Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juin 2024 par le Conseil d’État (décision n° 492849 du 12 juin 2024) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le syndicat national de l’enseignement privé CFE–CGC, le syndicat Confédération générale du travail-enseignement privé, le syndicat national Force ouvrière de l’enseignement privé et le syndicat unitaire national démocratique des personnels de l’enseignement et de la formation privés, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 9 de la loi n° 2022–1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Dans sa décision n° 2024–1103 QPC du 19 septembre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.
I. – Les dispositions renvoyées
A. – Objet des dispositions renvoyées
1. – Les critères de représentativité des organisations syndicales
* La représentativité des organisations syndicales, qui désigne leur aptitude à représenter les intérêts des salariés, leur confère certaines prérogatives, telles que le droit de désigner des délégués syndicaux ainsi que de négocier et conclure des conventions et accords collectifs1.
Afin de « fonder le dialogue social sur des organisations fortes et légitimes »2, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail3 a supprimé la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient certaines organisations syndicales et redéfini les critères permettant d’apprécier leur représentativité.
Selon l’article L. 2121–1 du code du travail, dans sa version résultant de cette loi, celle-ci est ainsi déterminée d’après sept critères cumulatifs : le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation4, l’influence5, les effectifs d’adhérents et les cotisations perçues, et l’audience.
Selon le rapporteur de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, ce dernier critère, qui fonde « la légitimité de la négociation collective », doit être pris « en compte de façon objective et à partir des résultats des élections professionnelles dans les entreprises, ce qui permettra […] une appréciation périodique, tous les quatre ans au plus, de la représentativité ». Il soulignait néanmoins que la mesure de cette audience nécessitait de mettre en place « un système de collecte et de consolidation des résultats électoraux qui soit incontestable »6.
Dans le même sens, certains auteurs ont considéré que « Désormais, l’audience électorale devient le principe cardinal de la représentativité syndicale. […] Dans le système antérieur à la réforme de 2008, certains syndicats étaient considérés comme représentatifs une fois pour toutes, en raison d’une décision souveraine de l’État. La loi de 2008 rompt avec cette logique de représentativité octroyée, descendante et permanente pour instituer une représentativité réglée, ascendante et évolutive. La recomposition régulière de la représentation syndicale est rythmée par le vote des salariés à partir d’une unité de base : l’entreprise et même, pour être précis, l’établissement »7.
* Cette audience est établie selon les règles propres à chacun des niveaux de négociation8 :
- au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 du code du travail et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique (CSE)9 ;
- au niveau de la branche professionnelle10, sont représentatives celles qui, outre le respect de ces mêmes critères, disposent d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche et ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au niveau de la branche dans les entreprises pour les élections professionnelles11 ;
- au niveau national et interprofessionnel, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1, à la fois dans des branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services, et ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles12.
La mesure de l’audience au niveau de la branche et au niveau national et interprofessionnel s’effectue tous les quatre ans13. Après avis du Haut Conseil du dialogue social14, le ministre chargé du travail arrête alors la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour ces deux niveaux15.
Les suffrages exprimés par les salariés aux élections professionnelles de leur établissement permettent ainsi d’établir, selon une logique ascendante, la représentativité des organisations syndicales aux différents niveaux de la négociation collective : les résultats obtenus au niveau de l’établissement sont par la suite pris en compte pour déterminer l’audience au niveau de la branche professionnelle, puis au niveau national et interprofessionnel.
* Les organisations syndicales reconnues représentatives sont habilitées à signer les conventions et accords collectifs qui déterminent, pour chaque niveau de représentation16, les conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail des salariés, ainsi que les garanties sociales dont ils bénéficient17.
En vertu de l’article L. 2211-1 du code du travail, les dispositions du livre II de ce code relatif à la négociation collective et aux conventions et accords de travail, dont celles relatives aux conventions de branche, ne sont néanmoins applicables qu’aux employeurs de droit privé et à leurs salariés18, ce qui exclut de leur champ d’application les agents de droit public qui, pour leur part, bénéficient de dispositions propres à leur statut.
Ces derniers, lorsqu’ils sont employés par un établissement privé sans pour autant disposer de la qualité de salarié, ne peuvent donc pas, en principe, participer aux élections professionnelles. Toutefois, afin de tenir compte de la situation particulière de certains établissements, le législateur a pu prévoir des exceptions.
2. – La représentativité des organisations syndicales dans les établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés
a. – La participation des agents publics aux élections professionnelles de ces établissements
* Les établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés ayant passé un contrat d’association avec l’État19 présentent la particularité d’employer à la fois des salariés de droit privé et des agents de droit public.
Ces derniers regroupent principalement des enseignants fonctionnaires relevant d’un corps de l’éducation nationale et des enseignants contractuels dont le régime juridique a récemment été clarifié par le législateur. En effet, afin de mettre un terme à une divergence d’interprétation entre le Conseil d’État, qui reconnaissait à ces derniers le statut d’agent contractuel de l’État, et la Cour de cassation, qui les considérait comme des salariés de l’établissement privé, le législateur a expressément souhaité que leur soit reconnue la qualité d’agent public20. La loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat, dite « loi Censi », a ainsi tiré « les conséquences [du] statut particulier de maîtres qui, même s’ils exercent leurs fonctions dans un établissement privé, sont recrutés et rémunérés par l’État »21.
L’article L. 442–5 du code de l’éducation prévoit, en ce sens, s’agissant des établissements d’enseignement privés, que les « maîtres de l’enseignement public » et les « maîtres liés à l’État par contrat », « en leur qualité d’agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’État, liés par un contrat de travail à l’établissement au sein duquel l’enseignement leur est confié, dans le cadre de l’organisation arrêtée par le chef d’établissement, dans le respect du caractère propre de l’établissement et de la liberté de conscience des maîtres ».
L’article L. 813–8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) dispose, quant à lui, que les personnels enseignants et de documentation des établissements d’enseignement agricole privés, « En leur qualité d’agent public, […] ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’État, liés par un contrat de travail à l’établissement au sein duquel l’enseignement leur est confié ».
* Afin d’éviter toutefois que la clarification du statut de ces enseignants contractuels ne conduise à « un recul social » et pour répondre « à une forte demande des organisations syndicales représentatives des maîtres du privé »22, le législateur a entendu leur permettre de « continuer à bénéficier des institutions sociales et des droits qui sont les leurs à ce jour »23.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Censi, soulignait qu’« Au même titre que les enseignants titulaires de la fonction publique travaillant dans une classe sous contrat d’association, les maîtres contractuels pourront bénéficier de la représentation syndicale, de la protection des délégués du personnel, des avantages des comités d’entreprise et de la sécurité des comités d’hygiène et de sécurité. En effet, comme les fonctionnaires détachés, l’exercice de leur activité professionnelle dans un établissement privé justifie qu’ils bénéficient de ces dispositions à défaut de dispositions équivalentes ou de réglementation établie sur ces points dans l’enseignement public »24.
Les articles L. 442-5 du code de l’éducation et L. 813-8 du CRPM précisent ainsi que, « nonobstant l’absence de contrat de travail avec l’établissement », les personnels enseignants, fonctionnaires et contractuels, sont « électeurs et éligibles » aux élections professionnelles et bénéficient des organes représentatifs élus dans les conditions prévues par le code du travail. Participant à la même « collectivité de travail », ils disposent ainsi des mêmes droits en la matière que les salariés de droit privé employés par l’établissement25.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale précisait toutefois que, si ces dispositions devaient permettre à ces agents publics de participer aux élections professionnelles et à la désignation des organisations syndicales représentatives au sein de leur établissement, elles n’avaient pas pour effet de leur rendre applicables les conventions collectives négociées par les organisations syndicales aux autres niveaux de représentation. Il soulignait à ce titre qu’« En matière de convention collective, la situation actuelle peut perdurer. Il n’existe pas de tels accords concernant les maîtres contractuels. Il ne peut en exister compte tenu de leur qualité d’agent public. […] Les conventions collectives sont conclues avec les syndicats représentatifs des personnels travaillant dans les établissements privés et concernent l’ensemble des maîtres du primaire, professeurs du secondaire des classes hors contrat26, services administratifs, techniques et économiques, documentalistes des classes hors contrat, animateurs, psychologues, etc. »27.
L’article 2 de la convention collective nationale de l’enseignement privé non lucratif précise ainsi qu’elle s’applique aux personnels de ces établissements, « à l’exclusion de ceux bénéficiant de dispositions statutaires spécifiques »28. De même, l’article 1er de la convention collective nationale de l’enseignement agricole privé prévoit qu’elle ne s’applique qu’aux personnels « dont la relation de travail est régie par un contrat de droit privé ».
b. – Le régime transitoire de mesure d’audience des organisations syndicales prévu par la loi du 21 décembre 2022 (les dispositions objet de la décision commentée)
* La participation des agents publics aux élections professionnelles de leur établissement a suscité les critiques de certaines organisations syndicales.
En effet, aucune disposition législative ou règlementaire ne précisait que les suffrages exprimés par ces derniers devaient pouvoir être départagés de ceux exprimés par les personnels de droit privé – par exemple, par l’établissement de collèges distincts ou la mise à disposition d’urnes séparées29 –, afin que seuls ces derniers puissent être pris en compte pour apprécier la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche et au niveau national et interprofessionnel.
Il en résultait qu’en participant aux élections professionnelles de leur établissement, les agents publics participaient également à la détermination des organisations syndicales habilitées à prendre part au dialogue social pour négocier des conventions et accords collectifs qui ne leur étaient pourtant pas applicables.
Or, face à l’impossibilité de distinguer les suffrages exprimés par ces agents de ceux des salariés de droit privé, la ministre du travail de l’époque avait fait le choix de prendre en compte tous les votes exprimés, quel que soit le statut des personnels, les votes des agents publics n’ayant été recueillis dans des urnes séparées qu’au sein de quelques établissements30.
* Saisi de deux recours en excès de pouvoir contestant les arrêtés du 10 novembre 2017 et du 12 décembre 2017 fixant la liste des organisations représentatives dans les conventions collectives nationales de l’enseignement privé non lucratif et de l’enseignement agricole privé, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé, par deux décisions du 22 novembre 202131, que, pour établir la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ d’une branche professionnelle et mesurer leur audience, il appartient au ministre du travail de se fonder sur les suffrages exprimés à l’occasion des élections professionnelles, pour autant que ces suffrages lui permettent, avec la fiabilité et l’exhaustivité requises, d’apprécier l’audience des organisations syndicales dans le champ de la convention de branche considérée32.
Il a estimé, à cet égard, que si les agents publics au sein des établissements régis par ces conventions « bénéficient de la qualité d’électeur pour les élections des institutions représentatives du personnel […] et sont éligibles, leurs votes ne peuvent être pris en compte pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche professionnelle […], laquelle est couverte par une convention collective qui ne régit que les relations entre les employeurs relevant de son champ et leurs salariés de droit privé ».
Après avoir rappelé la méthode retenue par la ministre du travail pour mesurer l’audience des organisations syndicales dans les branches concernées, le Conseil d’État a jugé qu’« à défaut de la mise en place générale d’urnes spécifiquement dédiées au vote des agents de droit public pour les élections professionnelles organisées au sein de la branche […], permettant de distraire leurs suffrages de ceux émis par les personnels de droit privé seuls régis par la convention collective nationale […], les résultats pris en compte par la ministre du travail afin de fixer la liste des organisations syndicales reconnues comme représentatives dans le champ de cette convention ne satisfaisaient pas l’exigence de fiabilité requise ». Il a donc annulé les deux arrêtés.
À la suite de cette décision, la ministre du travail n’a pas pris de nouvel arrêté de représentativité pour le cycle en cause, qui était déjà achevé, mais a transmis une note aux directeurs des établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés afin « de préconiser des modalités d’organisation des élections des membres de la délégation du personnel au CSE […] et notamment d’organiser les urnes et la rédaction des procès-verbaux conformes aux décisions du Conseil d’État »33.
* Pour sa part, le législateur a institué, à la suite de ces décisions, un régime transitoire spécifique de mesure de l’audience des organisations syndicales dans les branches considérées pour les cycles quadriennaux 2021-2024 et 2025-2028, visant à permettre, à titre dérogatoire, que continue à être indistinctement pris en compte pendant cette période, pour déterminer l’audience des organisations devant être reconnues représentatives, l’ensemble des suffrages des personnels.
L’article 9 de la loi du 21 décembre 2022 (les dispositions objet de la décision commentée) prévoit que, pour ces deux cycles, par dérogation aux articles L. 2121–1 et L. 2122–5 du code du travail, le ministre chargé du travail arrête la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau de la branche sur « le fondement de l’ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux comités sociaux et économiques de ces établissements et au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l’audience ».
Les suffrages exprimés par les agents de droit public doivent ainsi être pris en compte pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche jusqu’en 2028, qu’un dispositif permettant de distraire leurs votes de ceux des salariés de droit privé ait ou non été mis en place dans l’établissement.
L’amendement à l’origine de ces dispositions, présenté par Mme Catherine Procaccia et plusieurs autres sénateurs, proposait à cet égard initialement de résoudre les difficultés rencontrées par les branches concernées, d’une part, en imposant de manière pérenne la mise en place d’urnes séparées lors des élections professionnelles34 et, d’autre part, en prévoyant à titre dérogatoire un régime transitoire faisant « masse » des suffrages exprimés par les agents de droit public et les personnels de droit privé des établissements « avant qu’un cycle électoral entier avec des urnes séparées soit organisé en même temps que les autres branches, c’est-à-dire en 2029 »35. Lors des débats parlementaires, le ministre du travail soulignait que « l’adoption de [cet] amendement […] va permettre la reprise de la négociation collective dans les branches de l’enseignement privé à but non lucratif et de l’enseignement agricole privé »36.
À la suite de la lecture du texte en commission mixte paritaire, seul le régime dérogatoire prévu à titre transitoire a finalement été retenu. Le rapport établi à l’issue de la commission mixte paritaire, tout en soulignant que ces dispositions visaient « à sécuriser la mesure de la représentativité des organisations syndicales dans les branches de l’enseignement privé », proposait en effet de revoir leur rédaction afin de les « recentr[er] sur [leurs] dispositions de niveau législatif et [de] limit[er] la durée de la dérogation jusqu’à la mesure de l’audience qui aura lieu en 2029, soit la deuxième à compter de la publication de la loi »37.
B. – Origine de la QPC et question posée
Par des requêtes du 4 octobre et du 13 décembre 2023, le syndicat national de l’enseignement privé CFE-CGC et trois autres organisations syndicales avaient saisi la cour administrative d’appel de Paris38 de recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation des arrêtés du 27 juillet 2023 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les conventions collectives nationales de l’enseignement privé non lucratif et des personnels des établissements agricoles privés. À cette occasion, ces organisations syndicales avaient soulevé une QPC relative à la conformité à la Constitution de l’article 9 de la loi du 21 décembre 2022 sur le fondement duquel ces arrêtés avaient été pris.
Par un arrêt du 22 mars 202439, la cour administrative d’appel l’avait transmise au Conseil d’État.
Dans sa décision du 12 juin 2024 précitée, ce dernier avait jugé que « Le moyen tiré de ce que [l]es dispositions [de l’article 9 de la loi du 21 décembre 2022] portent atteinte aux principes consacrés par les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 soulève une question présentant un caractère sérieux ». Il avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
Les organisations syndicales requérantes reprochaient à l’article 9 de la loi du 21 décembre 2022 de prévoir que, pour l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches regroupant les établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés, sont pris en compte l’ensemble des suffrages exprimés aux élections professionnelles, y compris ceux des agents publics exerçant leurs fonctions au sein de ces établissements alors que les conventions collectives de branche ne s’appliquent qu’aux salariés. Selon elles, ces agents étant très majoritaires au sein de ces établissements, les salariés étaient ainsi privés de la possibilité de désigner les organisations syndicales représentatives dans leur branche. Elles faisaient également valoir que la durée d’application de ces dispositions était excessive et que d’autres solutions auraient permis de mieux préserver le droit des salariés de désigner ces organisations. Il en résultait une méconnaissance de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail.
A. – La jurisprudence constitutionnelle relative à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs
* La valeur constitutionnelle de la liberté syndicale a été reconnue pour la première fois en 198240. Puis, dans sa décision n° 89–257 DC du 25 juillet 1989, le Conseil l’a expressément rattachée au sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix »41. Ces dispositions sont applicables aux salariés de droit privé comme aux agents de droit public et en particulier aux fonctionnaires42. Elles sont également applicables aux syndicats représentant des professionnels exerçant à titre libéral43.
La liberté syndicale est, tout d’abord, une liberté individuelle qui recouvre la liberté de se syndiquer44. Le Conseil constitutionnel est néanmoins plus fréquemment amené à faire respecter la liberté du syndicat ou la liberté syndicale collective. À ce titre, il est souvent conduit à appliquer le sixième alinéa du Préambule de 1946 conjointement à son huitième alinéa, lequel consacre notamment le principe de participation des salariés à la détermination de leurs conditions de travail45.
* Le Conseil rappelle de manière constante qu’il revient au législateur de déterminer les conditions dans lesquelles ces exigences constitutionnelles sont mises en œuvre.
Dans sa décision n° 77–79 DC du 5 juillet 1977, saisi de dispositions relatives à la condition d’effectif de personnel retenue par certaines dispositions du code du travail, il a ainsi jugé pour la première fois que « si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose en son huitième alinéa que "tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises", l’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical ; qu’ainsi c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect des principes qui sont énoncés au huitième alinéa du Préambule, les conditions de leur mise en œuvre, ce qu’il a fait en l’espèce »46.
Dans le même sens, le Conseil constitutionnel juge « qu’il ressort notamment [du huitième alinéa du Préambule de 1946] qu’il incombe au législateur de déterminer, dans le respect de ce principe et de la liberté syndicale, garantie par le sixième alinéa, les conditions et garanties de sa mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles la représentation des travailleurs est assurée dans l’entreprise »47.
Il reconnaît au législateur une importante marge de manœuvre pour exercer cette prérogative, en rappelant que « la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement »48. Son contrôle vise ainsi à s’assurer que le législateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et que les conditions ou critères qu’il retient pour l’exercice du droit de participation des travailleurs sont bien objectifs et rationnels49.
* Le Conseil constitutionnel a été amené, dans ce cadre, à se prononcer à plusieurs reprises sur le droit de vote et d’éligibilité aux élections professionnelles.
Dans sa décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 précitée, il a ainsi considéré que le principe de participation doit bénéficier aux membres d’une même communauté de travail : « le droit de participer "par l’intermédiaire de leurs délégués" à "la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises" a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu’elle constitue, même s’ils n’en sont pas les salariés ». Il en déduit que, « s’il était loisible au législateur, notamment pour éviter ou restreindre les situations de double vote, de ne pas conférer à l’ensemble des travailleurs mis à disposition d’une entreprise la qualité d’électeur pour désigner les délégués du personnel et les représentants des salariés à son comité d’entreprise, il ne pouvait, sans méconnaître le huitième alinéa du Préambule de 1946, limiter le corps électoral aux seuls salariés qui lui sont liés par un contrat de travail »50.
Le Conseil constitutionnel n’a pas pour autant interdit que le droit de vote et d’éligibilité de certains salariés puisse faire l’objet de limitations. Il exige cependant que ces limitations reposent sur des critères objectifs et rationnels.
Dans sa décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008 précitée, saisi de dispositions relatives à la participation aux élections professionnelles des salariés mis à disposition de l’entreprise, il a tout d’abord constaté que le législateur avait entendu préciser « cette notion d’intégration à la communauté de travail afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises et des salariés » et qu’il avait prévu, à cet effet, des conditions de présence dans les locaux de l’entreprise pour que les salariés mis à disposition puissent être électeurs ou éligibles dans l’entreprise où ils travaillent. Puis, il a considéré que « ces dispositions ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation ; que, si le législateur a précisé que ces salariés devraient exercer leur droit de vote dans l’entreprise qui les emploie ou dans l’entreprise utilisatrice, c’est afin d’éviter ou de restreindre des situations de double vote ; qu’ainsi, les critères objectifs et rationnels fixés par le législateur ne méconnaissent pas les exigences du huitième alinéa du Préambule de 1946 »51.
A contrario, il a considéré que des dispositions n’ayant « pas de conséquences sur les droits et obligations des salariés en cause », qui ne leur interdisent pas, « en particulier, d’être électeur ou éligible au sein des instances représentatives du personnel de l’entreprise dans laquelle ils travaillent », ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises52.
Dans sa décision n° 2010–91 QPC du 28 janvier 2011, le Conseil était saisi de dispositions portant sur la représentation des personnels au sein des comités des agences régionales de santé53 auxquelles il était reproché de ne pas prévoir, d’une part, l’élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et, d’autre part, la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement.
Le Conseil a toutefois jugé « en premier lieu, que l’article L. 1432–11 (…) assure une représentation effective de l’ensemble des personnels au sein des comités d’agence ; que le principe de participation à la détermination des conditions de travail n’imposait pas au législateur de prévoir l’existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé », puis « en second lieu, qu’il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive », pour finalement écarter le grief tiré d’une atteinte au huitième alinéa du Préambule de 194654.
Le Conseil se montre néanmoins attentif à l’effectivité de la représentation des travailleurs, en vérifiant que les modalités retenues par le législateur pour assurer celle-ci n’aboutissent pas à porter au principe de participation des travailleurs une atteinte qui serait manifestement disproportionnée.
Dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a ainsi censuré des dispositions qui pouvaient aboutir « à ce que plusieurs sièges demeurent vacants au sein de la délégation du personnel du comité social et économique, pour une période pouvant durer jusqu’à quatre ans, y compris dans les cas où un collège électoral n’est plus représenté au sein de ce comité et où le nombre des élus titulaires a été réduit de moitié ou plus. Ces dispositions peuvent ainsi conduire à ce que le fonctionnement normal du comité social et économique soit affecté dans des conditions remettant en cause le principe de participation des travailleurs. / Par conséquent, même si les dispositions contestées visent à garantir, parmi les membres élus, une représentation équilibrée des femmes et des hommes, l’atteinte portée par le législateur au principe de participation des travailleurs est manifestement disproportionnée »55.
* Le Conseil constitutionnel a également examiné, à plusieurs reprises, les critères retenus par le législateur pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au regard de la liberté syndicale, associée parfois au droit de participation. En effet, cette liberté peut s’entendre comme celle d’agir du syndicat. Or, la représentativité permet aux organisations professionnelles de bénéficier d’un certain nombre de prérogatives, dont celle de participer à la négociation et la conclusion de conventions ou d’accords collectifs de travail ainsi que le prévoit l’article L. 2231-1 du code du travail.
Dans sa décision n° 2010-42 QPC du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré « qu’il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales ; que la disposition contestée tend à assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est notamment fondée sur le résultat des élections professionnelles ; que le législateur a également entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale ; que la liberté d’adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n’impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience ; qu’en fixant le seuil de cette audience à 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles quel que soit le nombre de votants, le législateur n’a pas méconnu les principes énoncés aux sixième et huitième alinéas du Préambule de 1946 »56.
Le commentaire de cette décision rappelle que « Le contrôle que le Conseil constitutionnel exerce sur l’atteinte à la liberté syndicale qui résulterait de l’établissement de seuils de représentativité peut être rapproché de celui qu’il exerce, au regard du respect du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, en matière de seuils de suffrages obtenus à l’issue du premier tour d’une élection politique pour pouvoir présenter une liste ou des candidats au second tour ou fusionner avec d’autres listes : le Conseil ne censurerait qu’une atteinte "manifestement excessive au regard de l’objectif recherché". Si les articles L. 2121–1 et suivants fixaient des critères de représentativité manifestement inappropriés, ils rendraient difficile l’exercice des droits définis dans le Préambule de 1946 et pourraient, à ce titre, être inconstitutionnels. En l’espèce, les travaux parlementaires montrent que les deux principaux choix opérés par la loi déférée ont été discutés. Toutefois, le Conseil a jugé qu’ils n’étaient pas contraires à la Constitution ».
Dans sa décision n° 2010–63/64/65 QPC du 12 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a tout d’abord rappelé le raisonnement suivi dans sa précédente décision pour déclarer conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 2121–1 du code du travail fixant les critères de représentativité des organisations syndicales, et notamment le 5° de cet article, relatif à leur audience. Puis il a souligné qu’« en imposant aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, l’article L. 2143-3 associe les salariés à la désignation des personnes reconnues les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte ». Il en a déduit qu’en adoptant cet article, le législateur n’avait pas méconnu le principe de la liberté syndicale énoncé par le sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 194657.
Dans sa décision n° 2010–68 QPC du 19 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé « que le législateur a fondé le régime de la représentativité des organisations syndicales des professionnels de santé et celui de la passation des conventions nationales sur l’audience de ces organisations aux élections aux unions régionales des professionnels de santé ; qu’en prenant en compte le résultat de ces élections, il a entendu établir un lien entre ces unions et les organisations habilitées à participer à la négociation des conventions nationales ; qu’en réservant la présentation des listes de candidats aux organisations syndicales bénéficiant d’une ancienneté minimale de deux ans et qui sont présentes sur le territoire national dans au moins la moitié des départements et la moitié des régions, il a voulu éviter la dispersion de la représentation syndicale sur le plan national ; qu’il n’a porté atteinte ni au principe d’égalité ni à la liberté syndicale »58.
Dans sa décision n° 2015–519 QPC du 3 février 2016, le Conseil était saisi de dispositions qui prévoyaient que la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs est déterminée notamment selon leur audience, laquelle se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à l’organisation professionnelle. Sur le fondement du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé qu’il est « loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en œuvre de la liberté syndicale, de définir des critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs »59. Puis suivant un raisonnement proche de celui retenu dans ses précédentes décisions, il a validé les dispositions contestées.
De nouveau, le commentaire de cette décision fait état de la « large marge de manœuvre [que le Conseil reconnaît] au pouvoir législatif » pour fixer les critères de représentativité des organisations syndicales et souligne que si ce dernier aurait pu retenir des règles différentes pour apprécier l’audience des organisations syndicales concernées, celles retenues n’étaient pas pour autant inconstitutionnelles.
B. – L’application à l’espèce
Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité des dispositions contestées à l’aune du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail et de la liberté syndicale, sur le fondement desquelles il opère un contrôle de même nature.
Après avoir rappelé les termes des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 desquels découlent ces exigences, il a énoncé, dans des termes proches de ceux retenus dans sa décision n° 2013-333 QPC précitée, la formule de principe selon laquelle « L’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi, c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect des principes énoncés aux sixième et huitième alinéas du Préambule, les conditions et garanties de leur mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles est assurée la représentation des travailleurs » (paragr. 4).
Il a ensuite resitué le cadre législatif dans lequel s’inscrit l’adoption des dispositions contestées.
À cet égard, il a d’abord rappelé que, selon l’article L. 2121-1 du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est notamment déterminée en fonction de leur audience, et qu’en application de l’article L. 2122–5 du même code, ces dernières doivent recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles des entreprises de la branche pour être reconnues représentatives à ce niveau (paragr. 5).
Puis, s’attachant aux règles particulières applicables aux établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés pour la détermination de cette représentativité, le Conseil a précisé qu’il résulte des articles L. 442-5 du code de l’éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime que, dans ces établissements, certains agents publics qui exercent leurs fonctions sans être liés par un contrat de travail à leur établissement peuvent participer aux élections professionnelles. Tenant compte de la jurisprudence du Conseil d’État, il a néanmoins observé que, « dans ses décisions du 22 novembre 2021 mentionnées ci-dessus, le Conseil d’État a jugé que les suffrages de ces agents ne peuvent être pris en compte pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche » (paragr. 6).
C’est dans ce contexte que les dispositions contestées ont prévu, par dérogation aux articles L. 2121-1 et L. 2122-5 du code du travail, que, pour les deux mesures d’audience suivant la publication de la loi du 21 décembre 2022, afin de déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches regroupant ces établissements, « le ministre chargé du travail arrête la liste et le poids de ces organisations sur le fondement de l’ensemble des suffrages exprimés aux élections professionnelles, lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l’audience de ces organisations ». Le Conseil constitutionnel a donc constaté que, ce faisant, sont pris en compte les suffrages exprimés par les agents publics qui exercent leurs fonctions dans ces établissements (paragr. 7).
* Suivant le contrôle restreint qu’il opère en application des exigences constitutionnelles précitées, le Conseil s’est alors assuré que le législateur n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et que les conditions ou critères qu’il avait retenus pour l’exercice du droit de participation des travailleurs et de la liberté syndicale étaient bien objectifs et rationnels.
Après avoir relevé qu’il « ressort des travaux parlementaires que, compte tenu des difficultés rencontrées pour mettre en œuvre un dispositif permettant de distinguer les suffrages des salariés de ceux des agents publics au sein de ces établissements, le législateur a entendu sécuriser, à titre transitoire, la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche et permettre ainsi la poursuite du dialogue social » (paragr. 8), le Conseil a rappelé qu’il ne dispose pas d’« un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » et qu’« Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » (paragr. 9).
Or, il a jugé, à cet égard, que « le législateur, qui n’a pas privé les salariés de la possibilité de participer à la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche, a pu prévoir que la mesure de l’audience des organisations syndicales serait fondée, jusqu’en 2028, sur l’ensemble des suffrages exprimés aux élections professionnelles de ces établissements » (même paragr.). Le Conseil a ainsi considéré que, en mettant en place ce dispositif temporaire pour remédier aux difficultés rencontrées pour séparer les suffrages des salariés et des agents publics, les dispositions contestées n’étaient pas manifestement inappropriées au regard de l’objectif poursuivi.
Le Conseil en a déduit que le grief tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail devait être écarté, ainsi que celui tiré de la méconnaissance de la liberté syndicale (paragr. 10).
Les dispositions contestées ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 11).
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1 L’article L. 2221-2 du code du travail précise que la convention collective a vocation à traiter de l’ensemble des matières mentionnées à l’article L. 2221-1 du même code, pour toutes les catégories professionnelles intéressées, tandis que l’accord collectif traite un ou plusieurs sujets déterminés dans cet ensemble.
2 Exposé des motifs du projet de loi n° 969 (rect.) portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, déposé le 18 juin 2008 à l’Assemblée nationale.
3 Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
4 L’ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts (4° de l’article L. 2121-1).
5 Ce critère est « prioritairement caractérisé par l’activité et l’expérience » (6° du même article).
6 Rapport n° 992 de M. Jean-Frédéric Poisson, fait au nom de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, déposé le 25 juin 2008.
7 Sophie Béroud, Jean-Pierre Le Crom et Karel Yon, « Représentativités syndicales, représentativités patronales. Règles juridiques et pratiques sociales. Introduction », Revue Travail et Emploi, 2012/3, n° 131.
8 5° de l’article L. 2121-1 du code du travail.
9 Article L. 2122-1 du code du travail. Obligatoirement institué dans les entreprises de plus de onze salariés (article L. 2311-2 du code du travail), le CSE a en particulier « pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions » (article L. 2312-8 du même code).
10 La branche professionnelle regroupe les entreprises appartenant à un même secteur d’activité et relevant d’un accord ou d’une convention collective. Selon l’article L. 2232-5-1 du code du travail, la « branche a pour missions : / 1° De définir les conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables dans les matières mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2 dans les conditions prévues par lesdits articles. / 2° De réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application ».
11 Article L. 2122-5 du code du travail. Ces suffrages correspondent à l’addition, au niveau de la branche, d’une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux CSE et, d’autre part, des suffrages exprimés au scrutin organisé au niveau régional tous les quatre ans pour les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants du code du travail.
12 Article L. 2122-9 du code du travail.
13 Ces suffrages sont recueillis par le système de centralisation des résultats mentionné à l’article D. 2122–6 du code du travail.
14 Ce dernier comprend des représentants d’organisations représentatives d’employeurs au niveau national et d’organisations syndicales de salariés nationales et interprofessionnelles, des représentants du ministre chargé du travail et des personnalités qualifiées.
15 Article L. 2122-11 du code du travail.
16 Conformément à la règle selon laquelle, sauf exception, la convention collective au champ territorial plus large est supplétive par rapport à la convention collective au champ territorial plus restreint.
17 Article L. 2221-1 du code du travail. Par exemple, la convention de branche peut définir les conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables dans de nombreuses matières mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail.
18 Ainsi qu’aux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et aux établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé (article L. 2311-1 du code du travail).
19 Le contrat d’association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l’établissement. Dans les classes faisant l’objet du contrat, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. Il est alors confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de l’enseignement public (fonctionnaires), soit à des maîtres liés à l’État par contrat.
20 Loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat. Voir, sur ce sujet, la décision n° 2013-322 QPC du 14 juin 2013, M. Philippe W. (Statut des maîtres des établissements d’enseignement privés), cons. 8.
21 Exposé des motifs de la proposition de loi n° 1757 visant à améliorer les retraites des maîtres de l’enseignement privé sous contrat, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2004.
22 Rapport n° 113 de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la proposition de loi précitée, déposé le 15 décembre 2004.
23 Rapport n° 1963 de M. Yves Censi, fait au nom de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, déposé le 1er décembre 2004.
24 Ibidem.
25 Cass. soc., 2 mars 1999, n° 97-20.095. Saisie pour avis par une juridiction sur la portée de ces dispositions, la Cour de cassation a également affirmé que, « Intégrés de façon étroite et permanente dans la collectivité de travail de leur établissement, les maîtres de l’enseignement privé, dont le statut est défini par les articles L. 442-5 du code de l’éducation et L. 813-8 du code rural dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005, entrent dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 412-14 du code du travail relatives à la désignation des délégués syndicaux » (Cass., avis, 15 janvier 2007, n° 07–00.002). Elle a ainsi considéré qu’un enseignant contractuel pouvait être désigné comme délégué syndical dans les conditions prévues par le code du travail.
26 Ces derniers ne sont en effet pas associés au service public de l’enseignement.
27 Rapport n° 1963 de M. Yves Censi, précité. Comme précédemment rappelé, l’article L. 2211-1 du code du travail prévoit en ce sens que les dispositions du livre II de ce code relatif à la négociation collective et aux conventions et accords collectifs de travail « sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés ». De même, l’article L. 2232–5-1 de ce code dispose que la branche a pour mission de « définir les conditions d’emploi et de travail des salariés ».
28 La Cour de cassation a ainsi jugé, à propos d’un accord collectif départemental conclu par une association de gestion des établissements d’enseignement catholique, que les stipulations d’un tel accord, conclu au profit de « tous les salariés, cadres et non cadres, enseignants et non enseignants » n’étaient pas applicables aux agents de droit public enseignant dans les établissements d’enseignement privés sous contrat (Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-19.382).
29 De telles modalités ont pu être prévues pour d’autres structures employant des salariés de droit privé et des agents publics. Par exemple, l’article 2 de l’arrêté ministériel du 15 juillet 2014 fixant les modalités des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d’entreprise des offices publics de l’habitat prévoit que « les voix des [agents publics] sont comptabilisées dans des urnes séparées de celle des voix des autres membres du personnel, par collège électoral, afin de permettre leur prise en compte en vue de la constitution du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, du Centre national de la fonction publique territoriale ».
30 Représentant 5 % des suffrages valablement exprimés dans le champ des établissements d’enseignement privés et quatre établissements d’enseignement agricole privés.
31 Conseil d’État, 22 novembre 2021, Ministre du travail, n°s 431431 (paragr. 7) et 433536 (paragr. 6).
32 Dans une décision du 30 décembre 2015, le Conseil d’État avait en effet considéré que « si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d’assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l’établissement des mesures d’audience prévues par les dispositions de l’article L. 2122-9 du code du travail, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu’ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l’exhaustivité nécessaire à l’établissement de ces mêmes mesures d’audience » (CE, 30 décembre 2015, n° 387420).
33 Note du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion du 18 juillet 2022 relative aux modalités d’organisation des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) dans les établissements d’enseignements privés sous contrat avec l’État et dans les établissements agricoles privés sous contrat avec l’État.
34 Les deux premiers alinéas de l’article 3 bis du projet de loi prévoyaient en ce sens :
« Dans les branches regroupant des établissements mentionnés aux articles L. 442-5 du code de l’éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime, les suffrages des personnels enseignants liés par un contrat de droit public à l’État, qui les rémunère directement, et qui ne sont pas liés à l’établissement par un contrat de travail sont recueillis dans des urnes distinctes pour les élections des membres du comité social et économique de ces établissements.
« Dans ces branches, la représentativité des organisations syndicales prévue à l’article L. 2122-5 du code du travail est établie sur le fondement des suffrages exprimés par les personnels soumis aux stipulations conventionnelles ».
35 Amendement du 24 octobre 2022, présenté par Mme Catherine Procaccia et autres, n° 3 rect. bis.
36 Compte rendu des débats, Sénat, séance du 25 octobre 2022, intervention de M. Olivier Dussopt, ministre.
37 Rapport n° 111 de Mme Frédérique Puissat et n° 446 de M. Marc Ferraci, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 9 novembre 2022, article 3 bis du projet de loi. La mention de la mise en place d’urnes séparées a ainsi été supprimée du texte adopté par la CMP.
38 En vertu du 1° de l’article R. 311-2 du code de justice administrative, la cour administrative d’appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs.
39 CAA Paris, 22 mars 2024, nos 23PA04224 et 23PA04246.
40 Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au développement des institutions représentatives du personnel, cons. 9.
41 Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion, cons. 22.
42 Décision n° 2011–134 QPC du 17 juin 2011, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et autres (Réorientation professionnelle des fonctionnaires).
43 Décision n° 2010–68 QPC du 19 novembre 2010, Syndicat des médecins d’Aix et région (Représentation des professions de santé libérales).
44 A contrario, le Conseil constitutionnel a également reconnu l’existence de la liberté de ne pas se syndiquer. Ainsi une disposition « ne saurait permettre que soit imposé, en droit ou en fait, directement ou indirectement, l’adhésion ou le maintien de l’adhésion des salariés d’une entreprise à une organisation syndicale » (décision n° 83–162 DC des 19 et 20 juillet 1983, Loi relative à la démocratisation du secteur public, cons. 85).
45 L’autre facette du principe consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 porte sur la gestion des entreprises (voir, par exemple, la décision n° 2017-652 QPC du 4 août 2017, Comité d’entreprise de l’unité économique et sociale Markem Imaje (Délai de consultation du comité d’entreprise), paragr. 5).
46 Décision n° 77–79 DC du 5 juillet 1977, Loi portant diverses dispositions en faveur de l’emploi des jeunes et complétant la loi n° 75–574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, cons. 3. Voir également les décisions nos 96–383 DC du 6 novembre 1996, Loi relative à l’information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension communautaire, ainsi qu’au développement de la négociation collective, cons. 16, 2004–494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, cons. 7 et 8, 2005–514 DC du 28 avril 2005, Loi relative à la création du registre international français, cons. 25, et 2006–545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 4.
47 Décision n° 2013–333 QPC du 26 juillet 2013, M. Philippe M. et autres (Représentation des salariés au conseil d’administration), cons. 5.
48 Voir, par exemple, la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, cons. 4 et 5.
49 Ibidem, cons. 6.
50 Décision n° 2006–545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 29 et 30. Voir également la décision n° 2017-661 QPC du 13 octobre 2017, Syndicat CGT des salariés des hôtels de prestige économique (Impossibilité pour les salariés mis à disposition d’être élus à la délégation unique du personnel), paragr. 3. Il juge en revanche de manière constante que le principe de participation ne s’applique pas lorsqu’il n’existe pas de communauté de travail (par exemple, décisions n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, Loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, paragr. 75, et n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, Loi d’orientation des mobilités, paragr. 13).
51 Décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, précitée, cons. 6. Voir également la décision n° 2013-333 QPC du 26 juillet 2013 précitée, par laquelle il a considéré qu’« il ne résulte pas du huitième alinéa du Préambule de 1946 que cette participation doit être mise en œuvre dans les mêmes conditions selon qu’elle s’applique aux organes dirigeants de l’entreprise ou aux institutions représentatives du personnel » (cons. 7).
52 Décision n° 2011-122 QPC du 29 avril 2011, Syndicat CGT et autre (Calcul des effectifs de l’entreprise), cons. 8.
53 Selon l’article L. 1432-11 du code de la santé publique, les comités d’agence exercent les compétences des comités techniques paritaires et celles des comités d’entreprise. Ainsi, ils doivent se prononcer sur des questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, aux effectifs, aux emplois et aux compétences, se prononcer également sur les projets de statuts particuliers et assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte de leurs intérêts dans les décisions de la direction de l’agence.
54 Décision n° 2010–91 QPC du 28 janvier 2011, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux (Représentation des personnels dans les agences régionales de santé), cons. 4 et 5.
55 Décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 précitée, paragr. 61 et 62. Le Conseil a réitéré cette censure dans sa décision n° 2018–720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018, Syndicat CFE-CGC France Télécom Orange et autres (Dérogation à la tenue d’élections partielles en cas d’annulation de l’élection de délégués du personnel ou de membres du comité d’entreprise), paragr. 12 et 13.
56 Décision n° 2010–42 QPC du 7 octobre 2010, CGT-FO et autres (Représentativité des syndicats), cons. 6.
57 Décision n° 2010-63/64/65 QPC du 12 novembre 2010, Fédération nationale CFTC de syndicats de la métallurgie (Représentativité syndicale), cons 7 à 9.
58 Décision n° 2010-68 QPC du 19 novembre 2010 précitée, cons. 8.
59 Décision n° 2015–519 QPC du 3 février 2016, Mouvement des entreprises de France et autres (Critère de l’audience des organisations professionnelles d’employeurs pour l’appréciation de la représentativité), cons. 8 à 10.