Définitivement adoptée le 12 avril 2023, sur les conclusions de la commission mixte paritaire, la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions avait été déférée au Conseil constitutionnel, le 17 avril 2023, par plus de soixante députés.
Dans sa décision n° 2023-850 DC du 17 mai 2023, le Conseil, qui était saisi de griefs dirigés contre neuf articles de la loi déférée1, a déclaré conformes à la Constitution les dispositions contestées de ses articles 9, 13, 15, 16, 17 et 18 ainsi que son article 11. Il a également jugé conformes à la Constitution, sous une réserve, l’article L. 232-12-2 du code du sport, dans sa rédaction issue de l’article 5 de la loi, et l’article 10 de la même loi.
Il a en revanche déclaré contraire à la Constitution, comme adopté selon une procédure contraire aux règles de recevabilité des amendements en première lecture (« cavaliers législatifs »), l’article 7 de la loi déférée.
Le présent commentaire porte uniquement sur les articles 5 et 10 relatifs, pour le premier, à l’autorisation de l’examen des caractéristiques génétiques et de la comparaison des empreintes génétiques pour les analyses antidopage et, pour le second, à l’expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images par voie aéroportée.
I. – L’autorisation de l’examen des caractéristiques génétiques et de la comparaison des empreintes génétiques pour les analyses antidopage (article 5)
A. – Les dispositions contestées et les griefs des députés requérants
L’article 5 de la loi déférée modifie notamment le code du sport afin d’y insérer un nouvel article L. 232-12-2 visant à permettre au laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France (AMA) de procéder, dans certains cas, à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen des caractéristiques génétiques d’un sportif.
* Selon l’exposé des motifs du projet de loi, « alors que l’Agence mondiale antidopage a émis à l’encontre de la France une réserve de conformité aux règles internationales, l’article 4 [devenu l’article 5 de la loi dans sa numérotation définitive] autorise, dans la perspective de la tenue des Jeux, aux seules fins de mettre en évidence la présence et l’usage de substances ou de méthodes interdites, la réalisation d’analyses consistant en l’examen de caractéristiques génétiques ou en la comparaison d’empreintes génétiques des sportifs. La mesure est limitée à la période entourant les Jeux. Elle est strictement encadrée dans ses finalités, dès lors que les analyses ne peuvent avoir d’autre objet que la lutte contre le dopage, ne visent qu’à la détection de cas limitativement énumérés et ne sont prévues qu’en dernier recours, lorsque les autres techniques disponibles ne permettent pas d’aboutir au même résultat ».
L’étude d’impact du projet de loi indique à cet égard que « si le développement de nouvelles méthodes de détection des substances interdites et le raccourcissement des fenêtres temporelles de cette détection contribuent à davantage dissuader les sportifs et sanctionner les faits de dopage, les organisations antidopage sont toutefois confrontées à des comportements toujours plus élaborés, qui rendent nécessaire le recours aux analyses génétiques ».
Elle précise que de telles analyses sont « nécessaires pour :
« - détecter le dopage génétique, (…) thérapie génique détournée consistant à modifier l’expression des gènes, notamment de l’EPO ou de l’hormone de croissance, par un apport de matériel codant pour ces protéines, de sorte que son corps en produira naturellement plus. (…)
« - détecter les administrations ou réintroduction d’une quantité de sang homologue : le séquençage génétique pourrait permettre d’identifier une transfusion sanguine homologue (c’est-à-dire d’une personne de même groupe sanguin) particulièrement utilisées dans les sports d’endurance, en substitution de substances interdites devenues plus facilement détectable (…) ;
« - identifier une mutation rare du gène responsable de la production de l’EPO : dans certains cas, les analyses traditionnelles sont susceptibles de produire des "faux positifs" en raison d’une mutation génétique portée par le sportif. Le séquençage ciblé d’un échantillon sanguin fourni par ce sportif permettrait de lever le doute (…) ;
« - détecter une substitution des échantillons : la comparaison de l’ADN des échantillons permettrait de déterminer si deux prélèvements proviennent bien d’un seul et même individu ou encore si un prélèvement contient l’ADN de plusieurs personnes. Cette comparaison permettrait en particulier d’établir, lorsque des indices sérieux le laissent penser, qu’un sportif a substitué l’urine d’un tiers à la sienne lors d’un prélèvement, ce qui constitue également une méthode interdite au sens de la liste des interdictions ».
* En l’état du droit, sont sanctionnés par les articles L. 232-9 et suivants du code du sport non seulement l’usage ou la tentative d’usage d’une substance ou d’une méthode interdite par un sportif, mais également les comportements en lien avec le recours à ces substances ou à ces méthodes, tels que la détention d’une substance ou d’une méthode interdite, le fait de se soustraire ou de refuser de se soumettre au prélèvement d’échantillon ou la falsification de tout élément du contrôle du dopage de la part d’un sportif ou d’un tiers2.
Aux termes de l’article L. 232-5 du même code, il revient à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), autorité publique indépendante créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, en sa qualité d’organisation nationale antidopage, signataire du code mondial antidopage, de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage. À cette fin :
- elle coopère avec l’AMA et avec les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage ;
- elle définit et met en œuvre un programme annuel de contrôles antidopage, elle diligente de tels contrôles (par l’intermédiaire du directeur du département des contrôles de l’AFLD et des agents placés sous son autorité hiérarchique3) pendant les manifestations sportives nationales et internationales ainsi qu’en dehors des périodes de compétition ;
- elle fait réaliser par des laboratoires accrédités ou approuvés par l’AMA l’analyse des prélèvements effectués lors de contrôles et peut effectuer des prélèvements pour le compte de tiers ;
- elle effectue des enquêtes pour procéder à des contrôles ciblés ou établir les violations des règles relatives à la lutte contre le dopage ou encore exercer son pouvoir disciplinaire à l’égard des personnes ayant commis de telles violations.
Pour assurer le respect des dispositions relatives à la lutte contre le dopage, des échantillons d’urine ou de sang peuvent être prélevés auprès des sportifs participant à des manifestations ou compétitions nationales ou internationales. Les prélèvements sont principalement réalisés à l’occasion de contrôles diligentés par les autorités compétentes.
L’article L. 232-9-2 du code du sport prévoit, dans le prolongement du code mondial antidopage4, l’interdiction pour tout sportif de se soustraire au prélèvement d’un échantillon, refuser le prélèvement d’un échantillon ou ne pas se soumettre au prélèvement d’un échantillon. Le non-respect de cette interdiction expose le sportif à des sanctions disciplinaires telles que la suspension temporaire ou définitive de participation à une compétition, à un entraînement et à d’autres activités et fonctions sportives5.
Les opérations de contrôle antidopage sont réalisées, sous l’égide de l’AFLD, dans les conditions prévues aux articles L. 232-12 à L. 232-16 du code du sport.
Les prélèvements sont effectués par des agents agréés et assermentés de l’AFLD ou exerçant pour le compte d’un organisme agréé par l’AFLD dans le cadre des opérations de contrôle qu’elle diligente pour la mise en œuvre du programme annuel de contrôles qu’elle définit ou à la demande d’une fédération agréée, de l’AMA ou d’une organisation nationale ou internationale antidopage6.
L’article L. 232-13-1 prévoit que ces contrôles, qui sont réalisés par la personne chargée de procéder au prélèvement, peuvent être réalisés dans tout lieu où se déroule un entraînement ou une manifestation mentionnés à l’article L. 230-3 (1°), mais aussi dans tout établissement mentionné à l’article L. 322-2, dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives (2°), dans tout lieu, y compris le domicile du sportif, permettant de réaliser le contrôle dans le respect de la vie privée du sportif et de son intimité (3°) ou encore dans le cadre de la garde à vue d’un sportif soupçonné d’avoir commis l’un des délits prévus aux articles L. 232–25 à L. 232-28 (4°).
Les prélèvements biologiques sont destinés à mettre en évidence l’usage de procédés prohibés ou à déceler la présence dans l’organisme de substances interdites. L’article L. 232-12-1 précise que ces prélèvements peuvent avoir « pour objet d’établir le profil des paramètres pertinents dans l’urine ou le sang d’un sportif aux fins de mettre en évidence l’usage d’une substance ou d’une méthode interdite en vertu de l’article L. 232-9 ».
Les analyses des prélèvements effectués par l’AFLD sont réalisées, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, par tout laboratoire désigné à cette fin par l’agence et accrédité ou approuvé par l’AMA (article L. 232-18 du code du sport).
Les différentes techniques d’analyse auxquelles peuvent recourir les laboratoires désignés par l’AFLD pour déceler la présence d’une substance interdite dans l’organisme ne sont pas spécifiquement encadrées par les dispositions législatives du code du sport7.
Jusqu’à l’adoption des dispositions contestées, il résultait en revanche des articles 16-10 et 16-11 du code civil que la réalisation d’analyses génétiques au titre de la lutte contre le dopage n’était pas possible, que ce soit en vue de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’un sportif8 ou à son identification par une comparaison d’empreintes génétiques9.
* Afin d’intégrer certaines recommandations de l’AMA, qui admet depuis 2003 le recours à des techniques d’analyse génétique pour lutter contre le dopage10, le nouvel article L. 232-12-2 du code du sport dispose, en son paragraphe I, que, « Aux seules fins de mettre en évidence la présence dans l’échantillon d’un sportif et l’usage par ce sportif d’une substance ou d’une méthode interdites en application de l’article L. 232–9, le laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France peut procéder, à partir de prélèvements sanguins ou urinaires des sportifs qui lui sont transmis et dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas leur détection, à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen de caractéristiques génétiques pour la recherche des cas suivants : 1° Une administration de sang homologue ; 2° Une substitution d’échantillons prélevés ; 3° Une mutation génétique dans un ou plusieurs gènes impliqués dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite en application du même article L. 232–9 ; 4° Une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance ».
Si le projet de loi prévoyait initialement de limiter le recours à ces techniques d’analyse génétique à la période entourant les jeux Olympiques et Paralympiques organisés à Paris en 2024, son application a finalement été rendue possible à « toutes les compétitions, qu’elles soient internationales ou nationales, ainsi qu’aux tests hors compétition menés dans le cadre des programmes annuels de contrôle, afin que le Laboratoire antidopage français puisse expérimenter un fonctionnement dans les conditions que connaissent habituellement les autres laboratoires antidopage »11.
Le paragraphe II de l’article L. 232-12-2 prévoit que « La personne contrôlée est expressément informée, préalablement au prélèvement, en particulier au moment de l’inscription à la compétition sportive : 1° De la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet des analyses prévues au I du présent article, en précisant la nature de celles–ci et leurs finalités ; 2° De l’éventualité d’une découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle–même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés et de ses conséquences ».
Son paragraphe III dispose que « Les analyses prévues au I du présent article sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes. Les données analysées ne peuvent conduire à révéler l’identité des sportifs ni servir au profilage des sportifs ou à la sélection de sportifs à partir d’une caractéristique génétique donnée. / Les analyses sont réalisées à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants ou, si elles nécessitent l’examen de caractéristiques génétiques, ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées ni permettre d’avoir une connaissance de l’ensemble des caractéristiques génétiques de la personne ».
Il impose en outre la destruction sans délai des données génétiques analysées « lorsqu’elles ne révèlent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdites ou, au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées, lorsqu’elles révèlent la présence d’une substance ou l’utilisation d’une méthode interdites ».
Le paragraphe IV de l’article L. 232-12-2 prévoit quant à lui que « Le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la poursuite des finalités prévues au I ». Il renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le soin de préciser les conditions et modalités des analyses et du traitement des données qui en sont issues.
Son paragraphe V prévoit enfin que, « En cas de découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle–même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés, et sauf si elle s’y est préalablement opposée, la personne contrôlée est informée de l’existence d’une telle découverte et invitée à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique ».
L’article 5 de la loi déférée a également modifié les articles 16-10 et 16-11 du code civil afin d’incorporer la lutte contre le dopage dans la liste des finalités pour lesquelles l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ou son identification par ses empreintes génétiques peut être entrepris12.
* Les députés requérants reprochaient aux dispositions introduites au sein du code du sport par l’article 5 de la loi déférée d’autoriser, de manière pérenne, la réalisation d’analyses génétiques sans prévoir que le consentement du sportif contrôlé doit préalablement être recueilli. Ils dénonçaient également l’absence de nécessité de l’une des finalités de ces analyses, consistant à rechercher une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance.
Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la liberté individuelle.
B. – Analyse de constitutionnalité
1. – La jurisprudence constitutionnelle relative au droit au respect de la vie privée
Aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée13.
* Si le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur des dispositions touchant à la génétique, à l’occasion notamment du contrôle des lois de bioéthique14, il n’avait pas encore été conduit à statuer directement sur la constitutionnalité de certaines techniques d’analyse génétique sur le fondement du droit au respect de la vie privée.
Jusqu’à présent, le Conseil a surtout été saisi de la conformité à la Constitution de dispositions permettant de procéder à des prélèvements biologiques sur des personnes au cours d’une procédure pénale ou administrative, sans que ne lui soit alors posée la question de la nature des analyses susceptibles d’être conduites sur ces prélèvements.
Il a alors principalement exercé son contrôle sur le fondement du principe de l’inviolabilité du corps humain et du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, auquel le Conseil a reconnu valeur constitutionnelle dans sa décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 199415, ainsi que sur le fondement de l’article 9 de la Déclaration de 1789 qui prohibe toute « rigueur non nécessaire » et dont le Conseil a admis l’application à des mesures qui ne mettent pas en cause la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution16.
– Ainsi, dans sa décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions permettant le recours aux empreintes génétiques des individus demandeurs de visa (ou « tests ADN ») afin de prouver leur filiation maternelle dans le cadre d’une procédure de regroupement familial.
Les requérants soutenaient notamment que le recours aux empreintes génétiques à des fins de police administrative pour priver certaines personnes de l’accès à un droit constitutionnellement garanti portait une atteinte disproportionnée au principe du respect de la dignité humaine.
Pour écarter ce grief, le Conseil a relevé « que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, en autorisant ce mode supplétif de preuve d’un lien de filiation, le dispositif critiqué n’instaure pas une mesure de police administrative ; qu’en outre, la loi n’autorise pas l’examen des caractéristiques génétiques du demandeur de visa mais permet, à la demande de ce dernier ou de son représentant légal, son identification par ses seules empreintes génétiques dans des conditions proches de celles qui sont prévues par le deuxième alinéa de l’article 16-11 du code civil ; qu’il s’ensuit que le grief tiré de l’atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine consacré par le Préambule de 1946 manque en fait »17.
– Dans sa décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a été saisi des dispositions de l’article 388 du code civil autorisant le recours à un examen radiologique osseux aux fins de contribuer à la détermination de l’âge d’une personne, sous réserve du consentement de l’intéressé.
Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de l’inviolabilité du corps humain, il a relevé que « Les examens radiologiques osseux contestés visent uniquement à déterminer l’âge d’une personne et ne peuvent être réalisés sans son accord. Ils n’impliquent aucune intervention corporelle interne et ne comportent aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes ». Il en a déduit que ces griefs manquaient en fait18.
– Dans sa décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions créant un traitement automatisé comportant les empreintes digitales et la photographie des ressortissants étrangers qui se déclarent mineurs non accompagnés.
Il a contrôlé ces dispositions au regard notamment de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge.
Pour juger que cette exigence constitutionnelle n’était pas méconnue, il a en particulier relevé que « la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci »19.
– Plus récemment, par sa décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 202320, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur des dispositions du code de procédure pénale permettant, lorsqu’une personne majeure ou une personne mineure manifestement âgée d’au moins treize ans est entendue sous le régime de la garde à vue ou de l’audition libre, que la prise de ses empreintes ou de sa photographie puisse, sous certaines conditions, être effectuée sans son consentement.
Pour admettre la conformité à la Constitution d’une partie de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a relevé qu’il ne peut être procédé à la prise d’empreintes ou de photographies sans le consentement de l’intéressé qu’avec l’autorisation écrite du procureur de la République, qui doit être saisi d’une demande motivée par l’officier de police judiciaire. Cette autorisation ne peut être délivrée par ce magistrat que si ces opérations constituent l’unique moyen d’identifier une personne qui refuse de justifier de son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement inexacts et à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et, lorsqu’elle est mineure, d’au moins cinq ans d’emprisonnement. En outre, lorsqu’il s’agit d’une personne mineure, l’officier ou l’agent de police judiciaire doit préalablement s’efforcer d’obtenir son consentement et l’informer, en présence de son avocat, des peines encourues en cas de refus de se soumettre à ces opérations et de la possibilité d’y procéder sans son consentement.
Il a également relevé que l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire ne peut recourir à la contrainte que dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée, en tenant compte, le cas échéant, de la vulnérabilité de la personne ainsi que de la situation particulière du mineur.
En revanche, il a jugé que les opérations de prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement de la personne, qu’elle soit mineure ou majeure, ne sauraient être effectuées hors la présence de son avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié.
Il a enfin censuré les dispositions contestées en ce qu’elles permettaient de recourir à la contrainte dans le cadre du régime de l’audition libre alors que le respect des droits de la défense dans ce cadre exige que la personne intéressée soit entendue sans contrainte et en droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue.
* Il convient par ailleurs de rappeler que, sur le fondement du droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel a reconnu le caractère particulièrement sensible des données de santé, qui justifie qu’elles fassent l’objet d’une protection particulière. Il juge, en effet, que ce droit « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale »21. Pour autant, il appartient au législateur de le concilier avec d’autres exigences constitutionnelles.
– Ainsi, saisi de l’obligation faite aux médecins, lorsqu’ils établissent une prescription d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi d’indemnités journalières par l’assurance maladie, de mentionner sur les documents produits à cet effet « les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail », le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé, dans sa décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, que le droit au respect de la vie privée « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la transmission des informations nominatives à caractère médical entre les médecins prescripteurs et les organismes de sécurité sociale ; qu’il appartient toutefois au législateur de concilier le droit au respect de la vie privée et l’exigence de valeur constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale ». Il a ensuite constaté que ces informations étaient destinées au seul « service du contrôle médical » et que les médecins-conseils composant ce service étaient tenus au secret médical, y compris envers l’organisme qui fait appel à eux. Par une réserve d’interprétation, il a toutefois exigé que soient « mises en place des modalités d’acheminement de ces documents aux médecins-conseils de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu’ils contiennent ». Sous cette réserve, et compte tenu de la finalité poursuivie, qui était de remédier à l’augmentation des dépenses de santé en cause et à leur caractère éventuellement injustifié, le Conseil a jugé la disposition conforme au droit au respect de la vie privée22.
– Dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel était saisi du dispositif de collecte, de traitement et de partage d’informations mis en place par l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Ce système d’information vise à faciliter l’identification et le suivi des personnes infectées par le covid-19 et de leurs contacts.
Pour ce faire, il s’agissait de prévoir le partage d’informations médicales. Ainsi que le rappelle le commentaire de cette décision, « L’exigence du consentement à l’utilisation des données de santé est une garantie forte au regard de l’exigence de droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel en a ainsi tenu compte pour juger conforme à la Constitution la carte électronique individuelle inter-régimes23 ou le dossier médical personnel24 qui devaient chacun permettre l’échange d’informations médicales à caractère personnel entre les professionnels de santé. / En revanche, le partage de données médicales à caractère personnel, sans le consentement de l’intéressé, n’est pas nécessairement contraire au droit au respect de la vie privée : tout dépend des modalités de ce partage, des finalités poursuivies et des garanties prévues ».
Dans cette décision du 11 mai 2020, le Conseil s’est attaché à examiner l’objectif poursuivi ainsi que l’adéquation et la proportionnalité, au regard de cet objectif, du champ des données collectées et partagées, des finalités assignées à leur traitement ainsi que du champ des personnes pouvant y procéder. Il a également analysé les autres garanties prévues par le législateur.
Dans ce cadre, il a d’abord relevé que les dispositions contestées poursuivaient l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et que la collecte, le traitement et le partage des données personnelles ne pouvaient être mis en œuvre que « dans la mesure strictement nécessaire à l’une des quatre finalités » de ce traitement de données25.
S’agissant du champ des données retenues, le Conseil a notamment jugé que « le législateur a restreint le champ des données de santé à caractère personnel susceptibles de faire l’objet de la collecte, du traitement et du partage en cause, aux seules données relatives au statut virologique ou sérologique des personnes à l’égard du covid-19 ou aux éléments probants de diagnostic clinique et d’imagerie médicale précisés par décret en Conseil d’État. D’autre part, dans le cadre des trois premières finalités mentionnées ci-dessus, les autres données à caractère personnel en cause sont celles permettant l’identification des intéressés et celles précisant les contacts qu’une personne infectée a eus, au moment où elle a pu être infectée et pendant la période où elle était susceptible de contaminer d’autres personnes. Le législateur a ainsi restreint le champ des données à caractère personnel soumises au dispositif contesté aux seules données strictement nécessaires à la poursuite des trois premières finalités mentionnées ci-dessus »26.
Il a également relevé que « Si le champ des personnes susceptibles d’avoir accès à ces données à caractère personnel, sans le consentement de l’intéressé, est particulièrement étendu, cette extension est rendue nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l’épidémie. / En revanche, sont également inclus dans ce champ, pour le partage des données, les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés. Or, s’agissant d’un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés ». Cet accompagnement ne relevant pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifiait que ces organismes aient accès, sans le consentement des personnes intéressées, aux données à caractère personnel présentes dans le fichier. Le Conseil a donc censuré ces dernières dispositions27.
Il a en outre relevé que les agents habilités à accéder à ces données sont tenus au secret professionnel et a formulé une réserve d’interprétation en précisant qu’« il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir des modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité et, notamment, l’habilitation spécifique des agents chargés, au sein de chaque organisme, de participer à la mise en œuvre du système d’information ainsi que la traçabilité des accès à ce système d’information »28. Il a, en définitive, déclaré ce dispositif de collecte conforme à la Constitution.
2. – L’application à l’espèce
Le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions contestées à l’aune du droit au respect de la vie privée.
Il a commencé par affirmer qu’une « particulière vigilance » doit être observée « dans l’analyse et le traitement des données génétiques d’une personne » (paragr. 5). Si le Conseil n’avait pas encore eu l’occasion d’exprimer en ces termes la spécificité du contrôle qu’il opère sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration de 1789 lorsque sont en cause de telles données, cette affirmation se situe dans la droite ligne de sa jurisprudence précitée sur la protection des données de santé qui sont, comme les données génétiques, des données particulièrement sensibles.
Après avoir décrit les dispositions applicables aux prélèvements et à leur analyse sur tout sportif engagé dans une manifestation sportive, puis l’objet des dispositions contestées (paragr. 6 et 7), le Conseil a relevé, en premier lieu, qu’en les adoptant, le législateur a entendu « renforcer les moyens de prévenir et de rechercher les manquements aux règles relatives à la lutte contre le dopage, qui tendent à assurer la protection de la santé des sportifs ainsi que la loyauté des compétitions » (paragr. 8). Il a jugé qu’il avait ainsi poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de sauvegarde de l’ordre public (même paragr.).
Le Conseil s’est attaché, en deuxième lieu, aux finalités pour lesquelles le laboratoire accrédité par l’AMA pourra procéder à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen de caractéristiques génétiques d’un sportif.
Après avoir constaté que ces analyses ne pourront être réalisées « qu’aux seules fins de mettre en évidence la présence dans l’échantillon prélevé sur un sportif d’une substance interdite et l’usage par ce dernier d’une substance ou d’une méthode interdites » (paragr. 9), il a relevé, d’une part, que le législateur a énuméré, au paragraphe I du nouvel article L. 232-12-2 du code du sport, les cas susceptibles d’en justifier la mise en œuvre, à savoir : la recherche d’une administration de sang homologue, d’une substitution d’échantillons prélevés, d’une mutation génétique dans un ou plusieurs gènes impliqués dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite, ou encore d’une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance (paragr. 10).
Sur ce point, le Conseil a précisé, suivant une formule caractéristique du contrôle distancié qu’il opère sur certains choix relevant de la marge d’appréciation du législateur, qu’il « ne lui appartient de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances et des techniques scientifiques, les dispositions ainsi prises par le législateur dès lors que les choix qu’il a opérés ne sont pas manifestement inappropriés à l’objectif visé » (paragr. 10).
D’autre part, le Conseil a souligné le caractère subsidiaire des analyses génétiques, dès lors qu’il ne pourra y être procédé « que dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas de détecter une substance ou une méthode interdites » (paragr. 11).
En troisième lieu, le Conseil a pris en compte les garanties entourant l’analyse et le traitement des données génétiques d’un sportif faisant l’objet d’un prélèvement.
À ce titre, le législateur a expressément prévu que les analyses génétiques sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes. Les données analysées ne peuvent conduire à révéler l’identité des sportifs ni servir à leur profilage ou à leur sélection à partir d’une caractéristique génétique donnée. Ces analyses sont réalisées à partir de segments d’ADN non codants ou, si elles nécessitent l’examen de caractéristiques génétiques, ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées ni permettre d’avoir une connaissance de l’ensemble des caractéristiques génétiques de la personne (paragr. 12).
Par ailleurs, le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la recherche des cas visés au paragraphe I de l’article L. 232-12-2 du code du sport. En outre, les données génétiques analysées sont détruites sans délai lorsqu’elles ne révèlent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdites ou, dans le cas contraire, au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées (même paragr.).
En dernier lieu, le Conseil a porté une attention particulière aux conditions dans lesquelles la personne contrôlée sera informée de la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet d’analyses génétiques.
Le Conseil a constaté à cet égard que la personne contrôlée doit être expressément informée, préalablement au prélèvement, et en particulier au moment de son inscription à chaque compétition sportive, de la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet de telles analyses, dont la nature et les finalités lui sont alors précisées (paragr. 13). Il a également relevé que cette personne doit alors être également informée de l’éventualité d’une découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés et de ses conséquences, ainsi que de la possibilité de s’opposer à ce qu’une telle découverte lui soit révélée (même paragr.).
Toutefois, le Conseil a formulé une réserve d’interprétation destinée à assurer l’effectivité du consentement du sportif à de telles analyses. Il a ainsi énoncé qu’« Il appartiendra aux autorités administratives compétentes de s’assurer, sous le contrôle du juge, que les conditions dans lesquelles cette information est délivrée au sportif sont de nature à garantir que, en décidant de prendre part à la compétition, il consent également à ce que les échantillons prélevés puissent faire l’objet d’analyses génétiques » (paragr. 14).
Sous cette réserve et au regard de l’ensemble des éléments ainsi relevés, le Conseil constitutionnel a jugé que, en l’état des connaissances et des techniques scientifiques, l’article L. 232-12-2 du code du sport ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée (paragr. 15).
Ces dispositions ne méconnaissant pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ou la liberté individuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle, il les a donc déclarées conformes à la Constitution, sous la même réserve (paragr. 16).
II. – Expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images par voie aéroportée (article 10)
A. – Les dispositions contestées et les griefs des députés requérants
* L’article 10 crée, « à titre expérimental et pour une durée limitée, un cadre juridique nouveau permettant le traitement des images issues de la vidéoprotection ou de caméras installées sur des aéronefs par des systèmes d’intelligence artificielle »29.
L’étude d’impact du projet de loi justifie la création de ce cadre juridique en soulignant que « la visualisation en direct de l’ensemble des images captées par les caméras de vidéoprotection est matériellement impossible. À titre d’exemple, le plan de vidéoprotection de la préfecture de police de Paris s’appuyait, en 2020, sur 3 762 caméras appartenant à la préfecture de police et 37 800 caméras appartenant à des autorités tierces ». L’étude d’impact ajoute que, « afin de prévenir tout risque d’actes de terrorisme, il apparaît particulièrement opportun de détecter au plus tôt la présence d’un colis abandonné à proximité des infrastructures accueillant cette manifestation sportive ou dans les moyens de transport les desservant. Plutôt que d’attendre son signalement par des effectifs de voie publique ou sa localisation par les opérateurs chargés du visionnage de milliers d’images de vidéosurveillance, cette mesure permettrait de gagner un temps précieux dans la gestion de cet évènement. Seule l’utilisation d’un traitement algorithmique est de nature à signaler en temps réel cette situation à risque et de permettre aux services concernés de l’analyser et d’y donner suite le cas échéant ».
Afin d’établir un cadre juridique correspondant aux objectifs énoncés par le Gouvernement dans les documents de présentation de son projet de loi, l’article 10 de la loi déférée, par des dispositions non codifiées, prévoit que, « À titre expérimental et jusqu’au 31 mars 2025, à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes, les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252–1 du code de la sécurité intérieure30 ou au moyen de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code31, dans les lieux accueillant ces manifestations et à leurs abords ainsi que dans les véhicules et les emprises de transport public et sur les voies les desservant, peuvent faire l’objet de traitements algorithmiques ».
Cet article précise que « Ces traitements ont pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires » à certains services de police, de secours ou de transport et renvoie à un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la détermination de ces événements.
Il dispose que ces traitements « procèdent exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication du ou des événements prédéterminés qu’ils ont été programmés à détecter ».
Par ailleurs, l’article 10 énumère un certain nombre de garanties. À ce titre, il prévoit notamment que ces traitements n’utilisent aucun système d’identification biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. Il prévoit également, dans son paragraphe VI, les caractéristiques et conditions dans lesquelles ce traitement est développé et, dans son paragraphe VII, les conditions dans lesquelles son emploi est autorisé.
* Les députés requérants faisaient d’abord valoir que la durée de l’expérimentation était excessive au motif qu’elle a été prévue jusqu’au 31 mars 2025 alors qu’elle était destinée à s’appliquer aux jeux Olympiques et Paralympiques devant s’achever en septembre 2024.
Ils soutenaient ensuite que ces dispositions étaient entachées d’incompétence négative faute de définir les événements que les traitements algorithmiques ont pour objet de détecter, les situations dans lesquelles ils peuvent être utilisés et les conditions d’habilitation et de formation des agents en faisant usage.
Ils estimaient en outre que ces dispositions méconnaissaient la liberté d’aller et de venir, le droit de manifester, la liberté d’opinion ainsi que le droit au respect de la vie privée. Au soutien de ces griefs, ils reprochaient à ces dispositions de ne pas entourer le recours à des traitements algorithmiques de garanties suffisantes. En particulier, ils faisaient valoir que le champ d’application de ces dispositions, qui ne se limite pas aux manifestations liées aux jeux olympiques et paralympiques, était trop large et que la détection de certains événements conduisait nécessairement au traitement de données biométriques alors même que la loi l’interdit.
Enfin, ils soutenaient que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la loi, dès lors que les critères sur lesquels sont fondés les traitements algorithmiques n’excluent pas toute discrimination, et qu’elles portaient atteinte à la sûreté et à la dignité de la personne humaine en permettant le traitement des images par des algorithmes sans intervention d’un être humain.
B. – La jurisprudence constitutionnelle
1. – La jurisprudence constitutionnelle relative à la vidéoprotection et aux drones
a) La jurisprudence relative à la vidéoprotection
* Entendu, de manière assez classique, comme une protection contre les intrusions publiques ou privées au sein de la sphère d’intimité de chacun, le droit au respect de la vie privée a été appliqué par le Conseil constitutionnel aussi bien aux traitements de données à caractère personnel (fichiers de police et de justice, inscriptions au casier judiciaire, protection des données médicales) qu’en matière d’inviolabilité du domicile et d’interception des correspondances, de vidéoprotection et de vidéosurveillance, d’opérations de sonorisation et de fixation d’images, selon la même exigence de conciliation et de prévention des atteintes à l’ordre public.
Le Conseil constitutionnel juge à ce titre qu’il appartient au législateur d’assurer « la conciliation entre le respect de la vie privée et d’autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public »32.
* S’agissant de la vidéoprotection et de la vidéosurveillance proprement dites, le Conseil constitutionnel a initialement établi sa grille d’analyse dans sa décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, par laquelle il a jugé que « la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment d’atteintes à la sécurité des personnes et des biens, et la recherche des auteurs d’infractions, sont nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle ; qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté d’aller et venir ainsi que l’inviolabilité du domicile ; que la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle »33. Dans cette décision, il a ainsi considéré que si, pour répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de préservation de l’ordre public, le législateur peut habiliter le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police, à autoriser l’installation de systèmes de vidéosurveillance, y compris dans des lieux ouverts au public particulièrement exposés à des dangers d’agression ou de vol, « la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties de nature à sauvegarder l’exercice des libertés individuelles »34.
À l’exception des dispositions instaurant un régime d’autorisation tacite par l’administration, le Conseil a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, sous quelques réserves d’interprétation, compte tenu des garanties suivantes :
– le législateur avait imposé que le public soit informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance et de l’autorité ou de la personne responsable. Il avait interdit que soient visualisées les images de l’intérieur des immeubles ainsi que leurs entrées35 ;
– le législateur avait assorti, sauf en matière de défense nationale, les autorisations préfectorales de l’avis d’une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire. Le Conseil constitutionnel a relevé à cet égard qu’eu égard au rôle assigné à cette commission, sa composition doit comporter des garanties d’indépendance36 ;
– le législateur avait exigé que l’autorisation préfectorale prescrive toutes les précautions utiles, en particulier quant à la qualité des personnes chargées de l’exploitation du système de vidéosurveillance ou visionnant les images et quant aux mesures à prendre pour assurer le respect des dispositions prévues par la loi37 ;
– le législateur avait ouvert à toute personne intéressée le droit de s’adresser au responsable d’un système de vidéosurveillance afin d’obtenir un accès aux enregistrements qui la concernent ou d’en vérifier la destruction dans un délai maximum d’un mois. Il avait précisé que cet accès est de droit sous réserve que soient opposés des motifs « tenant à la sûreté de l’État, à la défense, à la sécurité publique, au déroulement de procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, ou au droit des tiers ». Le Conseil a précisé que la référence au « droit des tiers » doit, à cet égard, être regardée comme ne visant que le cas où une telle communication serait de nature à porter atteinte au secret de leur vie privée38 ;
– le législateur avait garanti à toute personne intéressée la possibilité de saisir la commission départementale de toute difficulté tenant au fonctionnement d’un système de vidéosurveillance. Le Conseil a précisé que, eu égard au caractère général de sa formulation, ce droit doit s’entendre comme ménageant la possibilité de saisir cette commission de toute difficulté d’accès à des enregistrements concernant les intéressés ou tenant à la vérification de la destruction de ces enregistrements. Il a également relevé que le législateur a rappelé que cette procédure administrative ne saurait faire obstacle au droit de la personne intéressée de saisir la juridiction compétente, au besoin en la forme du référé39 ;
– en prévoyant que les enregistrements doivent être détruits dans un délai maximum d’un mois hormis le cas d’une enquête de flagrant délit, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, le législateur avait, d’une part, prévu qu’il soit justifié de leur destruction et, d’autre part, interdit toute reproduction ou manipulation de ces derniers hors le cas où les enregistrements de vidéosurveillance seraient utilisés pour la constitution de fichiers nominatifs conformément aux garanties prévues par la législation relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés40 ;
– le législateur avait prévu des sanctions pénales punissant le non-respect de ces prescriptions, tel que le fait de procéder à des enregistrements de vidéosurveillance sans autorisation ou de ne pas les détruire dans le délai prévu41.
Par une réserve d’interprétation, le Conseil a en outre jugé que « s’agissant des demandes d’autorisation requises, le législateur a prévu que "l’autorisation sollicitée est réputée acquise à défaut de réponse dans un délai de quatre mois" ; qu’il peut déroger au principe général selon lequel le silence de l’administration pendant un délai déterminé vaut rejet d’une demande ; que toutefois compte tenu des risques que peut comporter pour la liberté individuelle l’installation de systèmes de vidéosurveillance, il ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels ci-dessus rappelés »42.
* À l’inverse, saisi, dans sa décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010, de dispositions qui prévoyaient que, lorsque des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, des agents de la police municipale, se produisent dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation, les propriétaires ou exploitants de ces immeubles ou leurs représentants puissent rendre ces services ou ces agents destinataires des images des systèmes de vidéosurveillance installés dans ces parties communes, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait omis d’opérer entre le respect de la vie privée et la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteinte à l’ordre public la conciliation qui lui incombe, faute d’avoir prévu « les garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes qui résident ou se rendent dans ces immeubles »43.
Il résulte de la jurisprudence constitutionnelle que l’obligation d’habilitation des agents publics pouvant consulter les images issues de la vidéoprotection ou de la vidéosurveillance qui conduit à en limiter l’accès, la détermination de la qualité de ces agents et les précautions prises pour encadrer l’usage de ces enregistrements sont au nombre des garanties prises en compte dans l’équilibre constitutionnel de la législation en vigueur.
* Par sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur des dispositions permettant aux agents des services de police municipale et à des agents de la Ville de Paris d’accéder aux images des systèmes de vidéoprotection mis en œuvre sur la voie publique par des commerçants aux fins d’assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol, ainsi qu’aux images de systèmes de vidéoprotection mis en œuvre sur la voie publique et dans des lieux ouverts au public, le cas échéant, par des autorités publiques autres que la commune ou l’intercommunalité sur le territoire desquelles ces agents exercent leurs missions.
Pour apprécier la conciliation opérée par ces dispositions, il a relevé, en premier lieu, qu’en application des articles L. 2212-2 et L. 2512–13 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Il a ainsi considéré qu’en permettant à ces agents d’accéder à ces images de vidéoprotection, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public44.
Le Conseil a également relevé, en deuxième lieu, que le législateur n’avait autorisé cet accès que pour les seuls besoins de la mission des agents compétents. Sur ce point, et afin de s’assurer que le périmètre d’intervention en vidéo de ces agents n’excède pas celui sur lequel ils sont autorisés à agir physiquement, il a toutefois émis une réserve visant à préciser que ces dispositions ne sauraient autoriser les agents de la police municipale et les agents de la ville de Paris précités à « accéder à des images prises par des systèmes de vidéoprotection qui ne seraient pas mis en œuvre sur le territoire de la commune ou de l’intercommunalité sur lequel ils exercent cette mission »45.
En dernier lieu, le Conseil a constaté que le législateur avait bien prévu des garanties de nature à sauvegarder l’exercice des libertés précédemment mentionnées : « D’une part, les garanties prévues par le titre V du livre II du code de la sécurité intérieure relatives notamment aux conditions de transmission et de conservation des images, à l’information du public, à l’habilitation des agents et aux finalités des traitements s’appliqueront aux agents des services de police municipale et aux agents de la Ville de Paris. D’autre part, les dispositions contestées prévoient qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, doit fixer les exigences de formation sur la protection des données à caractère personnel auxquelles les agents doivent satisfaire pour être habilités ainsi que les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images ». Il a, par ailleurs, considéré qu’en renvoyant le contenu de ces garanties à un décret, le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence46.
Au regard de ces différents éléments, le Conseil a conclu que les dispositions contestées n’étaient pas entachées d’incompétence négative et que, sous la réserve mentionnée ci-dessus, elles procédaient à une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée47.
b) La jurisprudence relative aux drones
* Dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 précitée48, le Conseil constitutionnel a été, pour la première fois, conduit à contrôler des dispositions législatives prévoyant l’usage de drones. Il a alors fixé un cadre d’examen particulier de ces dispositions.
Il a tout d’abord reconnu que « Pour répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, le législateur pouvait autoriser la captation, l’enregistrement et la transmission d’images par des aéronefs circulant sans personne à bord aux fins de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales ou aux fins de maintien de l’ordre et de la sécurité publics ».
Il a toutefois relevé que, « eu égard à leur mobilité et à la hauteur à laquelle ils peuvent évoluer, ces appareils sont susceptibles de capter, en tout lieu et sans que leur présence soit détectée, des images d’un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée ».
Le Conseil a ainsi souligné l’intensité particulière de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée par l’usage de caméras fixées sur des drones et a relevé la nécessité de prévoir, en conséquence, des « garanties particulières » de nature à sauvegarder ce droit.
Dans ce cadre, après avoir constaté que les dispositions contestées portaient atteinte au respect de la vie privée, dès lors qu’elles « permettent la captation et la transmission d’images concernant un nombre très important de personnes, y compris en suivant leur déplacement, dans de nombreux lieux et, le cas échéant, sans qu’elles en soient informées », le Conseil a relevé plusieurs lacunes des dispositions contestées qui ont conduit à leur censure.
En premier lieu, le Conseil a constaté que les finalités pour lesquelles il pouvait être recouru à ces drones recouvraient des cas très divers. Le Conseil a notamment relevé que cet usage était possible pour toute infraction, y compris une contravention, et également, s’agissant de la police municipale, pour « assurer l’exécution de tout arrêté de police du maire, quelle que soit la nature de l’obligation ou de l’interdiction qu’il édicte ».
En deuxième lieu, il a constaté que des garanties encadraient la décision de recourir à un tel moyen de surveillance puisqu’une autorisation devait être délivrée par une autorité particulière, c’est-à-dire, dans le champ de la police administrative, le représentant de l’État dans le département et, à Paris, par le préfet de police. Le législateur avait également prévu que cette autorisation devait être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention et pour une durée adaptée à ces circonstances. Toutefois, le Conseil a noté que le législateur n’avait lui-même fixé « aucune limite maximale à la durée d’une telle autorisation, exceptée la durée de six mois lorsque cette autorisation est délivrée à la police municipale, ni aucune limite au périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre ».
En troisième lieu, le Conseil a relevé que « l’autorisation de recourir au dispositif de captation d’images contesté est soumise à la condition que des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou que ces circonstances soient susceptibles d’exposer les agents à un danger significatif uniquement dans le cadre d’une enquête pour une infraction punie d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement ou lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ». Il en a conclu que, « Hors ce dernier cas, ce recours ne présente donc pas un caractère subsidiaire en matière de police administrative ».
En dernier lieu, le Conseil a constaté que « les dispositions contestées ne fixent pas le principe d’un contingentement du nombre des aéronefs circulant sans personne à bord équipés d’une caméra pouvant être utilisés, le cas échéant simultanément, par les différents services de l’État et ceux de la police municipale ». Comme le relève le commentaire de la décision sur ce point, « un tel principe est parfois prévu. Ainsi, par exemple, s’agissant des IMSI catcher, le paragraphe IV de l’article L. 851-6 du code de la sécurité intérieure prévoit que le nombre maximal de ces appareils pouvant être utilisés simultanément est arrêté par le Premier ministre, ce que le Conseil avait relevé dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 »49.
Le Conseil en a déduit que, « au regard des motifs pouvant justifier le recours à des aéronefs équipés de caméras et circulant sans personne à bord par les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et ceux de police municipale et des conditions encadrant ce recours, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée ». Il a donc censuré les dispositions contestées relatives à l’emploi des drones par les forces de l’ordre et les agents de la police municipale.
Ainsi que le relève le commentaire de la décision, ce faisant, « le Conseil constitutionnel n’a pas jugé que le principe du recours à des caméras fixées sur des aéronefs par les forces de l’ordre était contraire à la Constitution, mais que l’équilibre trouvé par le législateur ne protégeait pas suffisamment le droit au respect de la vie privée. Les différentes caractéristiques des régimes contestés pointées par le Conseil dans son raisonnement n’étaient pas en soi inconstitutionnelles, mais leur cumul le devenait au regard de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée ».
* La question du recours à des drones a, à nouveau, été soumise au Conseil constitutionnel dans le cadre de son examen de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, sur laquelle il s’est prononcé par sa décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 202250.
Reprenant la grille d’analyse qu’il avait fixée dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 précitée et examinant les différentes finalités et conditions selon lesquelles ces dispositifs peuvent être utilisés, notamment à des fins de police administrative par certains services de l’État51, il a considéré que le législateur les avait précisément circonscrites en jugeant :
« En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
« En deuxième lieu, d’une part, les services de police nationale et de gendarmerie nationale ainsi que les militaires déployés sur le territoire national ne peuvent être autorisés à faire usage de ces dispositifs qu’aux fins d’assurer la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques de commission de certaines infractions, la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation, la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public lorsque ces rassemblements sont susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public, la prévention d’actes de terrorisme, la régulation des flux de transport aux seules fins du maintien de l’ordre et de la sécurité publics, la surveillance des frontières et le secours aux personnes. D’autre part, les agents des douanes ne peuvent être autorisés à recourir à de tels dispositifs qu’afin de prévenir les mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées. Ce faisant, le législateur a précisément circonscrit les finalités justifiant le recours à ces dispositifs ».
Puis, le Conseil s’est attaché aux conditions dans lesquelles le préfet peut autoriser le recours à de tels dispositifs et a relevé plusieurs garanties. Il a relevé, de manière générale, que « le recours à ces dispositifs ne peut être autorisé par le préfet que s’il est proportionné au regard de la finalité poursuivie. À cet égard, la demande des services compétents doit préciser cette finalité et justifier, au regard de celle-ci, la nécessité de recourir aux dispositifs aéroportés ».
D’une part, concernant le champ de l’autorisation, le Conseil a constaté que « l’autorisation du préfet détermine cette finalité et le périmètre strictement nécessaire pour l’atteindre ainsi que le nombre maximal de caméras pouvant être utilisées simultanément, au regard des autorisations déjà délivrées dans le même périmètre géographique. En outre, le nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département est fixé par arrêté du ministre de l’intérieur ». Ainsi, le législateur a prévu que l’autorisation du préfet définit un périmètre géographique et qu’elle est enserrée dans un contingentement.
Toutefois, le Conseil a formulé une réserve d’interprétation destinée à assurer le caractère subsidiaire du recours aux dispositifs aéroportés. Il a ainsi exigé qu’« Une telle autorisation ne saurait cependant, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être accordée qu’après que le préfet s’est assuré que le service ne peut employer d’autres moyens moins intrusifs au regard de ce droit ou que l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents »
D’autre part, le Conseil a pris en compte la limite temporelle de l’autorisation délivrée par le préfet. Il a ainsi relevé que : « l’autorisation accordée par le préfet n’est pas permanente. Elle ne peut être délivrée, lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité d’un rassemblement public, que pour la durée de ce dernier et, pour les autres finalités, que pour une durée maximale de trois mois. Le préfet, qui reçoit chaque semaine le registre tenu par l’autorité responsable des traitements faisant apparaître le détail de chaque intervention, y met fin dès que ces conditions ne sont plus réunies. Cette autorisation ne peut être renouvelée que si les conditions de sa délivrance continuent d’être réunies »
Sur ce point également, le Conseil constitutionnel a toutefois formulé, s’agissant des conditions dans lesquelles l’autorisation du préfet pouvait être renouvelée, une réserve similaire à celle qu’il a formulée pour la délivrance de l’autorisation. Il a ainsi jugé qu’« un tel renouvellement ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être décidé par le préfet sans qu’il soit établi que le recours à ces dispositifs aéroportés demeure le seul moyen d’atteindre la finalité poursuivie ».
En quatrième lieu, le Conseil a relevé que les dispositions contestées empêchent que les drones soient utilisés pour recueillir des images de l’intérieur des domiciles et de leurs entrées et qu’elles prévoient que, « dans le cas où ces lieux seraient néanmoins visualisés, l’enregistrement doit être immédiatement interrompu et que lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l’intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf dans le cas de la transmission, dans ce délai, d’un signalement à l’autorité judiciaire ».
En dernier lieu, le Conseil a constaté que les dispositifs aéroportés ne peuvent ni procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale, ni procéder à des rapprochements avec d’autres traitements de données à caractère personnel. Sur ce dernier point, le Conseil a formulé une réserve d’interprétation, en précisant que « ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées comme autorisant les services compétents à procéder à l’analyse des images au moyen d’autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés ». Cette réserve permet ainsi d’assurer que les images issues de ces dispositifs ne fassent pas l’objet d’une reconnaissance faciale.
En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article 15 de la loi déférée qui prévoyaient que, en cas d’urgence résultant d’« une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens », ces mêmes services pouvaient recourir immédiatement à ces dispositifs aéroportés, pour une durée pouvant atteindre quatre heures et à la seule condition d’en avoir préalablement informé le préfet. Le Conseil a constaté que ces dispositions « permettent le déploiement de caméras aéroportées, pendant une telle durée, sans autorisation du préfet, sans le réserver à des cas précis et d’une particulière gravité, et sans définir les informations qui doivent être portées à la connaissance de ce dernier ». Il en a déduit que, « Dès lors, elles n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées » et qu’elles étaient donc contraires à la Constitution52.
De même, il a censuré les dispositions qui prévoyaient que, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les services de police municipale puissent être autorisés à procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, y compris sans personne à bord, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images.
Le Conseil a jugé que, « en premier lieu, le législateur a permis à ces services de recourir à ces dispositifs aéroportés aux fins non seulement d’assurer la régulation des flux de transport et les mesures d’assistance et de secours aux personnes, mais également la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, sans limiter cette dernière finalité aux manifestations particulièrement exposées à des risques de troubles graves à l’ordre public. En deuxième lieu, si le législateur a prévu que le recours à ces dispositifs aéroportés devait être autorisé par le préfet, il n’a pas prévu que ce dernier puisse y mettre fin à tout moment, dès lors qu’il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies. En dernier lieu, les dispositions contestées prévoient que, en cas d’urgence résultant d’"une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens", ces mêmes services peuvent recourir immédiatement à ces dispositifs aéroportés, pour une durée pouvant atteindre quatre heures et à la seule condition d’en avoir préalablement informé le préfet. Ainsi, ces dispositions permettent le déploiement de caméras aéroportées, pendant une telle durée, sans autorisation du préfet, sans le réserver à des cas précis et d’une particulière gravité, et sans définir les informations qui doivent être portées à la connaissance de ce dernier. Dès lors, ces dispositions n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées »53.
2. – La jurisprudence constitutionnelle relative au recours à des algorithmes
* Si le Conseil constitutionnel n’avait pas eu, avant 2018, l’occasion de se prononcer sur la constitutionnalité du cadre juridique du recours aux algorithmes, il avait toutefois relevé, dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, que l’exclusion du recours exclusif à un algorithme peut constituer une garantie nécessaire à la constitutionnalité de traitements particuliers de données à caractère personnel.
En effet, alors qu’il était saisi de dispositions autorisant les services de la police nationale et de la gendarmerie à mettre en œuvre des « applications automatisées d’informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État », à des fins de police judiciaire ou pour certaines consultations administratives, le Conseil constitutionnel a relevé, en conférant à cette garantie la qualité d’une réserve d’interprétation, que les dispositions contestées ne remettaient pas en cause l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 relative aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction de l’époque, en vertu de laquelle : « Aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d’informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l’intéressé ». Le Conseil constitutionnel a estimé que, dès lors, « les données recueillies dans les fichiers ne constitueront donc, dans chaque cas, qu’un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l’autorité administrative »54.
* Puis, le Conseil constitutionnel a connu au cours des années récentes de trois hypothèses dans lesquelles la loi autorisait le recours de l’administration à des traitements de données au moyen d’algorithmes.
– D’abord, par sa décision n° 2018-765 DC du 12 juin 201855, il s’est prononcé sur des dispositions autorisant l’administration à adopter des décisions individuelles ayant des effets juridiques ou affectant de manière significative une personne sur le seul fondement d’un algorithme.
Saisi de griefs tiré de l’atteinte à la garantie des droits et à l’article 21 de la Constitution, du fait de l’autorisation donnée à l’administration de renoncer, par le recours à un algorithme, à l’exercice de son pouvoir d’appréciation des situations individuelles et de la capacité de ces algorithmes à réviser eux-mêmes les règles qu’ils appliquent, le Conseil constitutionnel a relevé, en premier lieu, que ces dispositions se bornent à autoriser l’administration à procéder à l’appréciation individuelle de la situation de l’administré, par le seul truchement d’un algorithme, en fonction des règles et critères définis à l’avance par le responsable du traitement. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser l’administration à adopter des décisions sans base légale, ni à appliquer d’autres règles que celles du droit en vigueur. Il en a déduit qu’il n’en résulte dès lors aucun abandon de compétence du pouvoir réglementaire.
En deuxième lieu, le Conseil a relevé que le seul recours à un algorithme pour fonder une décision administrative individuelle est subordonné au respect de trois conditions.
D’une part, conformément à l’article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l’administration, la décision administrative individuelle doit mentionner explicitement qu’elle a été adoptée sur le fondement d’un algorithme et les principales caractéristiques de mise en œuvre de ce dernier doivent être communiquées à la personne intéressée, à sa demande. Il en résulte que, lorsque les principes de fonctionnement d’un algorithme ne peuvent être communiqués sans porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts énoncés au 2° de l’article L. 311–5 du code des relations entre le public et l’administration, aucune décision individuelle ne peut être prise sur le fondement exclusif de cet algorithme.
D’autre part, la décision administrative individuelle doit pouvoir faire l’objet de recours administratifs, conformément au chapitre premier du titre premier du livre quatrième du code des relations entre le public et l’administration. L’administration sollicitée à l’occasion de ces recours est alors tenue de se prononcer sans pouvoir se fonder exclusivement sur l’algorithme. La décision administrative est en outre, en cas de recours contentieux, placée sous le contrôle du juge, qui est susceptible d’exiger de l’administration la communication des caractéristiques de l’algorithme.
Enfin, le recours exclusif à un algorithme est exclu si ce traitement porte sur l’une des données sensibles mentionnées au paragraphe I de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978, c’est-à-dire des données à caractère personnel « qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique », des données génétiques, des données biométriques, des données de santé ou des données relatives à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.
En dernier lieu, le Conseil a relevé que le responsable du traitement doit s’assurer de la maîtrise du traitement algorithmique et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la personne concernée la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard. Il en résulte que ne peuvent être utilisés, comme fondement exclusif d’une décision administrative individuelle, des algorithmes susceptibles de réviser eux-mêmes les règles qu’ils appliquent, sans le contrôle et la validation du responsable du traitement.
De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a déduit que le législateur a défini des garanties appropriées pour la sauvegarde des droits et libertés des personnes soumises aux décisions administratives individuelles prises sur le fondement exclusif d’un algorithme.
– Puis, par sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 201956, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’article 154 de cette loi autorisant, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les administrations fiscale et douanière à collecter et à exploiter de manière automatisée les contenus accessibles publiquement sur les sites internet de certains opérateurs de plateforme, aux fins de recherche de manquements et infractions en matière fiscale et douanière, et autorisant l’administration à recourir à des moyens informatisés et automatisés pour collecter et exploiter les contenus accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme de mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
Pour juger ces dispositions partiellement conformes à la Constitution57, le Conseil constitutionnel a notamment relevé que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens de contrôle des administrations fiscale et douanière, en les dotant de dispositifs informatisés et automatisés d’exploration de données personnelles rendues publiques sur internet, aux fins de recherche et de poursuite de manquements et d’infractions en matière fiscale et douanière. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Il s’est également fondé notamment sur le constat que les traitements de données autorisés par les dispositions contestées ne peuvent comporter aucun système de reconnaissance faciale. D’autre part, ils ne peuvent être mis en œuvre que par des agents des administrations fiscale et douanière ayant au moins le grade de contrôleur et spécialement habilités. Seule la conception des outils de traitement des données, à l’exclusion de leur collecte, de leur traitement et de leur conservation, peut être confiée à un sous-traitant de l’administration. Enfin, les personnes concourant à la conception et à la mise en œuvre des traitements en cause sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal et précisées à l’article L. 103 du livre des procédures fiscales et à l’article 59 bis du code des douanes.
Le Conseil s’est en outre fondé sur le fait que le traitement instauré par les dispositions contestées est mis en œuvre dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 précitée, à l’exception du droit d’opposition prévu à son article 110. Ainsi, les personnes intéressées bénéficient, notamment, des garanties relatives à l’accès aux données, à la rectification et à l’effacement de ces données ainsi qu’à la limitation de leur traitement.
Il a relevé, en dernier lieu, que la mise en œuvre des traitements de données, tant lors de leur création que lors de leur utilisation, doit être proportionnée aux finalités poursuivies et jugé qu’il appartiendra notamment, à ce titre, au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, de veiller à ce que les algorithmes utilisés par ces traitements ne permettent de collecter, d’exploiter et de conserver que les données strictement nécessaires à ces finalités.
– Enfin, dans sa décision n° 2020–834 QPC du 3 avril 202058, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’utilisation d’algorithmes par les établissements d’enseignement supérieur pour traiter les candidatures qu’ils reçoivent via le dispositif Parcoursup, et sur les conditions de communication des modalités et critères d’appréciation des candidatures en cas d’utilisation de ces algorithmes.
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a consacré un droit d’accès aux documents administratifs, sur le fondement de l’article 15 de la Déclaration de 178959.
Il a admis que les documents relatifs aux caractéristiques et conditions de mise en œuvre des traitements algorithmiques utilisés localement par les établissements d’enseignement supérieur pour procéder au départage de candidats à des formations de premier cycle en tension constituent des documents administratifs. Il a ensuite souligné que la communication ex post d’informations relatives aux critères et modalités d’examen des candidatures était réservée aux seuls candidats, et considéré que l’exclusion de toute communication aux tiers de telles informations constituerait une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif, poursuivi par le législateur, de protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques.
Il a donc formulé une réserve60 qui conduit chaque établissement à rendre compte des critères qu’il a utilisés, le cas échéant au moyen de traitements algorithmiques, pour examiner les candidatures formulées sur Parcoursup. Le Conseil témoigne là encore de sa recherche d’un équilibre constitutionnel dans l’utilisation par l’administration, et plus largement les personnes publiques, d’algorithmes.
C. – L’application à l’espèce
* Le Conseil constitutionnel a tout d’abord précisé le cadre constitutionnel de son contrôle en rappelant, d’une part, que si, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, « le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle » (paragr. 31) et, d’autre part, qu’« Il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il lui incombe également d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789 » (paragr. 32).
Puis, le Conseil constitutionnel a jugé, par une formulation inédite, que : « Pour répondre à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public, le législateur peut autoriser le traitement algorithmique des images collectées au moyen d’un système de vidéoprotection ou de caméras installées sur des aéronefs. Si un tel traitement n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles ces images sont collectées, il procède toutefois à une analyse systématique et automatisée de ces images de nature à augmenter considérablement le nombre et la précision des informations qui peuvent en être extraites. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée » (paragr. 33).
Ce faisant, et dans la droite ligne de ce qu’il avait jugé dans les décisions rappelées plus haut au sujet des systèmes de vidéoprotection61 et des drones62, le Conseil constitutionnel a reconnu que le traitement algorithmique d’images recueillis par de tels dispositifs porte une atteinte particulière au droit au respect de la vie privée. Il en résulte que, pour le Conseil, le fait que ces traitements portent sur des images dont le recueil est déjà autorisé ne signifie pas que le traitement algorithmique de ces images n’emporte en lui-même aucune intensification de l’atteinte à la vie privée.
* C’est dans le cadre ainsi défini que le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution des dispositions contestées.
Il a reconnu, en premier lieu, qu’« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public » (paragr. 36).
En deuxième lieu, il a relevé que « les dispositions contestées prévoient que les traitements algorithmiques des images ainsi collectées ne peuvent être mis en œuvre qu’afin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes » (paragr. 37). Il en a déduit que l’usage de ces traitements est réservé à des manifestions sportives, récréatives ou culturelles qui présentent des risques particuliers d’atteintes graves à l’ordre public et est exclu en cas de seuls risques d’atteintes aux biens.
En troisième lieu, examinant les conditions dans lesquelles l’emploi de tels traitements pouvait être autorisé, le Conseil constitutionnel a constaté que « l’emploi d’un traitement algorithmique ne peut être autorisé par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, que s’il est proportionné à la finalité poursuivie. À cet égard, la décision du préfet doit être motivée et préciser notamment le responsable du traitement, la manifestation concernée, les motifs de la mise en œuvre du traitement, le périmètre géographique concerné ainsi que la durée de l’autorisation. Elle peut faire l’objet de recours devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l’exécution de la mesure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale » (paragr. 38).
Il a constaté également que « la durée de l’autorisation, qui doit en tout état de cause être proportionnée à celle de la manifestation dont il s’agit d’assurer la sécurité, ne peut excéder un mois et ne peut être renouvelée que si les conditions de sa délivrance continuent d’être réunies ». Sur ce point, le Conseil constitutionnel a toutefois formulé une réserve d’interprétation en exigeant que le préfet soit tenu de mettre fin immédiatement à une autorisation dont les conditions ayant justifié la délivrance ne seraient plus réunies (paragr. 39).
Enfin, le Conseil constitutionnel a relevé les garanties d’information du public en rappelant que, « sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis, le public est préalablement informé, par tout moyen approprié, de l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées. Par ailleurs, une information générale du public sur l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs est organisée par le ministre de l’intérieur » (paragr. 40).
En quatrième lieu, le Conseil constitutionnel a examiné les garanties tenant aux caractéristiques des traitements mis en œuvre.
D’une part, il a souligné que « le législateur a prévu que les traitements algorithmiques mis en œuvre ne peuvent avoir pour objet que de détecter des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Le législateur a pu, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer à un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés le soin d’indiquer les événements prédéterminés qui sont susceptibles de présenter ou de révéler de tels risques et les spécificités des situations justifiant l’emploi des traitements. Il appartient à cet égard au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, de s’assurer que ces événements sont de nature, au sein des manifestations dans lesquelles ils se produisent, à présenter ou à révéler de tels risques » (paragr. 41).
Sur ce point, tout en écartant la critique en incompétence négative qui s’attachait au renvoi au pouvoir réglementaire de la compétence pour désigner les événements prédéterminés qui pourront être détectés par les traitements algorithmiques, le Conseil constitutionnel a entendu attirer l’attention du pouvoir réglementaire sur la nécessité de sélectionner avec précision ces événements et de s’assurer que de tels événements, au regard du contexte dans lequel ils interviennent, seront bien de nature à révéler des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes.
D’autre part, le Conseil constitutionnel a retenu, au titre des garanties légales, le fait que les dispositions contestées « prévoient que les traitements algorithmiques ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale, n’utilisent aucun système d’identification biométrique et ne recourent pas à des données biométriques, c’est-à-dire relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique qui permettent ou confirment son identification unique. Il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de s’assurer que les événements prédéterminés qu’il fixe peuvent être détectés sans recourir à de telles techniques ou données. Par ailleurs, les traitements ne peuvent procéder à aucun rapprochement, à aucune interconnexion ni à aucune mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel » (paragr. 42).
Là encore, le Conseil constitutionnel a entendu attirer l’attention du pouvoir réglementaire sur la nécessité de s’assurer que les événements qu’il détermine pourront être détectés sans recourir à des techniques ou à des données relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique et qui permettent ou confirment son identification unique.
En dernier lieu, le Conseil constitutionnel s’est attaché au fonctionnement et à la mise en œuvre des traitements algorithmiques.
D’une part, il a relevé que « les traitements algorithmiques procèdent exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication du ou des événements prédéterminés qu’ils ont été programmés à détecter en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les services d’incendie et de secours, les services de police municipale et les services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions respectives. Les dispositions contestées prévoient que les traitements ne peuvent fonder, par eux‑mêmes, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite et demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées de leur mise en œuvre » (paragr. 43).
D’autre part, le Conseil constitutionnel a constaté qu’ « il ressort des dispositions contestées que, pendant toute la durée de leur fonctionnement et en particulier dans le cas où ils reposent sur un apprentissage, les traitements algorithmiques employés doivent permettre de vérifier l’objectivité des critères retenus et la nature des données traitées ainsi que comporter des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques de nature à prévenir et à corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaises utilisations » (paragr. 44).
De l’examen du fonctionnement des traitements algorithmiques, le Conseil a déduit la garantie de ce que « le législateur a veillé à ce que le développement, la mise en œuvre et les éventuelles évolutions des traitements algorithmiques demeurent en permanence sous le contrôle et la maîtrise de personnes humaines » (paragr. 45).
Compte tenu de l’ensemble de ces garanties, le Conseil constitutionnel a, sous la réserve mentionnée précédemment, écarté le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée.
Enfin, après avoir écarté la critique portant sur la durée de l’expérimentation (paragr. 47), le Conseil constitutionnel a, comme il l’avait déjà fait dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 201963, indiqué que, pour « apprécier s’il convient de pérenniser ce dispositif expérimental à l’issue de ce délai, il […] appartiendra [au législateur] de tirer les conséquences de l’évaluation de ce dispositif et, en particulier, au regard des atteintes portées au droit au respect de la vie privée, de tenir compte de son efficacité dans la prévention des atteintes à l’ordre public » et que « À la lumière de cette évaluation, la conformité à la Constitution de ce dispositif pourra alors de nouveau être examinée » (paragr. 48).
En définitive, après avoir écarté les griefs tirés de l’incompétence négative, de la méconnaissance de la liberté d’aller et de venir, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, de la liberté d’expression collective des idées et des opinions, du droit à la sûreté et du principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées, sous une réserve, conformes à la Constitution.
_______________________________________
1 Il convient de relever que les députés requérants contestaient en outre la conformité d’un article qui ne figurait pas dans le texte définitivement adopté par le Parlement (l’article 8 bis du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture). Le Conseil a rejeté comme inopérants les griefs dirigés contre ces dispositions après avoir rappelé qu’« il résulte de l’article 61 de la Constitution que ne peuvent être déférés au Conseil constitutionnel que les textes qui, à la date à laquelle une des autorités habilitées ou des parlementaires prennent l’initiative de saisir le Conseil, ont le caractère de lois, c’est-à-dire ceux qui, au terme de la procédure législative, ont été définitivement adoptés dans l’ensemble de leurs dispositions. En revanche, est exclue toute contestation d’une disposition qui ne figure pas dans la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel » (paragr. 2).
2 S’agissant de la liste des substances et méthodes qui se trouve au fondement de ce régime de sanctions et de contrôles, l’article L. 232-9 du code du sport précise qu’elle « est celle qui est élaborée en application de la convention internationale mentionnée à l’article L. 230-2 ou de tout autre accord ultérieur qui aurait le même objet et qui s’y substituerait. Elle est publiée au Journal officiel de la République française ». Ainsi se trouve retranscrite en droit national la liste constituant l’annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, qui a été établie sous l’égide de l’UNESCO et que la France a ratifiée le 5 février 2007. De très nombreuses organisations sportives dans le monde se soumettent à ces mêmes obligations, et en particulier le comité international olympique (CIO), le comité international paralympique (CIP), les fédérations internationales (FI) (parmi lesquelles toutes les fédérations internationales reconnues par le CIO) ou encore les comités nationaux olympiques et paralympiques, ainsi que les organisations responsables de grandes manifestations sportives.
3 Article L. 232-12 du code du sport.
4 Au niveau international, l’article 5 du code mondial antidopage prévoit que « Tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment et en tout lieu par une organisation antidopage ayant autorité pour le soumettre à des contrôles ». L’article 21 du même code ajoute qu’il doit être disponible « en tout temps pour le prélèvement d’échantillons ». Les échantillons sont analysés uniquement dans des laboratoires accrédités par l’AMA ou autrement approuvés par l’AMA, dont le choix relève exclusivement de l’organisation antidopage responsable de la gestion des résultats (article 6 du CMA). L’article 20 du CMA fait de l’acceptation du règlement antidopage et, à ce titre, des règles applicables aux prélèvements d’échantillons une condition de participation à une manifestation sportive. Cette acceptation est expressément prévue dans les conditions de participation qui figurent sur le formulaire que chaque participant doit remplir et signer pour s’inscrire. Un refus d’acceptation se traduit par une déclaration d’inéligibilité de participation et entraîne donc la non-participation à l’évènement. Une fois l’adhésion confirmée, un refus de fournir un échantillon ou l’opposition que ce dernier soit analysé peut constituer une infraction au règlement antidopage et exposer le sportif à des sanctions disciplinaires. L’article 2.3 du CMA vise plus précisément le fait de « se soustraire au prélèvement d’un échantillon, refuser le prélèvement ou ne pas se soumettre au prélèvement d’un échantillon de la part d’un sportif ».
5 Article L. 232-23, paragraphe I, 2°, du code du sport.
6 Article L. 232-13 du code du sport.
7 Les dispositions réglementaires n’imposent pas non plus aux laboratoires une méthode particulière d’analyse. L’article R. 232-65 du code du sport précise seulement que le laboratoire auquel il a été fait appel « établit un rapport d’analyse qui présente le résultat des analyses ainsi que les types de méthodes utilisées ». L’article R. 232-45 du même code prévoit quant à lui que les échantillons sont transmis au laboratoire auquel il a été fait appel sous une forme respectant l’anonymat et que les analyses sont effectuées conformément aux normes internationales.
8 Selon le premier paragraphe de l’article 16-10 du code civil, « L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne, recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen ».
9 L’article 16-11 du code civil dispose que « L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que : 1° Dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire ; 2° A des fins médicales ou de recherche scientifique ; 3° Aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité de personnes décédées ; 4° Dans les conditions prévues à l’article L. 2381-1 du code de la défense ».
10 Dans des recommandations publiées en 2021, l’AMA préconise la détection des administrations ou de la réintroduction d’une quantité de sang homologue, du dopage génétique, d’une mutation du gène responsable de la production érythropoïétine (EPO) ou encore de la substitution d’échantillons entre plusieurs individus, référencés en tant que méthode ou substance interdites, en relevant que seule la comparaison de l’ADN des échantillons permet de déterminer si les prélèvements proviennent d’une ou plusieurs personnes (https://www.wada-ama.org/sites/default/files/resources/files/isl_2021.pdf). La détection du dopage génétique et des transfusions de sang homologue sont ainsi toutes deux expressément identifiées par la liste des interdictions arrêtée annuellement par l’AMA, figurant à l’annexe 1 de la convention internationale contre le dopage dans le sport et publiée annuellement par décret.
11 Voir le sous-amendement n° COM-124 du 17 janvier 2023, présenté par M. KERN, à l’amendement n° COM-81 de Mme CANAYER.
12 De même, l’article 226–25 du code pénal a été modifié afin d’intégrer au titre des dispositions pénales les infractions aux dispositions applicables au titre de la lutte contre le dopage.
13 Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 45.
14 Dans sa décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, le Conseil a écarté le grief tiré de ce que les dispositions prévoyant la possibilité d’études sur les embryons conçus in vitro dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation méconnaissaient un principe à valeur constitutionnelle de la protection du patrimoine génétique de l’humanité, après avoir jugé, notamment, que, « s’agissant de la sélection des embryons, il n’existe, contrairement à ce que soutiennent les saisissants, aucune disposition ni aucun principe à valeur constitutionnelle consacrant la protection du patrimoine génétique de l’humanité » (décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, cons. 11).
15 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 précitée, cons. 2 : « le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d’emblée que : "Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés" ; qu’il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ».
16 Voir, par exemple, à propos de la possibilité pour les officiers de police judiciaire de procéder, dans le cadre d’une enquête pénale, à des opérations de prélèvements externes sur toute personne susceptible de fournir de renseignements sur les faits en cause ou à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction, la décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 55 et s. Voir aussi la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C. (Fichier empreintes génétiques), cons. 12 à 15.
17 Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, cons. 18.
18 Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S. (Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge), paragr. 18.
19 Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, Unicef France et autres (Création d’un fichier des ressortissants étrangers se déclarant mineurs non accompagnés), paragr. 7.
20 Décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 2023, Syndicat de la magistrature et autres (Placement ou maintien en détention provisoire des mineurs et relevés signalétiques sous contrainte).
21 Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, cons. 5. Cf. également, avec une formulation proche, la décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, cons. 52.
22 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 précitée, cons. 52 et 53.
23 Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 46.
24 Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004 précitée, cons. 7.
25 Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, paragr. 63 et 64.
26Ibidem, paragr. 66.
27 Ibid., paragr. 69 et 70.
28 Ibid., paragr. 72 et 73.
29 Exposé des motifs.
30 Il s’agit des dispositions relatives à l’installation d’un dispositif de vidéoprotection qui prévoient : « L’installation d’un système de vidéoprotection dans le cadre du présent titre est subordonnée à une autorisation du représentant de l’État dans le département et, à Paris, du préfet de police donnée, sauf en matière de défense nationale, après avis de la commission départementale de vidéoprotection ».
31 Il s’agit des dispositions législatives encadrant l’utilisation de drones que le Conseil constitutionnel a examinées dans sa décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022, Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, paragr. 22 à 39.
32 Décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012, M. Jean-Claude G. (Procédure de dessaisissement d’armes), cons. 3.
33 Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 3.
34 Ibid., cons. 4.
35 Ibid., cons. 5.
36 Ibid., cons. 6.
37 Ibid., cons. 7.
38 Ibid., cons. 8.
39 Ibid., cons. 9.
40 Ibid., cons. 10.
41 Ibid., cons. 11.
42 Ibid., cons. 12.
43 Décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010, Loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, cons. 23.
44 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, paragr. 79.
45 Ibid., paragr. 80.
46 Ibid. paragr. 81.
47 Ibid., paragr. 82.
48 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, précitée, paragr. 129 à 141.
49 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, cons. 63.
50 Décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022, Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, paragr. 22 à 33.
51 Sur le recours aux drones dans le cadre d’opérations de police judiciaire, voir la décision n° 2021-834 DC précitée, paragr. 40 à 47.
52 Décision n° 2021-834 DC précitée, paragr. 31.
53 Ibid. paragr. 34 à 39.
54 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 34 et 46.
55 Décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018, Loi relative à la protection des données personnelles, paragr. 66 à 72
56 Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, Loi de finances pour 2020, paragr. 79 à 96.
57 Le Conseil constitutionnel a censuré les seules dispositions de l’article 154 de la loi de finances pour 2020 permettant également la collecte et l'exploitation automatisées de données pour la recherche du manquement sanctionnant d’une majoration de 40 % le défaut ou le retard de production d'une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure. Il a relevé en effet que, dans une telle situation, l'administration, qui a mis en demeure le contribuable de produire sa déclaration, a déjà connaissance d'une infraction à la loi fiscale, sans avoir besoin de recourir au dispositif automatisé de collecte de données personnelles. Dès lors, en permettant la mise en œuvre d'un tel dispositif pour la simple recherche de ce manquement, les dispositions contestées portaient au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui ne pouvait être regardée comme proportionnée au but poursuivi.
58 Décision n° 2020–834 QPC du 3 avril 2020, Union nationale des étudiants de France (Communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d’enseignement supérieur pour l’examen des demandes d’inscription en premier cycle).
59 Il a précisé à cet égard qu’il « est loisible au législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ».
60 Laquelle dispose que « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le droit d’accès aux documents administratifs, être interprétées comme dispensant chaque établissement de publier, à l’issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d’un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen ».
61 Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 précitée, cons. 4.
62 Voir les décisions précitées nos 2021-817 DC du 20 mai 2021, paragr. 135, et 2021-834 DC du 20 janvier 2022, paragr. 21.
63 Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, précitée, paragr. 96.