi de finances rectificative pour 1996.

Par cette appréciation de son rôle, le Conseil constitutionnel a confirmé sa décision n° 85-197 DC du 23 janvier 1985.

Dans un deuxième temps, le Conseil constitutionnel a vérifié sur le fond la constitutionnalité de l'article 14 de la loi critiqué par les saisissants. Il a considéré que cette disposition, qui insère un article L. 253 sexies dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux termes duquel "ont vocation à la qualité de combattant dans les conditions prévues à l'article R. 227 les Français ayant pris une part effective à des combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole entre le 17 juillet 1936 et le 27 février 1939 " d'une part pouvait figurer dans la loi de finances comme ayant des incidences directes sur les charges de l'Etat, et d'autre part n'était contraire à aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Enfin le Conseil constitutionnel a soulevé d'office deux questions de conformité à la Constitution et a en conséquence prononcé deux censures. Le Conseil a ainsi fait application en premier lieu de sa jurisprudence relative aux "cavaliers budgétaires" en déclarant étranger à l'objet des lois de finances tels que défini par l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, l'article 55 de la loi qui modifiant l'article

L. 791-10 du code de la santé publique ouvrait à l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé la faculté de recruter des agents contractuels de droit privé pour occuper des fonctions permanentes ou occasionnelles de caractère scientifique ou technique.

En second lieu, il a censuré, comme adopté selon une procédure contraire à la Constitution, l'article 59 de la loi qui avait pour objet de valider, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la délibération n° 94-142 du 8 décembre 1994 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française portant institution de la contribution de solidarité territoriale et les impositions perçues par le territoire de la Polynésie française en application de ladite délibération en tant que leur régularité serait mise en cause sur le fondement de cette dernière.

Le Conseil constitutionnel a considéré que si la validation était possible, sous réserve du respect des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'existence d'un but d'intérêt général, seule une loi organique pouvait toutefois y procéder s'agissant d'un régime d'impositions relevant de la compétence des autorités territoriales en application de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Le Conseil reprend ainsi la solution jurisprudentielle qu'il avait dégagée dans sa décision n° 95-364 DC du 8 février 1995 et de laquelle il résulte que si le législateur intervient même ponctuellement dans le domaine de compétence d'un territoire d'outre-mer, pour valider une délibération ou des actes subséquents, la disposition de validation revêt un caractère organique en application du deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution et doit donc figurer dans une loi organique.