Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 novembre 1996, par 63 députés, de la première loi de financement de la sécurité sociale, relative à l'année 1997. Les lois de financement, instituées par la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996, ont vu leur champ d'application et leur procédure d'adoption précisés par la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996. Leur objet est de déterminer les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, de fixer ses objectifs de dépenses (cf. : avant-dernier alinéa de l'article 34, nouveau, de la Constitution).
Les griefs des requérants portaient exclusivement sur la méconnaissance par le législateur du champ d'application de ces lois, un certain nombre de dispositions n'ayant pas, selon eux, à figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale, dont l'objet a été strictement défini tant par le constituant que par le législateur organique, mais dans une loi simple.
Le Conseil constitutionnel a, tout d'abord, opposé une fin de non-recevoir aux critiques dirigées contre les dispositions résultant d'amendements présentés devant le Parlement, transposant ainsi aux lois de financement la jurisprudence dite du "préalable parlementaire" dégagée, en matière de lois de finances, à propos des articles 40 de la Constitution et 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Il a en premier lieu rappelé que l'article L.O. 111-3 de la sécurité sociale, issu de l'article 1er de la loi organique précitée du 22 juillet 1996, qui définit le champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale, prévoit, en son dernier alinéa, que les amendements non conformes à cette définition sont irrecevables. Il a en second lieu relevé que les règlements tant de l'Assemblée nationale que du Sénat ont explicitement prévu, lors de leur modification destinée à tenir compte de l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, les modalités selon lesquelles s'exerce, notamment à la diligence de tout parlementaire, le contrôle des amendements aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, et conclu que, dans ces conditions, "le Conseil constitutionnel ne [pouvait] être directement saisi de la conformité d'une disposition d'une loi de financement de la sécurité sociale à l'article L.O. 111-3 précité lorsque cette disposition est issue d'un amendement dont la question de la recevabilité n'a pas été préalablement soulevée devant le Parlement".
Le Conseil constitutionnel a ensuite estimé que les autres dispositions contestées avaient bien leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale, examinant leur constitutionnalité non seulement au regard de l'article 34 de la Constitution dans sa rédaction issue de la réforme constitutionnelle, mais également au regard de la loi du 22 juillet 1996 " qui constitue la loi organique visée par l'article 34 de la Constitution ". C'est le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique précitée, qui a défini le contenu des lois de financement comme devant se limiter aux " dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application de lois de financement de la sécurité sociale ", disposition qui, dans la décision n° 96-379 DC du 16 juillet 1996, a fait l'objet d'une réserve d'interprétation, le Conseil rappelant que le constituant s'était borné à viser " les conditions générales de l'équilibre financier ".
C'est donc au regard de ces deux dispositions -article 34 de la Constitution et III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par la décision du 16 juillet 1996 - que le Conseil a examiné, pour les rejeter, les griefs présentés.
Les premières avaient trait à l'assiette et aux modalités de recouvrement de la contribution sociale généralisée assise sur certaines catégories de revenus. Or la contribution sociale généralisée entre dans la catégorie des " impositions de toutes natures " prévue à l'article 34 de la Constitution dont il appartient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement (décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990). Dès lors que "son produit est appelé à concourir de façon significative à l'équilibre des régimes obligatoires de base", que "la détermination de son assiette a une incidence directe sur le volume de ses recettes", et que "les règles relatives aux conditions de son recouvrement garantissent l'application effective des règles d'assiette", les dispositions critiquées la concernant pouvaient figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Les requérants estimaient, en second lieu, que certaines dispositions, "strictement rédactionnelles", étaient étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel n'a pas épousé ce point de vue. Certaines de ces dispositions, en effet, constituaient des mesures de coordination indissociables d'autres dispositions de la loi et ne pouvaient, en tant que telles, être arguées d'inconstitutionnalité. Les autres étaient dépourvues de portée normative et leur objet ne pouvait donc être utilement contesté.