Conseil constitutionnel

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Commentaire de la décision 2024-1085 QPC

04/07/2024

Non conformité totale - effet différé

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 janvier 2024 par le Conseil d’État (décision n° 489088 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la commune de Saint-Cloud portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du b de l’article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

 

Dans sa décision n° 2024-1085 QPC du 25 avril 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution ces dispositions, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

 

I. – Les dispositions renvoyées

 

A. – Objet des dispositions renvoyées

 

Destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales, les mécanismes de péréquation ont longtemps consisté à attribuer aux collectivités des dotations financées grâce aux ressources budgétaires de l’État. Ils étaient ainsi principalement constitués de dispositifs de péréquation dite « verticale », comprenant des dotations attribuées aux collectivités territoriales par l’État de manière différenciée en fonction de critères de ressources et de charges ou de contraintes spécifiques.

 

À partir de 2010, le législateur a également développé, à l’échelle nationale, une autre forme de péréquation, consistant à prélever une fraction des ressources de certaines collectivités pour la reverser à des collectivités moins favorisées. Ces mécanismes de péréquation dite « horizontale »1 instituent ainsi une solidarité financière entre collectivités territoriales qui repose sur la péréquation des recettes fiscales des collectivités. Ils ont été mis en place pour tous les groupements et leurs communes membres, les départements et les régions2. Ce mouvement a eu pour but d’accompagner la réforme de la fiscalité locale et, en particulier, la suppression de la taxe professionnelle.

 

Parmi ces nouveaux dispositifs, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) a été créé, à compter de l’année 2012, par la loi de finances pour 20113. Il constitue le premier mécanisme national de péréquation horizontale pour le bloc communal.

 

1. – Les modalités d’alimentation du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)

 

Le régime de droit commun applicable au FPIC est fixé par les articles L. 2336-1 à L. 2336-7 du CGCT.

 

Le montant des ressources du fonds, et donc l’ampleur de la péréquation, a été directement déterminé par le législateur : après une montée en puissance progressive du dispositif4, ce montant a été fixé, à partir de 2016, à un milliard d’euros. Il est resté inchangé depuis cette date.

 

L’alimentation du fonds s’effectue, à hauteur du montant ainsi déterminé, par le biais de contributions, la loi déterminant tant les contributeurs que les règles de répartition entre ces contributeurs de la charge financière correspondant à l’abondement du fonds.

 

a) La détermination des contributeurs du fonds

 

Le FPIC est alimenté par un prélèvement sur les ressources fiscales des contributeurs que sont, d’une part, les communes isolées (celles n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre) et, d’autre part, les « ensembles intercommunaux »5.

 

Pour l’application de ces dispositions, la notion d’ensemble intercommunal regroupe chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et ses communes  membres6. Ce faisant, le législateur a souhaité donner une dimension territoriale inédite à la péréquation ainsi instituée7.

 

Suivant cette même logique de péréquation, la loi prévoit dès ce stade une condition de ressources8 : ne sont concernés par la contribution au FPIC que les ensembles intercommunaux et les communes isolées dont le potentiel financier par habitant9 excède 90 % du potentiel financier moyen par habitant.

 

Il s’agit d’un indicateur de la richesse théorique d’un territoire qui prend en compte l’ensemble de ses ressources stables, dont son potentiel fiscal et le montant reçu au titre de la dotation globale de fonctionnement.

 

Le potentiel financier est rapporté à la population des résidences principales et secondaires, pondéré par un coefficient logarithmique, de sorte que le potentiel financier par habitant diminue de manière plus que proportionnelle avec l’augmentation de la population.

 

b) Les règles de droit commun pour la répartition des contributions

 

* La répartition de la contribution due au titre du fonds entre, d’une part, les ensembles intercommunaux et, d’autre part, les communes isolées, s’effectue en fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges ainsi que de leur population10.

 

Il est par ailleurs prévu un mécanisme spécifique de plafonnement des contributions versées au FPIC par les ensembles intercommunaux et les communes isolées de la région d’Île-de-France11. Les prélèvements opérés au titre de ce fonds et du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France (FSRIF) ne peuvent en effet excéder un certain pourcentage des ressources prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal. Ce plafond était fixé à 13 % jusqu’au 31 décembre 2017 (14 % selon les dispositions actuellement en vigueur). 

 

* Enfin, concernant la contribution due par un ensemble intercommunal, la répartition du prélèvement, au sein de cet ensemble, entre l’EPCI et ses communes membres s’effectue en deux temps12.

 

- Une première répartition est opérée en fonction du coefficient d’intégration fiscale de l’EPCI entre, d’une part, l’EPCI lui-même et, d’autre part, ses communes membres13.

 

- Puis, le « restant dû », c’est-à-dire ce qui n’est pas pris en charge par l’EPCI à l’issue de cette opération, est réparti entre les communes membres en fonction du potentiel financier par habitant14 et de la population de chacune.

 

Intervient à ce stade un mécanisme de minoration en faveur des communes15 : les sommes dues, le cas échéant, par les communes membres de l’EPCI au titre du FSRIF, fonds régional, sont déduites de leur contribution due au titre du FPIC, fonds national. Les sommes correspondantes sont mises à la charge de l’EPCI auxquelles ces communes appartiennent.

 

Les résultats de la répartition calculée selon les modalités prévues par le CGCT peuvent, enfin, être adaptés, sous certaines conditions, par un accord à l’échelle locale.

2. – Le régime dérogatoire applicable pour la métropole du Grand Paris aux établissements publics territoriaux (EPT) et à leurs communes

 

La loi de finances pour 201616 a apporté des dérogations au régime de droit commun fixant les conditions de contribution au FPIC, pour adapter ce dispositif aux particularités de la métropole du Grand Paris.

 

Créée à compter du 1er janvier 201617, la métropole du Grand Paris (MGP) est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier. Conformément à l’article L. 5219-1 du CGCT, elle regroupe la Ville de Paris et onze établissements publics territoriaux (EPT) constitués essentiellement par les communes de la « petite couronne parisienne » et certaines communes isolées.

 

Les règles particulières de contribution au FPIC applicables sur le territoire de la métropole du Grand Paris sont prévues par l’article L. 5219-8 du CGCT.

 

* Une première dérogation concerne l’ensemble intercommunal désigné comme contributeur au FPIC.

 

Le législateur a exclu que la métropole du Grand Paris, bien qu’elle soit un EPCI à fiscalité propre à statut particulier, puisse faire partie des contributeurs au FPIC18. Il a désigné, à la place, les EPT comme ensembles intercommunaux contribuant au FPIC19.

 

* Une seconde dérogation au régime de droit commun concerne les règles de répartition du prélèvement entre les EPT et les communes :

 

- Par dérogation aux règles normales de répartition du prélèvement opéré au titre du FPIC au sein de l’ensemble intercommunal contributeur20, le prélèvement  supporté par un EPT est « égal à la somme des prélèvements supportés en 2015 par les groupements à fiscalité propre qui lui préexistaient » (a de l’article L. 5219-8 du CGCT) ;

 

- Par ailleurs, le b du même article L. 5219-8 du CGCT (les dispositions objet de la décision commentée) instaure une règle dérogatoire qui fige la clé de répartition du montant restant dû par les communes membres d’un EPT de la métropole du Grand Paris.

 

Ces dispositions prévoient en effet que le montant de la contribution au FPIC restant à répartir entre les communes membres de l’EPT l’est « en fonction des prélèvements de chaque commune calculés en 2015 en application du premier alinéa du II de l’article L. 2336-3 et, pour les communes n’appartenant pas à un groupement à fiscalité propre en 2015, en fonction des prélèvements calculés en 2015 en application du I du même article »21.

 

Le législateur a ainsi fait le choix d’une répartition dérogatoire de la contribution au FPIC au sein des ensembles intercommunaux de la métropole du Grand Paris consistant :

- d’une part, à « geler » le prélèvement dû par chaque EPT, en valeur absolue, au niveau de ce qu’étaient les prélèvements supportés par les EPCI qui lui préexistaient en 2015 ;

- et, d’autre part, à répartir le reste du prélèvement dû par les communes membres de l’EPT en fonction d’une clé, elle aussi figée et déterminée à partir des prélèvements calculés pour ces communes en 2015 en application des dispositions de droit commun.

 

Comme le relevait M. Vincent Daumas, rapporteur public devant le Conseil d’État, ce choix s’explique, dans le contexte de la création de la MGP, par « le souci du législateur [...] de veiller à ne pas opérer de grands bouleversements dans la répartition de la charge que représente l’alimentation du FPIC, tout en préservant les établissements publics territoriaux – puisqu’il résulte de ces dispositions que l’accroissement de l’effort de péréquation repose sur leurs communes membres plutôt que sur eux »22.

 

3. – Les précisions jurisprudentielles relatives à la répartition du prélèvement FPIC dû par les communes désormais membres d’un EPT

 

L’application des règles dérogatoires applicables à la métropole du Grand Paris et régissant la contribution des EPT et de leurs communes au FPIC a fait l’objet de plusieurs précisions jurisprudentielles.

 

* Dans un premier temps, par une décision du 19 octobre 201623, le Conseil d’État a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC posée à l’occasion d’un recours formé par la commune de Courbevoie contre le décret pris pour l’application des dispositions de l’article L. 5219-8 du CGCT24, considérant qu’elle ne présentait pas de caractère sérieux25.

 

Le Conseil d’État avait notamment été spécialement saisi d’un grief tiré de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques dirigé contre les règles de répartition du « reste du prélèvement » entre les communes d’un établissement public territorial de la métropole, au motif que le plafonnement des contributions des communes membres ne serait pas pris en compte pour les communes appartenant à un groupement à fiscalité propre en 2015, alors qu’il le serait pour les communes qui étaient isolées à cette date. Aux termes de cette décision, il avait écarté cette critique en jugeant que « les modalités de calcul du prélèvement destiné au FPIC restant à la charge des communes membres d’un même établissement public territorial sont identiques quelle que soit la situation antérieure de la commune, en ce qu’elles ne prennent pas en compte, à ce stade, les éventuels plafonnements opérés antérieurement ».

 

Si le Conseil d’État avait ainsi estimé que les dispositions du b de l’article L. 5219-8 du CGCT n’instituaient aucune différence de traitement entre les communes, c’est en considérant, à l’époque, qu’au stade de la répartition entre les communes du prélèvement restant dû, le calcul du prélèvement obéissait à une règle de prorata en fonction de la contribution mise à la charge de chaque commune en 2015 dans des conditions identiques pour toutes les communes, sans qu’intervienne le plafonnement dont les communes isolées avaient pu bénéficier au titre de cette année.

 

* Toutefois, le Conseil d’État est revenu deux ans plus tard sur cette motivation, en dégageant une autre interprétation des dispositions du b de l’article L. 5219-8 du CGCT.

 

Par une décision du 2 mai 201826, il a en effet jugé, en ce qui concerne le « reste du prélèvement » dû par les communes membres d’un EPT de la métropole du Grand Paris, que la répartition entre ces communes devait avoir lieu non seulement en fonction des prélèvements calculés pour chacune d’entre elles en 2015, mais également en tenant compte des plafonnements effectués à cette date – tant pour les communes appartenant à un groupement à fiscalité propre (l’ensemble intercommunal bénéficiant du plafonnement), que pour les communes isolées qui n’appartenaient pas à un tel groupement.

 

Aux termes de cette décision, le Conseil d’État a ainsi jugé que « La répartition prévue au b) de l’article L. 5219-8 permet de prendre en compte les plafonnements précédemment effectués, tant pour les communes appartenant à un groupement à fiscalité propre, dès lors que le prélèvement calculé en 2015 à partir duquel est effectuée cette répartition est le fruit de la répartition d’un prélèvement lui-même plafonné au niveau de l’ensemble intercommunal en application du premier alinéa du II de l’article L. 2336-3, que pour les communes n’appartenant pas à un tel groupement, dès lors que le prélèvement calculé en 2015 utilisé pour effectuer cette répartition est plafonné en application du 3° du I de l’article L. 2336-3 »27.

 

*

 

Il résulte ainsi des dispositions de l’article L. 5219-8 du CGCT, telles qu’interprétées par le Conseil d’État, que la répartition de la contribution au FPIC au sein des ensembles intercommunaux de la métropole du Grand Paris s’effectue, par dérogation au droit commun, de la manière suivante :

 

– d’une part, la contribution des établissements publics territoriaux est gelée au niveau de ce que versaient les EPCI à fiscalité propre auxquels ces EPT se sont substitués en 2015 ;

 

– d’autre part, la clé de répartition de la contribution incombant à chaque commune est, elle aussi, figée. Le reste de la contribution due par l’ensemble intercommunal est réparti entre les communes qui en sont membres, non pas, comme sur le reste du territoire, en fonction du potentiel financier et de la population de chaque commune, mais au prorata de la contribution individuelle que chacune d’entre elles avait versée en 2015. À ce titre, est donc pris en compte, soit directement au niveau de la commune, s’il s’agissait d’une commune isolée, soit indirectement, au niveau de l’EPCI à fiscalité propre auquel elle appartenait, le plafonnement alors applicable à cette contribution (à hauteur de 13 % des ressources).

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

La commune de Saint-Cloud, située en région Île-de-France, était, avant la création de la métropole du Grand Paris, membre de la communauté d’agglomération Cœur Seine, qui était contributeur net du FPIC. La contribution de la commune de Saint-Cloud au FPIC s’était élevée à un montant de 1,3 millions d’euros au titre de l’année 2014.

 

À la suite de la création de la métropole du Grand Paris, la commune est devenue membre de l’établissement public territorial « Paris Ouest La Défense » (POLD), également contributeur net du FPIC. Par arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 octobre 2022 portant prélèvement sur les ressources de l’ensemble intercommunal « Paris Ouest La Défense » au titre du FPIC, le montant du prélèvement individuel dû par la commune de Saint-Cloud au titre de l’année 2022 avait été fixé à un montant de plus de 4 millions d’euros.

 

Celle-ci avait demandé l’annulation de cet arrêté en formant à son encontre un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 23 décembre 2022. Elle avait soulevé à cette occasion une QPC portant sur les dispositions du b de l’article L. 5219-8 du CGCT, telles qu’interprétées par la décision précitée du Conseil d’État du 2 mai 2018, en se prévalant d’une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

Par une ordonnance du 27 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait transmis au Conseil d’État cette question, au motif qu’elle n’était pas dépourvue de caractère sérieux.

 

Par sa décision précitée du 25 janvier 2024, le Conseil d’État, après avoir rappelé l’argumentation de la commune de Saint-Cloud, avait jugé que le grief soulevé par celle-ci et tiré de ce que les dispositions contestées « portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d’égalité devant les charges publiques, soulève une question présentant un caractère sérieux ». Il avait donc renvoyé cette question au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

A. – Les questions préalables

 

1. – La détermination de la version des dispositions contestées

 

* Aux termes du dispositif de sa décision du 25 janvier 2024, le Conseil d’État avait indiqué renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du b de l’article L. 5219-8 du CGCT « dans sa rédaction issue de l’article 162 de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ». Toutefois, il se déduisait clairement des motifs de sa décision qu’il avait en réalité souhaité renvoyer, non pas la version initiale de ces dispositions, telles qu’issue de la loi de finances pour 201628, mais celle applicable au litige dont était saisi le tribunal administratif de Cergy Pontoise.

 

En l’espèce, si la rédaction du b n’avait pas été modifiée depuis son introduction au sein de l’article L. 5219-8 du CGCT par la loi de finances pour 2016, la rédaction de l’article avait bien, elle, été modifiée depuis : d’autres alinéas de l’article avaient été ultérieurement modifiés ou ajoutés par la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 201729 ainsi que, en dernier lieu, par la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 202230.

 

Or, eu égard à la date de l’arrêté attaqué à l’origine de la QPC, étaient nécessairement en cause les dispositions de cet article actuellement en vigueur, c’est-à-dire dans leur rédaction résultant en dernier lieu de la loi de finances pour 202231.

 

Le Conseil constitutionnel a ainsi implicitement considéré32 qu’en faisant référence dans le dispositif de la décision de renvoi à la loi d’origine dont sont issues les dispositions contestées, le Conseil d’Etat n’avait pas entendu pour autant déterminer la version applicable au litige et qu’il lui revenait donc de déterminer lui-même cette version33.

 

 

Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que la QPC devait être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée et qu’il était ainsi saisi du b de l’article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 2022 (paragr. 1).

 

2. – Les griefs des parties requérante et intervenante

 

La commune requérante, rejointe par la commune intervenante34, reprochait à ces dispositions de prévoir, pour l’alimentation du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, que la répartition du reste du prélèvement de chaque établissement public territorial entre les communes qui en sont membres est figée en fonction des prélèvements que chaque commune avait dû verser en 2015. Or, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État35, cette règle de répartition prend en compte le plafonnement des prélèvements dont certaines communes avaient bénéficié au titre de cette année.

 

Selon les communes requérante et intervenante, ces dispositions instituaient dès lors une différence de traitement injustifiée entre les communes membres d’un même établissement public territorial, selon qu’elles avaient bénéficié ou non d’un tel plafonnement en 2015, sans qu’il soit tenu compte de l’évolution de leurs capacités contributives depuis cette date. Il en résultait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques ainsi que des exigences du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution.

 

B. – La jurisprudence constitutionnelle relative aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques et son application aux dispositifs de péréquation

 

* Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». De manière constante, le Conseil juge que le principe d’égalité devant la loi « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »36.

 

Le Conseil veille également au respect du principe d’égalité devant les charges publiques sur le fondement l’article 13 de la Déclaration de 1789, selon lequel : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Selon le Conseil : « Cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »37.

 

Les raisonnements suivis par le Conseil constitutionnel sur l’un et l’autre de ces fondements diffèrent sensiblement. Toutefois, il est fréquent, notamment en matière fiscale, que les requérants fondent cumulativement leurs prétentions sur la méconnaissance de ces deux principes. Aussi le Conseil est-il généralement conduit à répondre principalement au grief le plus pertinent en l’espèce et, le cas échéant, à examiner plus succinctement l’autre grief38. Il arrive cependant qu’il examine ensemble ces deux griefs, même s’il ne développe que le raisonnement spécifique à l’un des deux39.

 

Le contrôle que le Conseil constitutionnel opère sur le fondement des principes d’égalité devant la loi et les charges publiques le conduit ainsi, le cas échéant par des motifs permettant de statuer de manière commune sur ces deux griefs :

 

− à s’assurer qu’il résulte bien des dispositions contestées une différence de traitement ;

 

– dans l’affirmative, à circonscrire les spécificités de la situation examinée, pour déterminer si la différence de traitement peut être justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ou par une raison d’intérêt général en rapport direct avec la loi (ce qui correspond au contrôle classiquement opéré sur le fondement du principe d’égalité devant la loi) ;

 

− de manière spécifique au principe d’égalité devant les charges publiques, à se prononcer sur le caractère objectif et rationnel des critères qui fondent la différence de traitement en fonction des buts que le législateur se propose ;

 

− enfin, et de manière également spécifique à ce second principe, à contrôler l’éventuelle rupture « caractérisée » (c’est-à-dire manifeste) d’égalité devant les charges publiques.

 

* S’agissant spécifiquement de dispositifs de péréquation financière entre collectivités territoriales, il convient par ailleurs de rappeler que le dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, article créé par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».

 

Dans sa décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010, le Conseil en a déduit que « cette disposition a pour but de concilier le principe de liberté avec celui d’égalité par l’instauration de mécanismes de péréquation financière »40.

 

En revanche, dans la mesure où le dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution n’impose pas au législateur d’instaurer de tels mécanismes, mais lui assigne seulement un objectif qu’il est loisible au législateur de mettre en œuvre, le Conseil a refusé de voir dans cette disposition constitutionnelle un droit ou une liberté garanti par la Constitution dont la méconnaissance pourrait être invoquée à l’appui d’une QPC41.

 

Dès lors, et comme le suggéraient les termes mêmes du contrôle42 qu’il avait développé depuis 2003 sur le fondement de l’article 61 de la Constitution et à l’aune du dernier alinéa de son article 72, c’est principalement sur le terrain du principe d’égalité devant les charges publiques que, lorsqu’il est saisi en QPC d’un dispositif de péréquation financière institué par le législateur pour assurer la mise en œuvre du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, le Conseil s’assure que les critères utilisés pour cette péréquation financière sont objectifs et rationnels et en rapport avec l’objectif poursuivi par le législateur.

 

- Ainsi, dans sa décision n° 2012-255/265 QPC du 29 juin 2012, pour déclarer conforme à la Constitution le dispositif de péréquation des recettes provenant de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux (institué par l’article L. 3334–18 du CGCT), le Conseil, après avoir constaté qu’il était loisible au législateur d’instaurer un tel dispositif de péréquation – limité à une catégorie de collectivités territoriales et alimenté par des recettes fiscales de ces collectivités – a contrôlé le respect du principe d’égalité entre collectivités territoriales devant les charges publiques en s’assurant que les critères utilisés pour cette péréquation financière étaient objectifs et rationnels et en rapport avec l’objectif poursuivi par le législateur.

 

Il a relevé à cet égard que le législateur avait entendu assurer, par ce dispositif de péréquation « horizontale », « une redistribution de ces recettes qui sont réparties très inégalement à l’échelle du territoire national ; que, pour fixer la liste des départements devant contribuer au Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux ainsi que le montant des prélèvements à opérer sur une fraction de ces recettes, les dispositions contestées retiennent uniquement des critères fondés sur les inégalités affectant le montant et la croissance des recettes de droits de mutation à titre onéreux des départements ; que la proportion des recettes provenant des droits de mutation à titre onéreux perçus par un département pouvant faire l’objet de ces prélèvements est plafonnée à 10 % ; que le seul critère défini pour retenir les départements devant bénéficier des versements du Fonds est le potentiel financier des départements ; que le critère défini pour fixer le montant des versements est également celui du potentiel financier, partiellement pondéré par le critère de la population départementale et par celui du produit des droits de mutation à titre onéreux perçus dans chaque département »43. Dès lors, il en a conclu que « les critères de détermination des départements contributeurs et des départements bénéficiaires comme les critères de redistribution retenus sont objectifs et rationnels ; qu’ils sont en lien direct avec l’objectif poursuivi par le législateur de redistribuer les recettes provenant de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux ; qu’il n’en résulte pas de rupture caractérisée de l’égalité des collectivités territoriales devant les charges publiques »44.

- Dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil s’est prononcé sur des dispositions modifiant notamment les critères de prélèvement au profit du FPIC et du FSRIF. Il a jugé que « les critères de détermination des prélèvements sur les ressources des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au profit du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales modifiés par le paragraphe I de l’article 134 de la loi de finances pour 2014, les critères de répartition des ressources de ce fonds modifiés par le paragraphe II ainsi que les critères de détermination des prélèvements sur les ressources des communes au profit du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France modifiés par le paragraphe III sont objectifs et rationnels ; qu’ils sont en lien direct avec l’objectif poursuivi par le législateur de redistribuer des ressources des communes selon leur richesse fiscale ; qu’il n’en résulte pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »45.

 

Dans la même décision, il s’est prononcé sur le relèvement du taux de plafonnement de ces deux fonds. Il a jugé que « les critères de plafonnement des prélèvements sur les ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale sont objectifs et rationnels ; qu’ils sont en lien avec l’objectif poursuivi par le législateur de redistribuer des ressources des communes selon leur richesse fiscale ; que le plafonnement cumulé des prélèvements au titre d’un fonds de péréquation national et d’un fonds de péréquation régional ayant tous deux pour objet de répartir les ressources des communes selon leur richesse fiscale, qui s’impute à titre principal sur les prélèvements au titre du fonds de péréquation national, ne fait pas peser sur certaines communes des charges en matière de péréquation supérieures à celles dues par les autres communes ayant les mêmes caractéristiques ; qu’il n’en résulte pas de rupture caractérisée de l’égalité des communes devant les charges publiques »46.

 

Le principe d’égalité ne s’oppose donc pas à ce que le législateur instaure des dispositifs de péréquation par catégories de collectivités, dès lors que ces dispositifs reposent sur des critères objectifs et rationnels et qu’ils n’ont pas de conséquences manifestement contraires à l’objectif poursuivi.

 

* Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi à plusieurs reprises de réformes des finances locales dans lesquelles survivaient partiellement, au sein du nouveau régime juridique, des éléments d’un régime juridique antérieur.

 

D’une manière générale, le Conseil juge avec constance que « la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas, en elle-même, contraire au principe d’égalité »47.

 

Toutefois, la possibilité pour le législateur de fonder une différence de traitement en fonction d’un événement situé dans le temps n’est pas sans limite, en particulier lorsque la différence a vocation à perdurer.

 

Il doit en effet veiller soit à ce que ce maintien d’une différence de traitement soit transitoire – la différence de traitement est alors justifiée par la volonté d’organiser une transition douce, évitant des ruptures trop marquées –, soit à ce que la différence de traitement qui est maintenue trouve une justification pérenne dans le cadre du nouveau régime juridique.

 

Deux décisions illustrent en particulier la façon dont le législateur peut, sans méconnaître les principes d’égalité devant la loi ou devant les charges publiques, prévoir des dispositifs ayant pour effet de traiter plus favorablement certaines collectivités dans la mesure où il s’agit d’organiser un régime transitoire :

 

- Dans sa décision n° 2013-305/306/307 QPC du 19 avril 201348, le Conseil constitutionnel a jugé conforme au principe d’égalité entre les collectivités territoriales un dispositif assurant, de manière transitoire et à l’occasion de l’instauration de la taxe locale sur la publicité extérieure, un traitement plus favorable aux communes qui percevaient en 2008 une taxe sur la publicité extérieure ou la taxe sur les emplacements publicitaires auxquelles la nouvelle taxe se substituait. Dans son raisonnement, le Conseil a tenu compte du fait que le législateur avait souhaité assurer une transition progressive, pour ces communes, vers la nouvelle taxe instaurée : « Considérant que, par les dispositions des paragraphes B et C de l’article L. 2333-16 du code général des collectivités territoriales, le législateur a entendu permettre un aménagement progressif, sur une période de cinq ans, des tarifs de la taxe locale sur la publicité extérieure et des recettes des communes qui percevaient auparavant les impositions auxquelles cette taxe a été substituée ; que les communes concernées par ces dérogations tarifaires sont les seules "communes percevant en 2008 la taxe prévue par l’article L. 2333-6 ou celle prévue par l’article L. 2333-21, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2009" ; que, pour déterminer les modalités de cet alignement progressif des tarifs, les dispositions contestées retiennent des critères objectifs et rationnels en lien direct avec l’objectif poursuivi par le législateur ; qu’en retenant une durée de cinq ans pour cet alignement progressif, le législateur n’a pas porté atteinte à l’égalité entre les collectivités territoriales ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité entre les collectivités territoriales doit être écarté ».

 

- Dans sa décision n° 2018-711 QPC du 8 juin 201849, le Conseil a également relevé dans son contrôle le caractère temporaire d’une différence de traitement entre EPCI instituée par le législateur en matière de calcul de la dotation d’intercommunalité. Était contesté en l’espèce l’article L. 5211-33 du CGCT qui garantissait aux communautés d’agglomération ayant au moins trois ans d’ancienneté de percevoir une attribution par habitant au moins égale à 95 % de celle perçue l’année précédente. Appréciant la différence de traitement instituée entre les communautés d’agglomération d’au moins trois ans d’existence et celles nouvellement créées, le Conseil a relevé que « si la garantie contestée assure, selon les cas, une attribution individuelle par habitant supérieure à celle garantie aux communautés d’agglomération nouvellement créées, son montant diminue chaque année, puisqu’elle s’élève à 95 % de l’attribution individuelle par habitant de l’année précédente. La différence de traitement ainsi instaurée n’est donc pas pérenne ». Au final, il a écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

* Inversement, le Conseil a censuré à plusieurs reprises des dispositifs qui instauraient de manière pérenne une inégalité qui ne trouvait qu’une justification transitoire :

 

- Dans sa décision n° 2013-323 QPC du 14 juin 2013, il a jugé, s’agissant du dispositif de répartition de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et des prélèvements ou reversement au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), réservé par la loi aux EPCI dont le périmètre était modifié à compter de 2012, que « s’il était loisible au législateur de procéder, dès 2012, à la substitution de nouveaux critères aux précédents critères qu’il avait retenus pour la répartition des montants de la [DCRTP] et des prélèvements ou reversements au titre du [FNGIR] en cas de modification de périmètre, fusion, scission ou dissolution d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale et de laisser subsister à titre transitoire une différence de régime selon la date de cette modification, il ne pouvait, compte tenu de l’objet de cette dotation et de ce Fonds, laisser subsister une telle différence de façon pérenne, sans porter une atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques entre les communes et entre les établissements publics de coopération intercommunale »50.

 

Le commentaire de cette décision relève qu’elle « illustre, en matière d’égalité devant les charges publiques, l’hypothèse d’une différence de traitement fondée sur la succession dans le temps de deux régimes juridiques qui n’est pas, en elle-même, inconstitutionnelle, mais qui le devient en raison de sa pérennité. À mesure que le fait générateur de la différence dans le temps s’éloigne, le lien entre la différence de traitement et la différence de situation s’estompe et il appartient au législateur, pour assurer le respect de l’égalité, d’adopter des dispositions transitoires pour faire disparaître une telle différence ».

 

- Dans sa décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 201451, le Conseil a également censuré les dispositions réservant aux seules communes contributrices en 2009 au FSRIF le bénéfice du plafonnement de la croissance du prélèvement sur les ressources des communes au profit de ce fonds. En effet, le plafonnement contesté, bien qu’évolutif de 2012 à 2015, n’était pas limité dans le temps et créait une différence de traitement substantielle et pérenne entre les communes contributrices. Selon un raisonnement similaire à celui qu’il avait tenu dans la décision précédente, le Conseil a jugé que « la différence de traitement ainsi instituée entre les communes repose uniquement sur la date à laquelle elles ont commencé à contribuer au fonds ; que, s’il était loisible au législateur de prévoir, à titre transitoire, dans le cadre de la mise en œuvre des nouvelles règles de plafonnement des contributions des communes, un dispositif spécifique réservé aux seules communes contributrices en 2009, il ne pouvait, compte tenu de l’objet de ce fonds, laisser subsister de façon pérenne une telle différence de traitement sans porter une atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques entre les communes contributrices au fonds ».

 

- Dans sa décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 202052, le Conseil a censuré des dispositions maintenant, de manière pérenne, pour les seuls EPCI qui y avaient été assujettis en 2018, la contribution des EPCI à fiscalité propre au redressement des finances publiques, en en fixant le montant à celui appliqué cette même année 2018. Il a jugé que, « s’il était loisible au législateur de prévoir, dans le cadre de la réforme de la dotation d’intercommunalité, le maintien à titre transitoire du prélèvement auquel certains établissements publics de coopération intercommunale étaient jusqu’alors soumis, afin de garantir qu’ils continueraient à participer, à hauteur de leur richesse relative constatée en 2018, au redressement des finances publiques, il ne pouvait, compte tenu de l’objet de ce prélèvement et sans autre possibilité d’ajustement, laisser subsister de façon pérenne une telle différence de traitement sans porter une atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques ». Tout récemment, dans sa décision n° 2023-1083 QPC du 21 mars 2024, il a, pour ces mêmes motifs, censuré les mêmes dispositions, dans une rédaction ultérieure53.

 

* Ce n’est qu’exceptionnellement que le Conseil constitutionnel, confronté à des dispositifs prévoyant de manière pérenne une différence de traitement, a pu en admettre la conformité au principe d’égalité, lorsque la différence de situation qui justifie la différence de traitement en cause perdure également.

 

Tel a notamment été le cas lorsque cette différence de traitement était fondée sur une différence de situation objective existant entre les collectivités territoriales à un instant t, antérieur à la réforme, et qui n’a pas été remise en cause par cette réforme :

 

- Dans sa décision n° 2019-787 DC du 25 juillet 201954, le Conseil a jugé conformes à la Constitution les dispositions qui limitaient, de manière pérenne, l’accompagnement financier de l’État à la compensation des dépenses obligatoires que la commune prend en charge au titre du financement des écoles et classes maternelles au cours de l’année scolaire 2019-2020, dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Les dispositions critiquées instituaient une différence de traitement entre communes selon qu’elles avaient ou non financé, avant l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire, des classes maternelles. Le Conseil a jugé, d’une part, que cette différence de traitement reposait sur une différence de situation : « les communes qui, au cours de l’année scolaire 2018-2019, avaient institué des classes maternelles ou écoles maternelles publiques ou approuvé des contrats d’association d’écoles maternelles privées, ont contribué à ce titre à leur financement, dans les conditions prévues par le code de l’éducation. Ces communes ne sont, ainsi, pas placées dans une situation identique à celle des autres communes, qui n’exerçaient pas déjà les mêmes compétences et ne supportaient donc pas les charges correspondantes ». En effet, du fait de cette réforme, ces dernières ont dû financer des investissements lourds et intégrer dans leur budget de fonctionnement des charges qui n’y figuraient pas avant la réforme, charges nouvelles et importantes susceptibles d’affecter leur équilibre budgétaire. Le Conseil a jugé, d’autre part, que « la différence de traitement contestée est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit, qui consiste, en application de la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 72–2 de la Constitution, à accompagner de ressources financières une extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales ». En dépit de son caractère « historique », la différence de situation en cause conservait, après l’abaissement à trois ans de l’âge d’instruction obligatoire, sa pertinence pour justifier la compensation de la charge nouvelle imposée à certaines communes qui n’avaient pas mis en place un enseignement maternel jusqu’alors, puisqu’il s’agissait, justement, de garantir à ces communes une ressource pour faire face à une nouvelle compétence, déjà exercée par les autres.

 

- Dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 201955 relative à la loi de finances pour 2020, le Conseil a contrôlé les règles financières accompagnant la reprise par l’État de l’essentiel des compétences obligatoires des régions en matière d’apprentissage – reprise dont le principe avait été décidé par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Comme dans l’affaire mentionnée ci-dessus, le législateur avait institué des différences de traitement entre régions pour tenir compte de la situation particulière de chacune d’elles en termes de ressources consacrées à l’exercice de ces compétences au moment où le principe de la reprise de compétence a été décidé.

 

Si, du fait de la reprise de ces compétences, les ressources compensatrices dont bénéficiaient à ce titre les régions étaient donc supprimées, le paragraphe I de l’article 76 de la loi déférée visait à maintenir, à compter de 2020, une part de ces financements au profit des régions qui avaient développé, à l’aide desdits financements, certaines actions en matière d’apprentissage ne se limitant pas au champ de la compétence obligatoire transférée, afin de leur permettre de les poursuivre. À l’inverse, son paragraphe II opérait une reprise, à hauteur d’environ 11 millions d’euros, sur les ressources dont disposaient les trois régions dont le montant de ressources compensatrices supprimées était inférieur au montant des dépenses d’apprentissage constatées et reprises par l’État. Le Conseil a jugé, sans faire référence au caractère pérenne de la compensation et de la reprise, que « Les montants des ressources supplémentaires et des reprises prévues aux paragraphes I à III de l’article 76 ont été évalués à partir des dépenses moyennes constatées pour chaque région, de 2013 à 2017 pour les dépenses d’investissement et de 2015 à 2017 pour les dépenses de fonctionnement. L’année 2017 est celle où a été annoncée la réforme de l’apprentissage, finalement opérée par l’article 34 de la loi du 5 septembre 2018. En retenant de tels montants, qui rendent compte des dépenses existantes avant la réforme de l’apprentissage, le législateur s’est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but qu’il s’est assigné. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques doit par conséquent être écarté ».

 

C. – L’application à l’espèce

 

Après avoir rappelé les termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 et du contrôle qu’il opère sur le fondement de l’égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel, privilégiant ce fondement dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure, a commencé par décrire les caractéristiques du régime de droit commun applicable pour l’alimentation du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (paragr. 5), avant de s’attacher aux modalités particulières d’alimentation de ce fonds prévues, par dérogation, par l’article L. 5219-8 du CGCT pour le territoire de la métropole du Grand Paris (paragr. 6).

 

S’agissant de ce régime dérogatoire, il a relevé que, « D’une part, les établissements publics territoriaux, qui constituent les ensembles intercommunaux pour lesquels sont calculés les prélèvements, sont soumis à un prélèvement égal à la somme de ceux supportés en 2015 par les groupements à fiscalité propre qui leur préexistaient » (paragr. 7) et que, « D’autre part, […] le reste du prélèvement de chaque ensemble intercommunal est réparti entre les communes membres de l’établissement public territorial en fonction des prélèvements de chaque commune tels qu’ils avaient été calculés en 2015 » (paragr. 8).

 

Le Conseil a par ailleurs précisé, s’agissant de cette dernière règle, qu’il résultait « de la jurisprudence constante du Conseil d’État que cette règle de répartition prend en compte les plafonnements dont avaient pu bénéficier certaines communes, à cette date, en application de l’article L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales » (même paragr.).

 

C’est en considération de cette interprétation jurisprudentielle que le Conseil devait ainsi apprécier la différence de traitement instituée par les dispositions contestées. Après avoir relevé qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur avait entendu limiter les conséquences de la création de la métropole du Grand Paris sur le montant des prélèvements à la charge des communes situées sur son territoire (paragr. 9), le Conseil a constaté, toutefois, qu’« en figeant une règle de répartition qui est fondée sur les prélèvements des communes calculés en 2015 et qui intègre le plafonnement dont certaines avaient bénéficié au titre de cette année, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les communes membres d’un même établissement public territorial, sans qu’il soit tenu compte de l’évolution de leurs capacités contributives depuis cette date » (paragr. 10).

 

Adoptant ensuite un raisonnement similaire à celui qu’il avait tenu dans plusieurs décisions précédentes56, le Conseil constitutionnel a considéré que le caractère pérenne de la différence de traitement résultant de cette règle de répartition ne procédait pas d’une différence de situation également pérenne qui aurait été susceptible de la justifier.

 

Après avoir indiqué qu’il aurait certes été loisible au législateur « de prévoir, à titre transitoire, une règle de répartition dérogatoire pour les prélèvements des communes membres d’un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris tenant compte de ceux calculés au titre de l’année 2015 », le Conseil  a jugé qu’en revanche, en l’espèce, le législateur « ne pouvait, compte tenu de l’objet du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, laisser subsister de façon pérenne une telle différence de traitement sans porter une atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques » (paragr. 11).

 

Ainsi, et sans qu’il lui ait été nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés par la commune requérante, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions du b de l’article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, contraires à la Constitution (paragr. 12).

 

* Pour finir, il appartenait au Conseil constitutionnel de se prononcer sur les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité.

 

Il a jugé à cet égard qu’une abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des conséquences manifestement excessives, dès lors qu’elle « aurait pour effet de remettre en cause l’ensemble des prélèvements opérés sur leur fondement » (paragr. 14).

 

La remise en cause de la clé de répartition qui s’est appliquée aux établissements publics territoriaux et aux communes de la métropole du Grand Paris pour l’année 2022 aurait en effet pu impliquer, par voie de conséquence, celle des dotations déjà versées au titre du fonds au titre de cette année et aurait été donc de nature à affecter les conditions de la péréquation assurée par celui-ci. Afin de permettre au législateur de tirer lui-même les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil a ainsi décidé de reporter au 1er janvier 2025 la date de prise d’effet de l’abrogation du b de l’article L. 5219-8 du CGCT.

 

Toutefois, à elle seule, cette censure à effet différé aurait privé la commune requérante et les autres communes ayant engagé une procédure contentieuse ou qui sont encore recevables à le faire, du bénéfice de la déclaration d’inconstitutionnalité. Dès lors, « afin de préserver l’effet utile de la présente décision à la solution des instances en cours ou à venir », le Conseil constitutionnel a jugé qu’« il appartient aux juridictions saisies de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2025 dans les procédures dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles »57 (paragr. 15). Le législateur pourra alors, le cas échéant, prévoir l’application des nouvelles dispositions à ces instances.

 

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1 Selon Antoinette Hasting-Marchadier, « la péréquation horizontale consiste à imposer aux collectivités d’un même échelon territorial le partage des moyens financiers disponibles en instituant des enveloppes mutualisées, sous la forme de fonds, permettant le processus de redistribution » (« La péréquation financière horizontale et la Constitution », AJDA, 2013, p. 2296). Selon la même autrice, « en comparaison du volume de la péréquation verticale estimé à 7,9 milliards d’euros en 2013, l’effort de solidarité horizontale imposé en France par la législation demeure encore très modeste, pouvant atteindre 1 milliard d’euros cette année [2013] ».

2 La péréquation horizontale n’était jusqu’alors mise en œuvre qu’à l’échelle des départements disposant de fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), et de la région Ile-de-France (fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France – FSRIF).

3 Article 125 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. Pour un bilan de sa mise en œuvre, voir notamment le rapport d’information n° 73, intitulé « Pour un fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales plus proche des réalités locales », de MM. Charles Guené et Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 20 octobre 2021.

4 Selon le 1 du paragraphe II de l’article L. 2336-1 du CGCT, « Les ressources de ce fonds national de péréquation en 2012, 2013, 2014 et 2015 sont fixées, respectivement, à 150, 360, 570 et 780 millions d’euros. En 2016 et en 2017, les ressources du fonds sont fixées à 1 milliard d’euros. À compter de 2018, les ressources du fonds sont fixées à 1 milliard d’euros ». Dans la version initiale de cet article, il était prévu que ce montant corresponde après 2016 à 2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI à fiscalité propre.

5 Paragraphe I de l’article L. 2336-3 du CGCT.

6 Aux termes du paragraphe III de l’article L. 2336-1 : « Pour la mise en œuvre de ce fonds national de péréquation, un ensemble intercommunal est constitué d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et de ses communes membres au 1er janvier de l’année de répartition des ressources dudit fonds. »

7 Comme le relève le rapport relatif à la mise en œuvre du FPIC remis au Parlement par le Gouvernement en 2022 : « Le FPIC est un dispositif qui vise à assurer une péréquation au sein de la totalité du bloc communal. A cette fin, le bloc communal est appréhendé selon une logique de "territoire": la mesure de la richesse, qui permet de définir les contributeurs et les bénéficiaires, s’effectue au niveau du territoire intercommunal, par agrégation des ressources de l’intercommunalité et de ses communes membres. Dans cette perspective, le FPIC est le seul dispositif de péréquation dont le fonctionnement repose sur des critères financiers agrégés au niveau de l’ensemble formé par les communes et leur EPCI à fiscalité propre, dit « ensemble intercommunal ».

8 1° du paragraphe I de l’article L. 2336-3 du CGCT.

9 Cette notion est définie par les dispositions des paragraphes I et II de l’article L. 2336-2 du CGCT. Le FPIC intègre une assiette de ressources très large, qui tient également compte de certains prélèvements opérés sur ces ressources. En outre, il s’agit pour les ensembles intercommunaux d’un potentiel fiscal « agrégé », qui correspond à la somme de différents termes représentatifs des ressources de nature fiscale des ensembles intercommunaux, et doit permettre de neutraliser les conséquences découlant des seuls choix de certaines formes d’organisation juridique et administrative.

10 Cette notion est définie au 2° du paragraphe I de l’article L. 2336-3 du CGCT.

11 3° du paragraphe I de l’article L. 2336-3 du CGCT.

12 Paragraphe II de l’article L. 2336-3 du CGCT.

13 Cette notion est actuellement définie au paragraphe III de l’article L. 5211-29 du CGCT (ancien article L. 5211–30 du CGCT réécrit par l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019).

14 Cette notion est définie au paragraphe IV de l’article L. 2334-4 du CGCT.

15 Dernier alinéa du paragraphe II de l’article L. 2336-3 du CGCT.

16 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

17 En application de l’article 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite « MAPTAM »).

18 Les travaux préparatoires de la loi de finances pour 2016 révèlent à cet égard que « selon les simulations effectuées, le mode de calcul des contributions à l’échelle de la métropole du Grand Paris risque de limiter la contribution du territoire le plus riche de France à la solidarité nationale. Par ailleurs, il rendrait contributrices, au sein du FPIC, les communes les moins aisées qui ne bénéficient pas de la dotation de solidarité urbaine "cible" (DSU-cible). Enfin, il reporterait sur la métropole l’ensemble des contributions dues par les communes éligibles aujourd’hui à la DSU-cible » (avis fait par M. Hugues Fourage, au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2016, Tome XII, relations avec les collectivités territoriales, n° 3117, 8 octobre 2015, p. 98).

19 Quatrième alinéa de l’article L. 5219–8 du CGCT : « Pour l’application des articles L. 2336-1 à L. 2336-7, les établissements publics territoriaux définis à l’article L. 5219-2 constituent les ensembles intercommunaux et les ressources retenues sont celles correspondant au territoire de chaque établissement public territorial et de la Ville de Paris. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités de territorialisation des ressources ».

20 Telles que prévues au premier et au dernier alinéa du paragraphe II de l’article L. 2336-3 du CGCT.

21 Selon l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de ces dispositions, « Le schéma de financement de la [métropole du Grand Paris] et des établissements publics territoriaux a été conçu pour accompagner la montée en charge des compétences de la [métropole du Grand Paris] qui bénéficiera progressivement la dynamique des ressources fiscales des territoires. Dans ces conditions, il est proposé que les EPT ne voient pas leur contribution ou leur attribution augmentées par rapport à 2015. La progression des attributions et des contributions au titre du FPIC bénéficiera aux communes de la MGP qui se verront allouées [sic] la part additionnelle de la fiscalité [des] ménages. Les attributions et les contributions au titre du FPIC seront réparties entre les communes membres d’un même établissement public territorial en fonction du prélèvement ou du reversement théorique 2015 (i-e avant mécanisme d’exonération DSU et de minoration FSRIF) » (amendement n° 341 présenté le 11 décembre 2015 par le Gouvernement).

22 Conclusions Vincent Daumas, sur CE, 19 octobre 2016, Commune de Courbevoie, n° 400574 et 401676.

23 CE, 19 octobre 2016, Commune de Courbevoie, n° 400574 et 401676, point 11.

24 Décret n° 2016-423 du 8 avril 2016 relatif aux dotations de l’Etat, aux collectivités territoriales et à la péréquation des ressources fiscales.

25 Aux termes de cette décision, le Conseil d’État s’est également prononcé sur le principe même de l’édiction de règles spécifiques pour la métropole du Grand Paris. À cet égard, il a jugé que « eu égard à l’importance de la population de la métropole du Grand Paris, l’application des règles générales de calcul des contributions au FPIC, fixées aux articles L. 2336-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, aurait conduit à une diminution manifestement disproportionnée de la contribution versée par les collectivités de la métropole du Grand Paris et à un bouleversement de l’équilibre existant, au niveau national, entre contributeurs au FPIC. Le traitement dérogatoire prévu par l’article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales au titre du FPIC est ainsi fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif de la loi. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales méconnaîtrait, sur ce point, les principes d’égalité et d’égalité devant les charges publiques ne peut être regardé comme sérieux » (décision du 19 octobre 2016 précitée, point 7).

26 CE 3/8 CHR, 2 mai 2018, Commune de Neuilly-sur-Seine, n° 400495.

27 Ibidem, point 6.

28 8° du I de l’article 162 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

29 2° de l’article 139 et 3° du II de l’article 143 la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

30 Le J du VIII de l’article 194 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a modifié la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 5219-8 ainsi qu’ajouté à cet article trois nouveaux alinéas.

31 Il s’agissait en effet de celles dont avait fait application le préfet des Hauts–de-Seine aux termes de son arrêté du 25 octobre 2022 pour déterminer le montant du prélèvement dû par la commune au titre de l’année 2022.

32 Pour des exemples précédents, voir la décision n° 2017-681 QPC du 15 décembre 2017, Société Marlin (Exonération de la taxe sur les locaux à usage de bureaux), paragr. 1, ainsi que la décision n° 2019-813 QPC du 15 novembre 2019, M. Calogero G. (Exigence d’agrément pour l’exonération d’impôt sur le revenu des titres représentatifs d’un apport partiel d’actif par une société étrangère), paragr. 1, et son commentaire.

33 Une lecture littérale du dispositif de la décision de renvoi aurait paradoxalement abouti à ce que le Conseil constitutionnel examine une version de dispositions dont le sort aurait été sans incidence sur le litige dont est saisi le tribunal administratif. Or, pour l’exercice de son contrôle dans le cadre d’une QPC, le Conseil constitutionnel entend la notion de « version de la disposition contestée » dans une acception spécifique. Dans un souci de clarté et de simplicité, il adopte en effet un raisonnement par article de loi ou de code. Autrement dit, lorsqu’il contrôle une disposition législative, il le fait dans la version, applicable au litige, de l’article qui contient cette disposition, sans « descendre » à un niveau inférieur à l’article (celui du paragraphe, de l’alinéa, de la phrase, etc.). Aussi, lorsqu’il lui revient de déterminer lui-même la rédaction applicable au litige des dispositions renvoyées, il retient la dernière loi qui, à la date pertinente pour déterminer cette applicabilité, a modifié l’article dans lequel figurent les dispositions qui font l’objet de la QPC, peu important le fait que cette loi ait modifié ou non les dispositions renvoyées (voir sur ce point, notamment le commentaire de la décision n° 2019-813 QPC du 15 novembre 2019 du 15 novembre 2019, M. Calogero G. (Exigence d’agrément pour l’exonération d’impôt sur le revenu des titres représentatifs d’un apport partiel d’actif par une société étrangère).

34 Il s’agissait de la commune de Vaucresson [qui se prévalait de ce qu’elle avait soulevé une QPC identique à celle de la commune de Saint-Cloud dans la cadre du recours en annulation qu’elle avait introduit contre un arrêté portant prélèvement sur les ressources de l’ensemble intercommunal Paris Ouest La Défense au titre du FPIC, pour l’exercice 2021.]

35 Décision du 2 mai 2018 précitée.

36 Voir, par exemple, la décision n° 2023-1063 QPC du 6 octobre 2023, Société Compagnie Gervais Danone (Retenue à la source sur les revenus distribués à des sociétés non-résidentes), paragr. 4.

37 Pour un exemple récent, voir la décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, paragr. 43 ; voir aussi la décision n° 2023-1078 QPC du 8 février 2024, Société Marissol (Taxe de séjour forfaitaire), paragr. 15.

38 Cf., par exemple, la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, Époux G. (Majoration de 25 % de l’assiette des contributions sociales sur les rémunérations et avantages occultes), paragr. 12 et 13.

39 Décision n° 2018-699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France (Application de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus d’une société établie en dehors de l’Union européenne), paragr. 5 à 10.

40 Décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre (Instruction CNI et passeports), cons. 5.

41 Ibid.

42 Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l’occasion de préciser, dans sa décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, alors qu’il était saisi d’une disposition qui instaurait des enveloppes de dotation distinctes au sein de la dotation globale de fonctionnement, pour les départements urbains, d’une part, et pour les départements ruraux, d’autre part, et à laquelle il était reproché de ne pas tenir compte des écarts de ressources et de charges entre les départements, « qu’il est loisible au législateur de mettre en œuvre la péréquation financière entre ces collectivités en les regroupant par catégories, dès lors que la définition de celles-ci repose sur des critères objectifs et rationnels » (décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, Loi de finances pour 2005, cons. 29 ; voir également, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 67).

43 Décision n° 2012-255/265 QPC du 29 juin 2012, Départements de la Seine-Saint-Denis et du Var, (Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements), cons. 8.

44 Ibid.

45 Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014, cons. 134.

46 Ibid., cons. 137.

47 Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), cons. 23 ; décision n° 2020-883 QPC du 12 février 2021, Mme Marguerite P. et autres (Mesures transitoires accompagnant les nouvelles dispositions relatives à l’instauration des périmètres de protection des captages d’eau potable), paragr. 7.

48 Décision n° 2013-305/306/307 QPC du 19 avril 2013, Commune de Tourville-la-Rivière (Taxe locale sur la publicité extérieure), cons. 7.

49 Décision n° 2018-711 QPC du 8 juin 2018, Communauté d’agglomération du Grand Sénonais (Garantie d’octroi d’une dotation d’intercommunalité à hauteur de 95 % de la dotation de l’année précédente), paragr. 12 et 13.

50 Décision n° 2013-323 QPC du 14 juin 2013, Communauté de communes Monts d’Or Azergues (Répartition de la DCRTP et du FNGIR des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre lors de la modification du périmètre des établissements), cons. 10.

51 Décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014, Commune de Guyancourt (Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France), cons. 5 et 6.

52 Décision n° 2020-862 du 15 octobre 2020, Communauté de communes Chinon, Vienne et Loire (Pérennisation d’un prélèvement minorant la dotation d’intercommunalité), paragr. 8.

53 Décision n° 2023-1083 QPC du 21 mars 2024, Communauté de communes Chinon, Vienne et Loire (Pérennisation d’un prélèvement minorant la dotation d’intercommunalité II).

54 Décision n° 2019-787 DC du 25 juillet 2019, Loi pour une école de la confiance, paragr. 6 à 8.

55 Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, Loi de finances pour 2020, paragr. 54 et 55.

56 Voir les décisions n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 précitée, paragr. 8, n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014, précitée, cons. 6 et n° 2013 323 QPC du 14 juin 2013 précitée, cons. 10.

57 Pour de précédentes décisions du Conseil prévoyant que les juridictions sursoient à statuer jusqu’à l’intervention du législateur, voir les décisions n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, Consorts L. (Cristallisation des pensions), cons. 12 ; n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011, M. Claude G. (Rente viagère d’invalidité), cons. 7 ; n° 2013-343 QPC du 27 septembre 2013, Époux L. (Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole), cons. 9 ; n° 2014–413 QPC du 19 septembre 2014, Société PV-CP Distribution (Plafonnement de la cotisation économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée), cons. 8 ; n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017, Société EDI-TV (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision II), paragr. 10.