Conseil constitutionnel

  • Commentaire QPC

Commentaire de la décision 2025-1128 QPC

12/04/2025

Conformité

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 3 janvier 2025 par le Conseil d’État (décision n° 498210 du 27 décembre 2024) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l’association des avocats pénalistes portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier (CMF), dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

 

Dans sa décision n° 2025–1128 QPC du 21 mars 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « et au recueil, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 621-10 et L. 621-11, des explications des personnes sollicitées sur place » figurant au premier alinéa de l’article L. 621-12 du CMF, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions renvoyées

 

A. – Objet des dispositions renvoyées

 

1. – Les pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’AMF

 

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité publique indépendante, chargée de veiller à la protection de l’épargne investie, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers11

 

Pour accomplir sa mission de régulation, elle dispose de trois pouvoirs distincts :

 

- un pouvoir de contrôle et d’enquête, dont l’initiative relève du secrétaire général ;

- un pouvoir d’engagement des poursuites, qui appartient au collège de l’AMF ;

 

- un pouvoir de sanction, qui relève de la commission des sanctions de l’AMF.

 

* La procédure applicable aux contrôles et aux enquêtes est définie aux articles L. 621-9 à L. 621-12-1 du CMF, que viennent compléter les articles R. 621-31 à R. 621-36 du même code, ainsi que les articles 142-1 à 144-4 du règlement général de l’AMF2.

 

Ces pouvoirs peuvent être mis en œuvre par les agents de l’AMF afin de garantir le respect par certaines entités et personnes3 de leurs obligations professionnelles, ou encore pour s’assurer de la régularité de certaines offres et opérations effectuées notamment sur les marchés financiers4. Peuvent ainsi être recherchés des faits susceptibles de caractériser un abus de marché (opérations d’initiés, manipulation de cours, diffusion de fausses informations) ou un manquement de nature à porter atteinte à la protection ou à l’information des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. 

 

L’ouverture d’une enquête est décidée par le secrétaire général de l’AMF à la suite d’un signalement provenant le plus souvent de la direction des données et de la surveillance des marchés5 ou de l’une des autres directions de cette autorité6. Elle peut également faire suite à une plainte ou un signalement qui lui est adressé par un tiers.

 

* Pour l’exercice de leurs missions, les enquêteurs de l’AMF7 disposent, tout d’abord, de pouvoirs qui leur sont expressément reconnus par la loi.

 

En application de l’article L. 621-10 du CMF, ils peuvent ainsi, « pour les nécessités de l’enquête » :

 

- se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support ;

 

- convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations8 ;

 

- accéder aux locaux à usage professionnel, sans qu’il soit exigé des enquêteurs qu’ils justifient de motifs particuliers pour y procéder, et recueillir les explications des personnes sur place.

 

Ils disposent également de la faculté de recourir, sous certaines conditions, à une identité d’emprunt numérique pour accéder à certaines informations et éléments disponibles sur internet9.

 

La mise en œuvre de ces pouvoirs est entourée de plusieurs garanties. Les juges civils et administratifs veillent notamment à ce que les enquêtes se déroulent de façon loyale10, dans des conditions garantissant qu’il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont notifiés lorsque le prononcé de sanctions est envisagé à leur encontre11.

 

* Outre ces pouvoirs d’application générale, les enquêteurs de l’AMF disposent, pour la recherche de certaines infractions, de pouvoirs d’investigation spécifiques qui ont un caractère « coercitif »12, mais qui ne peuvent toutefois être mis en œuvre que sous le contrôle de certaines autorités.

 

Les enquêteurs bénéficient à ce titre d’un droit de communication des données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication, qui s’exerce désormais sous le contrôle d’un contrôleur des demandes de données de connexion13.

 

Ils peuvent également procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), à des visites domiciliaires.

 

2. – Le régime spécifique des visites domiciliaires

 

a. – Les actes pouvant être effectués par les enquêteurs dans le cadre de ces visites

 

Prévue depuis 1989 pour renforcer les capacités d’investigation des enquêteurs de la commission des opérations de bourse en matière de délits boursiers14, la faculté de procéder à des visites domiciliaires a été transférée aux enquêteurs de l’AMF lors de sa création en 200315.

 

Ainsi qu’a pu le préciser la Cour de cassation, une telle visite, qui a « pour seul but de rechercher la preuve d’agissements contraires à la loi », n’est pas « un acte de poursuite »16

 

Le régime de ces visites est prévu par l’article L. 621-12 du CMF.

 

* Le premier alinéa de cet article (les dispositions objet de la décision commentée) détermine, tout d’abord, les catégories d’infractions susceptibles d’être recherchées dans le cadre de ces visites17, soit :

 

- d’une part, les infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du CMF, c’est-à-dire les délits d’initié, de recommandation ou d’incitation, de communication d’une information privilégiée, de manipulation de cours, de diffusion de fausses informations ou de manipulation d’indices18 ;

 

- d’autre part, les faits susceptibles d’être qualifiés de délit contre les biens et d’être sanctionnés par la commission des sanctions de l’AMF en application de l’article L. 621-15 du CMF19.

 

Les visites doivent être autorisées par une ordonnance du JLD du tribunal dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, sur demande motivée du secrétaire général de l’AMF. Le juge « doit vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’Autorité de nature à justifier la visite ».

 

Cette ordonnance autorise les enquêteurs à :

 

- effectuer des visites en tous lieux ;

 

- procéder à la saisie de documents ;

 

- recueillir les explications des personnes sollicitées sur place.

 

* Cette dernière possibilité pour les enquêteurs de recueillir les explications des personnes sollicitées sur place lors d’une visite domiciliaire a été introduite par l’article 36 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires20.

 

Il s’agissait, selon l’étude d’impact du projet de loi à l’origine de ce texte, « d’autoriser les enquêteurs à recueillir les explications des personnes lors des visites sur place, pratique qui avait déjà cours mais qui a fait l’objet de positions diverses des juridictions de recours et, dans leur dernier état, défavorables à l’AMF » 21. L’objectif poursuivi par le législateur était dès lors « de sécuriser la procédure et la situation des personnes visitées par le rappel clair des droits dont elles peuvent se prévaloir à cette occasion »22.

 

Les personnes dont les explications sont ainsi susceptibles d’être recueillies ne sont pas limitativement énumérées : il peut s’agir de toute personne se trouvant dans les locaux visités23.

 

b. – Les garanties entourant cette procédure

 

* En application de l’article L. 621-12 du CMF, les visites domiciliaires effectuées par les enquêteurs de l’AMF doivent être assorties de garanties particulières, proches de celles qui s’appliquent à de telles visites ordonnées, par exemple, à des fins de recherche d’agissements constitutifs de fraude fiscale24.

 

L’ordonnance du JLD, qui est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant25, doit mentionner la possibilité de faire appel à un conseil de leur choix et préciser le délai et la voie de recours ouverte à l’encontre de cette opération26.

 

La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du JLD, qui peut se rendre dans les locaux pendant l’intervention et décider, à tout moment, la suspension ou l’arrêt de la visite27.

 

Celle-ci ne peut commencer avant 6 heures ou après 21 heures et doit être effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant ou, à défaut, en présence de deux témoins désignés par l’officier de police judiciaire (OPJ)28. Ce dernier veille, par ailleurs, au respect du secret professionnel et des droits de la défense29.

 

* Le recueil des explications des personnes sur place par les enquêteurs de l’AMF doit s’effectuer « dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 621-10 et L. 621-11 », lesquels renvoient la définition de ces modalités à un décret en Conseil d’État30.

 

À cet égard, le dernier alinéa de l’article R. 621-34 du CMF prévoit que le recueil d’explications ne peut avoir lieu sur place que sous réserve, d’une part, que la personne sollicitée par les enquêteurs de l’AMF ait été « expressément informée du droit de se faire assister du conseil de son choix » et, d’autre part, qu’elle ait en outre « expressément renoncé au bénéfice du délai prévu en cas de convocation ».

 

Un procès-verbal et un inventaire des pièces et documents saisis31 sont établis à l’issue de la visite et adressés au juge qui a délivré l’ordonnance32. Une copie est également remise à l’occupant des lieux ou à son représentant33.

 

Des garanties spécifiques touchant à la nature de certains lieux peuvent également s’appliquer34.

 

3. – Les suites de l’enquête

 

* La procédure suivie devant l’AMF se déroule selon plusieurs phases conduites par des organes distincts. C’est ainsi que, à l’issue de l’enquête35, peuvent se succéder une phase de poursuite, puis, le cas échéant, une instruction et une phase de sanction.

 

– Conformément au paragraphe I de l’article L. 621-15 du CMF, le collège de l’AMF examine le rapport d’enquête établi par les services compétents36. Il décide sur cette base des suites qu’il convient de lui donner (ouverture d’une procédure de sanction, proposition de transaction, transmission au parquet, rappel de la réglementation ou classement sans suite).

 

Lorsque le collège décide d’ouvrir une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées et transmet cette notification à la commission des sanctions de l’AMF37. C’est avec la notification des griefs, qui correspond à l’acte de poursuite, que s’ouvre la phase contradictoire de la procédure de sanction au cours de laquelle la personne est « mise en cause » et s’appliquent notamment les garanties conventionnelles du droit à un procès équitable38.

 

– Le président de la commission des sanctions désigne un rapporteur, membre de la commission des sanctions, qui peut procéder à toutes diligences utiles aux fins d’instruction, et notamment entendre la personne mise en cause39.

 

– Sous réserve que les faits ne soient pas prescrits40, la commission des sanctions peut ensuite prononcer, sur décision motivée rendue au terme d’une procédure contradictoire et après avoir entendu la personne concernée ou son représentant41, les sanctions prévues aux paragraphes III à III ter de l’article L. 621-15 du CMF.

 

*

 

S’il ressort ainsi du premier alinéa de l’article L. 621-12 du CMF que les enquêteurs de l’AMF peuvent recueillir les explications d’une personne sollicitée sur place au cours d’une visite domiciliaire, ni cet article ni aucune autre disposition ne prévoient que cette personne est informée, dans ce cadre, de son droit de se taire42.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

L’association des avocats pénalistes avait formé un recours en annulation devant le Conseil d’État contre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté une demande d’abrogation des articles R. 621-34, R. 621-35 et R. 621-36 du CMF. Ces dispositions réglementaires ayant été prises sur le fondement notamment de l’article L. 621–12 du CMF, l’association requérante avait soulevé à cette occasion une QPC portant sur cet article.

 

Par sa décision du 27 décembre 2024 précitée, le Conseil d’État avait considéré que « Le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 621–12 du code monétaire et financier portent atteinte au principe énoncé [selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire] en ce qu’elles ne prévoient pas l’obligation de notification préalable de son droit de se taire à la personne dont les explications sont sollicitées sur leur fondement, qui pose notamment la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelle mesure [ce principe] trouve à s’appliquer lors des enquêtes menées par une autorité administrative indépendante ou une autorité publique indépendante chargée d’une mission de régulation en vue de recueillir des éléments susceptibles d’être utilisés dans le cadre d’une procédure de sanction engagée ultérieurement, présente un caractère sérieux ». Il avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

* L’association requérante reprochait aux dispositions renvoyées de ne pas prévoir que la personne sollicitée pour donner des explications aux enquêteurs de l’AMF lors d’une visite domiciliaire est informée de son droit de se taire, alors même que cette dernière peut par la suite être mise en cause dans une procédure devant l’AMF ou devant le juge pénal et que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à leur connaissance. Il en résultait, selon elle, une méconnaissance du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Elle soutenait en outre que, pour les mêmes motifs, le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant ce droit.

 

* Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait uniquement sur les mots « et au recueil, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 621-10 et L. 621-11, des explications des personnes sollicitées sur place » figurant au premier alinéa de l’article L. 621-12 du CMF (paragr. 4).

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative au droit de ne pas s’accuser au et au droit de se taire

 

Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe selon lequel « nul n’est tenu de s’accuser », qu’il a rattaché à l’article 9 de la Déclaration de 1789 relatif à la présomption d’innocence. Il en a aussitôt précisé la portée en relevant que ce principe « n’interdit [pas] à une personne de reconnaître librement sa culpabilité »43. Le commentaire de cette décision précise qu’aucune exigence constitutionnelle « ne fait obstacle à ce qu’une personne reconnaisse sa culpabilité si elle le fait volontairement, consciemment et librement, c’est-à-dire en dehors de tout "chantage", de tout "marchandage", de tout malentendu et de toute contrainte ».

 

Le Conseil a par ailleurs jugé à plusieurs reprises que le droit de ne pas s’accuser doit être respecté « à l’égard des mineurs comme des majeurs »44.

 

* Dans sa décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser ce que recouvrait positivement le droit de ne pas s’accuser en reconnaissant, pour la première fois, qu’il en découle un « droit de se taire » en faveur de la personne mise en cause dans le cadre d’une garde à vue45.

 

Il était alors saisi de dispositions qui prévoyaient que ne pouvait constituer une cause de nullité de procédure le fait que la personne gardée à vue ait été entendue après avoir prêté serment. Il a d’abord relevé qu’en l’état du droit alors applicable lors d’une commission rogatoire, il était possible d’imposer à une personne, placée en garde à vue et qui s’était vue notifier le droit de se taire, d’être auditionnée et de prêter le serment prévu pour les témoins de dire toute la vérité. Il a jugé que « Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de "dire toute la vérité, rien que la vérité" peut être de nature à lui laisser croire qu’elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l’information qu’elle a reçue concernant ce droit. Dès lors, en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d’une audition réalisée sous serment lors d’une garde à vue dans le cadre d’une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée »46.

 

* Puis, dans sa décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les circonstances dans lesquelles, en dehors du cadre particulier de la garde à vue, une personne mise en cause dans une affaire pénale doit être informée de son droit de se taire.

 

Le Conseil était en l’occurrence saisi des dispositions organisant la comparution préalable du prévenu majeur devant le JLD, en vue de son placement en détention provisoire dans l’attente de son jugement en comparution immédiate. Pour conclure à la censure de ces dispositions, il a été conduit à tenir compte, à la fois, de l’office du JLD dans le cadre de cette comparution et des conditions dans lesquelles les déclarations de la personne poursuivie pouvaient être recueillies et utilisées, le cas échéant contre elle, dans la suite de la procédure.

 

En premier lieu, le Conseil a considéré que « l’office confié au juge des libertés et de la détention par l’article 396 du [code de procédure pénale (CPP)] peut le conduire à porter une appréciation des faits retenus à titre de charges par le procureur de la République dans sa saisine »47. En second lieu, il a relevé que, lorsqu’il présente ses observations, « le prévenu peut être amené à reconnaître les

faits qui lui sont reprochés. En outre, le fait même que le juge des libertés et de la détention invite le prévenu à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire »48.

 

Le Conseil a alors constaté que « si la décision du juge des libertés et de la détention est sans incidence sur l’étendue de la saisine du tribunal correctionnel, en particulier quant à la qualification des faits retenus, les observations du prévenu sont susceptibles d’être portées à la connaissance de ce tribunal lorsqu’elles sont consignées dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou le procès-verbal de comparution »49.

 

* Depuis cette décision, le Conseil constitutionnel retient, pour le contrôle du respect de l’exigence résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789, une grille d’analyse qui repose sur trois critères, quelle que soit la nature de la procédure répressive en cause – pénale ou non –, même si le Conseil a par ailleurs admis que cette exigence pouvait se décliner différemment en fonction du type de procédure :

 

– en premier lieu, il s’intéresse au cadre dans lequel la personne mise en cause est entendue, en s’assurant du rôle de l’autorité compétente pour interroger cette dernière ou recueillir ses observations et en vérifiant que cette autorité est susceptible de la conduire à évoquer avec la personne concernée les faits qui lui sont reprochés. Le Conseil tient compte, selon les cas, de l’office du juge dans la procédure, qui peut le conduire à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charge contre la personne poursuivie, ou de la mission incombant à l’autorité chargée d’effectuer une mesure d’instruction ;

 

– en deuxième lieu, le Conseil s’attache aux conditions dans lesquelles la personne mise en cause est entendue. À cet égard, le Conseil vérifie que la personne peut être amenée à s’exprimer et, compte tenu de l’objet de l’audition ou de l’interrogatoire, à s’auto-incriminer. Lorsque l’audition ou la comparution s’impose à l’intéressé, le Conseil peut en outre relever que les conditions de cette audition ou comparution peuvent être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire ;

 

– en dernier lieu, et de manière déterminante, le Conseil s’attache à la circonstance que les observations de l’intéressé, ses déclarations ou les réponses apportées aux questions de l’autorité compétente sont susceptibles d’être portées, directement ou in fine (selon le stade de la procédure où il est entendu), à la connaissance de la juridiction de jugement ou de l’autorité investie du pouvoir de sanction.

 

Depuis la décision n° 2020-886 QPC précitée du 4 mars 2021, le Conseil a été amené à appliquer cette grille d’analyse à plusieurs reprises : à propos de dispositions relatives à la procédure pénale, il a ainsi confirmé et affiné son contrôle de l’exigence de notification du droit de se taire (a.). Il a également étendu, tout en l’adaptant, cette exigence à la matière disciplinaire (b.).

 

1. – Le contrôle de l’exigence de notification du droit de se taire en matière pénale

 

Le Conseil constitutionnel a d’abord été amené à statuer sur différentes dispositions intéressant la procédure pénale, qui relève de la compétence exclusive du législateur en application de l’article 34 de la Constitution.

 

* En cette matière, il a considéré que le droit de se taire doit être notifié non seulement à la personne poursuivie entendue par le magistrat instructeur, le JLD ou encore la chambre de l’instruction au cours de l’information judiciaire50 ou dans l’attente de son jugement51, mais aussi à la personne suspectée lorsqu’elle est entendue au cours de l’enquête policière.

 

C’est ainsi que, dans sa décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, saisi des dispositions de l’article 77-1 du CPP prévoyant que le procureur de la République peut, dans le cadre d’une enquête préliminaire, requérir une personne qualifiée pour procéder à l’examen psychologique ou psychiatrique de la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction afin, notamment, de s’assurer des conditions préalables à l’exercice des poursuites, le Conseil a censuré de telles dispositions en ce qu’elles ne prévoyaient pas la notification du droit de se taire à l’intéressé, après avoir constaté que, « Au cours de cet examen, la personne requise a la faculté d’interroger la personne mise en cause sur les faits qui lui sont reprochés. Cette dernière peut ainsi être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître sa culpabilité. / Or, le rapport établi à l’issue de cet examen, dans lequel sont consignées les déclarations de la personne mise en cause, est susceptible d’être porté à la connaissance de la juridiction de jugement »52.

 

Le Conseil a également censuré, dans sa décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, les dispositions du premier alinéa de l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante en ce qu’elles ne prévoyaient pas une telle information au mineur entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse aux fins d’établissement du rapport sur sa situation personnelle, qui est exigé, notamment, avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire ainsi qu’avant certaines décisions du juge des enfants ou du tribunal pour enfants53.

 

* Ainsi qu’il résultait déjà implicitement de ces décisions, le Conseil constitutionnel n’exige toutefois la notification du droit de se taire que dans l’hypothèse où la personne concernée est entendue sur des faits qui lui sont effectivement reprochés, ce qui présuppose qu’elle est mise en cause pénalement, que ce soit sous le statut de suspect (au cours de l’enquête policière), de mis en examen (au cours de l’instruction) ou de prévenu ou d’accusé (au stade du jugement).

 

Dans sa récente décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, le Conseil a eu l’occasion de souligner cette condition nécessaire au bénéfice de la garantie découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789, à propos de la procédure du « référé pénal environnemental ».

 

Cette procédure, qui vise à permettre à un magistrat du siège de constater, en urgence, la méconnaissance d’une prescription légale en matière environnementale afin qu’il puisse ordonner le cas échéant les mesures utiles pour y mettre fin, présente la particularité d’organiser l’audition de la personne concernée par ces mesures, sans que celle-ci ne soit alors nécessairement mise en cause pénalement pour les faits à l’origine de la saisine du juge en référé.

 

Après avoir constaté, au regard de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que « les mesures que [le JLD] peut ordonner ont pour seul objet de mettre un terme ou de limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire » et que « le prononcé de telles mesures n’est pas subordonné à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale », le Conseil en a déduit que « Les dispositions contestées n’ayant pas pour objet de prévoir l’audition par le juge d’une personne mise en cause pour les faits sur lesquels elle est entendue, elles n’impliquent pas que cette personne se voie notifier son droit de se taire »54.

 

Ce faisant, le Conseil a explicitement refusé de faire application de cette garantie dans une situation où la personne n’est pas mise en cause, de manière effective, pour les faits sur lesquels elle est entendue. Il a par ailleurs ajouté, en écho aux motifs de l’arrêt de renvoi de la QPC dans lequel la Cour de cassation avait mis en avant le simple « risque » ultérieur de poursuites pénales à l’encontre de l’intéressé, que « la seule circonstance que cette personne soit entendue sur des faits qui seraient susceptibles de lui être ultérieurement reprochés ne saurait être contestée sur le fondement des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 »55.

 

Le Conseil a cependant constaté que, dans certains cas, les dispositions contestées pourraient également trouver à s’appliquer à des personnes entendues par le JLD alors qu’elles sont déjà mises en cause dans une procédure pénale pour les faits qui donnent lieu à leur audition. Il a donc formulé une réserve d’interprétation imposant le respect de l’information relative au droit de se taire dans une telle situation, en énonçant que « ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître [les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789], permettre au juge des libertés et de la détention d’entendre la personne concernée sans qu’elle soit informée de son droit de se taire lorsqu’il apparaît qu’elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement »56.

 

Le commentaire de cette décision soulignait que cette décision « contribue ainsi à tracer la ligne de partage, dans la jurisprudence du Conseil, entre les situations justifiant la notification du droit de se taire et celles qui ne l’imposent pas, en excluant qu’une telle information puisse être réclamée par toute personne susceptible d’être mise en cause postérieurement à une audition devant un juge ou une autorité qui n’aurait pas été chargé de l’entendre sur des faits qui lui sont effectivement reprochés ».

 

2. – Le contrôle de l’exigence de notification du droit de se taire en matière disciplinaire

 

Depuis sa décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel juge que les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 attachées au droit de se taire ne se limitent pas à la seule procédure pénale, mais s’étendent également à la matière disciplinaire.

 

Après avoir considéré que « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition », le Conseil a ajouté qu’« elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire »57.

 

Il a ensuite confirmé, par plusieurs décisions, que les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 attachées au droit de se taire s’appliquent à la matière disciplinaire58, après s’être assuré le cas échéant que la procédure concernée relevait bien de la compétence du législateur en application de l’article 34 de la Constitution59.

 

Comme l’a précisé le commentaire de la décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024, à propos de l’application du droit de se taire dans le cadre de la procédure disciplinaire suivie à l’encontre des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature, si l’exigence ainsi formulée en matière disciplinaire ne se différencie pas, en substance, de celle que le Conseil constitutionnel applique en matière pénale, la référence à des « poursuites disciplinaires » signifie en revanche que la notification du droit de se taire ne s’impose constitutionnellement qu’à compter du moment où une procédure disciplinaire est effectivement engagée à l’encontre du professionnel mis en cause.

 

B. – L’application à l’espèce

 

Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel était amené à se prononcer, pour la première fois, sur l’exigence d’une information du droit de se taire, non dans le cadre d’une procédure pénale ou disciplinaire, comme il a déjà eu l’occasion d’en connaître à de nombreuses reprises ces dernières années, mais dans le cadre d’une enquête administrative diligentée par les services habilités d’une autorité publique indépendante chargée d’une mission de régulation.

 

Si le cadre procédural d’application du droit se taire était inédit du point de vue de la garantie constitutionnelle en cause ici, le fondement mobilisé ne l’était pas dans la mesure où le Conseil avait déjà admis plus largement que les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, sur la base duquel il contrôle le respect du droit de se taire, s’étendent aux sanctions ayant le caractère d’une punition que constituent notamment les sanctions pécuniaires susceptibles d’être prononcées par la commission des sanctions de l’AMF60.

 

* Dans la ligne de ses précédentes décisions, après avoir cité les termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 ainsi que sa formule de principe, selon laquelle il résulte de cet article le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, le Conseil a rappelé que « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition » (paragr. 5).

 

Au titre des normes constitutionnelles à l’aune desquelles il s’est prononcé, le Conseil a par ailleurs cité l’article 34 de la Constitution prévoyant la compétence du législateur pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques (paragr. 6).

 

Le Conseil constitutionnel a ensuite décrit et examiné les dispositions contestées. Après avoir indiqué qu’en application du premier alinéa de l’article L. 621-12 du CMF, les agents de l’AMF habilités à conduire des enquêtes peuvent être autorisés par le JLD à effectuer des visites en tous lieux, pour la recherche de certaines infractions (paragr. 7), il a précisé que ces enquêteurs peuvent, dans certaines conditions, recueillir les explications des personnes sollicitées sur place lors de ces opérations de visite (paragr. 8).

 

S’attachant au cadre applicable à la conduite de ces opérations, pour apprécier l’objet propre du droit de visite et des prérogatives reconnues aux enquêteurs, le Conseil a relevé, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation61 que le droit de visite « a pour seul objet de rechercher la preuve d’agissements contraires à la loi pour les nécessités de l’enquête » conduite par les agents de l’AMF. Il a rappelé, d’autre part, qu’aux termes mêmes de l’article L. 621-12 du CMF, afin de s’assurer que la demande d’autorisation est fondée, le JLD « vérifie que les éléments d’information en possession de l’AMF sont de nature à justifier la visite » (paragr. 9).

 

Cette première étape du raisonnement suivi ici par le Conseil appelle deux observations.

 

- Tout d’abord, et compte tenu de la nature même de la procédure suivie devant l’AMF, l’appréciation de la conformité à la Constitution des dispositions contestées supposait au préalable que le Conseil constitutionnel s’assure que la garantie que l’association requérante reprochait au législateur de ne pas avoir prévue relevait bien de la compétence de celui-ci.

 

Ainsi que le révèle la citation du deuxième alinéa de l’article 34 de la Constitution parmi les normes de référence, le Conseil a implicitement considéré que tel était le cas en l’espèce.

 

Bien que les règles applicables à une enquête administrative relèvent en principe du pouvoir réglementaire, la possibilité reconnue aux enquêteurs de l’AMF de solliciter les explications d’une personne à l’occasion d’opérations de visite est en effet susceptible de mettre en cause « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », dès lors notamment que de telles opérations peuvent être de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée ou encore à l’inviolabilité du domicile.

 

- Ensuite, pour apprécier si le respect des exigences résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 imposait en l’espèce qu’une information du droit de se taire soit faite à la personne sollicitée dont les explications sont recueillies, le Conseil constitutionnel devait rechercher si cette personne pouvait être regardée comme effectivement mise en cause dans le cadre de la procédure conduite par les enquêteurs de l’AMF.

 

Sur ce point, et à l’instar du constat qu’il avait pu opérer dans sa récente décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, à propos du « référé pénal environnemental », le Conseil n’a pu que constater que ni la lettre des dispositions contestées, ni la jurisprudence de la Cour de cassation ne subordonnent l’exercice du droit de visite à la caractérisation de soupçons contre la personne dont les explications pourraient être recueillies à l’occasion de cette mesure. Ce constat est d’ailleurs corroboré par l’économie générale des dispositions législatives applicables devant l’AMF, suivant lesquelles tant que son collège n’a pas décidé l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre de la personne concernée, via la notification des griefs, cette personne n’est pas officiellement « mise en cause » pour les faits qui ont donné lieu à enquête.

 

Après avoir observé que les dispositions contestées « n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre le recueil par les enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers des explications d’une personne sur des faits pour lesquels elle serait mise en cause », le Conseil a donc jugé qu’elles n’impliquent pas que cette personne se voie notifier son droit de se taire (paragr. 10).

 

Ce faisant, la décision ne fait qu’illustrer la « ligne de partage » que le Conseil avait tracée dans sa décision n° 2024-1111 QPC, entre les situations justifiant la notification du droit de se taire et celles qui ne l’imposent pas, en excluant qu’une telle information puisse être réclamée par toute personne susceptible d’être mise en cause postérieurement à une audition devant une autorité qui n’aurait pas été chargée de l’entendre sur des faits qui lui sont effectivement reprochés.

 

Le Conseil a par ailleurs précisé, dans le droit fil de cette décision, que « la circonstance que les explications recueillies puissent porter sur des faits qui seraient susceptibles de lui être ultérieurement reprochés dans le cadre d’une procédure de sanction ouverte par cette autorité ou d’une procédure pénale ne saurait être contestée sur le fondement des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 » (même paragr.).

 

Pour finir, le Conseil constitutionnel a observé qu’« il appartient en tout état de cause au juge compétent pour contrôler les opérations de visite et, le cas échéant, statuer sur leur régularité en cas de contestation, de s’assurer que le recueil des explications de la personne sollicitée sur place a lieu dans des conditions respectant la loyauté de l’enquête » (paragr. 11). Par ces motifs, le Conseil n’a fait que rappeler que le droit de visite s’exerce sous le contrôle, d’une part, du JLD, sous l’autorité duquel s’effectue la visite et, d’autre part, du juge administratif, compétent pour juger de la régularité des opérations de visite domiciliaire.

 

Le Conseil a dès lors écarté le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 à l’encontre des dispositions contestées, de même que le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant ces mêmes exigences (paragr. 12).

 

Les dispositions contestées ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 13).

 

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1 Article L. 621-1 du CMF. L’AMF a été créée par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière. Elle est issue de la fusion de trois institutions : la Commission des opérations de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers (CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF).

2 Le premier alinéa de l’article L. 621-6 du CMF prévoit que, pour l’exécution de ses missions, l’AMF prend un règlement général qui est publié au Journal officiel de la République française, après homologation par arrêté du ministre chargé de l’économie.

3 Mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du CMF.

4 Paragraphe I de l’article L. 621-9 du CMF.

5 Voir sur ce point AMF, La Charte de l’enquête, 27 septembre 2021. Cette direction est chargée d’analyser l’ensemble des transactions réalisées sur les titres cotés sur la place de Paris et l’activité des prestataires de services d’investissement. En outre, elle reçoit et analyse les déclarations d’opérations suspectes faites par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement auprès de l’AMF.

6 Par exemple, les directions des émetteurs ou des affaires comptables.

7 Habilités par le secrétaire général, les enquêteurs doivent satisfaire aux conditions d’intégrité, d’incompatibilité, de capacité et de compétence professionnelle définies à l’article R. 621-33 du CMF. Ils sont désignés parmi le personnel de l’AMF ou parmi des corps de contrôle extérieurs (commissaires aux comptes, experts inscrits sur une liste d’experts judiciaires, autorités compétentes). 

8 Ainsi que l’a jugé la commission des sanctions de l’AMF, la personne convoquée à une audition ne peut être contrainte d’y déférer (AMF, 6 août 2012, SAN-2012-12). Le f du paragraphe II de l’article L. 621-15 du CMF prévoit cependant que peut être sanctionné le refus de répondre à une convocation ou de donner accès à des locaux professionnels, sur demande des enquêteurs ou des contrôleurs et sous réserve de la préservation d’un secret légalement protégé et opposable à l’AMF.

9 Article L. 621-10-1 du CMF.

10 Cass. com., 1er mars 2011, n° 09-71.252.

11 CE, 15 mai 2013, Société Alternative Leaders France, n° 356054.

12 Conseil d’État, Les pouvoirs d’enquête de l’administration, Étude adoptée par l’assemblée générale le 15 avril 2021, pp. 63-64.

13 Article L. 621-10-2 du CMF.

14 Article 4 de la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier.

15 Les pouvoirs de visite domiciliaire reconnus à ses enquêteurs sont utilisés environ une quinzaine de fois par an (Conseil d’État, op. cit. p. 155).

16 Cass. com., 13 juin 2018, n° 16-25.415.

17 Le champ de ces infractions a été élargi par l’article 36 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Il ne concernait, jusqu’alors, que trois infractions pénales boursières : le délit de fausse information, le délit d’initié et la manipulation de cours.

18 L’article 705-1 du code de procédure pénale confère une compétence exclusive au procureur de la République financier et aux juridictions d’instruction de Paris pour la poursuite, l’instruction et le jugement de ces délits, qui peuvent être sanctionnés d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende (ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, conformément au A du paragraphe I de l’article L. 465-1 du CMF).

19 Voir sur ce point la liste des faits prévue au paragraphe II de l’article L. 621-15 du CMF.

20 Cette faculté a également été introduite, par le même article 36, pour les visites dans des locaux professionnels prévues à l’article L. 621-10 du CMF.

21 La Cour de cassation avait considéré que le recueil de déclarations spontanées par les enquêteurs de l’AMF, sans que l’intéressé ait pu expressément renoncer au bénéfice d’une convocation, ni que son droit de se faire assister par un conseil lui ait été rappelé, portait atteinte aux droits de la défense, et notamment au principe de loyauté dans l’administration de la preuve (Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-18.267).

22 Étude d’impact du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, n° 566, pp. 33-34.

23 Voir sur ce point, Maxime Galland, « Évolution des pouvoirs de l’AMF en matière d’enquête et de contrôle », Bulletin Joly Bourse, décembre 2013. Cet auteur explique que « Le législateur a souhaité sécuriser la procédure de recueil spontané d’information (…) en visant explicitement le cas où une personne est entendue sans avoir été préalablement dument convoquée en audition ».

24 Article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

25 Cinquième alinéa de l’article L. 621-12 du CMF.

26 Quatrième alinéa de l’article L. 621-12 du CMF. Le déroulement des opérations de visite ou de saisie est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure.

27 Le troisième alinéa de l’article L. 621-12 précise, à ce titre, que le JLD « désigne l’officier de police judiciaire chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Lorsque les opérations ont lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge des libertés et de la détention saisi peut se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national ».

28 Ces témoins sont choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’Autorité.

29 Conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du CPP.

30 Décret n° 2014-498 du 16 mai 2014 relatif à l’application de l’article L. 440-1 du code monétaire et financier et aux pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’Autorité des marchés financiers.

31 Selon le neuvième alinéa de l’article L. 621-12 du CMF, seuls les enquêteurs de l’Autorité, l’occupant des lieux ou son représentant et l’OPJ peuvent prendre connaissance des pièces avant leur saisie.

32 Le deuxième alinéa de l’article R. 621-35 précise, par ailleurs, qu’un procès-verbal distinct du procès-verbal de visite est dressé lorsque les enquêteurs ont procédé au recueil d’explications des personnes sollicitées sur place.

33 Le dernier alinéa de l’article L. 621-12 du CMF précise que « Les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité sont restitués à l’occupant des lieux ».

34 Le onzième alinéa de l’article L. 621-12 prévoit que « Lorsque la visite domiciliaire est effectuée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les dispositions des articles 56-1,56-2 ou 56-3 du code de procédure pénale, selon les cas, sont applicables ».

35 L’article 144-2-1 du règlement général de l’AMF prévoit qu’au terme de l’enquête, une lettre circonstanciée relatant les éléments recueillis par les enquêteurs est communiquée aux personnes susceptibles d’être ultérieurement mises en cause, lesquelles peuvent présenter des observations écrites dans un délai d’un mois.

36 L’article R. 621-36 du CMF prévoit que « Ce rapport indique notamment les faits relevés susceptibles de constituer des manquements aux règlements européens, au présent code, au code de commerce, au règlement général de l’Autorité des marchés financiers et aux règles approuvées par l’Autorité, des manquements aux autres obligations professionnelles ou une infraction pénale ».

37 Voir le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article L. 621-15 du CMF et l’article R. 621-38 du même code.

38 Conseil d’État, Les pouvoirs d’enquête de l’administration, op. cit., p. 204, où il est rappelé que, pour la Cour européenne des droits de l’homme, les droits de la défense ne s’appliquent qu’à la procédure de sanction elle‐même, à compter de la notification des griefs, et non aux actes d’enquête accomplis préalablement à celle‐ci, dès lors que l’enquête se déroule dans des conditions garantissant l’absence d’atteinte irrémédiable aux droits de la défense. Ainsi, dans sa décision du 15 mai 2013 (n° 356054) précitée, le Conseil d’État a jugé que la faculté pour l’AMF de procéder à des contrôles inopinés dans les locaux professionnels des entités mentionnés au paragraphe II de l’article L. 621‐9 du CMF ne portait pas une atteinte irrémédiable aux droits de la défense. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît un principe analogue.

39 Article R. 621-39 du CMF.

40 Le délai de prescription des poursuites de l’AMF est de six ans à compter du jour où le manquement a été commis, avec un butoir de douze années révolues pour les manquements occultes ou dissimulés (article L. 621–15, paragraphe I, deuxième alinéa).

41 Paragraphes II et IV de l’article L. 621-15 du CMF.

42 La commission des sanctions de l’AMF a jugé en ce sens, dans sa décision du 6 août 2012 précitée, que « si le droit de ne pas être contraint de contribuer à sa propre incrimination doit être respecté dans le cadre de l’enquête qui précède la saisine de la Commission des sanctions, ni le code monétaire et financier, ni le règlement général de l'AMF, ne font obligation aux enquêteurs de signifier à la personne auditionnée qu’elle a le droit de se taire lors de son audition, qui ne peut, en tout état de cause, être contrainte et repose sur le bon vouloir de l’auditionné ».

43 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 110. Sur la valeur constitutionnelle du principe, voir également la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C. (Fichier empreintes génétiques), cons. 17.

44 Décisions n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 27, et n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 10.

45 Décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, Mme Sylvie T. (Absence de nullité en cas d’audition réalisée sous serment au cours d’une garde à vue), paragr. 5. Jusqu’à cette décision, le droit de se taire n’avait été abordé par le Conseil constitutionnel que sous l’angle de sa notification, selon qu’elle était prévue ou non, dans le cadre particulier de la garde à vue. Le Conseil l’avait alors reconnu comme une garantie participant aux droits de la défense. Sur ce point, voir les décisions n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 28, et n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014, M. Nadav B. (Report de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées), cons. 13.

46 Décision n° 2016-594 QPC précitée, paragr. 8.

47 Décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, M. Oussama C. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention en cas de comparution immédiate), paragr. 7.

48 Ibid., paragr. 8.

49 Ibid., même paragr.

50 Voir les décisions n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, M. Francis S. et autres (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant la chambre de l’instruction), n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021, M. Al Hassane S. (Information du prévenu ou de l’accusé du droit qu’il a de se taire devant les juridictions saisies d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté), n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021, M. Rabah D. (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d’une procédure d’instruction), et n° 2024-1089 QPC du 17 mai 2024, M. Christophe M. (Information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lorsqu’elle présente des observations ou des réponses écrites au juge d’instruction saisi d’un délit de diffamation ou d’injure).

51 Voir notamment les décisions n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021 précitée et n° 2021-934 QPC du 30 septembre 2021, M. Djibril D. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal).

52 Décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, M. Roger C. (Information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lors d’un examen réalisé par une personne requise par le procureur de la République - Information du tuteur ou du curateur de la possibilité de désigner un avocat pour assister un majeur protégé entendu librement), paragr. 10 et 11.

53 Décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, M. Mohamed H. (Information du mineur du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse).

54 Décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre (Information de la personne entendue par le juge des libertés et de la détention dans le cadre du « référé pénal environnemental » du droit qu’elle a de se taire), paragr. 9.

55 Ibid., même paragr.

56 Ibid., paragr. 10.

57 Décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, M. Renaud N. (Information du notaire poursuivi du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire), paragr. 9.

58 Voir les décisions n° 2024–1097 QPC du 26 juin 2024, M. Hervé A. (Information du magistrat mis en cause du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire), n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, M. Yannick L. (Information du fonctionnaire du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire), et n° 2024-1108 QPC du 18 octobre 2024, M. Philippe V. (Information du membre d’une chambre régionale des comptes poursuivi sur le droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire).

59 Le Conseil s’est par exemple fondé, pour statuer sur des dispositions auxquelles il était reproché ne pas avoir prévu une telle garantie pour des fonctionnaires poursuivis disciplinairement, sur l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État (décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, M. Yannick L. [Information du fonctionnaire du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire], paragr. 10).

60 Voir par exemple, implicitement, la décision n° 2021-965 QPC du 28 janvier 2022, Société Novaxia développement et autres (Sanction des entraves aux contrôles et enquêtes de l’Autorité des marchés financiers).

61 Voir, notamment, Cass. com., 13 juin 2018, précité.