Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 octobre 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 627 du 10 octobre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Renaud N. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l’ordonnance n° 45–1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.
Dans sa décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article 10 de cette ordonnance, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
I. – Les dispositions contestées
A. – Objet des dispositions contestées
1. – Le régime disciplinaire applicable à la profession de notaire en vertu de l’ordonnance du 28 juin 1945
* Les notaires sont des officiers publics et ministériels qui, à ce titre, bénéficient d’un monopole que leur accorde l’État en les nommant pour effectuer certaines prestations et produire des actes authentiques. Leur profession rassemble « les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions »1.
Les nominations des notaires sont régies par le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire. Elles sont prononcées par arrêté du garde des sceaux, qui apprécie les capacités professionnelles et l’honorabilité de l’intéressé2. À l’instar d’autres professions du droit (tels que les magistrats, avocats, huissiers de justice...), ils sont soumis à une obligation de prêter serment avant leur entrée en fonction3.
Au même titre que les autres officiers publics et ministériels, les notaires sont délégataires de l’autorité publique et investis de responsabilités particulières, « puisque les usagers sont obligés d’avoir recours à leurs prestations dans certaines situations importantes présentant souvent des enjeux financiers conséquents (succession, mutation immobilière, mariage etc.). Ces obligations justifient la tutelle de l’État qui est exercée par le garde des Sceaux et la direction des affaires civiles et du sceau via le contrôle des règles professionnelles, le suivi de l’action disciplinaire et la réglementation des tarifs ou encore le contrôle de l’installation »4.
Corrélativement, ainsi que l’ont relevé Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, rapporteurs de la mission flash de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la déontologie des officiers publics et ministériels, en raison de l’importance des missions qui leur sont confiées, « les usagers sont en droit d’attendre un comportement déontologiquement irréprochable de la part des officiers publics ministériels »5. Si les notaires, en particulier, sont soumis pour cette raison à des règles professionnelles exigeantes dont la méconnaissance est sanctionnée disciplinairement, le droit disciplinaire qui leur est applicable a, plus généralement, pour rôle de protéger la profession notariale elle-même contre les agissements de l’un de ses membres pouvant y porter atteinte6.
Rassemblant divers textes à l’origine parfois ancienne7, l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels a ainsi prévu tant le principe d’une responsabilité disciplinaire de ces officiers publics et ministériels que les peines qui leur étaient applicables et les juridictions devant lesquelles ils pouvaient être poursuivis.
* À cet égard, l’article 2 de l’ordonnance du 28 juin 1945 (l’une des dispositions objet de la décision commentée) prévoit que « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire ».
La loi du 25 juin 19738 a complété cet article afin de prévoir que l’officier public ou ministériel peut également être poursuivi disciplinairement, « même après l’acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l’exercice de ses fonctions ».
* L’article 3 de l’ordonnance précitée définit l’échelle des sanctions encourues par l’officier public ou ministériel poursuivi dans le cadre d’une instance disciplinaire en prévoyant que les peines sont : 1° le rappel à l’ordre ; 2° la censure simple ; 3° la censure devant la chambre assemblée ; 4° la défense de récidiver ; 5° l’interdiction temporaire9 ; 6° la destitution.
La destitution est la sanction disciplinaire la plus lourde. Elle « a pour but d’écarter définitivement de la profession une personne qui, de par ses agissements, s’en est montrée indigne »10. Les officiers publics ou ministériels destitués doivent cesser définitivement leurs fonctions. Ils deviennent inéligibles aux chambres, organismes et conseils professionnels11.
* La procédure disciplinaire proprement dite est principalement prévue par des dispositions de nature réglementaire.
Pour sa part, l’ordonnance du 28 juin 1945 a seulement fixé les conditions d’engagement de l’action disciplinaire et déterminé les instances devant lesquelles elle s’exerce.
Son article 5 (l’une des dispositions objet de la décision commentée) prévoit que, en la matière, l’officier public et ministériel est poursuivi soit devant la chambre de discipline12, soit devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement.
Il ressort en effet du régime prévu par les autres dispositions de l’ordonnance que l’instance disciplinaire compétente dépend de la gravité des faits, et donc des sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre du professionnel poursuivi :
- la chambre de discipline peut seulement prononcer les peines les moins graves, que sont le rappel à l’ordre, la censure simple ou la censure devant la chambre assemblée13 ;
- s’agissant en revanche des peines les plus graves, le tribunal judiciaire statuant disciplinairement, qui peut prononcer chacune des sanctions prévues par l’article 3 de l’ordonnance, dispose d’une compétence exclusive.
L’article 6 de l’ordonnance prévoit, en outre, que les poursuites sont engagées devant la chambre de discipline soit d’office par le syndic, soit sur l’initiative du procureur de la République, soit sur la demande d’un membre de la chambre de discipline ou des parties intéressées.
En application de son article 6-1 (l’une des dispositions objet de la décision commentée), le syndic fait délivrer à l’officier public ou ministériel la notification de sa citation. Selon les mêmes dispositions, le procureur de la République peut décider d’assigner l’intéressé devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement s’il estime que les faits donnant lieu aux poursuites sont suffisamment graves pour entraîner l’application d’une sanction qui excède la compétence de la chambre de discipline.
En application de son article 10 (l’une des dispositions objet de la décision commentée), le tribunal judiciaire peut également être saisi par toute personne qui se prétend lésée par l’officier public ou ministériel, ou encore par le président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci.
Le droit de citation dont dispose cette dernière autorité peut même être exercé après le déroulement d’une première instance devant la chambre de discipline. Lorsque l’instruction d’une poursuite disciplinaire et les débats au cours de l’audience révèlent que les faits reprochés au notaire poursuivi sont trop graves pour que la chambre de discipline puisse se contenter d’infliger un blâme ou une réprimande, son président a la possibilité de citer à nouveau le notaire devant le tribunal judicaire14.
Il peut ainsi y avoir dans ce cas deux décisions disciplinaires de premier ressort. L’article 11 de l’ordonnance (l’une des dispositions objet de la décision commentée) prévoit à cet égard que « la citation devant le tribunal judiciaire peut être motivée par les faits mêmes qui avaient donné lieu à poursuite devant la chambre de discipline, que celle-ci n’ait pas statué, ait prononcé la relaxe ou l’une des peines de sa compétence ».
2. – Les règles applicables à la comparution du notaire poursuivi disciplinairement
Aucune des dispositions de l’ordonnance du 28 juin 1945 ne détermine les conditions dans lesquelles l’officier public ou ministériel doit comparaître, que celui-ci ait été cité devant la chambre de discipline ou devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement.
Les règles applicables à l’instruction et à l’audience devant ces instances sont fixées par les dispositions du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif au statut des officiers publics ou ministériels.
* S’agissant de la procédure devant la chambre de discipline, son syndic doit adresser une convocation à l’officier public ou ministériel, indiquant les faits qui lui sont reprochés au moins huit jours à l’avance15. Hors le cas où elle est dessaisie au profit du tribunal judiciaire, la chambre procède à l’instruction de l’affaire16. L’officier public ou ministériel poursuivi doit comparaître en personne mais il peut se faire assister, soit d’un avocat, soit d’un officier public ou ministériel de la même profession17.
* S’agissant de la procédure devant le tribunal judiciaire statuant en matière disciplinaire, l’officier public ou ministériel doit être assigné à comparaître à jour fixe, au moins huit jours à l’avance18. Il peut prendre connaissance au secrétariat-greffe des pièces du dossier et doit comparaître en personne en pouvant néanmoins se faire assister soit d’un avocat, soit d’un officier public ou ministériel de la même profession19.
Les débats ont lieu en chambre du conseil, le ministère public entendu20. Le tribunal entend les observations du président de la chambre de discipline ainsi que, s’il y a lieu, l’auteur de la plainte ainsi que toutes autres personnes. Il peut ordonner toutes mesures d’instruction.
C’est au procureur de la République qu’il appartient de requérir la sanction disciplinaire après avoir présenté ses observations. L’officier public ou ministériel ou son conseil sont ensuite entendus et, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, il doit avec son défenseur pouvoir avoir la parole en dernier21.
* Le législateur a récemment entrepris une réforme d’ensemble de la discipline des officiers publics et ministériels, en raison de l’hétérogénéité des textes applicables à certains d’entre eux ne relevant pas de l’ordonnance du 28 juin 1945.
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a ainsi eu pour objet de définir, non seulement pour les notaires, mais également pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les commissaires de justice et les greffiers des tribunaux de commerce, un ensemble de règles communes concernant le contrôle du parquet sur ces professions, leurs instances disciplinaires, l’échelle des sanctions, les mesures de suspension ou encore la création de services d’enquête.
L’article 41 de cette loi a par ailleurs habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter ces règles générales à chacune des professions concernées. L’article 34 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, pris en application de cette habilitation, a abrogé, à compter du 1er juillet 202222, l’ordonnance du 28 juin 1945, qui n’est donc plus en vigueur depuis cette date.
B. – Origine de la QPC et question posée
À la suite d’une plainte formée par la Caisse régionale du crédit agricole ayant donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire ainsi qu’à une inspection de la société civile dans laquelle M. Renaud N., notaire, exerçait sa profession, celui-ci avait été assigné au mois de juin 2021 par le procureur de la République devant un tribunal judiciaire, afin que sa destitution soit prononcée en application de l’ordonnance du 28 juin 1945, pour des fautes disciplinaires dont il se serait rendu coupable entre 2005 et 2021.
Par un jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire statuant en matière disciplinaire avait considéré que le requérant avait commis des faits constituant des fautes disciplinaires et prononcé, en conséquence, à son encontre la sanction de destitution.
En appel de cette décision, celui-ci avait soulevé une QPC portant sur articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l’ordonnance du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.
Par un arrêt du 30 juin 2023, la cour d’appel de Bordeaux avait transmis cette QPC à la Cour de cassation et renvoyé l’affaire au fond dans l’attente que cette question soit tranchée.
Dans son arrêt du 10 octobre 2023 précité, la Cour de cassation avait jugé qu’« une poursuite disciplinaire engagée contre un notaire pouvant conduire jusqu’à sa destitution, la question de la notification du droit au silence à l’occasion de son audition durant la procédure et lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire apparaît comme n’étant pas dépourvue de caractère sérieux ». Elle avait donc renvoyé cette question au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
* La Cour de cassation n’ayant pas précisé, dans son arrêt de renvoi, la version dans laquelle les articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 étaient renvoyés, il revenait au Conseil constitutionnel de la déterminer lui-même.
Conformément à sa jurisprudence constante, selon laquelle la QPC doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée, le Conseil a jugé, en l’espèce, qu’il était saisi de l’article 2 de l’ordonnance du 28 juin 1945 précitée dans sa rédaction résultant de la loi n° 73–546 du 25 juin 1973 relative à la discipline et au statut des notaires de certains officiers ministériels ainsi que des articles 5, 6-1, 10 et 11 de la même ordonnance dans leur rédaction résultant de l’ordonnance du 18 septembre 2019 précitée (paragr. 1).
* Le requérant reprochait à ces dispositions de ne pas prévoir, lors de la comparution du notaire poursuivi devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement, la notification à l’intéressé du droit qu’il a de se taire, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre de cette procédure ou, le cas échéant, d’une procédure pénale. Il en résultait, selon lui, une méconnaissance du principe de la présomption d’innocence et des droits de la défense.
Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait uniquement sur le premier alinéa de l’article 10 de l’ordonnance du 28 juin 1945 (paragr. 8).
A. – La jurisprudence constitutionnelle
1. – La jurisprudence constitutionnelle relative au droit de ne pas s’accuser et au droit de se taire
* Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe selon lequel « nul n’est tenu de s’accuser », qu’il a rattaché à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relatif à la présomption d’innocence. Il en a précisé la portée en relevant que ce principe « n’interdit [pas] à une personne de reconnaître librement sa culpabilité »23. Le commentaire de cette décision précise qu’aucune exigence constitutionnelle « ne fait obstacle à ce qu’une personne reconnaisse sa culpabilité si elle le fait volontairement, consciemment et librement, c’est-à-dire en dehors de tout "chantage", de tout "marchandage", de tout malentendu et de toute contrainte ».
Le Conseil a par ailleurs jugé à plusieurs reprises que le droit de ne pas s’accuser doit être respecté « à l’égard des mineurs comme des majeurs »24.
* Dans sa décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser ce que recouvrait positivement le droit de ne pas s’accuser en reconnaissant, pour la première fois, qu’il en découle un « droit de se taire » en faveur de la personne mise en cause dans le cadre d’une garde à vue25.
Il était alors saisi de dispositions qui prévoyaient que ne pouvait constituer une cause de nullité de procédure le fait que la personne gardée à vue ait été entendue après avoir prêté serment (une telle formalité n’étant pas requise en garde à vue). Il a d’abord relevé qu’en l’état du droit alors applicable lors d’une commission rogatoire, il était possible d’imposer à une personne, placée en garde à vue et qui s’était vue notifier le droit de se taire, d’être auditionnée et de prêter le serment prévu pour les témoins de dire toute la vérité. Il a jugé que « Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de "dire toute la vérité, rien que la vérité" peut être de nature à lui laisser croire qu’elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l’information qu’elle a reçue concernant ce droit. Dès lors, en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d’une audition réalisée sous serment lors d’une garde à vue dans le cadre d’une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée »26.
* Puis, dans sa décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les circonstances dans lesquelles, en dehors du cadre particulier de la garde à vue, une personne mise en cause dans une affaire pénale doit être informée de son droit de se taire.
Il s’agissait en l’occurrence des dispositions organisant la comparution préalable du prévenu majeur devant le juge des libertés et de la détention, en vue de son placement en détention provisoire dans l’attente de son jugement en comparution immédiate. Le Conseil a jugé que les dispositions contestées méconnaissaient le droit de se taire, faute de prévoir que le prévenu traduit devant ce magistrat soit informé de ce droit. Pour opérer son contrôle, le Conseil a tenu compte, à la fois, de l’office du juge des libertés et de la détention dans le cadre de cette comparution et des conditions dans lesquelles les déclarations du prévenu peuvent être recueillies et utilisées, le cas échéant contre lui, dans la suite de la procédure.
En premier lieu, le Conseil a considéré que « l’office confié au juge des libertés et de la détention par l’article 396 du [CPP] peut le conduire à porter une appréciation des faits retenus à titre de charges par le procureur de la République dans sa saisine »27. En second lieu, il a relevé que, lorsqu’il présente ses observations, « le prévenu peut être amené à reconnaître les faits qui lui sont reprochés. En outre, le fait même que le juge des libertés et de la détention invite le prévenu à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire. Or, si la décision du juge des libertés et de la détention est sans incidence sur l’étendue de la saisine du tribunal correctionnel, en particulier quant à la qualification des faits retenus, les observations du prévenu sont susceptibles d’être portées à la connaissance de ce tribunal lorsqu’elles sont consignées dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou le procès-verbal de comparution »28.
* Le Conseil a, par la suite, été saisi à plusieurs reprises de dispositions de procédure pénale, qui étaient contestées en raison de l’absence de notification à la personne mise en cause de son droit de se taire. Il a confirmé chaque fois cette ligne jurisprudentielle :
– dans sa décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, il a jugé que portait atteinte à ce droit l’absence de notification du droit de se taire au mineur entendu par les services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d’une procédure pénale en vue d’établir un rapport sur sa situation personnelle. Il a motivé cette décision en soulignant que, dans le cadre du recueil de renseignements socio-éducatifs, « l’agent compétent du service de la protection judiciaire de la jeunesse chargé de la réalisation de ce rapport a la faculté d’interroger le mineur sur les faits qui lui sont reprochés » et que ce dernier pouvait ainsi être amené à reconnaître sa culpabilité dans le cadre de cet entretien. Or, même si, comme le relevait la décision, le rapport établi à la suite de cet entretien a pour finalité principale d’éclairer le magistrat ou la juridiction sur l’opportunité d’une réponse éducative, les déclarations du mineur étaient « susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement » à la suite de leur consignation dans ce rapport29 ;
– dans sa décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, le Conseil a jugé que le droit de se taire imposait la notification de ce droit aux personnes mises en examen comparaissant devant la chambre de l’instruction lorsque cette dernière était saisie d’une requête en nullité d’une mise en examen, du règlement d’un dossier d’information ou d’un appel à l’encontre d’une ordonnance de placement en détention provisoire. Il a, en effet, considéré que « l’office confié à la chambre de l’instruction par les dispositions contestées la conduit à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charges contre la personne mise en examen ». En outre, les personnes comparaissant dans le cadre de ces différentes procédures pouvaient être amenées, en réponse aux questions qui leur étaient posées, à reconnaître les faits qui leur étaient reprochés, dans un contexte de nature à leur laisser croire qu’elles ne disposaient pas du droit de se taire et alors même que leurs déclarations étaient susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement. Dès lors, le Conseil a censuré les dispositions contestées au motif qu’elles méconnaissaient le droit de se taire de ces personnes30 ;
– dans sa décision n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021, le Conseil a considéré que le droit de se taire s’imposait devant les juridictions appelées à connaître d’une demande de mainlevée d’une mesure de contrôle judiciaire ou d’une demande de mise en liberté. Il a en effet considéré que, saisies de telles demandes, ces juridictions devaient « vérifier si les faits retenus à titre de charges à l’encontre de la personne comparaissant devant elle justifient le maintien de la mesure de sûreté » et que, dès lors, la personne qui comparaît devant elles « peut être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Or, les déclarations ou les réponses apportées par la personne aux questions de la juridiction sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement »31 ;
– dans ses décisions nos 2021-934 et 2021-935 QPC du 30 septembre 202132, le Conseil a censuré, d’une part, des dispositions ne prévoyant pas que le prévenu soit informé du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel33, d’autre part, des dispositions ne prévoyant pas que la personne mise en examen soit informée de son droit de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur son placement en détention provisoire34. Dans l’un et l’autre cas, après avoir constaté que ce magistrat devait apprécier la réalité des charges pesant sur l’intéressé, il a relevé que le prévenu ou la personne mise en examen pouvait être amené, en réponse aux questions qui lui étaient posées, « à reconnaître les faits qui lui sont reprochés », que le fait même que le juge des libertés et de la détention l’invite à présenter ses observations pouvait « être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire » et que ses observations étaient « susceptibles d’être portées à la connaissance » de la juridiction de jugement35.
– enfin, dans sa décision 2021-975 QPC du 25 février 202236, le Conseil a censuré des dispositions ne prévoyant pas que la personne mise en cause dans le cadre d’une enquête préliminaire soit informée du droit qu’elle a de se taire lors d’un examen psychologique ou psychiatrique, au cours duquel elle peut être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés.
Le Conseil a relevé qu’« Au cours de cet examen, la personne requise a la faculté d’interroger la personne mise en cause sur les faits qui lui sont reprochés », que « cette dernière peut ainsi être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître sa culpabilité » et que « le rapport établi à l’issue de cet examen, dans lequel sont consignées les déclarations de la personne mise en cause, est susceptible d’être porté à la connaissance de la juridiction de jugement ».
Il résulte de cet exposé jurisprudentiel que, pour conclure à la méconnaissance du droit de se taire protégé par l’article 9 de la Déclaration de 1789 dans les affaires où il était saisi de dispositions de procédure pénale ne prévoyant pas que la personne mise en cause soit informée de ce droit, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur plusieurs circonstances :
– en premier lieu, il s’est intéressé au cadre dans lequel la personne mise en cause est entendue, en s’assurant du rôle de l’autorité compétente pour interroger cette dernière ou recueillir ses observations et de ce que cette mission la conduisait à évoquer, avec la personne concernée, les faits qui lui sont reprochés : le Conseil a tenu compte, selon les cas, de l’office du juge dans la procédure, qui peut le conduire à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charge contre le prévenu, ou de la mission incombant à l’agent missionné pour effectuer un recueil de renseignement ou un examen psychologique ou psychiatrique ;
– en deuxième lieu, le Conseil s’est attaché aux conditions dans lesquelles la personne est entendue : à cet égard, le Conseil vérifie que la personne peut être amenée à s’exprimer et, compte tenu de l’objet de l’audition ou de l’interrogatoire, à s’auto-incriminer. Lorsque l’audition ou la comparution de l’intéressé s’impose à lui, le Conseil a par ailleurs ajouté, dans certaines affaires, que les conditions de cette audition ou comparution pouvaient être de nature à lui laisser croire qu’il ne disposait pas du droit de se taire ;
– en dernier lieu, le Conseil a relevé que les observations de l’intéressé, ses déclarations ou les réponses apportées aux questions de l’autorité compétente étaient susceptibles d’être portées, in fine, à la connaissance de la juridiction de jugement.
2. – La jurisprudence constitutionnelle relative à la procédure disciplinaire
a. – L’application des principes constitutionnels du droit répressif aux sanctions ayant le caractère de punition
Depuis quarante ans, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence le conduisant à étendre les principes constitutionnels du droit répressif, principalement protégés au titre des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, à l’ensemble des sanctions ayant le caractère d’une punition.
* Cette jurisprudence l’a tout d’abord amené à reconnaître l’unité du contrôle du respect de l’article 8 de la Déclaration de 1789 pour l’ensemble des mesures répressives, qu’elles relèvent du champ pénal, administratif, civil ou disciplinaire.
Par cette approche, le Conseil a entendu signifier que la nature du contrôle exercé sur ce fondement n’est pas modifiée par le choix du législateur de confier la répression à une juridiction pénale ou à un autre dispositif répressif. Depuis 1984, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) procède à une analyse comparable qui se réfère à la « matière pénale » indépendamment de la qualification que lui a conférée le législateur37.
À la différence de la CEDH, qui a posé des critères définissant a priori ce que recouvre la matière pénale, le Conseil constitutionnel privilégie la méthode du faisceau d’indices pour retenir la qualification de sanction ayant le caractère d’une punition. Cette qualification est examinée non pas au regard des conséquences de la mesure en cause, mais de son objet, apprécié à l’aune de l’intention du législateur et des caractéristiques de la mesure. Parmi ces indices, la finalité répressive est essentielle, la mesure devant tendre à empêcher la réitération des agissements qu’elle réprime.
Le Conseil a par exemple jugé, à propos de sanctions disciplinaires, que ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition l’incapacité de faire partie du corps électoral chargé d’élire les juges des tribunaux de commerce et la déchéance du mandat de juge consulaire en cours, applicable de plein droit aux personnes condamnées pour les infractions contraires l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs38.
Il en a jugé de même s’agissant de l’inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils de notaires qui est attachée de plein droit au prononcé d’une peine d’interdiction ou de destitution, aux motifs que « cette inéligibilité tend non pas à assurer une répression supplémentaire des professionnels ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires mais, d’une part, à tirer les conséquences de la perte du titre d’officier public ou d’officier ministériel et, d’autre part, à garantir l’intégrité et la moralité des professionnels siégeant dans les organes représentatifs de la profession en en excluant ceux qui ont fait l’objet des condamnations disciplinaires les plus sévères »39.
À l’inverse, le Conseil a jugé que devait être regardée comme une sanction ayant le caractère d’une punition l’interdiction définitive d’inscription sur les listes électorales, dès lors qu’elle « n’a pas pour objet de garantir l’intégrité ou la moralité indispensables à l’exercice des fonctions d’officier public ou d’officier ministériel »40.
Dans sa décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014, il a plus largement considéré que les peines disciplinaires instituées par l’article 3 de l’ordonnance du 28 juin 1945 constituaient bien des sanctions ayant le caractère d’une punition41.
* Sur le fondement de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le Conseil a tour à tour reconnu l’applicabilité des principes suivants aux sanctions ayant le caractère d’une punition :
– le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, dans sa décision n° 82-155 DC du 30 décembre 198242 ;
– le principe de proportionnalité des peines, dans sa décision n° 87-237 DC du 30 décembre 198743 ;
– le principe de légalité des délits et des peines et le principe de nécessité des peines, dans sa décision n° 88-248 DC du 17 janvier 198944 ;
– le principe non bis in idem (consacré sur le fondement des principes de nécessité et de proportionnalité des peines), dans sa décision n° 89-260 DC du 28 juillet 198945 ;
– le principe de l’individualisation des peines, dans ses décisions n° 2010–103 QPC et 2010-105/106 QPC du 17 mars 201146.
Sur le fondement de l’article 9 de la Déclaration de 1789, combiné le cas échéant avec son article 8, le Conseil a également reconnu l’applicabilité :
– aux sanctions punitives, du principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait, dans sa décision n° 2010-90 QPC du 21 janvier 201147 ;
– aux procédures répressives, du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dans sa décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016. Dans cette décision, le Conseil était saisi des dispositions du code de commerce permettant aux agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence d’exiger la communication d’informations et de documents dans les enquêtes de concurrence, sous peine, pour la personne concernée, d’astreintes, de sanctions administratives et de sanctions pénales en cas de défaut de communication de tels documents. Il a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, au motif que « Le droit reconnu aux agents habilités d’exiger la communication d’informations et de documents, prévu par les dispositions contestées, tend à l’obtention non de l’aveu de la personne contrôlée, mais de documents nécessaires à la conduite de l’enquête de concurrence »48.
Le Conseil a, par ailleurs, affirmé que le respect des droits de la défense et du contradictoire, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789, s’applique en cas de sanction ayant le caractère d’une punition.
Selon la formulation de principe qu’il retient en la matière, « l’article 16 de la Déclaration de 1789 implique notamment qu’aucune sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés […] le principe des droits de la défense s’impose aux autorités disposant d’un pouvoir de sanction sans qu’il soit besoin pour le législateur d’en rappeler l’existence »49. Le prononcé d’une sanction est donc soumis à l’exigence d’une procédure contradictoire préalable. Ceci a notamment récemment conduit le Conseil constitutionnel à censurer le fait que les agents des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire puissent être sanctionnés disciplinairement pour cessation concertée du service « en dehors des garanties disciplinaires » et sans avoir donc pu présenter leurs observations50.
* S’il a ainsi étendu aux sanctions ayant le caractère d’une punition la plupart des principes constitutionnels du droit répressif, le Conseil n’a pas pour autant entendu nécessairement soumettre ces sanctions au même niveau de contrôle que celui qu’il exerce en matière pénale stricto sensu, compte tenu des spécificités qui s’attachent aux sanctions disciplinaires ou administratives.
– En dehors de la matière pénale, le Conseil constitutionnel opère un contrôle moins exigeant du respect du principe de légalité des infractions, et a ainsi admis que l’exigence d’une définition suffisante des infractions se trouve satisfaite, « en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d’une autorisation administrative est soumis en vertu des lois et règlements »51. En matière disciplinaire, il a de la même façon admis que cette exigence est satisfaite « dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l’activité qu’ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l’institution dont ils relèvent »52.
– S’agissant du principe de nécessité des peines, le Conseil s’assure seulement, « en matière disciplinaire, de l’absence d’inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance »53.
– Dans le même ordre d’idée, le Conseil constitutionnel a fait le choix de procéder à une application modulée du principe de personnalité des peines en dehors de la matière pénale, de manière équivalente au raisonnement qu’il retient en ce qui concerne le principe de légalité des délits et des peines54.
– Dans une autre mesure, si le Conseil a reconnu, dans sa décision n° 2019–785 QPC du 24 mai 2019, une exigence constitutionnelle de prescription des poursuites en matière pénale (fondée sur la combinaison du principe de nécessité des peines mentionné à l’article 8 de la Déclaration de 1789 et de la garantie des droits protégée par l’article 16 de la Déclaration de 1789)55, il n’a pas pour autant entendu remettre en cause sa jurisprudence antérieure selon laquelle l’absence de règle de prescription encadrant l’exercice des poursuites disciplinaires ne heurte aucun droit ou liberté garanti par la Constitution. En cette matière, le Conseil juge, depuis 2011, que « si le principe de proportionnalité des peines implique que le temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction, il appartient à l’autorité disciplinaire compétente de veiller au respect de cette exigence dans l’application des dispositions contestées »56.
b. – La compétence du pouvoir règlementaire pour fixer les règles de la procédure disciplinaire
Le Conseil constitutionnel juge, de manière constante, que la procédure applicable devant les juridictions disciplinaires relève en principe de la compétence du pouvoir réglementaire.
Ainsi, dans sa décision n° 2005-198 L du 3 mars 2005, le Conseil était saisi de la question de la nature juridique de dispositions relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière, dont la mission essentielle est de sanctionner les manquements des ordonnateurs aux règles de la comptabilité publique. Après avoir relevé que cette cour constituait un ordre de juridiction au sens de l’article 34 de la Constitution, le Conseil a fait le départ entre les règles constitutives de cette juridiction57, qui relèvent de la compétence du législateur, et celles relatives à la procédure, qui « ne concernent ni les règles constitutives de cette juridiction, ni la procédure pénale au sens de l’article 34 de la Constitution, ni les garanties fondamentales accordées tant aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques qu’aux fonctionnaires civils et militaires » et qui, comme telles, relèvent du domaine réglementaire58.
De la même manière, dans sa décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que « les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution ou d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle », tout en rappelant « que l’article 37 de la Constitution, selon lequel "les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire", n’a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles »59.
S’agissant de la procédure disciplinaire applicable aux avocats, le Conseil constitutionnel a pareillement jugé, dans sa décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, que « la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l’article 34 de la Constitution ; qu’il résulte des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution, qu’elle relève de la compétence réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi »60. Cela n’interdit cependant pas au législateur d’édicter lui-même des sanctions disciplinaires (que cela relève ou non de sa compétence), sous réserve alors qu’il respecte le principe de légalité et, partant, qu’il les énonce avec une clarté et une précision suffisantes61.
Dans sa décision n° 2014-247 L du 25 avril 2014, le Conseil a jugé que les dispositions déterminant les modalités de comparution du praticien poursuivi devant la chambre disciplinaire de l’ordre des pharmaciens en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française « qui sont relatives à la procédure disciplinaire applicable aux pharmaciens ne mettent en cause aucun des principes ou règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, elles ont le caractère réglementaire »62.
Dernièrement, dans sa décision n° 2022-1019 QPC du 27 octobre 2022, le Conseil a jugé que « la procédure disciplinaire applicable aux experts-comptables, soumise aux principes d’indépendance et d’impartialité, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire »63. Il en a déduit que le législateur n’avait donc pas à prévoir les règles de procédure applicables devant les instances disciplinaires de l’ordre des experts-comptables, aux fins notamment de garantir le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, de telles règles ressortissant à la compétence du pouvoir réglementaire, lui-même tenu d’assurer le respect des exigences constitutionnelles découlant de l’article 16 de la Déclaration de 178964.
B. – L’application à l’espèce
* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel était pour la première fois interrogé sur le point de savoir si le droit de se taire, qu’il protège sur le fondement de l’article 9 de la Déclaration de 1789, pouvait être invoqué par une personne mise en cause, non dans le cadre d’une procédure pénale comme il a déjà eu l’occasion d’en connaître à plusieurs reprises ces dernières années, mais dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Cette question soulevant celle, plus large, de la portée du contrôle qu’il est susceptible d’opérer en présence de procédures pouvant conduire au prononcé de sanctions ayant le caractère d’une punition (dont les sanctions disciplinaires sont une catégorie), le Conseil a jugé, à cette occasion, que la protection attachée au droit de se taire devait s’étendre à de telles sanctions.
Après avoir cité les termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789, il a commencé par rappeler le paragraphe de principe consacrant la valeur constitutionnelle du droit de ne pas s’accuser, dont découle le droit de se taire (paragr. 9).
Puis, il a indiqué que « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition » (même paragr.). L’affirmation selon laquelle tant le droit de ne pas s’accuser que le droit de se taire s’appliquent aux sanctions ayant le caractère d’une punition ne constitue pas une innovation jurisprudentielle dans la mesure où le Conseil avait déjà admis, implicitement, que le droit de ne pas s’accuser pouvait s’appliquer à de telles sanctions dans sa précédente décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 201665. Rien ne paraissait dès lors justifier qu’il en aille autrement pour le droit de se taire, qui en constitue une déclinaison protégée sur le même fondement.
Il restait à savoir si, s’agissant de sanctions disciplinaires, le contrôle à opérer du respect de ce droit devait être de même intensité que celui appliqué, jusqu’à présent, en matière pénale.
Répondant par l’affirmative, le Conseil constitutionnel a jugé, selon une formulation inédite, que les exigences précitées « impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire » (même paragr.).
* Une fois le cadre de son contrôle précisé, le Conseil devait apprécier si, comme le requérant l’invoquait, il pouvait être reproché aux dispositions législatives contestées d’avoir méconnu le droit de se taire. Pour cela, le Conseil a suivi un raisonnement en deux temps.
Dans un premier temps, il a décrit l’objet de ces dispositions et a constaté, à cet égard, qu’elles prévoyaient seulement les modalités selon lesquelles une action disciplinaire pouvait être exercée à l’encontre des notaires et de certains autres officiers publics ou ministériels devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement (paragr. 10).
Il a ainsi relevé que « ni ces dispositions, qui se bornent à désigner les titulaires de l’action disciplinaire, ni aucune autre disposition législative ne fixent les conditions selon lesquelles l’officier public ou ministériel poursuivi comparaît devant le tribunal judiciaire » (paragr. 11).
Si le Conseil a mis en exergue le fait que les dispositions contestées ne fixaient aucune règle pour la comparution du professionnel poursuivi ni, en particulier, ne prévoyaient une information de celui-ci quant au droit qu’il a de se taire, il lui appartenait encore de déterminer s’il pouvait être reproché au législateur de ne pas avoir institué une telle garantie.
Ainsi, dans un second temps, le Conseil constitutionnel a énoncé, dans le droit fil de sa décision n° 2022-1019 QPC66 précitée, que « la procédure disciplinaire applicable à ces officiers publics et ministériels, qui est soumise aux exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire » (paragr. 12).
Le législateur n’avait donc pas à prévoir les règles de procédure applicables devant les instances disciplinaires de l’ordre des notaires, de telles règles ressortissant à la compétence du pouvoir réglementaire, qui est lui-même tenu d’assurer le respect des exigences constitutionnelles, dont celles découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
Le Conseil a dès lors écarté le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées méconnaîtraient ces exigences, faute de prévoir que le professionnel poursuivi disciplinairement doit être informé de son droit de se taire lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire (paragr. 13).
Après avoir jugé que ces dispositions ne méconnaissaient aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 14).
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1 Article 1er de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat.
2 Articles 44 et 47 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire.
3 Selon l’article 57 du décret du 5 juillet 1973 précité, « Dans le mois de leur nomination, les notaires prêtent serment, devant la cour d‘appel, en ces termes : "Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d‘observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent" ».
4 Rapport nos 4146 et 4147 du 7 mai 2021, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale par M. Stéphane Mazars, sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, p. 220.
5 Communication de la mission flash sur la déontologie des officiers publics et ministériels, Mme Cécile Untermaier et M. Fabien Matras, 7 octobre 2020, p. 2.
6 Sur ce point, voir : Jeanne de Poulpiquet, Responsabilité des notaires 2009-2010, Dalloz référence, p. 135.
7 Son « article préambule » évoquait « certaines difficultés pour imposer aux officiers publics et ministériels une exacte observation des règles définissant (…) la discipline de ces auxiliaires de justice ; ces règles, en effet, se trouvent dispersées dans de nombreux textes, dont les uns remontent à l‘époque révolutionnaire, tandis que d‘autres résultent des actes pris par l‘autorité de fait ; pour chaque catégorie d‘officiers publics ou ministériels existent, d‘autre part, des textes particuliers ; si les régimes ainsi institués sont très voisins les uns des autres, les nuances qui les séparent sont autant d‘occasion d‘erreurs et de nullités ».
8 Loi n° 73-546 du 25 juin 1973 relative à la discipline et au statut des notaires et de certains officiers ministériels.
9 Le Conseil constitutionnel a jugé le 5° de cet article conforme à la Constitution dans sa décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014, M. Joël M. (discipline des officiers publics ou ministériels – Interdiction temporaire d’exercer).
10 Jean-François Sagaut et Mathias Latina, Manuel de déontologie notariale, Defrénois, 2009, n° 341.
11 L’article 4 de l’ordonnance prévoyait également que les officiers publics ou ministériels étaient exclus des listes électorales pour l’exercice des droits civiques, mais le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions inconstitutionnelles dans sa décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012, M. Éric M. (Discipline des notaires).
12 Pour les notaires, la chambre de discipline est une formation du conseil régional des notaires instituée par l’article 5-1 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat. Pour les commissaires de justice, la chambre de discipline est une formation du Conseil régional des commissaires de justice instituée par l’article 20 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.
13 Article 9 de l’ordonnance du 28 juin 1945.
14 Voir Jeanne de Poulpiquet, Responsabilité des notaires 2009-2010, Dalloz référence, p. 221.
15 Article 4 du décret du 28 décembre 1973.
16 Article 7 du décret.
17 Article 9 du décret.
18 Article 13 du décret.
19 Articles 14 et 15 du décret.
20 Article 16 du décret.
21 Cass. civ. 1ère, 25 févr. 2010, n° 09-11.180 ; Cass. civ. 1ère, 16 mai 2012, n° 11-17.683.
22 Voir dispositions transitoires prévues par l’article 40 de cette ordonnance.
23 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 110. Sur la valeur constitutionnelle du principe, voir également la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C. (Fichier empreintes génétiques), cons. 17.
24 Décisions n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 27, et n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 10.
25 Décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, Mme Sylvie T. (Absence de nullité en cas d’audition réalisée sous serment au cours d’une garde à vue), paragr. 5. Jusqu’à cette décision, le droit de se taire n’avait été abordé par le Conseil constitutionnel que sous l’angle de sa notification, selon qu’elle était prévue ou non, dans le cadre particulier de la garde à vue. Le Conseil l’avait alors reconnu comme une garantie participant aux droits de la défense. Sur ce point, voir les décisions n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 28, et n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014, M. Nadav B. (Report de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées), cons. 13.
26 Décision n° 2016-594 QPC précitée, paragr. 8.
27 Décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021, M. Oussama C. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention en cas de comparution immédiate), paragr. 7.
28 Ibidem, paragr. 8.
29 Décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, M. Mohamed H. (Information du mineur du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse), paragr. 7.
30 Décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, M. Francis S. et autres (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant la chambre de l’instruction), paragr. 9 à 13.
31 Décision n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021, M. Al Hassane S. (Information du prévenu ou de l’accusé du droit qu’il a de se taire devant les juridictions saisies d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté), paragr. 7 et 8.
32 Décision n° 2021-934 QPC du 30 septembre 2021, M. Djibril D. (Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal) ; décision n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021, M. Rabah D. (Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d’une procédure d’instruction).
33 Article 394 du CPP.
34 Article 145 du CPP.
35 Décision n° 2021-934 QPC du 30 septembre 2021 précitée, paragr. 7 et 8 ; décision n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021 précitée, paragr. 8 et 9.
36 Décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022, paragr. 10 et 11.
37 Voir notamment CEDH, 21 février 1984, Ostürk c. République fédérale d’Allemagne, req. n° 8544/79.
38 Décision n° 2011-114 QPC du 1er avril 2011, M. Didier P. (Déchéance de plein droit des juges consulaires), cons. 5.
39 Décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012, M. Éric M. (Discipline des notaires), cons. 4.
40 Ibid., cons. 5.
41 Décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014, M. Joël M. (Discipline des officiers publics ou ministériels - Interdiction temporaire d’exercer), cons. 5. De la même façon, le Conseil a jugé que les peines disciplinaires prononcées par les juridictions de l’ordre des vétérinaires constituent des sanctions ayant le caractère d’une punition (décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. (Discipline des vétérinaires), solution implicite).
42 Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982, cons. 33 : « le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s‘étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d‘une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ».
43 Décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, cons. 14 à 16.
44 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cons. 34 à 36.
45 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, cons. 22.
46 Décisions n° 2010-103 QPC du 17 mars 2011, Société SERAS II (Majoration fiscale de 40 % pour mauvaise foi), cons. 4, et n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011, M. César S. et autre (Majoration fiscale de 40 % après mise en demeure), cons. 5. Pour des applications aux sanctions disciplinaires, voir les décisions n° 2019-815 QPC du 29 novembre 2019, Mme Carole L. (Révocation du sursis à exécution d’une sanction disciplinaire).
47 Décision n° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C. (Responsabilité solidaire des dirigeants pour le paiement d’une amende fiscale), cons. 3. Le Conseil l’a affirmé plus explicitement dans sa décision n° 2012-239 QPC du 4 mai 2012, Mme Ileana A. (Transmission des amendes, majorations et intérêts dus par un contribuable défunt ou une société dissoute), cons. 3.
48 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, Société Brenntag (Droit de communication de documents des agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence et des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie), paragr. 12.
49 Décisions n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (Cour de discipline budgétaire et financière), cons. 17, et n° 2020-864 QPC du 13 novembre 2020, Société Route destination voyages (Redressement des cotisations et contributions sociales sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé), paragr. 5.
50 Décision n° 2019-781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M. (Sanctions disciplinaires au sein de l’administration pénitentiaire), paragr. 4 à 6.
51 Voir par exemple la décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 précitée, cons. 37, au sujet des obligations pouvant donner lieu à sanction par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou la décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012, M. Georges R. (Perte de l‘indemnité prévue en cas de décision administrative d‘abattage d‘animaux malades), cons. 6, au sujet de la décision administrative de retrait d’indemnité en cas d’infraction aux règles relatives à l’abattage d’animaux malades.
52 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 précitée, cons. 7.
53 Ibid., cons. 8.
54 Voir par exemple la décision n° 2016-542 QPC du 18 mai 2016, Société ITM Alimentaire International SAS (Prononcé d’une amende civile à l’encontre d’une personne morale à laquelle une entreprise a été transmise), paragr. 6.
55 Décision n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019, M. Mario S. (Point de départ du délai de prescription de l’action publique en matière criminelle), paragr. 7.
56 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 précitée, cons. 10. Voir aussi la décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018, M. Pascal D. (Absence de prescription des poursuites disciplinaires contre les avocats).
57 Figure au nombre de ces règles celle qui exige que la Cour de discipline budgétaire et financière soit composée à la fois de membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes.
58 Décision n° 2005-198 L du 3 mars 2005, Nature juridique de dispositions du code des juridictions financières, cons. 4. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que les dispositions relatives à la publicité de l’audience relevaient de la compétence du pouvoir réglementaire.
59 Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, Union syndicale des magistrats administratifs (Juge unique), cons. 3.
60 Décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, M. Michael C. et autre (Renvoi au décret pour fixer certaines dispositions relatives à l’exercice de la profession d’avocat), cons. 5.
61 Voir, sur ce point, le commentaire de la décision n° 2017-630 QPC du 19 mai 2017, M. Olivier D. (Renvoi au décret pour fixer les règles de déontologie et les sanctions disciplinaires des avocats).
62 Décision n° 2014-247 L du 25 avril 2014, Nature juridique des dispositions de la dernière phrase de l’article L. 4443-4-1 du code de la santé publique, cons. 2.
63 Décision n° 2022-1019 QPC du 27 octobre 2022, M. Bruno M. (Composition des instances disciplinaires de l’ordre des experts-comptables), paragr. 7.
64 Le Conseil avait également jugé, s’agissant de la mise en œuvre du principe du contradictoire dans une procédure disciplinaire, que « si le caractère contradictoire de la procédure est de nature législative, les dispositions mettant en application ce principe dans une procédure disciplinaire sont de nature réglementaire » (décision n° 85-142 L du 13 novembre 1985, Nature juridique de dispositions contenues dans des textes relatifs à la sécurité sociale, cons. 11).
65 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016 précitée, paragr. 11 et 12.
66 Décision n° 2022-1019 QPC du 27 octobre 2022 précitée, paragr. 7. Voir également la décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 précitée, cons. 14.