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Commentaire de la décision 2024-1096 QPC

27/11/2024

Non conformité totale

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 mars 2024 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 457 du 13 mars 2024) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Andrey P. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 4 de l’article 459 du code des douanes, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-1342 du 4 novembre 2020 renforçant le dispositif de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition.

 

Dans sa décision n° 2024-1096 QPC du 12 juin 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution ces dispositions, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions renvoyées

 

A. – Historique et objet des dispositions renvoyées

 

Bien qu’il ait consacré dès 1966 un principe de liberté des relations financières avec l’étranger, le législateur a pris soin, dans le même temps, de préciser que cette liberté s’exerce selon les modalités que la loi prévoit et dans le respect des engagements internationaux souscrits par la France1. Dans ce cadre, et pour assurer la défense des intérêts nationaux, le Gouvernement est autorisé à soumettre à contrôle, déclaration ou autorisation préalable diverses opérations financières entre la France et l’étranger2.

 

La loi organise par ailleurs une répression spécifique de la méconnaissance des obligations édictées à ce titre en matière de relations financières entre la France et l’étranger. Les infractions cambiaires constituent ainsi une catégorie particulière d’infractions que le législateur rattache au régime substantiel (imputation et sanction) et procédural (recherche, constatation, poursuite et jugement) des infractions douanières3.

 

1. – L’origine et l’évolution des dispositions réprimant les infractions à la législation et à la réglementation en matière de relations financières avec l’étranger

 

* Abrogeant plusieurs textes antérieurs pris, notamment à l’occasion des deux conflits mondiaux, en matière de contrôle des échanges de capitaux et de métaux précieux, la loi du 28 décembre 1966 précitée érige en délit le fait pour quiconque de contrevenir ou tenter de contrevenir aux mesures de contrôle des échanges financiers avec l’étranger prises par le Gouvernement au nom de la défense des intérêts nationaux de la France4.

 

Face à la faible efficacité de ces mesures, notamment lors de la crise de « mai 68 »5, le législateur avait prévu que « Le Gouvernement soumettra au Parlement, dans le cadre de la prochaine loi de finances, des dispositions renforçant les sanctions frappant les infractions à la réglementation des changes commises après le 1er juillet 1968 »6.

 

Tel était l’objet de l’amendement déposé, conformément à cette demande, par le Gouvernement lors de l’examen de la loi de finances pour 1970 afin de modifier la loi du 28 décembre 19667. Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’économie et des finances, indiquait que « Cet amendement a pour objet de répondre à l’obligation, faite au Gouvernement par un texte financier récent, d’introduire un dispositif supplémentaire de répression des infractions au contrôle des changes. / La lecture de cet amendement indique l’importance et la gravité des sanctions et permet de vérifier les intentions du Gouvernement à cet égard »8.

 

Ainsi que le résumait le rapporteur du texte au Sénat, le texte déposé par le Gouvernement « prévoit un renforcement des pénalités sur les points suivants : / – aggravation des peines d’emprisonnement qui sont portées de un à cinq ans, au lieu de un à trois mois ; / – augmentation des sanctions pécuniaires, l’amende étant au minimum égale au montant et pouvant aller jusqu’au quintuple des sommes fraudées ; / – confiscation des moyens de transport utilisés par le délinquant avec possibilité d’obtenir la transformation de la confiscation en une indemnité d’égale valeur / – répression de la simple incitation ; / – institution de certaines incapacités en cas de condamnation ; / – publicité par voie de presse des jugements »9.

 

Le paragraphe I de l’article 5 de la loi du 28 décembre 1966, dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 197010, se composait de cinq subdivisions. Son 1 fixait, comme auparavant, le champ matériel des infractions à la législation sur les relations financières avec l’étranger et les peines applicables (emprisonnement, confiscations et amende). Son 2 prévoyait des règles particulières sur la confiscation. Son 3 réprimait de manière autonome le fait d’inciter à commettre une des infractions visées au 1, que cette incitation ait été ou non suivie d’effet.

 

De manière complémentaire, son 4 prévoyait que les personnes condamnées sont, en outre, frappées de certaines incapacités.

 

Enfin, son 5 imposait la publication des décisions portant condamnation.

 

* Par la suite, ces dispositions ont été codifiées, à droit constant, par un décret du 28 avril 197211.

 

Les dispositions du paragraphe I de l’article 5 de la loi du 28 décembre 1966 ont ainsi été reprises – en reproduisant la même construction en alinéas numérotés – pour constituer l’article 459 du code des douanes12, figurant au sein de son titre XIV intitulé « Contentieux des relations financières avec l’étranger » (qui comprend les articles 451 à 459).

 

Le montant des peines d’amende prévues à l’article 459 a été réévalué à plusieurs reprises13. En outre, l’article 432 bis du code des douanes prévoit que les personnes physiques coupables des infractions prévues notamment à l’article 459 encourent également les peines complémentaires d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale14.

 

Le champ d’application de cet article a par ailleurs été étendu afin de réprimer les infractions aux régimes de sanctions financières prévus par l’Union européenne et les traités internationaux15. Peut ainsi être réprimée, au titre des infractions cambiaires, la méconnaissance des mesures interdisant ou restreignant les relations économiques et financières avec l’étranger dans le cadre notamment de la répression du crime international et du terrorisme, ou imposant le blocage des avoirs financiers de certaines personnes ou entités visées par des sanctions internationales16.

 

En revanche, les dispositions relatives aux incapacités prononcées en application du 4 de l’article 459 du code des douanes n’ont jamais été modifiées depuis leur codification.

 

2. – Les incapacités prononcées de plein droit à l’encontre des personnes condamnées pour infraction cambiaire

 

* Aux termes du 4 de l’article 459 du code des douanes (les dispositions objet de la décision commentée) : « Les personnes condamnées pour infractions à la législation et à la réglementation relatives aux relations financières avec l’étranger sont, en outre, déclarées incapables d’exercer les fonctions d’agents de change, d’être électeurs ou élus aux chambres de commerce, tribunaux de commerce et conseils de prud’hommes, tant et aussi longtemps qu’elles n’auront pas été relevées de cette incapacité ».

 

* D’autres dispositions, éclairées par la jurisprudence de la Cour de cassation telle qu’elle ressort de l’arrêt de renvoi de la présente QPC, viennent préciser les modalités d’application des sanctions prévues à l’article 459 du code des douanes et des incapacités frappant les personnes condamnées.

 

– En application du renvoi général opéré par l’article 451 du code des douanes aux règles procédurales régissant les infractions douanières17, l’article 369 du code des douanes donne au juge le pouvoir de moduler les peines qu’il prononce en cas de condamnation, en prévoyant notamment la possibilité d’une dispense de peine ou d’un sursis.

 

Il résulte en effet du f du 1 de cet article que, « Eu égard à l’ampleur et à la gravité de l’infraction commise, ainsi qu’à la personnalité de son auteur, le tribunal peut : […] Dispenser le coupable des sanctions pénales prévues par le présent code, ordonner qu’il soit sursis à leur exécution, décider que la condamnation ne soit pas mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire »18. Ces dispositions sont applicables, selon la jurisprudence de la Cour de cassation rappelée par l’arrêt de renvoi de la présente QPC19, aux mesures d’incapacité susceptibles d’être prononcées en application des dispositions contestées ;

 

– S’agissant plus particulièrement de la mesure d’incapacité professionnelle prévue au 4 de l’article 459 du code des douanes, elle est, aux termes même de la loi, prononcée pour une durée illimitée. La mesure est toutefois susceptible d’un relèvement.

 

Les conditions de droit commun du relèvement sont définies aux articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale. Le premier alinéa de l’article 702-1 dispose en ce sens que « Toute personne frappée d’une interdiction, déchéance ou incapacité ou d’une mesure de publication quelconque résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire peut demander [au tribunal correctionnel] de la relever, en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, de cette interdiction, déchéance ou incapacité ».

 

* La doctrine a pu s’interroger sur la question de savoir si cette mesure d’incapacité constitue une peine complémentaire – obligatoire20 – des sanctions prévues par les autres dispositions pénales de l’article 459, ou plutôt une peine accessoire, telle qu’il s’en trouve encore dans certains codes ou lois hors du code pénal21.

 

En ce sens, M. Stéphane Detraz considère que « Cette interdiction professionnelle constitue vraisemblablement une peine accessoire (c’est la loi qui "déclare" elle-même les intéressés incapables), mais qui peut faire l’objet d’un relèvement immédiat ou différé »22.

 

Pour sa part, M. le Professeur Jacques-Henri Robert souligne à propos de cette mesure que « Sa rédaction approximative engendre l’hésitation sur le point de savoir si la sanction qu’il porte est une peine accessoire ou seulement complémentaire obligatoire. Les mots "déclarées incapables" invitent à penser que l’incapacité est prononcée et donc qu’il s’agit d’une peine complémentaire ; mais la référence au relèvement évoque plutôt l’article 702-1 du Code de procédure pénale, son article 703 en 1981, qui ne prévoyait que le relèvement des peines accessoires de l’article 55-1 ancien du Code pénal. L’arrêt rapporté conclut néanmoins à la première qualification, celle de peine complémentaire obligatoire, mais n’en juge pas moins que le texte critiqué mérite un contrôle de constitutionnalité au motif que, en dehors de ce relèvement, la loi ne prévoit aucun procédé de modération ou de dispense »23.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

M. Andrey P. avait été poursuivi pour avoir contrevenu ou tenté de contrevenir à certaines mesures de restriction des relations économiques et financières prévues par la réglementation de l’Union européenne prise en application des articles 75 et 125 du TFUE.

 

Dans le cadre de ces poursuites, il avait soulevé devant le tribunal correctionnel plusieurs QPC visant à contester la constitutionnalité des dispositions de l’article 459 du code des douanes et, en particulier, du 4 de cet article en ce qu’il instituait selon lui une peine automatique, en méconnaissance du principe d’individualisation des peines.

 

Par un jugement du 21 décembre 2023, le tribunal avait considéré que les questions posées n’étaient pas dépourvues de caractère sérieux et les avait donc transmises à la Cour de cassation.

 

Dans son arrêt précité du 13 mars 2024, après près avoir refusé de renvoyer les QPC qui visaient les autres dispositions de l’article 459 du code des douanes24, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé que « La troisième question présente en revanche un caractère sérieux en tant qu’elle porte sur le 4 de l’article 459 dès lors que la peine d’incapacité qu’il prévoit doit obligatoirement être prononcée et que, si le juge peut dispenser le condamné de cette peine ou l’assortir du sursis en application de l’article 369, f, du code des douanes, il ne peut en moduler la durée, laquelle est perpétuelle en l’absence d’un relèvement ». Elle avait donc renvoyé cette QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le requérant reprochait à ces dispositions d’instituer une peine complémentaire d’incapacité qui, selon lui, s’appliquait automatiquement et sans que le juge pénal puisse en moduler la durée, en méconnaissance du principe d’individualisation des peines.

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle sur le principe d’individualisation des peines

 

Aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

 

C’est sur le fondement de cet article que le Conseil constitutionnel a consacré le principe d’individualisation des peines25, qui s’impose dans le silence de la loi26.

 

1. – Inopérance du grief à l’égard de mesures ne constituant pas des sanctions ayant le caractère d’une punition

 

À l’instar des autres principes découlant de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le principe d’individualisation des peines n’a vocation à s’appliquer qu’à l’égard des mesures qui constituent des sanctions ayant le caractère d’une punition27. Si la mesure en cause ne présente pas un tel caractère, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 est jugé inopérant.

 

Le Conseil a ainsi jugé que ne constituaient pas des sanctions ayant le caractère d’une punition des dispositions prévoyant la responsabilité solidaire des dirigeants pour le paiement d’une pénalité infligée à la société28 , imposant qu’une indemnité forfaitaire soit versée au salarié en cas de travail dissimulé29, ou instituant une incapacité de faire partie du corps électoral qui élit les juges des tribunaux de commerce et la déchéance du mandat de juge en cours, applicable de plein droit aux personnes condamnées pour les infractions contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs30

 

– Dans sa décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012, le Conseil a, de même, écarté la qualification de sanction ayant le caractère d’une punition s’agissant de dispositions instituant une inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils de notaires attachée de plein droit au prononcé d’une peine d’interdiction ou de destitution.

 

À cet égard, il a jugé que « cette inéligibilité tend non pas à assurer une répression supplémentaire des professionnels ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires mais, d’une part, à tirer les conséquences de la perte du titre d’officier public ou d’officier ministériel et, d’autre part, à garantir l’intégrité et la moralité des professionnels siégeant dans les organes représentatifs de la profession en en excluant ceux qui ont fait l’objet des condamnations disciplinaires les plus sévères ; que, par suite, l’inéligibilité prévue par le deuxième alinéa ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition ; que, dès lors, les griefs tirés d’une méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants à son égard »31.

 

Le commentaire de cette décision relève que « l’objectif n’est pas ici de punir l’auteur d’une infraction mais bien de veiller à ce qu’il ne puisse plus, en siégeant dans les organes représentatifs, influer sur les décisions de son ancien corps professionnel. Il s’agit d’une mesure de sûreté d’ordre professionnel, ce qui rendait inopérant, à son encontre, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ».

 

– Dans sa décision n° 2011-132 QPC du 20 mai 2011, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions du code de la santé publique instituant une incapacité et une interdiction professionnelles pour les gérants de débits de boissons32 qui étaient critiquées à l’aune de la liberté d’entreprendre et des principes de nécessité et d’individualisation des peines.

 

Après avoir relevé que « cette interdiction et cette incapacité sont applicables à toute personne condamnée pour un crime ou pour le délit de proxénétisme ou un délit assimilé, ainsi qu’à toute personne condamnée à une peine d’au moins un mois d’emprisonnement pour certains délits », le Conseil constitutionnel a considéré que « ces dispositions ont pour objet d’empêcher que l’exploitation d’un débit de boissons soit confiée à des personnes qui ne présentent pas les garanties de moralité suffisantes requises pour exercer cette profession » et « qu’elles n’instituent pas des sanctions ayant le caractère d’une punition ». Il en a déduit, d’une part, que « les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants » et, d’autre part, que « eu égard aux objectifs qu’il s’est assignés, le législateur a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public »33.

 

– Dans sa décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022, le Conseil était saisi de dispositions du code de la commande publique prévoyant une exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pour certaines infractions. Si, du fait de la nature de ces dispositions34, il a refusé de se prononcer sur leur conformité à la Constitution, il a néanmoins souligné que « les dispositions contestées, qui n’ont pas pour objet de punir les opérateurs économiques mais d’assurer l’efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics, n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition »35.

 

Il résulte de cet exposé jurisprudentiel que la qualification de « sanction ayant le caractère d’une punition » d’une mesure est examinée non pas au regard de ses conséquences mais de son objet. Ce n’est que si cet objet, tel qu’apprécié à l’aune de l’intention du législateur et aux caractéristiques de la mesure, est d’infliger une punition qu’elle entrera dans la catégorie des « sanctions ayant le caractère d’une punition ».

 

2. – Application du principe d’individualisation des peines à des sanctions ayant le caractère d’une punition

 

* Le Conseil constitutionnel, qui fait découler du principe d’individualisation des peines plusieurs exigences, considère, en particulier, que son respect ne permet pas au législateur d’instaurer des peines automatiques36.

 

Ainsi, le Conseil affirme régulièrement que « le principe d’individualisation des peines, qui découle de l’article 8 de la Déclaration de 1789, implique qu’une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce »37.

 

Cette formulation de principe fixe ainsi deux critères pour que le principe d’individualisation soit respecté : d’une part, la peine doit être prononcée par le juge et, d’autre part, ce dernier doit pouvoir tenir compte, dans sa fixation, des circonstances propres à chaque espèce38.

 

Le Conseil précise toutefois que le principe d’individualisation des peines « ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions [et] qu’il n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction »39.

 

* Cette jurisprudence conduit à la prohibition des peines accessoires, qui sont celles qui résultent de plein droit d’une condamnation et qui s’appliquent dès lors sans que le juge ait besoin de les prononcer.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel a censuré l’article L. 7 du code électoral qui entraînait de plein droit l’application d’une peine d’interdiction d’être inscrit sur une liste électorale (et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective) en cas de condamnation pour certaines infractions. Il a relevé que cette peine s’appliquait sans que le juge qui décide de ces mesures n’ait à la prononcer expressément, ni qu’il puisse en faire varier la durée. Le Conseil a considéré que la possibilité pour le juge de relever la personne condamnée de cette incapacité ne pouvait, à elle seule, assurer le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines40.

 

De même, saisi d’une interdiction identique frappant, à titre définitif, les notaires ayant fait l’objet d’une destitution disciplinaire, le Conseil a jugé, dans sa décision n° 2011–211 QPC du 27 janvier 2012, que : « l’interdiction d’inscription sur les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée résulte automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la prononcer ; que cette interdiction, qui revêt un caractère définitif, ne peut, au surplus, faire l’objet d’aucune mesure de relèvement ; que, par suite, le troisième alinéa de l’article 4 de l’ordonnance du 28 juin 1945 méconnaît le principe d’individualisation des peines et doit être déclaré contraire à la Constitution » 41.

 

Dans la décision n° 2011-218 QPC du 3 février 2012, le Conseil a de la même manière jugé, au sujet de la peine de perte de grade attachée de plein droit à diverses condamnations criminelles d’un militaire, sans que le juge n’ait à la prononcer expressément, que « même si le juge a la faculté, en prononçant la condamnation, d’exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 775-1 du code de procédure pénale, cette faculté ne saurait, à elle seule, assurer le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines »42.

 

Dans sa décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, le Conseil a censuré, pour les mêmes motifs, les dispositions de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales qui visaient à instituer une majoration automatique de 10 % sur les amendes douanières et les sanctions pécuniaires prononcées par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’autorité des marchés financiers, l’autorité de la concurrence et l’autorité de régulation des jeux en ligne43.

 

* Les peines accessoires doivent être distinguées des peines complémentaires obligatoires que le juge est tenu de prononcer expressément.

 

Dans ce cas, le premier critère fixé par le Conseil constitutionnel dans sa formulation de principe sur le principe d’individualisation des peines est par principe satisfait – puisque la peine est effectivement prononcée par le juge.

 

Le contrôle du Conseil porte donc sur le respect du second critère – à savoir la possibilité pour l’autorité prononçant la sanction de tenir compte, dans la fixation de la peine, des circonstances propres à chaque espèce.

 

Le Conseil est, à ce titre, attentif, d’une part, au lien existant entre la peine obligatoire et la nécessité d’assurer une meilleure répression des comportements incriminés et, d’autre part, aux possibilités de modulation des peines prévues par le législateur (en particulier la modulation de leur durée).

 

Ainsi, dans sa décision n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789 la peine complémentaire obligatoire d’annulation du permis de conduire que le juge est tenu de prononcer en cas de récidive de conduite en état alcoolique. Il a relevé à cet égard que si le juge est tenu de prononcer une telle peine, d’une part, il peut en faire varier l’importance, la durée, voire en dispenser l’individu condamné et, d’autre part, la nature de la peine est en lien avec celle de l’infraction44.

 

À trois reprises, le Conseil constitutionnel a par ailleurs été saisi de peines complémentaires obligatoires de publication ou d’affichage des jugements de condamnation pour certaines infractions ou manquements.

 

Il a déclaré deux d’entre elles (la peine de publication obligatoire des jugements de condamnation pour des faits de publicité mensongère45 et celle de publication et d’affichage de la sanction administrative de retrait des copies conformes de licence ou d’immobilisation des véhicules46) conformes à l’exigence constitutionnelle d’individualisation des peines, au double motif, d’une part, que ces sanctions visaient, par la publicité ainsi mise en œuvre, à assurer une meilleure répression de ces infractions et, d’autre part, que le juge ou l’autorité administrative pouvait faire varier tant la durée que les autres modalités de cet affichage ou de cette publication.

 

En revanche, dans sa décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil a déclaré inconstitutionnelle la peine obligatoire de publication et d’affichage du jugement relatif à une condamnation pour fraude fiscale, aux motifs que « le juge qui prononce une condamnation pour le délit de fraude fiscale est tenu d’ordonner la publication du jugement de condamnation au Journal officiel ; qu’il doit également ordonner l’affichage du jugement ; qu’il ne peut faire varier la durée de cet affichage fixée à trois mois par la disposition contestée ; qu’il ne peut davantage modifier les modalités de cet affichage prévu, d’une part, sur les panneaux réservés à l’affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile et, d’autre part, sur la porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables ; que, s’il peut décider que la publication et l’affichage seront faits de façon intégrale ou par extraits, cette faculté ne saurait, à elle seule, permettre que soit assuré le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines »47.

 

Dans sa décision n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution des dispositions du code de la santé publique édictant une peine complémentaire obligatoire de fermeture de débit de boissons, en cas d’ouverture d’un débit de boissons en dehors des conditions prévues par la législation, après avoir souligné le pouvoir de modulation de cette peine reconnu au juge. Il a relevé en ce sens « qu’en vertu des dispositions de l’article 132-58 du code pénal, le juge peut décider de dispenser la personne condamnée de cette peine complémentaire ; qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la peine prononcée peut faire l’objet d’un relèvement en application de l’article 132-21 du code pénal ; que le juge dispose du pouvoir de fixer la durée de la fermeture du débit de boissons prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’individualisation des peines »48.

 

De même, dans sa décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, le Conseil a jugé conformes à la Constitution les dispositions instituant une peine obligatoire d’inéligibilité prononcée en application du paragraphe I de l’article 131-26-2 du code pénal à l’encontre de toute personne coupable d’un crime ou de l’un des délits énumérés à son paragraphe II, dès lors, d’une part, qu’en l’instaurant, « le législateur a entendu renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants » et, d’autre part, que cette peine doit être prononcée expressément par le juge, à charge pour lui d’en moduler la durée, et qu’il peut décider de ne pas la prononcer en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur49.

Enfin, plus récemment, dans sa décision n° 2023-850 DC du 17 mai 2023, le Conseil a jugé conforme aux exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789 la peine complémentaire d’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d’une enceinte où se déroule une manifestation sportive qui est obligatoirement prononcée à l’encontre des personnes coupables d’infractions prévues par le code du sport en lien avec ces évènements et qui – même si la décision ne le rappelait pas expressément – peut être décidée pour une durée de cinq ans maximum fixée par la juridiction. Le Conseil a relevé en particulier que, « la juridiction compétente peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Dans ces conditions, le juge n’est pas privé du pouvoir d’individualiser la peine »50.

 

Il ressort de cet exposé jurisprudentiel que le Conseil constitutionnel censure, au regard du principe d’individualisation des peines, des dispositions prévoyant des peines accessoires dès lors qu’elles ne sont pas, en tant que telles, prononcées expressément par le juge, ainsi que des peines complémentaires obligatoires dans le cas où ce dernier ne peut en moduler l’application.

 

B. – L’application à l’espèce

 

Après avoir énoncé les termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 et sa formule de principe relative au principe d’individualisation des peines qui en découle (paragr. 3), le Conseil a commencé par rappeler le contexte et l’objet des dispositions contestées (paragr. 4 et 5).

 

* Le Conseil constitutionnel s’est ensuite assuré du caractère opérant du grief tiré de la méconnaissance du principe d’individualisation des peines. En effet, si la Cour de cassation s’était implicitement prononcée en faveur de l’opérance du grief en renvoyant la QPC – évoquant même dans son arrêt précité « la peine d’incapacité » prévue par les dispositions contestées – le Premier ministre soutenait dans ses observations que l’incapacité ainsi instituée ne constituait pas une sanction ayant le caractère d’une punition mais une mesure de sûreté poursuivant une finalité de moralisation professionnelle.

 

Il résulte de la jurisprudence du Conseil rappelée plus haut qu’il examine la qualification de « sanction ayant le caractère d’une punition » d’une mesure non pas au regard de ses conséquences mais de son objet, tel qu’apprécié à l’aune de l’intention du législateur et des caractéristiques de cette dernière.

 

Pour écarter l’argumentation du Premier ministre, le Conseil constitutionnel a pu, en l’espèce, s’appuyer sur les travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1969 de finances pour 1970 qui avait institué la mesure d’incapacité en cause. En effet, la lecture des débats parlementaires faisait ressortir la volonté du législateur, par l’adoption d’un ensemble de mesures, dont celle à l’origine des dispositions contestées, de renforcer la répression des infractions à la législation relative aux relations financières avec l’étranger51.

 

Dès lors, le Conseil a jugé que les dispositions contestées instituaient bien une sanction ayant le caractère d’une punition (paragr. 6), ce dont il découlait que le grief invoqué était opérant.

 

* Il revenait en conséquence au Conseil constitutionnel d’examiner le grief sur le fond et de s’assurer que la peine d’incapacité instituée respectait l’exigence d’individualisation.

 

À cet égard, le Conseil a d’abord restitué la portée des dispositions contestées. S’appuyant ici sur la jurisprudence constante de la Cour de cassation, telle qu’elle ressortait spécifiquement de l’arrêt de renvoi de la présente QPC, il a relevé que « la peine complémentaire d’incapacité prévue par ces dispositions doit obligatoirement être prononcée par le juge pénal en cas de condamnation » (paragr. 6).

 

Face à des dispositions instituant une peine complémentaire obligatoire, le Conseil s’est alors classiquement attaché à identifier les pouvoirs reconnus au juge prononçant la sanction pour s’assurer que le législateur lui avait bien conféré la possibilité de tenir compte, dans la fixation de la peine, des circonstances propres à chaque espèce.

 

Or, le Conseil a relevé que, lors du prononcé de la peine, le juge peut uniquement, sur le fondement des dispositions du f de l’article 369 du code des douanes, dispenser le coupable de cette peine complémentaire ou l’assortir du sursis (paragr. 7).

 

Il a jugé que « cette faculté ne saurait, à elle seule, permettre que soit assuré le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines, dès lors qu’il ne peut en moduler la durée pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce » (même paragr.).

 

Le Conseil en a déduit que les dispositions contestées méconnaissaient le principe d’individualisation des peines et les a donc déclarées contraires à la Constitution (paragr. 8).

 

Ce faisant, le Conseil s’est inscrit dans le droit fil de sa jurisprudence précitée dont il ressort que, pour admettre la conformité à la Constitution de peines complémentaires obligatoires, il retient la possibilité de faire varier la durée de la peine en cause52.

 

* Enfin, se prononçant sur les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucun motif ne justifiait d’en reporter les effets. Ainsi, il a donné à cette censure un effet immédiat : elle intervient à compter de la date de publication de la décision commentée et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date (paragr. 10).

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1 Voir les dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, qui figurent actuellement aux articles L. 151-1 et suivants du code monétaire et financier.

2 Telles que les opérations de change, les mouvements de capitaux, la constitution et la liquidation des avoirs français à l’étranger et des investissements étrangers en France, ainsi que l’importation et l’exportation de l’or (article L. 151-2 du code monétaire et financier).

3 L’article 451 du code des douanes prévoit à cet égard que sont applicables à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger le titre II de ce code (relatif à l’organisation et au fonctionnement du service des douanes) et son titre XII (relatif au contentieux et au recouvrement). Voir, notamment pour une tentative de classification de ces infractions, Stéphane Detraz, « Changes », JurisClasseur Lois pénales spéciales, Fasc. 20, 27 septembre 2022.

4 L’article 5 de la loi du 28 décembre 1966 prévoit une peine d’emprisonnement de un à trois mois, la confiscation du corps du délit et une amende égale au minimum à la moitié et au maximum au double du montant de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.

5 Ces dispositions législatives avaient permis au Gouvernement Pompidou d’adopter diverses mesures encadrant ou restreignant les échanges avec l’étranger, afin de lutter contre la fuite des devises et des capitaux à l’étranger (en particulier en Suisse). Pour enrayer les opérations de spéculation sur le franc, a été instaurée de manière temporaire une suspension des transactions financières, puis un contrôle des changes du 30 mai au 5 septembre 1968. Voir, sur ce point, Janick Marina Schaufelbuehl, « Une dimension méconnue du Mai 68 français : La fuite des capitaux », Revue Vingtième siècle, n° 2014/4, n° 124, p. 141 à 154. Sur les limites et l’inefficacité d’un tel dispositif, voir également l’intervention de M. Arthur Ramette, député lors des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1970, in compte-rendu des débats, 2e séance du 22 novembre 1969.

6 Loi n° 69-872 du 25 septembre 1969 portant diverses dispositions d’ordre fiscal. L’article 1er de cette loi prévoyait d’ores et déjà une mesure financière à l’encontre de ces mouvements financiers irréguliers : « Un prélèvement exceptionnel de 30 p. 100 est institué sur le montant des sommes et titres transférés à l’étranger en infraction aux lois et règlements en vigueur, entre le 31 mai 1968 et le 8 août 1969 ».

7 Amendement n° 94 présenté par le Gouvernement, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

8 Compte-rendu des débats à l’Assemblée nationale, 2e séance du 22 novembre 1969.

9 Rapport n° 56 de M. Marcel Pellenc fait au nom de la commission des finances du Sénat, tome 4, 25 novembre 1969, p. 26. L’unanimité s’étant faite quant à la nécessité d’un durcissement des peines en la matière, les débats parlementaires se sont alors essentiellement concentrés sur la question de la possibilité d’instituer une rétroactivité de la loi et sur celle de la qualification de l’amende applicable.

10 Loi n° 69-1161 du 24 décembre 1969 de finances pour 1970.

11 Décret n° 72-357 du 28 avril 1972 portant incorporation dans le code des douanes de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code. Cette codification au sein du code des douanes avait été autorisée par l’article 13 de la loi n° 51–489 du 30 avril 1951 portant ouverture de crédits provisoires pour le mois de mai 1951‎.

12 Malgré cette codification, les dispositions d’origine résultant de l’article 5 de la loi du 28 décembre 1966 n’avaient pas été formellement abrogées et sont demeurées en vigueur. Le 23° du paragraphe I de l’article 175 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a abrogé cet article 5, supprimant ainsi ce doublon législatif.

13 Voir, par exemple, article 25 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

14 Cet article figure dans un paragraphe 3 intitulé « Peines privatives de droits » et une section 2 « Peines complémentaires » du chapitre VI du titre XII.

15 En application du nouvel alinéa 1 bis inséré par la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002. Dans la dernière version en vigueur de l’article 459, ces dispositions prévoient qu’« Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, de contrevenir ou de tenter de contrevenir aux mesures de restriction des relations économiques et financières prévues par la réglementation communautaire prise en application des articles 75 ou 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [TFUE] ou par les traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés par la France». Un autre alinéa (1 ter) a été inséré par la même loi du 28 décembre 2001 afin de sanctionner pénalement les personnes morales reconnues coupables des infractions prévues aux 1 et 1 bis de l’article 459 du code des douanes. Il renvoie à ce titre aux articles 131-38 et 131-39 du code pénal pour la détermination des peines applicables.

16 Aux termes de l’article 215 du TFUE, « 1.  Lorsqu’une décision (…) prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil (…) adopte les mesures nécessaires. Il en informe le Parlement européen. / 2. Lorsqu’une décision (…) le prévoit, le Conseil peut adopter (…) des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques ».

17 Ainsi qu’il a été dit supra, l’article 451 du code des douanes dispose : « Les titres II et XII du présent code sont applicables à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger sous réserve des articles 453 à 459 ci-dessous ». Le titre XII : « Contentieux et recouvrement » comprend notamment les règles relatives à la constatation des infractions douanières, aux poursuites et recouvrement et à la procédure devant les tribunaux (articles 356 à 377 bis).

18 S’agissant plus particulièrement de la répression du délit prévu au 1 bis de l’article 459 du code des douanes (mesures restrictives prévues par le droit européen ou international), l’article 433 bis du même code apporte des précisions quant à l’application de la mesure de publication dans les journaux prévue au 5 et au pouvoir du juge pénal. En effet, il précise que « la juridiction ordonne l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. Elle peut toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ».

19 « … le juge peut dispenser le condamné de cette peine ou l’assortir du sursis en application de l’article 369, f, du code des douanes … » (point 17).

20 Pour mémoire, la peine complémentaire a vocation à s’ajouter à la peine principale (article 131-10 du code pénal en matière de crime et délit et article 131-12 du même code pour les contraventions). Le juge peut toutefois choisir de la substituer à la peine principale (article 131-11 du même code pour les crimes et délits et article 131-18 pour les contraventions). Dans certains cas, la loi prévoit que la peine complémentaire présente un caractère obligatoire, ce qui impose alors au juge de la prononcer, sauf à décider, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur (voir par exemple les articles 321-10, alinéa 2, 421-8, alinéa 2, et 422-4, alinéa 2, du code pénal).

21 À la différence d’une peine complémentaire, la peine accessoire est attachée de plein droit à une condamnation pénale sans avoir à être expressément prononcée (Gérard Cornu [dir.], Vocabulaire juridique, PUF, 14e éd., 2022). Depuis la refonte du code pénal par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, son article 132-17 dispose expressément qu’« Aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée ». Est ainsi exclue l’application de peines accessoires résultant automatiquement d’une condamnation pénale, sans que le juge ne se prononce. Toutefois, certaines peines accessoires résultant de dispositions prévues dans d’autres codes ou textes de loi sont demeurées en vigueur. Sur cette évolution, voir Didier Thomas, « L’article 132-17 et la disparition des peines automatiques », in Didier Thomas (dir.), Le nouveau code pénal, dix ans après, Pédone, 2005, p. 65.

22 Stéphane Detraz, op. cit., § 52.

23 Jacques-Henri Robert, « Douanes - Picorage dans les griefs articulés par une QPC », commentaire sous Cass. crim., 13 mars 2024, n° 23-90.027, Droit pénal, mai 2024, n° 5, n° 94.

24 Au motif notamment que ne présentaient pas un caractère sérieux les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité criminelle et de proportionnalité des peines ainsi que, s’agissant du 5 de cet article relatif à la peine de publication de la décision de condamnation, du principe d’individualisation des peines (sur ce point, la Cour a jugé que : « En effet, si le juge qui prononce une condamnation pour le délit prévu au 1 bis de l’article 459 est tenu d’ordonner la publication de cette décision de condamnation, il peut, en application de l’article 369, f, du code des douanes dispenser le condamné de cette peine. Il lui appartient en outre de désigner le ou les journaux dans lesquels la publication aura lieu ainsi que de déterminer si la décision sera publiée dans son intégralité ou non »).

25 Décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, cons. 3.

26 Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 28.

27 Par exemple, décision n° 2011-114 QPC du 1er avril 2011, M. Didier P. (Déchéance de plein droit des juges consulaires), cons. 4.

28 Décision n° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, Jean-Claude C. (Responsabilité solidaire des dirigeants pour le paiement d’une amende fiscale), cons. 6.

29 Décision n° 2011-111 QPC du 25 mars 2011, Mme Selamet B. (Indemnité légale pour travail dissimulé), cons. 4.

30 Décision n° 2011-114 QPC du 1er avril 2011 précitée, cons. 5.

31 Décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012, M. Éric M. (Discipline des notaires), cons. 4.

32 Articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique.

33 Décision n° 2011-132 du 20 mai 2011, M. Ion C. (Incapacité et interdiction d’exploiter un débit de boissons), cons. 6 et 7.

34 Les dispositions contestées se bornaient à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de plusieurs directives de l’Union européenne.

35 Décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022, M. Cédric L. et autre (Exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession), paragr. 10.

36 Jusqu’à la décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le Conseil sanctionnait le caractère automatique des sanctions sur le fondement des principes de nécessité et de proportionnalité. Voir en ce sens la décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, cons. 41 ou la décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cons. 52.

37 Voir, par exemple, les décisions n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015, M. Abdullah N. (Peine complémentaire obligatoire de fermeture de débit de boissons), cons. 5 et n° 2018-710 QPC du 1er juin 2018, Association Al Badr et autre (Infraction à l’obligation scolaire au sein des établissements privés d’enseignement hors contrat), paragr. 16.

38 En revanche, le Conseil précise que le principe d’individualisation des peines « n’implique pas […] que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » (décision n° 2007–554 DC du 9 août 2007 précitée, cons. 13).

39 Décisions n° 2007-554 DC du 9 août 2007 précitée, cons. 13 ; n° 2011-162 QPC du 16 septembre 2011, Société LOCAWATT (Minimum de peine applicable en matière d’amende forfaitaire), cons. 3, et n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010, M. Thierry B. (Annulation du permis de conduire), cons. 3.

40 Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres (Article L. 7 du code électoral), cons. 5. S’agissant de l’opérance du grief fondé sur le principe d’individualisation des peines, le commentaire de cette décision relève : « Depuis 1986, le Conseil constitutionnel juge qu’une peine est prononcée par une juridiction de jugement et suppose une appréciation de la culpabilité. Le critère de la peine est donc sa finalité répressive. Ainsi, les incapacités constituent des peines si elles sont l’accessoire de cette peine, mais elles n’en sont pas si elles sont édictées seulement pour garantir la moralité d’une profession. / Or, la radiation prévue par l’article L. 7 n’était pas une simple mesure de sûreté destinée à "moraliser" le monde politique. Elle avait été conçue comme une punition et son but était répressif. Elle était liée au jugement d’une juridiction de jugement et à l’appréciation de la culpabilité de l’intéressé. Par ailleurs, elle ne pouvait être assimilée à une interdiction professionnelle, l’exercice d’un mandat électif n’étant pas assimilable à l’exercice d’une profession ».

41 Décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 précitée, cons. 7.

42 Décision n° 2011-218 QPC du 3 février 2012, M. Cédric S. (Condamnation d’un officier de carrière et perte de grade entraînant la cessation d’office de l’état militaire), cons. 7.

43 Décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, Loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, cons. 28 : « Considérant qu’il résulte des travaux préparatoires et des observations du Gouvernement que les majorations instituées par ces dispositions constituent des peines accessoires ; que ces peines sont appliquées automatiquement dès lors qu’est prononcée une peine d’amende ou une sanction pécuniaire prévue par ces dispositions sans que le juge ou l’autorité compétente ne les prononce en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu’elles méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ».

44 Décision n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010, M. Thierry B. (Annulation du permis de conduire), cons. 4 et 5.

45 Décision n° 2010-41 QPC du 29 septembre 2010, Société Cdiscount et autre (Publication du jugement de condamnation), cons. 5.

46 Décision n° 2013-329 QPC du 28 juin 2013, Société Garage Dupasquier (Publication et affichage d’une sanction administrative), cons. 5 et 6.

47  Décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres (Publication et affichage du jugement de condamnation), cons. 5.

48 Décision n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015 précitée, cons. 7.

49 Décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, paragr. 7 à 10. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a cependant émis une réserve d’interprétation visant à empêcher, au nom du principe de proportionnalité des peines, que la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité n’entraîne de plein droit l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une fonction publique pour tous les délits mentionnés au paragraphe II de l’article 131-26 du code pénal (paragr. 11).

50 Décision n° 2023-850 DC du 17 mai 2023, Loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, paragr. 95 et 96.

51 Comme exposé supra, le Parlement ayant dans un premier temps demandé au Gouvernement de lui soumettre « dans le cadre de la prochaine loi de finances, des dispositions renforçant les sanctions frappant les infractions à la réglementation des changes commises après le 1er juillet 1968 » (article 8 de la loi du 25 septembre 1969), les mesures introduites par la loi de finances pour 1970 sur proposition du Gouvernement ont ensuite, lors du débat budgétaire, pu être analysées comme un « dispositif supplémentaire de répression des infractions au contrôle des changes » (compte-rendu des débats à l’Assemblée nationale, 2e séance du 22 novembre 1969).

52 Voir, notamment, les décisions nos 2010–41 QPC, 2013–329 QPC, 2015-493 QPC et 2017-752 DC précitées. Inversement, le Conseil a censuré une peine complémentaire consistant en une obligation d’affichage en relevant, notamment, que le juge ne pouvait en moduler la durée (décision n° 2010-72/75/82 QPC précitée).