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Commentaire de la décision 2023-1076 QPC

17/04/2024

Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 octobre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1316 du 10 octobre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Moussa H. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 706-113 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021–1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

 

Dans sa décision n° 2023-1076 QPC du 18 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la première phrase du premier alinéa de cet article, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions renvoyées

 

A. – Objet des dispositions renvoyées

 

1. – Les dispositions de procédure pénale spécifiques aux majeurs protégés

 

Depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les personnes qui font l’objet d’une mesure de protection juridique bénéficient, dans le cadre de la procédure pénale, de garanties spécifiques prévues aux articles 706-112 à 706-118 du CPP1.

 

Ce régime procédural particulier « est applicable à toute personne majeure dont il est établi au cours de la procédure qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre Ier du code civil »2. Son originalité réside ainsi dans le fait que sa mise en œuvre dépend de l’existence d’une mesure de protection civile à l’égard du majeur auquel une infraction est reprochée. Le législateur a en effet choisi de lier la protection qui est accordée à la personne majeure sur le plan pénal à celle dont elle bénéficie déjà en application du droit civil lorsqu’elle est « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté »3, plutôt que de fonder la mise en œuvre des règles spéciales de procédurale pénale sur des critères distincts, tenant par exemple à l’existence d’une situation de particulière vulnérabilité de l’intéressé ou d’un trouble mental.

 

Cette procédure spéciale, modifiée à plusieurs reprises depuis 2007, repose essentiellement sur une obligation d’information du tuteur ou du curateur4, afin que celui-ci soit en mesure d’assister le majeur protégé dans l’exercice de ses droits, et couvre les différentes phases de la procédure pénale.

 

a) L’information du tuteur ou du curateur au cours de l’enquête

 

Adoptés à la suite de plusieurs décisions d’inconstitutionnalité rendues par le Conseil constitutionnel (cf. infra, II.B.), les articles 706-112-1 à 706-112-3 du CPP prévoient, pour certains actes d’investigation, l’obligation pour les enquêteurs d’informer le tuteur ou le curateur lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne mise en cause fait l’objet d’une mesure de protection juridique5.

 

– Dans le cadre de la garde à vue, l’article 706-112-1 du CPP6 prévoit que l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire avise le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial désigné par le juge des tutelles en cas de sauvegarde de justice.

 

Dans le cas où le majeur protégé n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat, le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peut lui-même désigner un avocat, ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier7. De la même manière, il peut demander que le majeur protégé soit examiné par un médecin s’il n’a pas déjà fait l’objet d’un examen médical8.

 

Sauf circonstances insurmontables, qui doivent être mentionnées au procès–verbal, les diligences qui incombent à ce titre aux enquêteurs doivent intervenir dans les six heures à compter du moment où ils ont eu connaissance de l’existence d’une mesure de protection juridique9. À défaut, la procédure encourt la nullité10.

 

Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut néanmoins, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis au curateur, au tuteur ou au mandataire spécial sera différé ou ne sera pas délivré si « cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne »11.

 

– En cas d’audition libre d’un majeur protégé dans le cadre d’une procédure concernant un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, l’article 706-112-2 du CPP12 impose à l’officier ou à l’agent de police judiciaire d’aviser par tout moyen le tuteur ou le curateur « qui peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition ». Il prévoit en outre que « Si le tuteur ou le curateur n’a pu être avisé et si la personne entendue n’a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation ».

 

– En cas de perquisition réalisée dans le cadre d’une enquête préliminaire au domicile d’une personne, l’article 706–112-3 du CPP13 prévoit quant à lui que, lorsque les éléments recueillis au cours de l’enquête font apparaître que cette personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique « révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération », l’officier de police judiciaire en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l’assentiment éventuel de la personne ne soit donné qu’après qu’elle a pu s’entretenir avec lui14. À défaut, la perquisition doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention.

 

b) L’information du tuteur ou du curateur en cas de poursuites

 

* L’article 706-113 du CPP15 (les dispositions objet de la décision commentée) prévoit l’information du tuteur ou du curateur du majeur protégé par les autorités judiciaires à compter de la phase d’orientation des poursuites et, le cas échéant, jusqu’au jugement de l’affaire16.

 

– Lorsqu’un majeur protégé fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou, en cas d’ouverture d’une information, le juge d’instruction doit en aviser le curateur ou le tuteur. Celui-ci doit également être avisé lorsque le majeur protégé fait l’objet de mesures dites alternatives aux poursuites, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le juge d’instruction doit par ailleurs aviser le tuteur ou le curateur de l’audition du majeur protégé comme témoin assisté (premier alinéa).

 

Dans toutes ces hypothèses, le curateur ou le tuteur peut prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie (deuxième alinéa) et, si la personne est placée en détention provisoire, le curateur ou le tuteur bénéficie de plein droit d’un permis de visite (troisième alinéa).

 

– Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise par ailleurs le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d’acquittement, d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou de condamnation dont la personne protégée fait l’objet (quatrième alinéa).

 

– Enfin, « Le curateur ou le tuteur est avisé de la date d’audience » (dernier alinéa). La Cour de cassation a jugé qu’il se déduisait de ce texte que « le curateur d’une personne majeure protégée doit être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée, en ce compris l’interrogatoire de première comparution »17. Lorsque le curateur ou le tuteur est présent à l’audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin.

 

Si l’obligation d’information instituée par l’article 706-113 du CPP ne s’applique qu’aux majeurs placés sous curatelle ou sous tutelle, l’article 706-117 du même code prévoit toutefois que, en cas de poursuites concernant une personne bénéficiant d’une mesure de sauvegarde de justice, le procureur de la République ou le juge d’instruction doit en aviser le juge des tutelles. Ce dernier peut alors désigner un mandataire spécial qui dispose, au cours de la procédure, des mêmes prérogatives que celles confiées au curateur ou au tuteur. Ces prérogatives sont également reconnues au mandataire de protection future.

 

* Aux termes de l’article D. 47-14-1 du CPP, les dispositions de l’article 706-113 du même code ne sont applicables « que lorsque les éléments recueillis au cours de ces procédures font apparaître que la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre Ier du code civil ». Ce même article prévoit en outre que « Si les éléments de la procédure font apparaître un doute sur l’existence d’une mesure de protection juridique, le procureur de la République, le juge d’instruction ou la juridiction de jugement procède ou fait procéder aux vérifications nécessaires ».

 

La Cour de cassation admet, sur ce fondement, que, dans le cadre de la phase antérieure au jugement, le procureur de la République ou le juge d’instruction ne sont tenus de procéder à des vérifications qu’en cas de doute sur l’existence d’une mesure de protection juridique18.

 

Elle se montre en revanche plus exigeante dans le cadre de la phase de jugement. La chambre criminelle a ainsi, à plusieurs reprises, censuré des arrêts ayant condamné une personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique lorsqu’il apparaît que son curateur ou son tuteur n’a été informé ni des poursuites, ni du jugement de première instance dont l’intéressé a fait l’objet, ni de la date d’audience devant la juridiction du second degré, et ce quand bien même l’intéressé n’aurait été placé sous curatelle ou sous tutelle que postérieurement à la décision des premiers juges19. Dans le prolongement de cette jurisprudence, elle a plus récemment jugé que, à défaut d’information du curateur, la décision de condamnation de la cour d’appel encourait l’annulation « même s’il n’est pas établi que les juges du fond ont eu connaissance de la mesure de protection juridique dont bénéficiait le prévenu »20.

 

2. – Le défèrement

 

Le défèrement est une mesure de contrainte qui intervient à l’issue de la garde à vue d’une personne ou de sa retenue21 en vue de sa présentation devant l’autorité judiciaire compétente22.

 

a) Le défèrement devant le procureur de la République

 

* En application de l’article 393 du CPP, le défèrement peut être ordonné par le procureur de la République lorsqu’il envisage de poursuivre une personne devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal23, de comparution immédiate24 ou de comparution à délai différé25.

 

Ce magistrat doit alors informer la personne de son droit d’être assistée par un interprète, constater son identité et lui faire connaître les faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique26.

 

Il l’informe en outre qu’elle a le droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. Cet avocat, avisé sans délai, peut consulter immédiatement le dossier et communiquer librement avec l’intéressé27.

 

Selon le quatrième alinéa de l’article 393 du CPP, « Le procureur de la République avertit alors la personne de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. Après avoir, le cas échéant, recueilli les observations de la personne ou procédé à son interrogatoire, le procureur de la République entend, s’il y a lieu, les observations de l’avocat, portant notamment sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

 

Ces mêmes dispositions prévoient qu’au vu de ces observations, le procureur de la République prend alors une décision sur l’orientation des poursuites :

– soit il décide de poursuivre l’intéressé devant le tribunal correctionnel en l’invitant à comparaître dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours28 ni supérieur à deux mois (convocation par procès-verbal) ou, lorsque le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans ou, en cas de flagrance, à six mois, en recourant à la procédure de comparution immédiate ou de comparution à délai différé ;

– soit il requiert l’ouverture d’une information ;

– soit il ordonne la poursuite de l’enquête ;

– soit il prend toute autre décision sur l’action publique, telle que la mise en œuvre de mesures alternatives aux poursuites ou le classement sans suite29.

 

* Si le défèrement intervient, en pratique, le plus souvent devant le procureur de la République à l’issue d’une garde à vue ordonnée dans le cadre d’une enquête policière, l’article 803-2 du CPP prévoit qu’une telle mesure peut également être mise en œuvre :

– à la demande du juge d’instruction, lorsque le placement en garde à vue est intervenu dans le cadre d’une information judiciaire, le cas échéant en exécution d’une commission rogatoire ;

– à la demande du juge de l’application des peines, lorsque la personne a été retenue pour un manquement supposé aux obligations qui lui incombent en application de la condamnation prononcée à son encontre.

 

b) La retenue dans les locaux du tribunal de la personne déférée dans l’attente de sa présentation devant le magistrat

 

Jusqu’en 2004, aucune disposition légale n’encadrait le laps de temps qui s’écoule entre la fin de la garde à vue ou de la retenue et la présentation effective de l’intéressé devant le magistrat compétent ni, en particulier, la pratique du « petit dépôt » consistant à retenir dans les locaux du tribunal les personnes déférées en soirée pour ne les présenter que le lendemain à un magistrat30.

 

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II », est venue combler cette lacune en insérant au sein du CPP deux nouveaux articles 803-2 et 803-3, modifiés en dernier lieu par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

 

L’article 803-2 du CPP pose le principe selon lequel « Toute personne ayant fait l’objet d’un défèrement à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d’instruction à l’issue d’une garde à vue au cours d’une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt ».

 

L’article 803-3 du même code prévoit cependant, « en cas de nécessité »31, une dérogation à ce principe : si la présentation devant le magistrat compétent ne peut pas avoir lieu le jour même, « la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l’heure à laquelle la garde à vue ou la retenue a été levée, à défaut de quoi l’intéressé est immédiatement remis en liberté » (premier alinéa)32.

 

Dans ce cas, la personne retenue bénéficie de droits, définis par référence à ceux reconnus à la personne gardée à vue33 : elle « doit avoir la possibilité de s’alimenter et, à sa demande, de faire prévenir par téléphone une des personnes visées à l’article 63-2, d’être examinée par un médecin désigné conformément aux dispositions de l’article 63-3 et de s’entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou commis d’office à sa demande, selon les modalités prévues par l’article 63–3–1 ». Si elle sollicite un entretien avec un avocat, celui-ci peut demander à consulter le dossier de la procédure (quatrième alinéa).

 

L’identité des personnes retenues, leurs heures d’arrivée et de conduite devant le magistrat ainsi que la mise en œuvre des droits qui leur sont reconnus font l’objet d’une mention dans un registre spécial tenu à cet effet dans le local où elles sont retenues. Ce local est surveillé, sous le contrôle du procureur de la République, par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale (cinquième alinéa).

 

Enfin, les dispositions de l’article 803-3 du CPP ne sont pas applicables lorsque la personne a fait l’objet d’une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures (dernier alinéa)34.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

M. Moussa H., suspecté d’avoir commis diverses infractions, avait été déféré devant le procureur de la République.

 

Poursuivi, à l’issue de son défèrement, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, il avait comparu le jour même devant le tribunal correctionnel, qui avait renvoyé l’affaire à une date ultérieure pour que soit réalisée une expertise psychiatrique du prévenu et que son curateur soit informé de la procédure.

 

À l’audience de renvoi, M. Moussa H. avait soulevé une QPC portant sur l’article 706-113 du CPP, que le tribunal avait transmise à la Cour de cassation par jugement du 20 juillet 2023.

 

Dans son arrêt du 10 octobre 2023 précité, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé que la question posée présentait un caractère sérieux aux motifs que : « La disposition contestée, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021–1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, ne prévoit pas que, lorsqu’une personne protégée fait l’objet d’un défèrement, le magistrat qui a ordonné cette mesure ait l’obligation, même avant le déclenchement de toute poursuite et même lorsqu’il a connaissance de la mesure de protection légale, de prévenir le tuteur ou le curateur de l’intéressée. Il peut en résulter que cette dernière, non assistée dans l’exercice de ses droits prévus notamment par l’article 803-3 du code de procédure pénale lorsque la personne ne peut comparaître le jour même devant le magistrat compétent, opère des choix contraires à ses intérêts. / Il s’ensuit que la disposition critiquée est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le requérant reprochait à ces dispositions de ne pas prévoir que le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé doive être informé lorsque celui-ci faisait l’objet d’un défèrement alors qu’il ne disposerait pas toujours du discernement nécessaire à l’exercice de ses droits. Selon lui, elles méconnaissaient ainsi les droits de la défense et étaient en outre entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces droits.

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur la première phrase du premier alinéa de l’article 706-113 du CPP (paragr. 3).

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle

 

* Le principe des droits de la défense est rattaché depuis 2006 à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution »35.

 

Il a pour corollaire le principe du caractère contradictoire de la procédure36 et fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits37.

 

* Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel impose que, tout au long de la procédure pénale, des garanties spécifiques soient prévues pour assurer l’effectivité des droits des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, eu égard à leur particulière vulnérabilité38.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, le Conseil a censuré les dispositions du premier alinéa de l’article 706-113 du CPP, dans sa rédaction résultant de la loi du 25 février 2008 précitée, relatives à l’obligation d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de ce dernier, dans la mesure où elles ne mettaient pas à la charge des autorités publiques une telle obligation en cas de placement en garde à vue.

 

Après avoir constaté que, en dépit des droits reconnus au majeur protégé ou à son représentant légal en cas de placement en garde à vue, « ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, dès le début de la garde à vue, si la personne entendue est placée sous curatelle ou sous tutelle et d’informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l’objet », le Conseil en a déduit que « dans le cas où il n’a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d’opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l’exercice de son droit de s’entretenir avec un avocat et d’être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations. / Dès lors, en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule la garde à vue soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense »39.

 

Comme le précise le commentaire de cette décision, le Conseil constitutionnel « a considéré que le majeur protégé n’était pas placé dans une situation semblable à celle d’un autre majeur, le propre de la mesure dont il fait l’objet étant de lui accorder une protection particulière en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles » et que « lui laisser seul le soin d’apprécier l’opportunité de faire usage des droits qui lui sont notifiés en garde à vue (notamment ceux de recourir à un avocat ou de faire prévenir son curateur ou son tuteur) ne lui permet pas nécessairement d’exercer avec discernement les droits de la défense »40.

 

- Dans sa décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021, le Conseil constitutionnel, saisi cette fois du cas de l’absence d’information du curateur ou du tuteur d’un majeur protégé au domicile duquel une perquisition est réalisée, a censuré le premier alinéa de l’article 706-113 du CPP dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 précitée.

 

Soulevant d’office le grief tiré de ce qu’en ne prévoyant pas que le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé soit averti d’une perquisition effectuée dans le cadre d’une enquête préliminaire, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’inviolabilité du domicile, il a jugé que « ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n’imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, au préalable, si la personne au domicile de laquelle la perquisition doit avoir lieu fait l’objet d’une mesure de protection juridique et d’informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l’objet. Or, selon le degré d’altération de ses facultés mentales ou corporelles, le majeur protégé, s’il n’est pas assisté par son représentant, peut être dans l’incapacité d’exercer avec discernement son droit de s’opposer à la réalisation d’une perquisition à son domicile. / Dès lors, en ne prévoyant pas que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle est réalisée la perquisition soit, en principe, tenu d’avertir le représentant d’un majeur protégé lorsque les éléments recueillis au cours de l’enquête préliminaire font apparaître que la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, le législateur a méconnu le principe d’inviolabilité du domicile. / Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, le premier alinéa de l’article 706-113 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution »41.

 

- Enfin, dans sa décision n° 2020-884 QPC du 12 février 2021, le Conseil constitutionnel était saisi des dispositions de l’article 712-6 du CPP relatives à la procédure applicable pour les aménagements de peines décidés par voie de jugement par le juge de l’application des peines.

 

Le Conseil a d’abord relevé, de manière générale, que « devant ce juge, le condamné est amené à effectuer des choix qui engagent la défense de ses intérêts, qu’il s’agisse de celui de faire appel à un avocat, de renoncer au débat contradictoire ou de présenter des observations ». Il s’est ensuite attaché à la situation particulière du majeur protégé : « Lorsque le condamné est un majeur protégé, ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n’imposent au juge de l’application des peines d’informer son tuteur ou son curateur afin qu’il puisse l’assister en vue de l’audience. Or, en l’absence d’une telle assistance, l’intéressé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles, et ainsi opérer des choix contraires à ses intérêts ». Le Conseil en a déduit « qu’en ne prévoyant pas en principe une telle information, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense »42.

 

Même si ces décisions ont été rendues sur des fondements différents (droits de la défense ou inviolabilité du domicile), leur point commun est d’insister sur l’effectivité des droits du majeur protégé dans le cadre de la procédure pénale : il appartient au législateur de s’assurer qu’il soit en mesure, grâce à l’assistance de son tuteur ou de son curateur, d’exercer avec discernement les droits procéduraux qui lui sont par ailleurs reconnus comme à tout un chacun.

 

* Plus récemment, dans sa décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, le Conseil constitutionnel, saisi notamment des dispositions de l’article 706–112-2 du CPP faisant obligation aux enquêteurs d’aviser le tuteur ou le curateur en cas d’audition libre d’un majeur protégé, a précisé le contenu de cette information43.

 

Le requérant reprochait en effet à ces dispositions de ne pas prévoir que le tuteur ou le curateur soit informé de la possibilité qu’il a de désigner ou de faire désigner un avocat pour assister le majeur protégé. Selon lui, elles méconnaissaient ainsi les droits de la défense et étaient entachées d’incompétence négative.

 

Pour écarter ces griefs, le Conseil a relevé qu’en adoptant ces dispositions, « le législateur a entendu que le majeur protégé soit, au cours de son audition libre, assisté dans l’exercice de ses droits et, en particulier, dans l’exercice de son droit à l’assistance d’un avocat ». Il en a déduit que l’obligation d’aviser le tuteur ou le curateur de la mesure d’audition libre dont le majeur protégé fait l’objet, imposée par les dispositions contestées, implique « nécessairement » que le tuteur ou le curateur soit « informé par les enquêteurs de la possibilité qu’il a de désigner ou faire désigner un avocat pour assister ce dernier »44.

 

B. – L’application à l’espèce

 

* Dans la décision commentée, après avoir rappelé le fondement constitutionnel de la garantie des droits de la défense (paragr. 4), le Conseil constitutionnel a décrit l’objet et la portée des dispositions contestées de l’article 706-113 du CPP.

 

À cet égard, il a constaté que si ces dispositions prévoyaient l’information du tuteur ou du curateur, ainsi que celle du juge des tutelles, en cas de poursuites pénales contre un majeur protégé, elles ne s’appliquaient pas en cas de défèrement de ce majeur à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue (paragr. 5).

 

Ainsi, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoient que, dans l’hypothèse où la personne déférée est un majeur protégé, le magistrat ayant ordonné son défèrement soit tenu d’en informer préalablement son curateur ou son tuteur, ainsi que le juge des tutelles. Ce n’est qu’à l’issue du défèrement, notamment si la personne fait l’objet de poursuites ou d’une mesure alternative aux poursuites, que cette information doit alors être assurée en application du premier alinéa de l’article 706-113 du CPP. De la même manière, en cas de retenue, aucune disposition ne prévoit l’information obligatoire du curateur ou du tuteur de la personne majeure protégée.

 

Le Conseil constitutionnel s’est alors attaché à examiner les règles applicables au défèrement devant un magistrat et les choix de défense qu’il pouvait impliquer.

 

Il a tout d’abord rappelé qu’en application de l’article 803-2 du CPP, la personne qui fait l’objet d’un défèrement à la demande du procureur de la République, du juge d’instruction ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat (paragr. 6).

 

Le Conseil a ensuite constaté, d’une part, que l’article 803-3 du même code prévoit que, par dérogation et en cas de nécessité, la comparution peut avoir lieu le jour suivant et que, à cette fin, la personne déférée peut être retenue dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés. Il a relevé que, « En ce cas, la personne intéressée doit notamment avoir la possibilité, à sa demande, de faire prévenir par téléphone certaines personnes de son entourage, d’être examinée par un médecin et de s’entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou commis d’office. Celui-ci peut demander à consulter le dossier de la procédure » (paragr. 7).

 

D’autre part, se penchant plus particulièrement sur l’hypothèse dans laquelle la personne est déférée à l’issue de sa garde à vue devant le procureur de la République en vue d’éventuelles poursuites devant le tribunal correctionnel, le Conseil a constaté qu’« il résulte de l’article 393 du code de procédure pénale que cette personne doit être informée de son droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office et, s’il y a lieu, de son droit d’être assistée par un interprète » et que « le procureur de la République doit également l’avertir de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » (paragr. 8).

 

Ayant ainsi mis en exergue les droits reconnus à la personne déférée et les choix qu’elle est amenée à effectuer, le Conseil a, conformément à sa jurisprudence, souligné l’insuffisance des garanties apportées par la loi au bénéfice du majeur protégé, empêchant un exercice effectif des droits de la défense.

 

Il a en effet observé que, « lorsqu’il apparaît au cours de la procédure que la personne déférée est un majeur protégé, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’imposent aux autorités judiciaires d’informer son tuteur ou son curateur ». Comme dans ses décisions nos 2018-730 QPC et 2020–884 QPC précitées, le Conseil a considéré qu’« Ainsi, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d’opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l’exercice de son droit de s’entretenir avec un avocat et d’être assisté par lui » (paragr. 9).

 

Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé qu’« en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne déférée fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que le magistrat compétent soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense » (paragr. 10).

 

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief, il les a donc déclarées contraires à la Constitution (paragr. 11).

 

* Pour finir, le Conseil constitutionnel a déterminé les effets dans le temps de cette déclaration d’inconstitutionnalité.

 

D’une part, il a reporté au 31 janvier 2025 la date d’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. Le Conseil a en effet considéré que leur abrogation immédiate aurait notamment pour effet de supprimer l’obligation pour le procureur de la République et le juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l’encontre d’un majeur protégé, ce qui aurait entraîné des conséquences manifestement excessives (paragr. 13).

 

D’autre part, concernant les effets que ces dispositions ont déjà produits, il a jugé que « les mesures prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité » (paragr. 14).

 

En revanche, afin de faire cesser immédiatement l’inconstitutionnalité constatée, le Conseil a, par une réserve transitoire, jugé que, « jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 31 janvier 2025, si des éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne susceptible d’être déférée à compter de la publication de cette décision fait l’objet d’une mesure de protection juridique, le curateur ou le tuteur doit être avisé par le magistrat compétent de son défèrement et, le cas échéant, de sa retenue dans les locaux du tribunal » (paragr. 15).

 

 

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1 L’adoption de ces règles spécifiques, intégrées au sein du livre IV du CPP dans un titre XXVII intitulé « De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions commises par des majeurs protégés », s’était imposée à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 31 janvier 2001, Vaudelle c. France, n° 35683/97).

2 Article 706-112 du CPP. Le titre XI du livre Ier du code civil distingue cinq régimes de protection juridique : la sauvegarde de justice, qui vise à protéger temporairement le majeur ou à le représenter pour l’accomplissement de certains actes déterminés (article 433 du code civil) ; la curatelle, prononcée par le juge des tutelles lorsque la personne concernée a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile (premier alinéa de l’article 440 du même code) ; la tutelle, prononcée par le juge des tutelles lorsque la personne doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile et s’il est établi que ni la sauvegarde de justice ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante (troisième alinéa de l’article 440) ; le mandat de protection future, qui permet au majeur d’organiser lui-même sa propre protection en prévision d’une éventuelle altération de ses facultés (article 477 du code civil) ; l’habilitation familiale, créée en 2015 comme alternative à la tutelle, dans l’hypothèse où le majeur est hors d’état de manifester sa volonté, et qui permet au juge d’habiliter une ou plusieurs personnes de son entourage familial à le représenter ou à passer certains actes en son nom afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts (article 494-1 du code civil).

3 Article 425 du code civil.

4 Bien qu’il s’applique à l’ensemble des majeurs protégés, quelle que soit la mesure de protection juridique dont ils font l’objet, ce régime spécial a principalement vocation à bénéficier aux personnes placées sous curatelle ou sous tutelle, dans la mesure où ces régimes supposent la désignation d’un curateur ou d’un tuteur chargé de les assister (curatelle) ou de les représenter (tutelle) dans les actes de la vie civile, ainsi que de les accompagner par sa présence et ses conseils. Les autres régimes de protection civile connaissent moins d’aménagements (c’est le cas de la sauvegarde de justice ou du mandat de protection future) ou n’ont pas été expressément intégrés à la procédure pénale spéciale (c’est le cas de l’habilitation familiale).

5 Le fait que la mesure ait été prononcée postérieurement à la commission de l’infraction n’exclut pas le bénéfice des règles procédurales protectrices, seule important la connaissance par les enquêteurs de la situation de l’intéressé au moment où la mesure d’investigation a lieu.

6 Cet article a été créé par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, puis modifié par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

7 Deuxième alinéa de l’article 706-112-1 du CPP.

8 Ibid.

9 Troisième alinéa de l’article 706-112-1 du CPP.

10 Voir en ce sens, à propos de l’absence de délivrance de l’avis prévu par les dispositions de l’article 706-113 du CPP : Cass. crim., 30 mars 2021, n° 21-80.401.

11 Dernier alinéa de l’article 706-112-1 du CPP.

12 Cet article a été créé par la loi du 23 mars 2019 précitée.

13 Cet article a été créé par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

14 Conformément aux deux premiers alinéas de l’article 76 du CPP, dans le cadre de l’enquête préliminaire, « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu. / Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment ».

15 Issu de la loi du 5 mars 2007 précité, cet article a été successivement modifié par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par la loi du 23 mars 2019 précitée et, en dernier lieu, par la loi du 22 décembre 2021 précitée.

16 Cette obligation d’information se prolonge désormais au cours de la phase de l’application des peines : aux termes de l’article 712-16-3 du CPP, « Lorsque le condamné est une personne majeure faisant l’objet, conformément à l’article 706-112, d’une mesure de protection juridique, son curateur, son tuteur ou la personne désignée en application des articles 706-114 ou 706-117 est avisé de la date du débat contradictoire prévu à l’article 712-6 ou de l’audience prévue à l’article 712-13. Ce curateur, ce tuteur ou cette personne peut faire des observations écrites ou être entendu comme témoin par la juridiction de l’application des peines, sur décision de son président. Le condamné doit être assisté d’un avocat, désigné par lui ou l’une de ces personnes ou, à la demande du juge de l’application des peines, par le bâtonnier, conformément à l’article 706-116 ».

17 Cass. crim., 19 septembre 2017, n° 17-81.919. La chambre criminelle a très récemment réaffirmé ce principe en des termes généraux, en jugeant qu’il résulte de l’article 706-113 du CPP que « le tuteur ou le curateur doit être avisé de toute audience concernant le majeur protégé » (Cass. crim., 6 juin 2023, n° 23-81.726).

18 Cass. crim., 19 septembre 2017, précité.

19 Voir, par exemple : Cass. crim., 27 novembre 2012, n° 11-88.678 ; 10 janvier 2017, n° 15-84.469.

20 Cass. crim., 9 janvier 2019, n° 17-86.922.

21 La retenue dans un local de police, pour une durée maximale de vingt-quatre heures, peut être décidée par un officier de police judiciaire notamment lorsqu’il existe des soupçons qu’une personne n’a pas respecté les obligations résultant de son contrôle judiciaire (article 141-4 du CPP) ou de sa condamnation (article 709-1-1 du même code).

22 Il s’agira, selon les cas, du procureur de la République, du juge d’instruction ou du juge de l’application des peines.

23 Article 394 du CPP.

24 Article 395 du CPP.

25 Article 397-1-1 du CPP.

26 Deuxième alinéa de l’article 393 du CPP.

27 Troisième alinéa de l’article 393 du CPP. La personne déférée qui ne demande pas à être assistée par un avocat peut elle-même consulter le dossier.

28 Sauf renonciation expresse de l’intéressé, en présence de son avocat.

29 Article 40-1 du CPP.

30 La Cour de cassation avait cependant progressivement remédié à cette absence de tout encadrement législatif de la situation des personnes privées de liberté dans cette hypothèse. Dans son dernier état, la jurisprudence de la chambre criminelle imposait ainsi de vérifier que cette privation de liberté était justifiée par le temps strictement nécessaire à la présentation devant le procureur de la République ou le juge d’instruction.

31 La Cour de cassation opère un contrôle sur l’appréciation par les juges du fond de cette nécessité. Elle juge en effet « qu’il incombe à la juridiction, saisie d’une requête en nullité de la rétention, de s’assurer de l’existence des circonstances ayant justifié la mise en œuvre de cette mesure ». Elle a ainsi censuré la décision d’une cour d’appel ayant rejeté un moyen de nullité tiré de la méconnaissance des articles 803-2 et 803-3 du CPP « sans déterminer les circonstances ou contraintes matérielles rendant nécessaire la mise en œuvre de la mesure de rétention » (Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-85.940).

32 Dans sa décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. (Mise à disposition de la justice), le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 803-3 du CPP conforme à la Constitution. Il a toutefois formulé deux réserves, en exigeant, d’une part, que l’autorité judiciaire soit effectivement tenue informée de la mise en œuvre de l’article 803-3 à l’encontre d’une personne déférée et, d’autre part, que la personne retenue soit présentée à un magistrat du siège avant l’expiration du délai de vingt heures lorsque la garde à vue a été prolongée. La loi n° 2011–392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a modifié l’article 803-3 du CPP afin de tenir compte de ces réserves (deuxième et troisième alinéas).

33 Articles 63-1 à 63-3-1 du CPP.

34 Une telle durée s’applique en matière de délinquance et de criminalité organisées et de crimes, conformément aux dispositions des articles 706-88 et 706-88-1 du CPP.

35 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 41.

36 Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, cons. 35, et n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990, cons. 58.

37  Décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 11, et n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011, M. Samir A. (Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d’instruction), cons. 4.

38 De la même manière, le Conseil constitutionnel a développé, sur le fondement du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, une jurisprudence spécifique destinée à assurer la protection des personnes mineures entendues librement dans le cadre d’une enquête pénale (décision n° 2018–762 QPC du 8 février 2019, M. Berket S. [Régime de l’audition libre des mineurs]).

39 Décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 précitée, paragr. 7 à 9.

40 Dans sa décision n° 2019-822 QPC du 24 janvier 2020, M. Hassan S. (Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé entendu librement), le Conseil constitutionnel avait été à nouveau saisi du premier alinéa de l’article 706-113 du CPP, dans la même rédaction que celle censurée. Cependant, la contestation portait sur l’absence de garanties suffisantes non pas en garde à vue, mais dans le cadre d’une audition libre du majeur protégé. Toutefois, le Conseil a prononcé un non-lieu à statuer puisqu’aucun changement des circonstances ne pouvait justifier qu’il soit saisi à nouveau de la même disposition, dans la même rédaction, même si l’argumentation à l’appui du grief d’inconstitutionnalité différait de celle qui avait justifié sa censure.

41 Décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021 précitée, paragr. 8 à 10.

42 Décision n° 2020-884 QPC du 12 février 2021, M. Jacques G. (Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’une personne protégée en cas d’audience devant le juge de l’application des peines), paragr. 7 à 9.

43 Comme indiqué plus haut, l’article 706-112-2 du CPP a été créé par la loi du 23 mars 2019 afin de tirer toutes les conséquences de la décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 précitée.

44 Décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, M. Roger C. (Information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lors d’un examen réalisé par une personne requise par le procureur de la République – Information du tuteur ou du curateur de la possibilité de désigner un avocat pour assister un majeur protégé entendu librement), paragr. 16 et 17.