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Commentaire de la décision 2023-1078 QPC

07/05/2024

Conformité

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 novembre 2023 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 755 du 7 novembre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société Marissol portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2333–26 et L. 2333–41 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016–1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

 

Dans sa décision n° 2023–1078 QPC du 8 février 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération prise par le conseil municipal » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 2333–26 du CGCT et les mots « La taxe de séjour forfaitaire est assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement donnant lieu au versement de la taxe » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 2333–41 du même code, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions renvoyées

 

A. – Objet des dispositions renvoyées

 

1. – Le champ d’application et les modalités d’institution de la taxe de séjour

 

a. – Champ d’application

 

Introduite par une loi du 13 avril 1910 sous la forme d’un impôt facultatif au seul bénéfice des stations hydrominérales et climatiques1, la taxe de séjour a été étendue, avec la loi du 24 septembre 19192, à l’ensemble des stations de tourisme afin de permettre aux communes accueillant une population saisonnière de financer les dépenses en résultant.

 

Elle est aujourd’hui régie par les articles L. 2333-26 à L. 2333-47 du CGCT.

 

L’article L. 2333-26 de ce code (les premières dispositions renvoyées) prévoit que sont habilitées à instituer une taxe de séjour :

- les communes touristiques et stations classées de tourisme3 ;

- les communes littorales4 ;

- les communes de montagne5 ;

- les communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ou des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.

 

Conformément à l’article L. 5211-21 du CGCT, cette taxe peut également être instituée par les groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bénéficiant de l’une des dotations prévues à l’article L. 5211-24 du même code6, les EPCI qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ou des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels, et la métropole de Lyon7.

 

Le produit de la taxe de séjour est obligatoirement affecté « aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune » ainsi que, dans les communes qui ont institué cette taxe au titre des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels, « aux dépenses destinées à favoriser la protection et la gestion de leurs espaces naturels à des fins touristiques »8.

 

b. – Modalités d’institution

 

La taxe de séjour présente un caractère facultatif : les articles L. 2333-26 et L. 5211-21 du CGCT, précités, prévoient en effet que les communes et leurs groupements peuvent décider d’instituer une telle taxe9.

 

Cette décision doit être prise par une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant avant le 1er octobre de l’année pour être applicable à compter de l’année suivante10.

 

– La délibération doit fixer la période de perception de la taxe11 ainsi que les tarifs pour chaque nature et chaque catégorie d’hébergement, suivant un barème que la loi encadre en déterminant un tarif plancher et un tarif plafond12.

 

Les différentes natures d’hébergement sont définies par l’article R. 2333-44 du CGCT. Il s’agit des palaces, des hôtels de tourisme, des résidences de tourisme, des meublés de tourisme, des villages de vacances, des chambres d’hôtes, des emplacements dans les aires de camping-cars et parcs de stationnement touristiques, des terrains de camping, de caravanage ou tout autre terrain d’hébergement de plein air, des ports de plaisance ainsi que des hébergements en attente de classement ou sans classement qui ne relèvent pas des natures d’hébergement précitées.

 

Ces natures d’hébergement sont elles-mêmes regroupées en catégories d’hébergement, en fonction notamment de leur classement (1, 2, 3, 4 ou 5 étoiles, sans classement ou en attente de classement)13.

 

– La délibération instituant la taxe doit en outre préciser s’il est fait application de la taxe de séjour dite « au réel » ou de la taxe de séjour forfaitaire (cf. infra pour le régime de chacune de ces impositions)14.

 

Les communes et leurs groupements peuvent ainsi choisir d’assujettir l’ensemble des hébergements à titre onéreux proposés sur leur territoire soit à la taxe de séjour « au réel », soit à la taxe de séjour forfaitaire. Ils peuvent également soumettre certaines natures d’hébergement à la taxe de séjour « au réel » et les autres à la taxe de séjour forfaitaire : on parle alors de régime mixte.

 

Cette liberté de choix a cependant été encadrée par le législateur : d’une part, l’assemblée délibérante ne peut appliquer qu’un seul des deux régimes d’imposition à chaque nature d’hébergement ; d’autre part, aucune nature ou catégorie d’hébergement ne peut être exemptée15. Dans un rapport d’information sur la taxe de séjour, M. Michel Bouvard indiquait à cet égard : « Le principe d’égalité devant la loi implique, naturellement, que l’ensemble de ces formes d’hébergement soit soumis soit à l’une, soit à l’autre des deux taxes »16.

 

Au 1er janvier 2021, 90 % des communes ayant institué une taxe de séjour avaient adopté un régime d’imposition « au réel », 3 % un régime d’imposition forfaitaire et 7 % un régime mixte17.

 

2. – Les deux régimes d’imposition

 

Si la taxe de séjour « au réel » et la taxe de séjour forfaitaire ont le même champ d’application et sont instituées selon les mêmes modalités, elles se distinguent en revanche s’agissant des règles d’assujettissement, d’assiette et de recouvrement.

 

a. – La taxe de séjour « au réel »

 

* La taxe de séjour dite « au réel », qui correspond à celle mise en place dès 1919, « est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et qui n’y possèdent pas de résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation »18. En sont donc redevables les personnes qui séjournent dans la commune sans y être domiciliées ni être propriétaire d’une résidence secondaire.

 

Sont cependant exemptés de cette taxe les personnes mineures, les titulaires d’un contrat de travail saisonnier employés dans la commune, les personnes bénéficiant d’un hébergement d’urgence ou d’un relogement temporaire et les personnes occupant des locaux dont le loyer est inférieur à un montant déterminé par l’assemblée délibérante19.

 

* Le tarif de la taxe de séjour « au réel » est fixé, pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, par personne et par nuitée de séjour suivant un barème que la loi encadre en déterminant un tarif plancher et un tarif plafond20.

 

L’assiette de la taxe correspond ainsi à la fréquentation réelle de l’hébergement, c’est-à-dire au nombre de personnes y ayant effectivement séjourné lors de la période de perception instituée par la collectivité.

 

* La taxe de séjour « au réel » est perçue sur les assujettis, avant leur départ, par les logeurs, hôteliers, propriétaires et autres intermédiaires21 ou, sous réserve d’y avoir été habilités, par les professionnels qui assurent par voie électronique un service de réservation, de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte de ces derniers22.

 

Les montants ainsi collectés sont versés au comptable public assignataire de la commune ou de l’EPCI aux dates fixées par la délibération ou, pour les opérateurs numériques, une fois par an23. À l’occasion de ce versement, les logeurs, hôteliers, propriétaires, intermédiaires ou opérateurs précités transmettent un état récapitulatif mentionnant, pour chaque hébergement loué, son adresse, le nombre de personnes ayant séjourné, le nombre de nuitées constatées, le montant de la taxe perçue, la date de la perception ainsi que, le cas échéant, les motifs d’exonération de la taxe24.

 

Les montants acquittés sont contrôlés par la commune ou son groupement25.

 

b. – La taxe de séjour forfaitaire

 

* Le législateur ayant fait le constat que « les modalités de recouvrement de la taxe de séjour sont coûteuses et peuvent être source de difficultés »26, la loi n° 88–13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation a institué, aux côtés de la taxe de séjour « au réel », une taxe de séjour forfaitaire.

 

Celle-ci est due par les logeurs, les hôteliers et les propriétaires qui hébergent à titre onéreux des personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et n’y possèdent pas une résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation. Elle est due par les intermédiaires lorsqu’ils reçoivent le montant des loyers27. Aucune exonération n’est prévue.

 

* Le tarif de la taxe de séjour forfaitaire et son assiette sont déterminés par l’article L. 2333-41 du CGCT (les secondes dispositions renvoyées).

 

Le paragraphe I de cet article prévoit que ce tarif est fixé, pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, par unité de capacité d’accueil et par nuitée, conformément à un barème que la loi encadre en déterminant un tarif plancher et un tarif plafond.

 

Selon son paragraphe II, la taxe de séjour forfaitaire est assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement donnant lieu au versement de la taxe et le nombre de nuitées comprises à la fois dans la période d’ouverture de l’hébergement et dans la période de perception de la taxe fixée par délibération.

 

La notion de capacité d’accueil est précisée au paragraphe III du même article : le nombre d’unités de capacité d’accueil correspond au nombre de personnes que la structure d’hébergement est susceptible d’accueillir. Lorsque l’hébergement en cause fait l’objet d’un classement, ce nombre correspond à celui prévu par l’arrêté de classement28.

 

Ainsi, l’assiette de la taxe de séjour forfaitaire correspond à la capacité maximale d’accueil de l’hébergement multipliée par le nombre de jours d’ouverture de l’établissement durant la période de perception.

 

Le nombre d’unités de capacité d’accueil peut toutefois faire l’objet, selon des modalités fixées par délibération, d’un abattement en fonction de la durée de la période d’ouverture de l’établissement, compris entre 10 et 50 %29. Ce mécanisme d’abattement, introduit par la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, est « destiné à permettre une adaptation locale à la saisonnalité touristique se traduisant par des durées d’ouverture des établissements plus ou moins longues »30.

 

* Les logeurs, hôteliers, propriétaires et intermédiaires sont tenus, en tant que redevables de la taxe de séjour forfaitaire, de faire une déclaration au plus tard un mois avant le début de chaque période de perception31. Cette déclaration mentionne la nature de l’hébergement, la période d’ouverture et la capacité d’accueil de l’établissement32.

 

Le montant de la taxe est versé, aux dates fixées par délibération, au comptable public assignataire de la commune ou de l’EPCI.

 

Ce montant est contrôlé par la commune ou son groupement, qui peut procéder à des vérifications et demander la communication de pièces comptables33.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

Par délibération du 28 septembre 2016, la communauté de communes de Mimizan avait décidé d’assujettir, pour l’année 2017, à la taxe de séjour forfaitaire les emplacements dans les aires de camping-cars et les parcs de stationnement touristiques, les terrains de camping ainsi que les terrains de caravanage, et à la taxe de séjour « au réel » les autres natures d’hébergement.

 

Après avoir adressé à la société Marissol, qui exploite un terrain de camping sur son territoire, une facture correspondant au montant de la taxe de séjour forfaitaire due au titre de la période du 15 juin au 1er octobre 2017, elle lui avait notifié un avis de sommes à payer valant titre exécutoire.

 

La société Marissol avait assigné la communauté de communes aux fins, notamment, d’annulation de ce titre exécutoire.

 

Par jugement du 26 février 2020, le tribunal judiciaire de Mont–de-Marsan avait prononcé l’annulation du titre exécutoire, déclaré recevable la demande reconventionnelle formée par la communauté de communes sur le fondement de la délibération du 28 septembre 2016 et condamné la société Marissol au paiement d’une certaine somme au titre de la taxe de séjour forfaitaire pour 2017.

 

La société Marissol avait interjeté appel et, à cette occasion, avait soulevé une QPC portant sur l’article L. 2333–26 du CGCT.

 

Après avoir refusé de transmettre cette QPC, la cour d’appel de Pau avait, par un arrêt du 20 septembre 2022, confirmé le jugement entrepris.

 

La société Marissol avait formé un pourvoi contre cet arrêt. À cette occasion, elle avait soulevé une QPC portant sur l’article L. 2333–26 du CGCT, « en tant qu’il permet à l’autorité administrative d’assujettir simultanément certaines "natures" et "catégories" d’hébergement à la taxe de séjour dite "au réel" et les autres à la taxe de séjour forfaitaire », ainsi qu’une seconde QPC portant sur les articles L. 2333–26 et L. 2333-41 du même code, « en tant qu’ils permettent à l’autorité administrative de mettre à la charge des structures et établissements soumis à la taxe de séjour forfaitaire le versement de sommes au regard de leur capacité d’accueil, c’est-à-dire indépendamment de leur fréquentation réelle et, par suite, des recettes effectivement perçues et de leurs capacités contributives ».

 

Dans son arrêt du 7 novembre 2023 précité, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que :

 

- la première question posée présentait un caractère sérieux au regard du principe d’égalité devant la loi, aux motifs que « les structures et les établissements destinés à accueillir des touristes, situés sur le territoire d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale peuvent, suivant la décision du conseil municipal, se voir assujettir à la taxe de séjour forfaitaire, soit voir leur clientèle assujettie à la taxe de séjour. Cette différence de traitement, qui est de nature à renchérir le coût de l’hébergement de certaines de ces structures et établissements selon le choix opéré par le conseil municipal, ne paraît pas nécessairement correspondre à une différence de situation ni répondre à un motif d’intérêt général » ;

 

- la seconde question posée présentait un caractère sérieux au regard de l’exigence de prise en compte des facultés contributives, aux motifs que « l’article L. 2333–41 du code général des collectivités territoriales, qui permet au conseil municipal de mettre à la charge des structures et établissements soumis à la taxe de séjour forfaitaire le versement de sommes au regard de leur capacité d’accueil, indépendamment de leur fréquentation réelle, pourrait être de nature à soumettre ces derniers à une imposition qui ne soit pas en rapport avec leurs facultés contributives ».

 

Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

* La société requérante reprochait aux dispositions de l’article L. 2333–26 du CGCT de permettre aux communes et à certains de leurs groupements d’assujettir à des régimes d’imposition distincts des établissements pourtant placés dans une situation identique, dès lors qu’ils sont destinés à accueillir des touristes et situés sur un même territoire. Il en résultait, selon elle, une différence de traitement injustifiée entre ces établissements ainsi qu’entre les personnes hébergées, seules certaines d’entre elles devant s’acquitter de la taxe de séjour en sus du coût de leur hébergement. Ces dispositions méconnaissaient ainsi, selon elle, les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

La société requérante faisait en outre valoir que, en prévoyant que la taxe de séjour forfaitaire est assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement, indépendamment de sa fréquentation réelle et des recettes effectivement perçues, les dispositions de l’article L. 2333–41 du même code méconnaissaient l’exigence de prise en compte des facultés contributives résultant de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur les mots « une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération prise par le conseil municipal » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 2333–26 du CGCT et sur les mots « La taxe de séjour forfaitaire est assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement donnant lieu au versement de la taxe » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 2333–41 du même code (paragr. 5).

 

Par ailleurs, la communauté de communes de Mimizan, partie au litige à l’occasion duquel la QPC avait été posée, défendait la constitutionnalité de ces dispositions.

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques

 

Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »34.

 

Le Conseil veille également au respect du principe d’égalité devant les charges publiques sur le fondement de l’article 13 de la Déclaration de 1789, selon lequel : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En particulier, pour assurer le respect de ce principe, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques35.

 

1. – La portée des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques en matière fiscale

 

En matière fiscale, le Conseil constitutionnel est souvent saisi de griefs qui reposent à la fois sur le principe d’égalité devant la loi fiscale et sur le principe d’égalité devant les charges publiques.

 

Comme le relevait le Président Fouquet, « la distinction entre les deux branches du principe d’égalité devant l’impôt n’est pas toujours aisée. Les parlementaires ou les contribuables dans leurs recours invoquent simultanément les deux branches. Dans l’un et l’autre cas, le raisonnement du Conseil constitutionnel comporte des éléments comparatifs. La différence tient sans doute à ce que le principe d’égalité devant la loi fiscale implique d’abord de procéder à une comparaison […] alors que le principe d’égalité devant les charges publiques implique largement une appréciation intrinsèque de la situation du contribuable […]. / Lorsqu’il est saisi du principe d’égalité devant l’impôt dans ses deux branches, le Conseil constitutionnel opère les contrôles successifs suivants :

- il circonscrit les spécificités de la situation examinée pour déterminer si la différence de traitement peut être justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ;

- il recherche la raison d’intérêt général en rapport direct avec la loi qui pourrait justifier une différence de traitement ;

- il examine, de manière spécifique au principe d’égalité devant les charges publiques, le caractère objectif et rationnel des critères qui fondent la différence de traitement en fonction des buts que le législateur se propose ;

- il contrôle, toujours de manière spécifique au principe d’égalité devant les charges publiques, l’éventuelle rupture manifeste d’égalité devant ces charges »36.

 

Il résulte de ce qui précède que les champs d’application respectifs des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ne se recouvrent pas nécessairement :

 

– sur le fondement du principe d’égalité devant la loi, le Conseil est conduit à contrôler des dispositions qui introduisent une différence de traitement entre les contribuables. Ainsi, sur ce fondement, le Conseil vérifie l’existence d’une différence de traitement avant de contrôler que celle-ci est justifiée par un motif d’intérêt général ou une différence de situation et en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

 

– sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, le Conseil opère un contrôle qui ne s’attache pas tant à l’existence d’une différenciation entre les contribuables qu’au fait de savoir si, pour une imposition donnée, les critères choisis par le législateur pour apprécier leurs facultés contributives sont objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi et si cette imposition ne revêt un caractère confiscatoire ou ne présente pas, le cas échéant, une charge excessive au regard des facultés contributives. En revanche, il ne se reconnaît pas de « pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement […] il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé »37.

 

D’une manière plus générale, qu’il se fonde sur l’article 6 ou sur l’article 13 de la Déclaration de 1789, le Conseil veille, au regard du but visé par le législateur, à la rationalité de la différence de traitement instaurée (égalité devant la loi) ou des critères de différenciation retenus (égalité devant les charges publiques).

 

2. – La mise en œuvre des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques en matière fiscale

 

a) Sur le fondement du principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel a déjà eu à examiner une différence de traitement résultant de l’application de deux régimes d’imposition distincts.

 

* À ce titre, il juge de manière constante que « la situation des personnes redevables s’apprécie au regard de chaque imposition prise isolément »38.

 

Toutefois, dans sa décision n° 90–285 DC du 28 décembre 1990, le Conseil était saisi de dispositions instituant une contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement, une contribution sociale sur les revenus du patrimoine et une contribution sociale sur les produits de placement. Il a jugé que, dans la mesure où ces impositions poursuivaient une finalité commune, à savoir « la mise en œuvre du principe de solidarité nationale, la détermination des redevables des différentes contributions ne saurait aboutir à une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens »39. Il a également constaté que, bien qu’il s’agisse d’impositions distinctes, celles-ci « sont perçues au même taux, versées à un même organisme et poursuivent une même finalité ». Il en a déduit que « les modes de recouvrement et les procédures contentieuses applicables ne doivent pas aboutir à créer entre les diverses catégories de redevables des disparités qui porteraient atteinte au principe d’égalité devant la loi ou au principe d’égalité devant la justice »40.

 

* En matière d’impôts locaux, faisant application de sa jurisprudence ancienne autorisant le législateur à confier au pouvoir réglementaire le soin de préciser certains éléments d’un régime d’imposition dont il a fixé les principes41, le Conseil constitutionnel admet un renvoi du législateur à un acte réglementaire adopté par une collectivité territoriale.

 

– Concernant la fixation du taux d’une imposition, le Conseil admet que le législateur ne fixe que des « fourchettes », à condition qu’elles ne soient pas trop larges.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, il était saisi de dispositions qui permettaient aux communes d’instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité commerciale non salariée à durée saisonnière sur leur territoire, assise sur la surface du local ou de l’emplacement où l’activité commerciale à durée saisonnière est exercée, et dont le tarif était fixé par la commune par jour d’activité – dans la limite d’un plancher et d’un plafond déterminés par la loi. Le Conseil a jugé, à cet égard, qu’« en faisant varier le montant de la taxe en proportion de la superficie du local, de l’emplacement ou du véhicule, dans les limites précédemment indiquées et en tenant compte de la durée d’activité dans la commune, [le législateur] n’a pas porté atteinte au principe de l’égalité devant l’impôt »42.

 

Comme le relève un commentaire ultérieur, « Cette jurisprudence est née de la nécessité de donner un contenu au principe de libre administration des collectivités territoriales et de leur permettre d’ajuster les taux des taxes locales à leurs besoins de financement. Cette situation a été modifiée en 2003 puisque le nouvel article 72-2 de la Constitution dispose qu’"elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures" et que "la loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine". Cette jurisprudence a donc été constitutionnalisée pour ces collectivités »43.

 

– Il en va de même concernant la possibilité laissée aux conseils municipaux d’accorder des exonérations.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2012–238 QPC du 20 avril 2012, le Conseil était saisi de dispositions qui, d’une part, soumettaient à l’impôt sur les spectacles, jeux et divertissements les réunions sportives et les cercles et maisons de jeux, tout en prévoyant l’exonération des compétitions relevant d’activités sportives énumérées par un arrêté interministériel, et qui, d’autre part, offraient aux communes la faculté d’exonérer certaines compétitions sportives organisées sur leur territoire.

 

Selon la société requérante, en restreignant le champ d’application de cet impôt aux réunions sportives et aux cercles et maisons de jeux et en permettant que des compétitions sportives puissent être exonérées de l’impôt, soit lorsqu’elles correspondent à des activités sportives énumérées par arrêté, soit lorsque le conseil municipal décide de cette exonération par une délibération, ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant l’impôt.

 

Après avoir rappelé les termes des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ainsi que ceux des articles 72 et 72-2 de la Constitution, le Conseil a, en premier lieu, jugé que les dispositions contestées « créent des différences de traitement respectivement entre des spectacles de nature différente et entre des compétitions relatives à des activités sportives différentes ; qu’elles n’introduisent pas de différence de traitement entre des personnes placées dans la même situation ; que ni l’assiette de l’imposition ni l’exonération des compétitions relevant de certaines activités sportives ne créent en elles-mêmes de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

 

Il a, en second lieu, constaté que les exonérations facultatives prévues par les dispositions contestées « permettent aux communes qui le souhaitent de favoriser le développement d’événements sportifs ayant lieu sur leur territoire, le cas échéant sans être privées de toute recette provenant de l’impôt sur les spectacles, jeux et divertissements ». Il a également relevé que « cet impôt, qui a une assiette locale, est exclusivement perçu au profit des communes ; que l’exonération facultative de l’ensemble des compétitions sportives organisées sur le territoire d’une commune est décidée par le conseil municipal ». Il en a déduit que « le législateur pouvait prévoir une telle exonération facultative sans méconnaître le principe d’égalité »44.

 

Le commentaire de la décision souligne que « Le but de cette disposition législative, bien que peu explicité dans les travaux parlementaires, était d’offrir à chaque commune la faculté de favoriser le développement de tel ou tel autre type d’événements sportifs ayant lieu sur le territoire communal. / En matière de finances locales, une disposition de cette sorte n’est pas isolée. De nombreuses impositions locales obligatoires peuvent faire l’objet d’exonérations facultatives, dont la possibilité est prévue par le législateur et mise en œuvre sur délibération de chaque conseil municipal. De telles exonérations entrent dans le champ de la fixation de l’assiette d’une imposition locale, que le législateur peut autoriser les collectivités concernées à fixer, dans les limites qu’il détermine, en vertu du deuxième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution […]. / Néanmoins, les exonérations qui peuvent être décidées par les conseils municipaux pour l’impôt sur les spectacles se distinguent sur un point des autres exonérations d’impôts locaux. Une commune peut en effet décider une exonération généralisée, en faveur de toutes les compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune. Permettre une exonération pour l’ensemble des compétitions sportives revient, de facto, à permettre de supprimer toute assiette pour l’impôt (sauf à ce que le territoire de la commune comporte des maisons de jeux ou des casinos), et donc, en pratique, à transformer l’impôt sur les spectacles en un impôt facultatif. / En soi, une telle exonération pose un problème similaire à celui des taxes locales facultatives (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage, taxe de séjour, taxe sur les emplacements publicitaires fixes, surtaxe sur les eaux minérales…), dont le régime est défini par le législateur mais l’institution décidée par l’organe délibérant de la collectivité territoriale. […] Le Conseil constitutionnel a donc considéré qu’au regard de l’assiette locale et de l’attribution du produit de l’imposition aux communes, le législateur pouvait prévoir une telle exonération généralisée, sur délibération du conseil municipal, sans méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques ».

 

b) Sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel juge de manière constante que « Cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »45.

 

Ainsi, dans sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, le Conseil, saisi de dispositions permettant aux communes d’instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité commerciale non salariée à durée saisonnière sur leur territoire, a jugé « qu’en ne prenant pas en compte la durée d’installation dans la commune d’activités commerciales non sédentaires, le législateur a méconnu, en l’espèce, le principe d’égalité devant les charges publiques »46. Le commentaire de cette décision souligne que, « s’agissant de commerces itinérants, la non prise en compte de la durée d’installation aurait conduit à des disparités injustifiables entre commerçants non sédentaires, selon que leur activité les conduit à se déplacer, en cours d’année, dans un petit nombre de communes (voire une seule, dans le cas d’une grande ville par exemple) ou dans un grand nombre d’entre elles ».

 

Le Conseil constitutionnel s’assure également que les dispositions dont il est saisi ne conduisent pas à soumettre le contribuable à une imposition dont l’assiette inclut des revenus ou des ressources dont il ne dispose pas. Il a en effet déduit du principe d’égalité devant les charges publiques l’exigence selon laquelle « en principe, lorsque la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource »47. S’il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil a jugé que des revenus « potentiels » ou « latents » ne pouvaient pas être intégrés, en tant que tels, dans le revenu d’un contribuable pour le calcul du plafonnement à l’impôt de solidarité sur la fortune. Il a en effet estimé qu’« en intégrant ainsi, dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune et de la totalité des impôts dus au titre des revenus, des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année, le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives »48.

 

Toutefois, l’appréciation de la capacité contributive ne se limite pas aux revenus effectivement perçus par le contribuable. À plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que le législateur avait pu valablement « frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits »49.

 

B. – L’application à l’espèce

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps, procédé à l’examen de la conformité à la Constitution des dispositions contestées de l’article L. 2333–26 du CGCT.

 

Il a contrôlé ces dispositions à la fois sur le fondement du principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, et, comme il l’avait fait dans sa décision n° 2012–238 QPC du 20 avril 2012 précitée, sur celui des articles 72 et 72–2 de la Constitution, dès lors qu’était en cause la faculté laissée aux communes de choisir un régime d’imposition (paragr. 6 à 7).

 

Dans ce cadre, le Conseil a tout d’abord décrit l’objet et la portée des dispositions contestées. À cet égard, il a constaté que, en application de ces dispositions, certaines communes peuvent instituer une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire et décider d’appliquer soit l’une de ces taxes à l’ensemble des hébergements situés sur leur territoire, soit la taxe de séjour à certaines natures d’hébergement et la taxe de séjour forfaitaire aux autres natures d’hébergement (paragr. 8).

 

Le Conseil a ensuite relevé qu’« Il peut en résulter une différence de traitement entre les hébergements situés sur un même territoire qui, selon leur nature, sont susceptibles d’être soumis par la commune à des régimes d’impositions distincts » (paragr. 9).

 

Le Conseil s’est alors attaché à déterminer si cette différence de traitement était justifiée par une différence de situation et en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

 

Il a observé à ce titre que, selon les termes mêmes du paragraphe III de l’article L. 2333–26 du CGCT, seuls des hébergements de nature différente peuvent être soumis à des régimes d’imposition distincts (paragr. 10).

 

Il en a déduit que la différence de traitement résultant des dispositions contestées reposait sur une différence de situation et qu’elle était en outre en rapport direct avec l’objet de la loi, « qui est de permettre aux communes de choisir le régime d’imposition le plus adapté en vue d’assurer, pour chaque nature d’hébergement et au regard des circonstances locales, le recouvrement de la taxe de séjour » (paragr. 11).

 

Constatant par ailleurs que ces dispositions n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les personnes hébergées (paragr. 12), le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (paragr. 13).

 

Ces dispositions ne méconnaissant pas non plus le principe d’égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 14).

 

* Le Conseil constitutionnel a, dans un second temps, procédé à l’examen des dispositions contestées de l’article L. 2333–41 du CGCT.

 

Après avoir rappelé les exigences qu’il tire de l’article 13 de la Déclaration de 1789 (paragr. 15), il a constaté que ces dispositions prévoient que la taxe de séjour forfaitaire est notamment assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement donnant lieu au versement de la taxe (paragr. 16).

 

En premier lieu, le Conseil s’est assuré que l’assiette retenue par le législateur était fondée sur des critères objectifs et rationnels, au regard du but poursuivi. À cet égard, il a relevé que, « en permettant aux communes d’assujettir les structures d’hébergement à une imposition forfaitaire assise sur leur capacité d’accueil, et non sur leur fréquentation réelle, le législateur, qui a entendu faciliter le recouvrement de la taxe de séjour, s’est fondé sur un critère objectif et rationnel en lien avec l’objectif poursuivi » (paragr. 17).

 

En deuxième lieu, répondant plus spécifiquement à l’argumentation de la société requérante, il a jugé qu’« en retenant comme critère de la capacité contributive de l’exploitant d’une structure d’hébergement, outre les nuitées, les unités de capacité d’accueil de cet hébergement, les dispositions contestées n’ont pas pour effet d’assujettir le contribuable à une imposition dont l’assiette inclurait une capacité contributive dont il ne disposerait pas » (paragr. 18). C’est en effet la capacité contributive conférée par l’activité d’exploitation d’une structure d’hébergement qui est soumise à l’imposition, et non celle conférée par la perception de revenus.

 

En dernier lieu, le Conseil a constaté que, « selon le paragraphe III de l’article L. 2333–41 du code général des collectivités territoriales, le nombre d’unités de capacité d’accueil de la structure d’hébergement donnant lieu au versement de la taxe de séjour forfaitaire fait l’objet d’un abattement en fonction de la durée de la période d’ouverture de l’établissement » (paragr. 19). Ce mécanisme correcteur, qui vise à prendre en compte la fréquentation estimée des établissements concernés, permet ainsi d’éviter toute rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

 

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques (paragr. 20).

 

Les dispositions contestées ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 21).

 

 

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1 Selon un rapport d’information parlementaire sur cette taxe, « Cette mesure était destinée à faire face à l’évasion de la clientèle vers les villes d’eau des pays voisins, jugées plus confortables et mieux équipées » (rapport d’information n° 3226 présenté le 11 juillet 2001 par M. Michel Bouvard au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, p. 8). À cette fin, s’inspirant de la « Kur-taxe » sur les établissements de cure thermale instituée en Allemagne et dans l’empire austro-hongrois, elle avait vocation à faire participer les personnes non domiciliées dans la commune et n’y possédant pas de résidence secondaire au financement de ces stations, dont les équipements ne répondaient pas aux seuls besoins de la population permanente.

2 Loi du 24 septembre 1919 portant création de stations hydrominérales, climatiques et de tourisme, établissant des taxes spéciales dans lesdites stations et réglementant l’office national du tourisme. La taxe de séjour a ensuite été étendue aux stations uvales par la loi du 2 juillet 1935 modifiant et complétant la loi du 24 septembre 1919 relative aux stations hydrominérales, climatiques et de tourisme, puis à toutes les communes réalisant des actions de promotion touristique, aux communes de montagne et aux communes littorales par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation.

3 Les communes touristiques et stations classées de tourisme sont régies par les articles L. 133-11 à L. 133-18 du code du tourisme. Il s’agit, pour les premières, des « communes qui mettent en œuvre une politique du tourisme et qui offrent des capacités d’hébergement pour l’accueil d’une population non résidente » (article L. 133-11) et, pour les secondes, des « communes touristiques et leurs fractions qui mettent en œuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives » (article L. 113-13).

4 Aux termes de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, « Sont considérées comme communes littorales […] les communes de métropole et des départements d’outre-mer : / 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares ; / 2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’État, après consultation des conseils municipaux intéressés ».

5 Aux termes de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, « Les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques. Elles comprennent, en métropole, les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d’utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus : / 1° Soit à l’existence, en raison de l’altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ; / 2° Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l’utilisation d’un matériel particulier très onéreux ; / 3° Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l’importance du handicap, résultant de chacun d’eux pris séparément, est moins accentuée ; dans ce cas, le handicap résultant de cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle des situations visées aux 1° et 2° ci-dessus ».

6 Il s’agit de la dotation supplémentaire, destinée à tenir compte des charges exceptionnelles qui résultent, pour les communes et groupements de communes touristiques et thermaux, de l’accueil saisonnier de la population non résidente à titre principal, ainsi que de la dotation particulière, destinée à tenir compte des charges spécifiques que supportent les communes de moins de 7 500 habitants qui connaissent une importante fréquentation touristique journalière.

7 Les communes membres d’un EPCI ayant décidé d’instituer une taxe de séjour ne peuvent pas la percevoir. Cependant, si elles ont déjà institué cette taxe sur leur territoire pour leur propre compte, elles peuvent s’opposer à cette décision par une délibération prise dans un délai de deux mois à compter de sa publication ou de son affichage (sixième et septième alinéas du paragraphe I de l’article L. 5211-21 du CGCT).

8 Article L. 2333-27 du CGCT. Lorsque la commune a institué un office de tourisme sous la forme d’un établissement public industriel et commercial, le budget de cet établissement comprend le produit de la taxe de séjour (article L. 133–7 du code du tourisme). 

9 La loi du 3 avril 1942 relative au régime des stations classées avait conféré un caractère obligatoire à la taxe de séjour, mais celle-ci est redevenue facultative avec l’ordonnance n° 59-110 du 7 janvier 1959 tendant à aménager les ressources des collectivités locales.

10 Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article L. 2333-26 du CGCT prévoit que cette délibération doit être prise avant le 1er juillet de l’année pour être applicable à compter de l’année suivante.

11 Article L. 2333-28 du CGCT.

12 Articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT. Le tarif retenu pour une catégorie d’hébergement ne peut dépasser le tarif retenu pour la catégorie supérieure de même nature.

13 Les articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT précités, dans leur rédaction résultant de la loi de finances rectificative pour 2016, distinguaient ainsi dix catégories d’hébergement :

- les palaces

- les hôtels de tourisme, résidences de tourisme et meublés de tourisme 5 étoiles

- les hôtels de tourisme, résidences de tourisme et meublés de tourisme 4 étoiles

- les hôtels de tourisme, résidences de tourisme et meublés de tourisme 3 étoiles

- les hôtels de tourisme, résidences de tourisme et meublés de tourisme 2 étoiles et les villages de vacances 4 et 5 étoiles

- les hôtels de tourisme, résidences de tourisme et meublés de tourisme 1 étoile, les villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles, les chambres d’hôtes, les emplacements dans des aires de camping-cars et les parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures

- les hôtels, résidences de tourisme et villages de vacances en attente de classement ou sans classement

- les terrains de camping et de caravanage 3, 4 et 5 étoiles

- les terrains de camping et de caravanage 1 et 2 étoiles et les ports de plaisance.

14 Paragraphe II de l’article L. 2333-26 du CGCT.

15 Paragraphe III de l’article L. 2333-26 du CGCT.

16 Rapport d’information précité, p. 11.

17 Source : « Les taxes de séjour », Guide pratique, Direction générale des collectivités territoriales, juin 2021, p. 12.

18 Article L. 2333-29 du CGCT. Pour tenir compte de la suppression de la taxe d’habitation, ce même article, dans sa rédaction actuellement en vigueur, prévoit désormais que « La taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune ».

19 Article L. 2333-31 du CGCT.

20 Article L. 2333-30 du CGCT.

21 Article L. 2333-33 du CGCT.

22 Article L. 2333–34 du CGCT.

23 Ibidem. Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article L. 2333–34 du CGCT prévoit que les opérateurs numériques procèdent à ce versement deux fois par an, au plus tard le 30 juin et le 31 décembre, et que les versements effectués au 30 juin comprennent, le cas échéant, le solde dû au titre de l’année antérieure.

24 Articles R. 2333-51 et R. 2333-52 du CGCT.

25 Article L. 2333-36 du CGCT.

26 Rapport n° 1128 de M. Dominique Perben, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi d’amélioration de la décentralisation, déposé le 10 décembre 1987. Dans ses observations, la commission des affaires économiques, saisie pour avis, soulignait plus particulièrement que « L’imposition des personnes séjournant dans les terrains de camping, les résidences, et même les hôtels depuis la suppression des registres des voyageurs, s’avère extrêmement difficile. Le plus souvent, la commune doit créer un service spécial du recouvrement dont le coût croît parfois plus vite que le produit perçu ».

27 Article L. 2333-40 du CGCT.

28 Si cet arrêté fait référence à des lits, chaque lit est compté comme une unité d’accueil ; s’il fait référence à des emplacements d’installations de camping, de caravanage ou d’hébergements légers, le nombre d’unités de capacité d’accueil de chaque hébergement de plein air est égal au triple des emplacements mentionnés par l’arrêté de classement.

29 Le taux maximum de l’abattement a été porté à 80 % par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

30 Guide pratique précité, p. 37.

31 Article L. 2333-43 du CGCT.

32 Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article L. 2333-43 du CGCT prévoit en outre que la déclaration doit mentionner l’adresse de l’hébergement, le montant de la taxe due et, le cas échéant, le numéro d’enregistrement de l’hébergement. Le retard ou le défaut de déclaration est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (article L. 2333-43-1 du CGCT).

33 Article L. 2333-44 du CGCT.

34 Voir, récemment, la décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, Loi de finances pour 2024, paragr. 36.

35 Ibid., paragr. 37.

36 Olivier Fouquet, « Le Conseil constitutionnel et le principe d’égalité devant l’impôt », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, p. 7.

37 Voir, par exemple, la décision n° 2014-456 QPC du 6 mars 2015, Société Nextradio TV (Contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés – seuil d’assujettissement), cons. 8.

38 Voir, par exemple, la décision n° 2010–44 QPC du 29 septembre 2010, Époux M. (Impôt de solidarité sur la fortune), cons. 5.

39 Décision n° 90–285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991, cons. 29.

40 Ibid, cons. 50.

41 L’article 34 de la Constitution réserve en effet au législateur le soin de fixer « les règles concernant… l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». En vertu de l’article 37, il n’appartient au pouvoir réglementaire que d’édicter les modalités d’application qui sont nécessaires à la mise en œuvre de ces règles et non de fixer ces règles.

42 Décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances pour 2001, cons. 23.

43 Commentaire de la décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

44 Décision n° 2012-238 QPC du 20 avril 2012, Société anonyme Paris Saint-Germain football (Impôt sur les spectacles), cons. 9 à 11.

45 Voir, par exemple, la décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, paragr. 43.

46 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000, cons. 49.

47 Décisions n° 2013-684 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances rectificative pour 2013, cons. 29, n° 2013–362 QPC du 6 février 2014, TF1 SA (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision), cons. 4, n° 2016–620 QPC du 30 mars 2017, Société EDI-TV (Taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision), paragr. 5, et n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017, Société EDI-TV (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision II), paragr. 5.

48 Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, cons. 95. Voir aussi, dans le même sens, les décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014, cons. 12, et n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016, Loi de finances pour 2017, paragr. 21 et 22. Il convient néanmoins de préciser que l’approche de la disponibilité fiscale retenue par le Conseil constitutionnel repose sur le caractère certain de la créance acquise par le contribuable et ne se confond pas avec la disponibilité matérielle ou comptable d’un revenu (voir, en ce sens, les décisions nos 2021-962 QPC du 14 janvier 2022, Époux B. [Imposition des plus-values résultant de la cession à titre onéreux de titres financiers au moyen d’un crédit-vendeur] et n° 2023-1051 QPC du 1er juin 2023, Mme Catherine R. et autre [Droits de mutation par décès et indemnité de réduction en valeur des libéralités excessives]).

49 Voir, par exemple, décision n° 2019-769 QPC du 22 mars 2019, Mme Ruth S. (Calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune), paragr. 9. Et, dans le même sens, décision n° 2020-868 QPC du 27 novembre 2020, M. Louis-Christophe L. (Taxe forfaitaire sur la cession et l’exportation d’objets précieux), paragr. 10.