Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juillet 2024 par le Conseil d’État (décision n° 490717 du 24 juillet 2024) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Philippe V. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 223-2 du code des juridictions financières (CJF), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, et de l’article L. 223–4 du même code, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières.
Dans sa décision n° 2024–1108 QPC du 18 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 223-2 du CJF, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2001 précitée, et le dernier alinéa de l’article L. 223-4 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2016 précitée.
I. – Les dispositions renvoyées
A. – Objet des dispositions renvoyées
1. – Les missions et le statut des membres des chambres régionales des comptes
* Les chambres régionales des comptes (CRC) sont des juridictions administratives spécialisées qui ont été créées par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite loi « Defferre », en contrepartie de l’allégement, résultant de la décentralisation, des contrôles a priori sur les actes des collectivités territoriales. L’article 84 de cette loi, repris à l’article L. 210-1 du CJF1, prévoyait ainsi qu’ « Il est créé dans chaque région une chambre régionale des comptes ». Dès 1983, chaque région et chaque département d’outre–mer a ainsi été pourvu d’une telle chambre.
Ces chambres participent, avec la Cour des comptes2, des juridictions financières. Chargées de juger « l’ensemble des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, des établissements publics régionaux ainsi que les comptes des personnes […] déclarées comptables de fait », mais également d’apprécier le « bon emploi des crédits, fonds et valeurs », ces juridictions se voient confier le contrôle de la régularité comptable des opérations financières et de la gestion publique locales3.
Dans ce cadre, les CRC ont pour principales missions de contrôler les comptes et procéder à l’examen de la gestion4, contrôler les actes budgétaires ainsi que certaines conventions et actes spécifiques5, et évaluer les politiques publiques territoriales6.
* Pour réaliser ces missions, leurs membres disposent d’un statut particulier, initialement prévu par la loi n° 82-595 du 10 juillet 1982 relative aux présidents des chambres régionales des comptes et au statut des membres des chambres régionales des comptes, et qui est actuellement codifié aux articles L. 220–1 à L. 220-15 du CJF7.
L’article L. 220-1 dispose que « Les membres des chambres régionales des comptes constituent un corps de magistrats. / Ils sont inamovibles. En conséquence, nul magistrat des chambres régionales des comptes ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement. / Les magistrats ne peuvent, en dehors de leurs fonctions, être requis pour d’autres services publics que le service national »8.
L’article L. 220-2 précise par ailleurs que « Le statut des magistrats des chambres régionales des comptes est régi par le présent titre et, pour autant qu’elles n’y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l’État ».
À la différence des magistrats de l’ordre judiciaire, qui sont expressément exclus du domaine d’application du code général de la fonction publique (CGFP)9, le statut général de la fonction publique s’applique ainsi aux membres des chambres régionales des comptes comme à tous les fonctionnaires civils, sous réserve des dispositions spécifiquement prévues par le CJF, notamment en ce qui concerne leur régime disciplinaire.
2. – Le régime disciplinaire des membres des chambres régionales des comptes
* Les membres des chambres régionales des comptes comptant au nombre des agents publics, l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », est traditionnellement présenté comme fondant leur responsabilité non seulement à l’égard des administrés, mais également de la collectivité publique qui les emploie, en cas de manquement à leurs obligations professionnelles10.
L’action disciplinaire qui peut résulter d’un tel manquement se distingue de l’action publique ou de l’action civile. D’une part, elle peut s’exercer en dehors de tout crime ou délit, dès lors que sa cause est la faute professionnelle. D’autre part, à la différence de l’action civile, elle n’a pas pour objet le versement de dommages et intérêts11. En effet, la sanction disciplinaire ne vient pas réparer un préjudice12, mais tirer les conséquences d’un manquement au regard du bon fonctionnement du service13.
À cet égard, l’article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors », aujourd’hui codifié à l’article L. 530-1 du CGFP, définit la faute disciplinaire comme « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions […] »14. Une telle faute expose ainsi l’agent à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi ou le règlement, si elle est par ailleurs constitutive d’une infraction pénale15.
Ces dispositions, qui ne font pas l’énumération des fautes disciplinaires pouvant être reprochées au fonctionnaire16, laissent à l’autorité compétente une large marge d’appréciation tant pour l’engagement de l’action disciplinaire que pour le choix de la sanction.
* À la différence de la majeure partie des fonctionnaires civils dont le régime disciplinaire relève, pour l’essentiel, de décrets d’application17, le législateur a, dès 1982, précisé lui-même le régime disciplinaire applicable aux membres des CRC.
Les dispositions de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1982 précitée, codifiées à article L. 223-1 du CJF, prévoient ainsi que le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats financiers est, comme pour les magistrats judiciaires du siège et les magistrats administratifs, confié à une instance dédiée, le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Ce conseil est saisi « des faits motivant la poursuite disciplinaire par le président de chambre régionale à laquelle appartient le magistrat concerné ou par le premier président de la Cour des comptes ».
En outre, reprenant les dispositions des articles 23 et 24 de la loi du 10 juillet 1982, les articles L. 223–3 à L. 223-5 du CJF définissent la procédure disciplinaire applicable, qui présente de nombreuses similitudes avec celle des magistrats du siège de l’ordre judiciaire ainsi que celle des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
a. – L’enquête
* Aux termes du premier alinéa de l’article L. 223-2 du CJF (les premières dispositions objet de la décision commentée), « La procédure devant le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes est contradictoire ». Ce principe impose qu’ « aucun magistrat des chambres régionales ne peut être frappé d’une sanction s’il n’a, au préalable, été mis à même de se défendre utilement sur les griefs retenus contre lui »18.
Alors que le deuxième alinéa de ce même article consacrait initialement le « droit du magistrat », dès la saisine du Conseil, « à la communication intégrale de son dossier et des pièces de l’enquête préliminaire », la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 est venue préciser que « Le magistrat est informé par le président du conseil supérieur, dès la saisine de cette instance », qu’il bénéficie de ce droit19. Il est en outre prévu « qu’il peut se faire assister par l’un de ses pairs et par un ou plusieurs défenseurs de son choix ».
Le troisième alinéa de l’article L. 223-2 énonce, quant à lui, que le président du Conseil supérieur désigne, parmi ses membres, un rapporteur, lequel procède, s’il y a lieu, à une enquête. Cette dernière illustre un autre principe traditionnel de la procédure disciplinaire, à savoir son caractère « inquisitoire » qui implique que « la charge de la preuve incombe à l’autorité qui engage la poursuite »20.
Le dernier alinéa du texte prévoit qu’au cours de cette enquête, le magistrat poursuivi doit être entendu par le rapporteur. Ce dernier a par ailleurs la possibilité d’entendre le plaignant et les témoins. Plus généralement, il est précisé qu’« Il accomplit tous actes d’investigations utiles ».
* Aux termes de l’article L. 223-3 du CJF, lorsqu’une enquête n’a pas été jugée nécessaire, ou lorsque l’enquête est terminée, le magistrat est cité à comparaître devant le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.
b. – L’audience disciplinaire
* L’article L. 223-4 du CJF (les secondes dispositions objet de la décision commentée) précise le déroulement de l’audience disciplinaire devant le Conseil supérieur21.
Son premier alinéa prévoit que le magistrat poursuivi, comme son conseil, ont droit à la communication du dossier, de toutes les pièces de l’enquête et du rapport établi par le rapporteur.
Si l’obligation de comparaître en personne n’est pas expressément énoncée, elle se déduit tant de l’absence de disposition organisant sa représentation que de la lettre du deuxième alinéa précisant que, « Si le magistrat ne comparaît pas, et à moins qu’il n’en soit empêché par force majeure, il peut néanmoins être statué et la procédure est réputée contradictoire ».
Le dernier alinéa de cet article prévoit par ailleurs qu’« Après lecture du rapport, le magistrat est invité à fournir ses explications ou moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés ».
* L’article L. 223-5 du CJF dispose enfin que le Conseil supérieur peut également entendre des témoins, et qu’il doit entendre ceux que le magistrat a désignés.
Il précise que le Conseil statue à huis clos et que sa décision est prise à la majorité des voix22. La décision motivée, rendue publique et notifiée au magistrat intéressé23, est susceptible d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.
B. – Origine de la QPC et question posée
* M. Philippe V., membre des chambres régionales des comptes, avait fait l’objet d’une procédure disciplinaire, à l’issue de laquelle le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes avait prononcé à son encontre la sanction d’exclusion temporaire des fonctions d’une durée de deux ans avec sursis.
Le requérant s’était pourvu en cassation contre cette décision et avait soulevé, à l’appui de son pourvoi devant le Conseil d’État, une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 223-2 et L. 223-4 du CJF.
Dans sa décision du 24 juillet 2024 précitée, le Conseil d’État avait considéré que « Le moyen tiré de ce que ces dispositions, en tant qu’elles organisent l’audition du magistrat de chambre régionale des comptes poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire sans prévoir qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de garder le silence, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, résultant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ». Il avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
* Le requérant reprochait aux dispositions renvoyées de ne pas prévoir que le magistrat poursuivi disciplinairement est informé de son droit de se taire lors de son audition par le rapporteur au cours de l’enquête, puis lors de sa comparution devant le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre. Il en résultait, selon lui, une méconnaissance des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
* Au regard de ce grief, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait uniquement sur la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 223-2 du CJF et sur le dernier alinéa de l’article L. 223-4 du même code (paragr. 4).
A. – La jurisprudence constitutionnelle
1. – La jurisprudence relative à la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire en matière disciplinaire
* Le Conseil constitutionnel juge, de manière constante, que la procédure applicable devant les instances disciplinaires relève, en principe, de la compétence du pouvoir réglementaire24.
Ainsi, dans sa décision n° 2005-198 L du 3 mars 2005, le Conseil était saisi de la question de la nature juridique de dispositions relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière, dont la mission essentielle est de sanctionner les manquements des ordonnateurs aux règles de la comptabilité publique. Après avoir relevé que cette cour constituait un ordre de juridiction au sens de l’article 34 de la Constitution, le Conseil a fait le départ entre les règles constitutives de cette juridiction25, qui relèvent de la compétence du législateur, et celles relatives à la procédure, qui « ne concernent ni les règles constitutives de cette juridiction, ni la procédure pénale au sens de l’article 34 de la Constitution, ni les garanties fondamentales accordées tant aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques qu’aux fonctionnaires civils et militaires » et qui, comme telles, relèvent du domaine réglementaire26.
S’agissant de la procédure disciplinaire applicable aux avocats, le Conseil constitutionnel a pareillement jugé, dans sa décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, que « la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l’article 34 de la Constitution ; qu’il résulte des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution, qu’elle relève de la compétence réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi »27.
Dans sa décision n° 2014-247 L du 25 avril 2014, le Conseil a jugé que les dispositions déterminant les modalités de comparution du praticien poursuivi devant la chambre disciplinaire de l’ordre des pharmaciens en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française « qui sont relatives à la procédure disciplinaire applicable aux pharmaciens ne mettent en cause aucun des principes ou règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, elles ont le caractère réglementaire »28.
Dans sa décision n° 2022-1019 QPC du 27 octobre 2022, le Conseil a jugé que « la procédure disciplinaire applicable aux experts-comptables, soumise aux principes d’indépendance et d’impartialité, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire »29. Il en a déduit que le législateur n’avait donc pas à prévoir les règles de procédure applicables devant les instances disciplinaires de l’ordre des experts-comptables, aux fins notamment de garantir le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, de telles règles ressortissant à la compétence du pouvoir réglementaire, lui-même tenu d’assurer le respect des exigences constitutionnelles découlant de l’article 16 de la Déclaration de 178930.
Dernièrement, dans sa décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, saisi de la procédure disciplinaire applicable aux notaires, le Conseil constitutionnel, tout en déclarant qu’elle était soumise aux exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, a jugé qu’elle ne relevait toutefois pas « du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire » et n’a pu ainsi qu’écarter « le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées méconnaîtraient ces exigences, faute de prévoir que le professionnel poursuivi disciplinairement doit être informé de son droit de se taire lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire »31.
* Des règles de la procédure disciplinaire peuvent néanmoins relever de la compétence du législateur en vertu d’une disposition particulière de la Constitution, et le Conseil peut alors être amené à en prononcer la censure lorsqu’elles méconnaissent des exigences constitutionnelles, comme l’illustre la décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 s’agissant des dispositions de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relatives à la procédure disciplinaire applicable aux magistrats32, dans laquelle Conseil a ainsi implicitement tenu compte de ce que cette procédure relève de la compétence du législateur organique en application de l’article 64 de la Constitution.
S’agissant des autres agents publics, si aucune disposition de la Constitution ne confie expressément au législateur le soin de fixer les règles de la procédure disciplinaire qui leur sont applicables, le neuvième alinéa de son article 34 prévoit néanmoins que la loi fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ».
En principe, toute disposition applicable aux fonctionnaires peut ainsi relever de la compétence du législateur si elle constitue une garantie fondamentale.
Le Conseil constitutionnel a été amené à plusieurs reprises à préciser l’étendue de la compétence du législateur sur le fondement de ces dispositions. Il a en particulier jugé que relevaient de ces « garanties fondamentales » :
- les règles de recrutement des fonctionnaires et notamment le principe du concours33 ;
- des dispositions prévoyant que les nominations de membres du corps des chambres régionales des comptes sont prononcées après inscription sur des listes d’aptitude établies par ordre de mérite par un jury34 ;
- des dispositions relatives à la situation de réorientation professionnelle dans laquelle est placé un fonctionnaire en cas de restructuration d’une administration de l’État, qui « définissent également les droits et les devoirs du fonctionnaire intéressé »35.
- des dispositions relatives au droit à pension, reconnu aux anciens fonctionnaires36 ;
- ou encore des dispositions relatives aux conditions dans lesquelles s’exercent, pour les fonctionnaires, le principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail37.
En revanche, ne relèvent pas du domaine de la loi, dès lors qu’elles ne mettent pas en cause des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l’État, des dispositions ayant seulement pour objet d’aménager le déroulement de la carrière des fonctionnaires et, notamment, de fixer des conditions d’avancement38 ou encore des conditions d’affectation à certains emplois39.
Le Conseil a par ailleurs reconnu le caractère législatif de la sanction disciplinaire de mise aux arrêts d’un militaire, dans sa décision n° 2014-450 QPC du 27 février 201540.
Plus récemment, dans sa décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, le Conseil constitutionnel s’est directement fondé sur le neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution pour examiner des dispositions ne prévoyant pas que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement doit être informé de son droit de se taire41.
2. – La jurisprudence relative aux droits de ne pas s’accuser et de se taire
* Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe selon lequel « nul n’est tenu de s’accuser », qu’il a rattaché à l’article 9 de la Déclaration de 1789 relatif à la présomption d’innocence. Il en a aussitôt précisé la portée en relevant que ce principe « n’interdit [pas] à une personne de reconnaître librement sa culpabilité »42. Le commentaire de cette décision précise qu’aucune exigence constitutionnelle « ne fait obstacle à ce qu’une personne reconnaisse sa culpabilité si elle le fait volontairement, consciemment et librement, c’est-à-dire en dehors de tout "chantage", de tout "marchandage", de tout malentendu et de toute contrainte ».
Le Conseil a par ailleurs jugé à plusieurs reprises que le droit de ne pas s’accuser doit être respecté « à l’égard des mineurs comme des majeurs »43.
* Dans sa décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser ce que recouvrait positivement le droit de ne pas s’accuser en reconnaissant, pour la première fois, qu’il en découle un « droit de se taire » en faveur de la personne mise en cause dans le cadre d’une garde à vue44.
Il était alors saisi de dispositions qui prévoyaient que ne pouvait constituer une cause de nullité de procédure le fait que la personne gardée à vue ait été entendue après avoir prêté serment (une telle formalité n’étant pas requise en garde à vue). Il a d’abord relevé qu’en l’état du droit alors applicable lors d’une commission rogatoire, il était possible d’imposer à une personne, placée en garde à vue et qui s’était vue notifier le droit de se taire, d’être auditionnée et de prêter le serment prévu pour les témoins de dire toute la vérité. Il a jugé que « Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de "dire toute la vérité, rien que la vérité" peut être de nature à lui laisser croire qu’elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l’information qu’elle a reçue concernant ce droit. Dès lors, en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d’une audition réalisée sous serment lors d’une garde à vue dans le cadre d’une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée »45.
* Puis, dans sa décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les circonstances dans lesquelles, en dehors du cadre particulier de la garde à vue, une personne mise en cause dans une affaire pénale doit être informée de son droit de se taire.
Il s’agissait en l’occurrence des dispositions organisant la comparution préalable du prévenu majeur devant le juge des libertés et de la détention, en vue de son placement en détention provisoire dans l’attente de son jugement en comparution immédiate. Le Conseil a jugé que les dispositions contestées méconnaissaient le droit de se taire, faute de prévoir que le prévenu traduit devant ce magistrat doit être informé de ce droit. Pour conclure à la censure de ces dispositions, le Conseil a tenu compte, à la fois, de l’office du juge des libertés et de la détention (JLD) dans le cadre de cette comparution et des conditions dans lesquelles les déclarations du prévenu peuvent être recueillies et utilisées, le cas échéant contre lui, dans la suite de la procédure.
En premier lieu, le Conseil a considéré que « l’office confié au juge des libertés et de la détention par l’article 396 du [code de procédure pénale (CPP)] peut le conduire à porter une appréciation des faits retenus à titre de charges par le procureur de la République dans sa saisine »46. En second lieu, il a relevé que, lorsqu’il présente ses observations, « le prévenu peut être amené à reconnaître les faits qui lui sont reprochés. En outre, le fait même que le juge des libertés et de la détention invite le prévenu à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire. Or, si la décision du juge des libertés et de la détention est sans incidence sur l’étendue de la saisine du tribunal correctionnel, en particulier quant à la qualification des faits retenus, les observations du prévenu sont susceptibles d’être portées à la connaissance de ce tribunal lorsqu’elles sont consignées dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou le procès-verbal de comparution »47.
Le Conseil a, par la suite, été saisi à plusieurs reprises de dispositions relatives à la procédure pénale, qui étaient contestées en raison de l’absence de notification à la personne mise en cause de son droit de se taire, et a confirmé cette ligne jurisprudentielle48.
Il résulte de sa jurisprudence désormais bien établie que, pour contrôler le respect du droit de se taire dans les affaires où il était saisi de dispositions ne prévoyant pas que la personne mise en cause est informée de ce droit à l’occasion d’une audition ou d’un interrogatoire, le Conseil constitutionnel a dégagé une grille d’analyse qui repose sur trois aspects :
– en premier lieu, il s’intéresse au cadre dans lequel la personne mise en cause est entendue, en s’assurant du rôle de l’autorité compétente pour interroger cette dernière ou recueillir ses observations et en vérifiant que cette autorité est susceptible de la conduire à évoquer avec la personne concernée les faits qui lui sont reprochés : le Conseil tient compte, selon les cas, de l’office du juge dans la procédure, qui peut le conduire à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charge contre la personne poursuivie, ou de la mission incombant à l’autorité chargée d’effectuer une mesure d’instruction ;
– en deuxième lieu, le Conseil s’attache aux conditions dans lesquelles la personne mise en cause est entendue : à cet égard, il vérifie que cette personne peut être amenée à s’exprimer et, compte tenu de l’objet de l’audition ou de l’interrogatoire, à s’auto-incriminer. Lorsque l’audition ou la comparution de l’intéressé s’impose à lui, le Conseil a par ailleurs ajouté, dans certaines affaires, que les conditions de cette audition ou comparution pouvaient être de nature à lui laisser croire qu’il ne disposait pas du droit de se taire ;
– en dernier lieu, le Conseil tient compte de ce que les observations de l’intéressé, ses déclarations ou les réponses apportées aux questions de l’autorité compétente sont susceptibles d’être portées, in fine, à la connaissance de la juridiction de jugement.
* Par sa décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 précitée, le Conseil a par ailleurs admis que les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 garantissant le droit de se taire ne se limitent pas à la seule procédure pénale, mais s’étendent également à la matière disciplinaire.
- Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé que la notification du droit de se taire s’applique à un professionnel poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire. Après avoir cité les termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 et sa formulation de principe consacrant la valeur constitutionnelle du droit de ne pas s’accuser, dont découle le droit de se taire, il a tout d’abord indiqué que « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition ». Puis il a jugé, selon une formulation inédite, que les exigences précitées « impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire »49.
Confrontant ces exigences aux dispositions contestées, le Conseil a toutefois relevé que « ni ces dispositions, qui se bornent à désigner les titulaires de l’action disciplinaire, ni aucune autre disposition législative ne fixent les conditions selon lesquelles l’officier public ou ministériel poursuivi comparaît devant le tribunal judiciaire »50. Après avoir rappelé que « la procédure disciplinaire applicable à ces officiers publics et ministériels, qui est soumise aux exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire », il a dès lors écarté le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées méconnaîtraient ces exigences, faute de prévoir que le professionnel poursuivi disciplinairement doit être informé de son droit de se taire lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire51.
- Dans sa décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 précitée, le Conseil a procédé à une première application positive de l’exigence ainsi étendue aux procédures disciplinaires, concernant des dispositions organiques déterminant les conditions dans lesquelles est auditionné un magistrat du siège faisant l’objet de poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la magistrature.
Il a tout d’abord rappelé la formule de principe énoncée dans sa décision n° 2023–1074 QPC du 8 décembre 2023 selon laquelle les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 impliquent que « le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire »52.
À cet égard, le commentaire de la décision souligne que « Si l’exigence ainsi formulée en matière disciplinaire ne se différencie pas, en substance, de celle que le Conseil constitutionnel applique en matière pénale, la référence à des "poursuites disciplinaires" signifie en revanche que la notification du droit de se taire ne s’impose constitutionnellement qu’à compter du moment où une procédure disciplinaire est effectivement engagée à l’encontre du professionnel mis en cause ».
Reprenant la grille d’analyse développée pour le contrôle du respect de l’exigence de notification du droit de se taire en matière pénale, le Conseil a ensuite relevé que, « lorsque le président du conseil de discipline estime qu’il y a lieu de procéder à une enquête, le rapporteur a la faculté d’interroger le magistrat mis en cause sur les faits qui lui sont reprochés » et que, « lors de la comparution devant le conseil de discipline, il revient à ce dernier d’inviter le magistrat à fournir ses explications et moyens de défense sur ces mêmes faits ». Il en a déduit que « le magistrat mis en cause peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est disciplinairement poursuivi. En outre, le fait même que ce magistrat soit entendu ou invité à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire »53.
Il a également constaté que, « lors de l’audience, le conseil de discipline prend connaissance des déclarations du magistrat qui sont consignées dans le rapport établi à la suite de l’enquête et reçoit celles qui sont faites devant lui »54.
Le Conseil a déduit de l’ensemble de ces éléments que, en ne prévoyant pas que ce magistrat doit être informé de son droit de se taire, lors de son audition par le rapporteur et lors de sa comparution devant le conseil de discipline, les dispositions contestées méconnaissaient les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, et les a déclarées contraires à la Constitution.
- Dernièrement, dans sa décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, le Conseil était saisi de dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires civils55.
Rappelant la formule de principe tirée de l’article 9 de la Déclaration de 1789 applicable à la matière disciplinaire56, le Conseil a ensuite appliqué sa grille d’analyse constante.
Après avoir relevé que « ni [les] dispositions [contestées] ni aucune autre disposition législative ne prévoient que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement est informé de son droit de se taire », il a considéré que « Lorsqu’il comparaît devant [le conseil de discipline], le fonctionnaire peut être amené, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître les manquements pour lesquels il est poursuivi disciplinairement »57. Or, il a constaté que les déclarations ou les réponses du fonctionnaire devant cette instance consultative sont susceptibles d’être ensuite portées à la connaissance de l’autorité administrative compétente pour prononcer la sanction disciplinaire58.
Le Conseil a donc jugé qu’« en ne prévoyant pas que le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 »59.
B. – L’application à l’espèce
* La décision commentée s’inscrit dans la droite ligne des précédentes décisions par lesquelles le Conseil constitutionnel a reconnu l’applicabilité du droit de se taire au professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires60, et notamment aux fonctionnaires civils61.
Après avoir cité les termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a rappelé la formule de principe, étendue aux poursuites disciplinaires depuis sa décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 précitée, selon laquelle il résulte de cet article « le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire » (paragr. 5).
Par ailleurs, dans la mesure où il était reproché ici au législateur de ne pas avoir prévu une telle garantie pour les magistrats des CRC poursuivis disciplinairement, le Conseil a également rappelé qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi doit fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État (paragr. 6).
À la différence des magistrats de l’ordre judiciaire, pour lesquels l’article 64 de la Constitution réserve au législateur organique la compétence pour édicter leur statut, les magistrats financiers relèvent en effet, sauf exception, du statut de la fonction publique62. Le Conseil ayant considéré, dans sa décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 précitée, que la notification du droit de se taire constitue l’une des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires qu’il appartient au législateur de prévoir en vertu du neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution, c’est au regard de cette même disposition qu’il a situé la compétence du législateur au cas présent.
* Le Conseil constitutionnel a ensuite décrit et examiné les dispositions contestées, suivant un contrôle rappelant, en raison de la forte similarité des textes en cause, celui opéré dans la décision n° 2024-1097 QPC précitée concernant la discipline des magistrats judiciaires.
Il a ainsi relevé qu’en application de l’article L. 223-1 du CJF, le pouvoir disciplinaire est exercé à l’égard des membres du corps des CRC par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes (paragr. 7). Puis, il a observé que, selon les dispositions contestées de l’article L. 223-2 du même code, lorsque ce conseil est saisi de poursuites disciplinaires, le rapporteur désigné par son président entend le magistrat au cours de l’enquête. Par ailleurs, en application des dispositions contestées de l’article L. 223-4 du même code, lors de sa comparution, ce magistrat est entendu par le conseil supérieur (paragr. 8).
Reprenant la grille d’analyse qu’il a développée pour s’assurer du respect des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, le Conseil a tout d’abord examiné la mission confiée au rapporteur et l’office exercé par l’instance disciplinaire. Il a relevé, d’une part, que, lors de l’enquête, le rapporteur a la faculté d’interroger le magistrat sur les faits qui lui sont reprochés et, d’autre part, que, lors de la comparution devant le conseil supérieur, il revient à ce dernier d’inviter le magistrat à fournir ses explications et moyens de défense sur ces mêmes faits (paragr. 9).
Il en a déduit que « le magistrat peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est disciplinairement poursuivi » et qu’« En outre, le fait même que ce magistrat soit entendu ou invité à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire » (paragr. 10).
Or, il a constaté que, lors de l’audience, le conseil supérieur prend connaissance des déclarations du magistrat consignées dans le rapport établi à la suite de l’enquête et qu’il reçoit les déclarations faites devant lui (paragr. 11).
Au regard de ces éléments, le Conseil a donc jugé, comme dans les dernières décisions précitées, qu’« en ne prévoyant pas que le magistrat poursuivi doit être informé de son droit de se taire lors de son audition par le rapporteur ainsi que lors de sa comparution devant le conseil supérieur, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 ». Il les a donc déclarées contraires à la Constitution (paragr. 12).
* Pour finir, le Conseil constitutionnel a déterminé les effets dans le temps de cette déclaration d’inconstitutionnalité.
Il a considéré qu’en l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives, dès lors qu’elle priverait le rapporteur de la possibilité d’entendre le magistrat poursuivi et ce dernier de la possibilité de présenter devant le conseil supérieur ses explications et moyens de défense sur les faits reprochés. Il a donc reporté la date d’abrogation de ces dispositions au 1er octobre 2025 (paragr. 14)63.
Néanmoins, afin de faire cesser immédiatement l’inconstitutionnalité constatée, le Conseil a, par une réserve transitoire, jugé que « jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le rapporteur doit informer le magistrat de son droit de se taire lorsqu’il l’entend au cours de l’enquête, et le conseil supérieur doit l’informer de ce droit lorsqu’il comparaît devant lui » (même paragr.).
Enfin, le Conseil constitutionnel a donné effet à la censure pour la période passée, en jugeant que la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions concernées des articles L. 223-2 et L. 223-4 du CJF « peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement » (paragr. 15).
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1 Disposition en vigueur jusqu’au 15 décembre 2011.
2 Créée par la loi du 16 septembre 1807, la Cour des comptes exerce les missions définies aux articles L. 111-1 à L. 111-18 du CJF, sous réserve de la compétence des CRC.
3 Article 87 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 30 janvier 1993. Cet article est aujourd’hui codifié aux articles L. 211-1 et suivants du CJF.
4 Articles L. 211-3 à L. 211-10 du CJF.
5 Articles L. 211-11 à L. 211-14 du CJF.
6 Article L. 211-15 du CJF.
7 Ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 précitée.
8 La qualité de magistrat a ainsi été reconnue dès 1982 aux magistrats financiers alors qu’elle ne l’a été qu’en 2012 pour les membres des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel (article L. 231-1 du code de justice administrative).
9 2° de l’article L. 6 du CGFP. L’article 68 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit toutefois que « Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s’appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après ».
10 Selon les professeurs Thierry Renoux, Michel Devillers et Xavier Magnon, en particulier, « L’article 15 donne un fondement constitutionnel aux différents régimes de responsabilité des agents publics, qu’il s’agisse de la responsabilité administrative générale (et notamment de la responsabilité personnelle des agents publics vis à vis des collectivités publiques comme des administrés) ou de la responsabilité spécifique en matière de gestion des finances publiques en tant qu’ordonnateurs que des comptables. Il sert également de fondement aux contrôles et inspections » (« Article 15 de la Déclaration de 1789 », in Code constitutionnel, Lexis Nexis, 2021, p. 476). Pour Guy Carcassonne et M. Marc Guillaume, ce principe « sain » ne fait qu’illustrer un adage selon lequel « point de responsabilités exercées sans responsabilité assumée ... c’est aussi une exigence de bonne administration que celle qui impose inspections et contrôles sur les détenteurs de l’autorité » (La Constitution, 16e éd., Seuil, 2022, p. 445).
11 Fabrice Melleray, Droit de la fonction publique, Corpus droit public, 1re éd., Economica, 2005, p. 341.
12 CE 2 juillet 2010, n° 322521.
13 CE 17 mai 2006, n° 268938. Ainsi que l’explique le président Vigouroux, « la sanction disciplinaire n’est ni une ordalie ni une vengeance privée, elle est un impératif de service public. Elle exprime le devoir de la collectivité publique de veiller à son meilleur fonctionnement » (Christian Vigouroux, « Diverses responsabilités de l’agent », in Déontologie des fonctions publiques, 2e éd., Dalloz Référence, 2013, n° 52.41).
14 Ces dispositions sont applicables aux agents contractuels.
15 L’article L. 125-1 du CGFP prévoit ainsi que « L’agent public peut faire l’objet de poursuites disciplinaires et pénales à raison des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ».
16 « Les obligations professionnelles auxquelles doivent répondre les agents empêchent le législateur de donner une définition juridique précise de ce que l’on peut appeler un manquement professionnel. [...] Dans ces conditions, on comprend que la pratique déontologique des fonctionnaires applique un concept très souple et occasionnel du manquement professionnel » (Alain Plantey et Marie-Cécile Plantey, La fonction publique, 3e éd., LexisNexis, 2012, p. 793).
17 Le CGFP ne prévoit que des dispositions relatives à l’engagement des poursuites par l’autorité compétente (articles L. 532-1 à L. 532-3), à certaines garanties accordées au fonctionnaire (voir ci-après) et aux conseils de discipline dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière (L. 532-7 à L. 532-13). La procédure disciplinaire est détaillée par les décrets n° 84-961 du 25 octobre 1984, n° 89-677 du 18 septembre 1989 et n° 89-822 du 7 novembre 1989.
18 Rapport n° 339 de M. Paul Pillet sur projet de loi relatif aux présidents des chambres régionales des comptes et au statut des membres des chambres régionales des comptes, fait au nom de la Commission des lois du Sénat, le 19 mai 1982.
19 Voir également en ce sens le rapport n° 298 de M. Daniel HOEFFEL sur le projet de loi relatif au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, fait au nom de la commissions des lois du Sénat, le 2 mai 2001.
20 Rapport n° 339 précité.
21 Le troisième alinéa de cet article précise que seuls peuvent siéger dans ce conseil les magistrats d’un grade égal ou supérieur à celui du magistrat incriminé.
22 En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
23 Elle prend effet au jour de cette notification.
24 Cela n’interdit pas au législateur d’édicter lui-même des sanctions disciplinaires (que cela relève ou non de sa compétence), sous réserve alors qu’il respecte le principe de légalité et, partant, qu’il les énonce avec une clarté et une précision suffisantes. Voir sur ce point le commentaire de la décision n° 2017-630 QPC du 19 mai 2017, M. Olivier D. (Renvoi au décret pour fixer les règles de déontologie et les sanctions disciplinaires des avocats).
25 Figure au nombre de ces règles celle qui exige que la Cour de discipline budgétaire et financière soit composée à la fois de membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes.
26 Décision n° 2005-198 L du 3 mars 2005, Nature juridique de dispositions du code des juridictions financières, cons. 4. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que les dispositions relatives à la publicité de l’audience relevaient de la compétence du pouvoir réglementaire.
27 Décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, M. Michael C. et autre (Renvoi au décret pour fixer certaines dispositions relatives à l’exercice de la profession d’avocat), cons. 5.
28 Décision n° 2014-247 L du 25 avril 2014, Nature juridique des dispositions de la dernière phrase de l’article L. 4443-4-1 du code de la santé publique, cons. 2.
29 Décision n°2022-1019 QPC du 27 octobre 2022, M. Bruno M. (Composition des instances disciplinaires de l’ordre des experts-comptables), paragr. 7.
30 Par le passé, le Conseil avait également jugé, s’agissant de la mise en œuvre du principe du contradictoire dans une procédure disciplinaire, que « si le caractère contradictoire de la procédure est de nature législative, les dispositions mettant en application ce principe dans une procédure disciplinaire sont de nature réglementaire » (décision n° 85-142 L du 13 novembre 1985, Nature juridique de dispositions contenues dans des textes relatifs à la sécurité sociale, cons. 11).
31 Décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, M. Renaud N. (Information du notaire poursuivi du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire), paragr. 12 et 13.
32 Décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024, M. Hervé A. (Information du magistrat mis en cause du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire).
33 Voir sur ce point, la décision n° 63-23 L du 19 février 1963, Nature juridique des dispositions de l’article 1er de la loi n° 60-769 du 30 juillet 1960 relative au corps des Commissaires de l’Air, en tant qu’elles modifient la loi du 9 avril 1935 fixant le statut du personnel des cadres actifs de l’Armée de l’Air, par l’adjonction d’un article 49 ter (e, 1), à propos du recrutement des officiers du commissariat de l’air ; ou encore la décision n° 91-165 L du 12 mars 1991, Nature juridique de certaines dispositions des articles 1er et 2 de la loi n° 80-511 du 7 juillet 1980 relative au recrutement des membres des tribunaux administratifs.
34 Décision n° 89-160 L du 26 juillet 1989, Nature juridique de certaines dispositions de l’article 28 de la loi n° 82-595 du 10 juillet 1982 relative au statut des membres des chambres régionales des comptes, cons. 3.
35 Décision n° 2011-134 QPC du 17 juin 2011, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et autres (Réorientation professionnelle des fonctionnaires), cons. 11 et 12
36 Décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986, Loi relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d’activité, cons. 8.
37 Décision n° 2021-956 QPC du 10 décembre 2021, Union fédérale des syndicats de l’État – CGT et autres (Modification et dénonciation des accords collectifs dans la fonction publique), paragr. 5.
38 Décision n° 61-2 FNR du 30 juin 1961, Amendements présentés par M. Monteil, sénateur, à un projet de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 4 mars 1929 portant organisation des différents corps d’Officiers de l’Armée de Mer et du Corps des Équipages de la Flotte, cons. 1.
39 Voir la décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 Union syndicale des magistrats administratifs et autres (Nominations au sein des services d’inspection générale de l’État, au grade de maître des requêtes du Conseil d’État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes), paragr. 15.
40 Décision n° 2014-450 QPC du 27 février 2015, M. Pierre T. et autre (Sanctions disciplinaires des militaires - Arrêts simples), cons. 5 et 9.
41 Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, M. Yannick L. (Information du fonctionnaire du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire), paragr. 15.
42 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 110. Sur la valeur constitutionnelle du principe, voir également la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C. (Fichier empreintes génétiques), cons. 17.
43 Décisions n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 27, et n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 10.
44 Décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, Mme Sylvie T. (Absence de nullité en cas d’audition réalisée sous serment au cours d’une garde à vue), paragr. 5. Jusqu’à cette décision, le droit de se taire n’avait été abordé par le Conseil constitutionnel que sous l’angle de sa notification, selon qu’elle était prévue ou non, dans le cadre particulier de la garde à vue. Le Conseil l’avait alors reconnu comme une garantie participant aux droits de la défense. Sur ce point, voir les décisions n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 28, et n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014, M. Nadav B. (Report de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées), cons. 13.
45 Décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016 précitée, paragr. 8.
46 Décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, M. Oussama C. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention en cas de comparution immédiate), paragr. 7.
47 Ibid., paragr. 8.
48 Voir les décisions n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, M. Mohamed H. (Information du mineur du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse), n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, M. Francis S. et autres (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant la chambre de l’instruction), n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021, M. Al Hassane S. (Information du prévenu ou de l’accusé du droit qu’il a de se taire devant les juridictions saisies d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté), n° 2021-934 QPC du 30 septembre 2021, M. Djibril D. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal), n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021, M. Rabah D. (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d’une procédure d’instruction), n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, M. Roger C. (Information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lors d’un examen réalisé par une personne requise par le procureur de la République - Information du tuteur ou du curateur de la possibilité de désigner un avocat pour assister un majeur protégé entendu librement) et, récemment, dans le cadre d’une procédure écrite, n° 2024–1089 QPC du 17 mai 2024, M. Christophe M. (Information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lorsqu’elle présente des observations ou des réponses écrites au juge d’instruction saisi d’un délit de diffamation ou d’injure).
49 Décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 précitée, paragr. 9.
50 Ibid., paragr. 11.
51 Ibid., paragr. 12 et 13.
52 Décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 précitée, paragr. 9.
53 Ibid., paragr. 12 et 13.
54 Ibid., paragr. 14.
55 Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 précitée.
56 Ibid., paragr. 9
57 Ibid., paragr. 12 et 13.
58 Ibid., paragr. 14.
59 Ibid., paragr. 15.
60 Décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 et n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 précitées.
61 Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 précitée.
62 Décisions n° 89-160 L du 26 juillet 1989 et n° 91-165 L du 12 mars 1991 précitées.
63 Il avait retenu cette même date pour le report des effets de sa décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 précitée.