Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1284 du 4 octobre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée M. Adel M. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 103 et 108 du code de procédure pénale (CPP), dans leur rédaction issue de la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 instituant un code de procédure pénale.
Dans sa décision n° 2023-1072 QPC du 1er décembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution la première phrase de l’article 103 et l’article 108 du code de procédure pénale, dans cette rédaction.
I. – Les dispositions contestées
A. – Objet des dispositions contestées
1. – Généralités sur le statut du témoin en procédure pénale
Le témoin désigne au sens courant la personne qui est appelée à déposer en justice, oralement ou par écrit, sur un événement dont elle a eu personnellement connaissance1.
En procédure pénale, le témoin désigne avant tout la personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis2.
Il est généralement identifié par opposition aux parties à la procédure que sont, d’un côté, la personne mise en cause et, de l’autre, la victime agissant en qualité de partie civile :
– à la différence de l’individu mis en cause, sur lequel pèsent à tout le moins des soupçons de commission d’une infraction, et dont le statut peut évoluer en fonction des phases de la procédure pénale et du degré des charges retenues à son encontre, le témoin est, comme l’énonce l’article 62 du CPP, la personne à l’encontre de laquelle il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Cela explique qu’il soit en principe entendu par les enquêteurs sans faire l’objet d’une mesure de contrainte3. On parle ainsi de témoin ordinaire ou de témoin simple pour le désigner (par opposition notamment au témoin assisté, qui désigne l’un des statuts possibles pour la personne mise en cause au stade de l’instruction) ;
– si, comme la partie civile, le témoin peut être la victime d’une infraction, il s’en différencie également en ce qu’il n’entend pas pour autant prendre part à la procédure. La partie civile est en effet la personne qui entend porter, devant les juridictions pénales, son action « civile » en réparation du dommage personnel que lui a directement causé cette infraction4. À ce titre, et sous réserve que son action soit recevable, elle dispose de droits lui permettant de concourir à l’instruction et de soutenir l’accusation.
Le CPP ne comporte pas de division entièrement dédiée au statut du témoin, celui-ci faisant seulement l’objet de dispositions spécifiques en fonction des phases de la procédure.
C’est principalement au stade de l’instruction et du jugement que sont prévues des règles applicables aux dépositions du témoin, dont celle lui imposant en principe de prêter serment5.
2. – L’obligation de prêter serment devant le juge d’instruction
* Lorsqu’une information est ouverte, l’article 81 du CPP prévoit que le juge d’instruction instruit à charge et à décharge et, à cette fin, qu’il procède à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il peut, en particulier, procéder à l’audition de toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile, en qualité de témoins6.
Les témoins sont cités devant le juge d’instruction par un huissier ou un agent de la force publique. Ils peuvent également être convoqués ou comparaître volontairement7.
Les témoins sont alors entendus soit séparément et hors la présence des parties, soit lors de confrontations réalisées entre eux ou avec l’une ou l’autre des parties. Dans l’un et l’autre cas, il est dressé procès-verbal de leurs déclarations8.
Le choix des témoins à auditionner relève de l’appréciation du juge. Comme le souligne un auteur, « Les pouvoirs du juge d’instruction semblent donc grands et sa liberté quasi-totale. Le juge peut donc entendre comme témoin le plaignant (au moins tant qu’il ne s’est pas constitué partie civile), les personnes ayant assisté aux faits mais aussi celles en mesure d’évoquer la personnalité de la personne poursuivie et que la pratique désigne généralement sous le vocable de "témoins de moralité" »9.
Toutefois, certaines personnes ne peuvent pas être entendues en qualité de témoin : c’est le cas de la personne mise en examen, du témoin assisté10 et de la partie civile, mais également des personnes qui ne sont pas mises en examen, lorsqu’il existe à leur encontre des indices graves et concordants d’avoir participé aux faits dont le juge d’instruction est saisi11.
* La citation ou la convocation pour être entendu comme témoin emporte l’obligation de comparaître, de prêter serment et de déposer devant le juge d’instruction, sous certaines réserves s’agissant des personnes tenues au secret12.
Le témoin est ainsi avisé que, s’il ne comparaît pas ou s’il refuse de comparaître, il pourra y être contraint par la force publique13. Il s’expose également à une amende de 3 750 euros14.
Avant de déposer, il doit, en application de l’article 103 du CPP, prêter serment de dire « toute la vérité, rien que la vérité » (les premières dispositions objet de la décision commentée).
Selon une jurisprudence constante et ancienne de la Cour de cassation, l’omission de ce serment devant le juge d’instruction n’est pas une cause de nullité, sauf s’il est établi qu’elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense15. Tel est par exemple le cas lorsque des déclarations faites sans prestation de serment ont été déterminantes dans la mise en examen de la personne concernée16.
À la suite de cette prestation de serment, l’audition se poursuit par un interrogatoire d’identité permettant d’identifier les éventuels liens unissant le témoin à l’une des parties17. Puis le témoin est invité à répondre aux questions qui lui sont adressées par le juge d’instruction.
Ses déclarations sont retranscrites dans un procès-verbal qu’il est invité à relire, puis à signer s’il déclare y persister. Ce procès-verbal est également signé par le juge et le greffier18.
* Si l’utilité de l’obligation de prêter serment qui s’impose ainsi au témoin a pu être discutée, elle revêt une valeur qui n’est toutefois pas que symbolique19.
Comme le souligne M. Yves Mayaud, « La valeur probatoire du témoignage est toute relative, et tous les spécialistes s’accordent à reconnaître son manque naturel de crédibilité. C’est justement au renforcement de celle-ci que tend le serment, "en attirant l’attention du témoin sur l’importance de ses déclarations et en rendant ses assertions plus réservées, de façon à ne pas donner pour certain ce dont il n’est pas bien sûr" (F. Gorphe, L’appréciation des preuves en justice, V. p. 376). Le serment améliore donc le témoignage, mais subjectivement sous l’angle de la sincérité, et non pas objectivement sous celui de la vérité. Il n’est pas une garantie d’objectivité, mais un gage de plus grande loyauté, qui, par la légitimité de la foi qu’il fait naître, rend le mensonge du témoin répréhensible »20.
De même, M. Henri Angevin rappelle que, « En prêtant serment de dire la vérité, le témoin prend en effet un engagement solennel qui distingue son témoignage de la simple déclaration ne valant que renseignement. Cet engagement solennel est en outre pénalement sanctionné : le témoin, s’il ne le rétracte pas avant la clôture des débats, encourt les peines réprimant le faux témoignage, dénommé par l’article 434-13 du Code pénal "témoignage mensonger", puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende »21.
En effet, conformément à l’article 434-13 du code pénal, le témoignage mensonger fait sous serment devant une juridiction ou un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Toutefois, le faux témoin est exempt de peine s’il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement22.
3. – Les témoins non soumis à l’obligation de prêter serment
Certains témoins sont cependant dispensés de prêter serment.
* Au cours de l’information, les seuls témoins expressément dispensés par la loi de prêter serment sont les enfants mineurs de moins de seize ans.
L’article 108 du CPP dispose en effet que « Les enfants au–dessous de l’âge de seize ans sont entendus sans prestation de serment » (les secondes dispositions objet de la décision commentée).
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le fait pour un tel mineur de déposer sous la foi du serment n’entraîne toutefois pas la nullité de la déposition, dès lors qu’« aucune nullité ne pouvait résulter de l’accomplissement d’une formalité destinée à augmenter les garanties de la défense »23.
* Devant les juridictions de jugement, cette même exception est prévue.
- Devant la cour d’assises, le 7° de l’article 335 du CPP prévoit ainsi que ne peut être reçue sous la foi du serment la déposition des enfants au-dessous de l’âge de seize ans.
Toutefois, cet article prévoit également d’autres exceptions. Sont ainsi dispensées de prestation de serment les personnes considérées comme des témoins « reprochables »24 du fait de leur proximité avec l’accusé, soit :
– ses ascendants (père, mère ou tout autre ascendant) ;
– ses descendants (fils, fille ou tout autre descendant) ;
– ses frères et sœurs25 ;
– ses alliés aux mêmes degrés26 ;
– son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, même après le divorce, la dissolution du pacte civil de solidarité ou la cessation du concubinage27.
En outre, certaines personnes, qui ne peuvent être entendues comme témoins, ne sont pas soumises à l’obligation de prêter serment, à savoir la partie civile et les personnes accusées, prévenues ou condamnées soit pour le crime dont est saisie la cour d’assises en qualité de coauteur ou de complice, soit pour un crime ou un délit connexe ou formant un ensemble indivisible avec le crime dont est saisie la cour d’assises.
- De façon similaire, devant le tribunal correctionnel et, par renvoi, devant le tribunal de police28, l’article 447 du CPP dispose que « Les enfants au-dessous de l’âge de seize ans sont entendus sans prestation de serment », tandis que son article 448 prévoit qu’il en va de même des ascendants du prévenu, de ses descendants, de ses frères et sœurs, de ses alliés au même degré, ainsi que de son conjoint.
Cette dispense de prestation de serment dont bénéficient les proches de la personne mise en cause devant les juridictions de jugement est ancienne29 et a pu être justifiée par la doctrine au regard, d’une part, du risque accru de partialité qui pèserait sur ces derniers30 et, d’autre part, du conflit moral personnel auquel ils pourraient être soumis31.
Dans sa décision n° 2019-828/829 QPC du 28 février 2020, le Conseil constitutionnel, saisi de la dispense de prestation de serment dont bénéficie le conjoint devant la cour d’assises, s’est référé à ce second motif en considérant que le législateur avait « entendu préserver le conjoint appelé à témoigner du dilemme moral auquel il serait exposé s’il devait choisir entre mentir ou se taire, sous peine de poursuites, et dire la vérité, pour ou contre la cause de l’accusé »32.
B. – Origine de la QPC et question posée
À la suite de la mise en examen du requérant des chefs de viol et violences aggravés, son ex-compagne avait été entendue par le juge d’instruction en qualité de témoin, après avoir prêté serment.
Le requérant avait saisi la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix–en–Provence d’une requête en nullité de son interrogatoire de première comparution et des actes subséquents, et, par un mémoire distinct, avait soulevé une QPC portant sur les articles 103 et 108 du CPP.
Par un arrêt du 8 juin 2023, la chambre de l’instruction avait prononcé la nullité du procès-verbal de première comparution ainsi que, par voie de conséquence, de certaines pièces de la procédure et avait ordonné sa remise en liberté. Par un arrêt distinct du même jour, elle avait, par ailleurs, transmis la QPC à la Cour de cassation.
Dans son arrêt du 4 octobre 2023 précité, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait tout d’abord constaté que le champ des personnes dispensées de prestation de serment n’est pas le même selon qu’elles témoignent devant le juge d’instruction ou devant la cour d’assises et rappelé les termes précités de la décision n° 2019–828/829 QPC du 28 février 2020. Elle en avait déduit qu’« En ne permettant pas à des membres de la famille proche de la personne mise en examen de bénéficier, au cours de l’information, de la faculté qui leur est ouverte devant la cour d’assises, le législateur a institué une différence de traitement selon le stade de la procédure auquel est reçue leur déposition. La question de la justification de cette différence au regard de la différence de situation ou d’un motif d’intérêt général n’est pas dénuée de sérieux ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
Le requérant reprochait aux dispositions des articles 103 et 108 du CPP de soumettre à l’obligation de prêter serment les personnes entendues comme témoin par le juge d’instruction, à la seule exception des mineurs de moins de seize ans. Selon lui, il en résultait une différence de traitement, d’une part, entre les victimes selon qu’elles sont entendues au cours de l’instruction comme témoin ou comme partie civile et, d’autre part, entre les concubins ou anciens concubins des personnes mises en cause selon qu’ils sont entendus comme témoin par le juge d’instruction ou par la cour d’assises, devant laquelle ils ne sont pas tenus de prêter serment. Elles méconnaissaient ainsi les principes d’égalité devant la loi et devant la justice.
Le requérant faisait en outre valoir que ces dispositions privaient la personne mise en examen de la possibilité de contester les faits évoqués par le témoin déposant sous serment, sauf à invoquer l’existence d’un témoignage mensonger. Elles méconnaissaient ainsi, selon lui, les droits de la défense et le droit à un procès équitable.
Il soutenait enfin que ces dispositions étaient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces mêmes exigences constitutionnelles, faute pour le législateur d’avoir étendu à la prestation de serment des témoins au cours de l’instruction les règles applicables devant la cour d’assises.
Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur première phrase de l’article 103 du CPP et l’article 108 du même code (paragr. 6).
A. – L’examen du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi
1. – La jurisprudence constitutionnelle
* Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »33.
Lorsqu’il constate que les dispositions contestées opèrent une différence de traitement, le Conseil vérifie non seulement si celle-ci est justifiée par une différence de situation ou un motif d’intérêt général, mais aussi si elle est en rapport avec l’objet de la loi.
En matière de justice, l’exigence d’égalité est renforcée. Le Conseil constitutionnel se fonde alors en effet à la fois sur l’article 6, précité, et sur l’article 16 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » et dont découle notamment le droit à un recours juridictionnel effectif.
Il juge, sur ce double fondement, que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties »34.
Cette dernière norme de contrôle trouve toutefois à s’appliquer uniquement lorsque la différence de traitement procédural ou juridictionnel invoquée concerne soit différentes parties à une même procédure (par exemple, la personne mise en examen, la partie civile et le ministère public35), soit des justiciables placés dans une situation identique (par exemple, l’auteur d’une infraction36 ou une personne condamnée37).
Dès lors, lorsqu’il est saisi de règles de procédure pénale applicables, dans le cadre d’une même procédure, à des personnes qui ne constituent pas des parties, comme les témoins, le Conseil constitutionnel fonde son contrôle plus classiquement sur le principe d’égalité devant la loi.
* Le Conseil constitutionnel a ainsi été amené à contrôler, sur ce fondement, des dispositions dispensant certaines personnes de prêter serment devant la cour d’assises.
Dans sa décision n° 2019–828/829 QPC du 28 février 2020 précitée, il a notamment été saisi des dispositions de l’article 335 du CPP qui dispensaient le conjoint de l’accusé appelé à témoigner de prêter serment devant la cour d’assises, sans prévoir une même dispense au profit du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin. Si les requérants développaient à la fois des griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi et du principe d’égalité devant la justice, le Conseil s’est uniquement placé, s’agissant non de parties au procès, mais de personnes appelées à déposer devant la cour d’assises, sur le fondement du premier de ces principes.
En premier lieu, il a exposé l’objet des dispositions contestées, en précisant qu’« en instaurant une telle dispense, le législateur a entendu préserver le conjoint appelé à témoigner du dilemme moral auquel il serait exposé s’il devait choisir entre mentir ou se taire, sous peine de poursuites, et dire la vérité, pour ou contre la cause de l’accusé ».
Puis, il a relevé que « le mariage, le concubinage ou le pacte civil de solidarité sont les trois formes d’union sous lesquelles peut s’organiser, juridiquement, la vie commune d’un couple. Si l’intensité des droits et obligations qui s’imposent aux membres du couple diffèrent selon qu’ils choisissent l’une ou l’autre de ces unions, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne sont pas moins exposés que les conjoints au dilemme moral dont le législateur a entendu préserver ces derniers lorsqu’ils sont appelés à témoigner au procès de leur conjoint accusé ». Ce faisant, et tout en admettant qu’une différence de situation puisse résider dans la différence d’intensité des droits et obligations existant entre conjoints, partenaires et concubins, le Conseil a précisé qu’au regard de l’objet de la loi dont il était saisi, concubins et partenaires de pacte civil de solidarité étaient en l’occurrence autant exposés au dilemme moral précédemment décrit que le conjoint de la personne accusée.
En second lieu, après avoir rappelé qu’« il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu’une déposition effectuée sans prêter serment alors que le témoin était tenu de le faire est susceptible de vicier la procédure suivie », le Conseil a considéré qu’il était possible, pour la juridiction concernée, de s’assurer de l’existence de chacune de ces trois formes d’union soit par le biais d’un enregistrement en mairie, soit par celui du constat d’une vie commune. Il en a conclu que « l’intérêt qui s’attache à faciliter la connaissance par la juridiction des liens unissant l’accusé et le témoin ne saurait, à lui seul, justifier la différence de traitement établie par les dispositions contestées entre le mariage, le concubinage et le pacte civil de solidarité ».
Par conséquent, le Conseil a jugé que la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées n’était justifiée ni par une différence de situation en rapport avec l’objet de loi, ni par un motif d’intérêt général, et qu’elle était donc contraire au principe d’égalité devant la loi38.
Si le requérant soutenait que les dispositions contestées méconnaissaient les principes d’égalité devant la loi et devant la justice, le Conseil constitutionnel a exercé son contrôle, s’agissant non de parties au procès, mais de témoins entendus par le juge d’instruction, sur le seul fondement du principe d’égalité devant la loi.
Il a ainsi d’abord rappelé que ce principe, fondé sur l’article 6 de la Déclaration de 1789, ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit (paragr. 7).
Puis, le Conseil a présenté les dispositions contestées. Après avoir rappelé qu’en application de l’article 81 du CPP, il revient au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité et que, dans ce cadre, l’article 101 du même code prévoit qu’il peut entendre toute personne dont la déposition lui paraît utile (paragr. 8), il a constaté que, selon les dispositions contestées, la personne entendue comme témoin par ce juge est tenue de prêter serment de dire « toute la vérité, rien que la vérité », sauf s’il s’agit d’un mineur de moins de seize ans (paragr. 9).
Le Conseil a ensuite énoncé que l’objet de ces dispositions est d’assurer la sincérité des déclarations du témoin entendu par le juge d’instruction (paragr. 10).
Il lui revenait alors d’examiner si, en soumettant les seuls témoins entendus par le juge d’instruction à une telle obligation de serment, ces dispositions introduisaient une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation ou un motif d’intérêt général. Le requérant reprochait en effet à ces dispositions de soumettre ces témoins à des règles différentes de celles applicables à la partie civile entendue par le juge d’instruction ou à certains témoins entendus par la cour d’assises (en particulier, les concubins ou les anciens concubins de l’accusé).
D’une part, le Conseil a estimé que « la victime entendue comme témoin devant le juge d’instruction se trouve dans une situation différente de la partie civile qui s’est constituée afin d’obtenir réparation du préjudice que lui a directement causé l’infraction » (paragr. 11).
D’autre part, il a relevé que « l’audition du témoin devant le juge d’instruction constitue un acte d’information accompli pour les besoins des investigations, en vue de la manifestation de la vérité. Elle se distingue de la déposition du témoin devant la cour d’assises qui constitue l’un des éléments de preuve contribuant à l’appréciation de la culpabilité de l’accusé ». Suivant le raisonnement qu’il avait tenu dans sa décision n° 2019-828/829 QPC du 28 février 2020 précitée, il en a déduit que le législateur avait pu prévoir une dispense de prestation de serment pour le concubin ou l’ancien concubin de l’accusé devant la cour d’assises, « afin de le préserver du dilemme moral auquel il serait exposé s’il devait choisir entre mentir ou se taire, sous peine de poursuites, et dire la vérité, pour ou contre la cause de l’accusé » (paragr. 12).
Il a dès lors jugé que les différences de traitement instaurées par les dispositions contestées, qui sont fondées sur une différence de situation, étaient en rapport direct avec l’objet de la loi (paragr. 13). Par conséquent, il a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (paragr. 14).
B. – L’examen du grief tiré de l’atteinte aux droits de la défense
1. – La jurisprudence constitutionnelle
* Le principe du respect des droits de la défense est rattaché, depuis la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 200639, à l’article 16 de la Déclaration de 1789 précité. Il a pour corollaire le principe du contradictoire et fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits40.
Le Conseil constitutionnel juge de manière constante que l’article 16 de la Déclaration de 1789 « implique notamment qu’aucune sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés »41.
* En matière pénale, le respect des droits de la défense s’impose tout au long de la procédure – depuis la phase d’enquête42 jusqu’à celle de l’exécution des peines43 – et, en particulier, dans le cadre du recueil et de la conservation des éléments de preuve susceptibles d’être soumis à la juridiction de jugement.
À cet égard, le Conseil constitutionnel veille à ce que les éléments de preuve qui fondent la mise en cause du prévenu ou de l’accusé puissent être contestés dans le cadre d’un débat contradictoire.
Ainsi, dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu’une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »44. A contrario, selon le commentaire de cette décision, « une information mettant en cause une personne ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles elles ont été recueillies ».
Le Conseil constitutionnel a dès lors censuré des dispositions qui autorisaient l’utilisation par la juridiction de jugement, comme éléments de preuve, d’informations de géolocalisation recueillies dans les conditions prévues à l’article 230-40 du CPP, qui permettait, en matière de délinquance ou de criminalité organisées, de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d’installation d’un dispositif de géolocalisation45.
De la même manière, dans sa décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions autorisant la destruction des végétaux et animaux morts ou non viables saisis à la suite de la constatation d’une infraction au code de l’environnement, auxquelles le requérant reprochait de ne pas prévoir que la personne mise en cause ou des témoins assistent au décompte des animaux et végétaux saisis avant leur destruction, en méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire.
Le Conseil constitutionnel a relevé, d’une part, que « tant la saisie des végétaux et animaux objet d’une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure ». D’autre part, il a constaté que « les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès–verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu’à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins ». Il en a déduit, dans le prolongement de sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 précitée, que « la personne intéressée est en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »46. Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Enfin, dans sa décision n° 2023-1067 QPC du 10 novembre 2023, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions prévoyant qu’en matière de trafic de stupéfiants, le juge d’instruction ordonnant la destruction de tels produits doit en conserver un échantillon afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise alors qu’une telle obligation n’est pas prévue dans le cadre de l’enquête.
Après avoir notamment relevé que la personne mise en cause peut former un recours suspensif devant la chambre de l’instruction à l’encontre de la décision du juge d’instruction de détruire ces produits et que, « devant la juridiction de jugement, la preuve de la nature des produits saisis peut être rapportée par tout moyen et le juge ne peut fonder sa décision que sur des éléments qui lui sont apportés au cours des débats et contradictoirement discutés devant lui », le Conseil constitutionnel a jugé que « la personne intéressée est mise en mesure de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »47.
* Le Conseil a, par ailleurs, été amené à se prononcer à plusieurs reprises sur des dispositions relatives aux témoins, au regard notamment des droits de la défense.
- Dans sa décision n° 2013–679 DC du 4 décembre 2013, les sénateurs requérants contestaient notamment des dispositions prévoyant une diminution de la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne lorsqu’en avertissant les autorités administratives, elle avait permis de faire cesser l’infraction, d’éviter qu’elle ne produise un dommage, ou d’en identifier les auteurs. Ils mettaient en cause la menace, pour les droits de la défense et le droit à un procès équitable, que constitueraient des poursuites fondées sur les témoignages de repentis, dont la fiabilité serait particulièrement discutable.
Le Conseil a rappelé qu’il n’était pas dérogé aux règles relatives à l’audition des témoins, qui incluent le serment et les peines encourues pour faux témoignage, ni à celles résultant du dernier alinéa de l’article 132-78 du CPP selon lequel « aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations émanant de personnes ayant fait l’objet des dispositions de cet article ». Il a ensuite observé que « les dispositions de l’article 706-58 du code de procédure pénale, qui permettent, dans certaines conditions, le recueil des déclarations d’un témoin sans que son identité apparaisse dans la procédure, ne sont applicables qu’aux personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et, par suite, ne peuvent s’appliquer à des personnes bénéficiant des dispositions contestées ». Enfin, il a relevé qu’il n’était « pas davantage dérogé aux dispositions du second alinéa de l’article 427 du code de procédure pénale aux termes duquel "le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui" ». Par conséquent, il a écarté le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable48.
- Dans sa décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, qui lui a permis d’affirmer pour la première fois le caractère constitutionnel du « droit de se taire » en faveur de la personne mise en cause, le Conseil était saisi de dispositions qui pouvaient conduire à faire prêter serment à une personne entendue en garde à vue de « dire toute la vérité, rien que la vérité ». Il a estimé que cette prestation de serment pouvait être de nature à lui laisser croire qu’elle ne disposait pas du droit de se taire ou de nature à contredire l’information qu’elle a reçue concernant ce droit. Il a donc jugé qu’« en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d’une audition réalisée sous serment lors d’une garde à vue dans le cadre d’une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée »49.
Le commentaire de cette décision précise toutefois que « cette censure ne saurait signifier l’illégalité des auditions d’une personne entendue d’abord comme témoin puis placée en garde à vue en raison de l’apparition de raisons plausibles de la soupçonner. Dans une telle hypothèse, cette personne a valablement été invitée à prêter serment tant qu’elle était considérée comme témoin puis s’est vu notifier, dès que son statut a changé, son droit au silence ».
- Enfin, dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, saisi de dispositions autorisant le président de la cour d’assises à interrompre les déclarations d’un témoin ou à lui poser des questions sans attendre la fin de sa déposition, lorsque cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats, le Conseil constitutionnel a jugé que « l’article 309 du code de procédure pénale confie au président de la cour d’assises la police de l’audience et la direction des débats. Loin de porter atteinte aux droits de la défense, la faculté qui lui est conférée par les dispositions contestées d’interrompre un témoin et de l’interroger sans attendre la fin de sa déposition, si la clarté et le bon déroulement des débats le requièrent, en assure l’effectivité ». Il a ainsi écarté le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense50.
2. – L’application à l’espèce
Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé que la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 implique qu’il ne soit pas porté d’atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable (paragr. 15).
Puis, il a relevé que les dispositions contestées n’avaient pas la portée que leur donnait le requérant. Après avoir relevé que celles-ci « se bornent à prévoir que certains témoins doivent prêter serment lorsqu’ils sont auditionnés par le juge d’instruction », il a en effet constaté qu’elles étaient « sans incidence sur la possibilité pour la personne mise en cause de contester, au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, les déclarations du témoin » (paragr. 16).
Le Conseil a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles (paragr. 17).
Les dispositions contestées n’étant pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissant pas non plus le principe d’égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 18).
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1 Selon les définitions courantes que donnent de ce terme les dictionnaires du vocabulaire juridique (voir notamment Gérard Cornu [dir.], Vocabulaire juridique, 10e édition, PUF, « Témoin *judiciaire »).
2 Suivant les termes du deuxième alinéa de l’article 61 du CPP.
3 Si les nécessités de l’enquête le justifient, le témoin simple peut toutefois être retenu sous contrainte le temps strictement nécessaire à son audition pendant une durée maximale de quatre heures (articles 62, alinéa 2, et 78, alinéa 2, du CPP). L’officier de police judiciaire peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation. Le procureur de la République peut autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l’infraction (articles 61 et 78 du CPP).
4 Article 2 du CPP.
5 Précisons que cette obligation n’est pas prévue au cours de l’enquête policière, quel que soit le lien pouvant unir le témoin à la personne suspectée.
6 Article 101, alinéa 1er, du CPP.
7 Article 101 du CPP. La convocation du témoin peut intervenir par lettre simple, par lettre recommandée ou par la voie administrative.
8 Article 102 du CPP.
9 Jean-Paul Valat, « Audition des témoins », Jurisclasseur Procédure pénale, fasc. 20, articles 101 à 113-8, 13 mai 2019.
10 Article 113-7 du CPP.
11 Article 105 du CPP. Ces personnes ne peuvent être entendues qu’en tant que témoins assistés, conformément à l’article 113-2 du même code. C’est le cas également des personnes nommément visées par un réquisitoire ou par une plainte (articles 113-1 et 113-2 du CPP).
12 Article 109 du CPP. L’audition peut également avoir lieu devant un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, en application de l’article 151 du CPP.
13 Ibid. Le témoin est alors conduit directement et sans délai devant le magistrat qui prescrit la mesure (article 110 du CPP). Cependant, si un témoin est dans l’impossibilité de comparaître, le juge d’instruction se transporte pour l’entendre, ou délivre à cette fin une commission rogatoire (article 112 du CPP).
14 Selon l’article 434-15-1 du code pénal, « Le fait de ne pas comparaître, de ne pas prêter serment ou de ne pas déposer, sans excuse ni justification, devant le juge d’instruction ou devant un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire par une personne qui a été citée par lui pour y être entendue comme témoin est puni de 3 750 euros d’amende ».
15 Cass. crim., 7 février 1812, Bull. n° 137 ; 14 juin 1866, Bull. n° 153 ; 26 juin 1884, Bull. n° 208 ; et, plus récemment, Cass. crim., 31 mars 1981, n° 80-94.773.
16 La Cour de cassation a ainsi censuré la décision d’une chambre de l’instruction de rejeter le moyen tiré de la nullité de deux dépositions après avoir relevé qu’il résultait des énonciations de cet arrêt que « les déclarations de ces deux témoins ont été déterminantes dans la mise en cause du mis en examen et, en conséquence, ont eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts » (Cass. crim., 10 mai 2016, n° 15–87.713). Au contraire, elle a approuvé un arrêt d’avoir refusé d’annuler des procès-verbaux d’audition au motif que « les témoins n’ont pas prêté serment avant leur audition mais "qu’après observation de la défense, le magistrat instructeur leur a fait prêter serment en fin d’audition" et "qu’après avoir rempli cette formalité les témoins ont déclaré réitérer leurs dépositions" ; […] qu’aucune atteinte aux droits de la défense n’est établie » (Cass. crim., 2 octobre 1990, n° 90-84.412).
17 Selon l’article 103 du CPP, les témoins doivent ainsi indiquer leurs nom, prénoms, âge, état, profession, demeure, et s’ils sont parents ou alliés des parties et à quel degré, ou s’ils sont à leur service.
18 Article 106 du CPP. Si le témoin ne veut ou ne peut signer, mention en est portée sur le procès-verbal. Chaque page est également signée par l’interprète s’il y a lieu.
19 Le serment était originellement une attestatio dei, d’où la formulation selon laquelle le témoin « jure » de dire la vérité. Cette obligation répondait à la nécessité de garantir la véracité des témoignages qui constituaient, avec l’aveu, une preuve légale sur laquelle pouvait reposer la manifestation de la vérité. Le passage d’un système probatoire fondé sur des preuves dont la valeur était réglée par la loi à un système reposant sur l’intime conviction du juge a remis en question cette théorie et laissé à ce dernier une plus grande liberté pour apprécier la valeur probante des témoignages, au regard notamment de leur sincérité.
20 Yves Mayaud, « Faux témoignage – éléments constitutifs », JurisClasseur Pénal, fasc. 20, articles 434-13 à 434–14, 1er mars 2018.
21 Henri Angevin, « Cour d’assises – Débats. – Production et discussion des preuves. – Audition des témoins », Jurisclasseur Procédure pénale, fasc. 30, § 165, 1er février 2009.
22 La Cour européenne des droits de l’homme a considéré à ce propos, dans l’arrêt Serves c/ France du 20 octobre 1997, que : « Si l’obligation mise à la charge du témoin de prêter serment et les sanctions prononcées en cas de non-respect relèvent d’une certaine coercition, celle-ci vise ainsi à garantir la sincérité des déclarations faites, le cas échéant, au juge, et non à obliger l’intéressé à déposer » (CEDH, 20 octobre 1997, n° 20225/92, Serves c/ France, paragr. 47).
23 Cass. crim., 25 août 1853, Bull. n° 427, et 30 août 1900, Bull. n° 285, cités in Jean-Paul Valat, « Audition des témoins », précité, § 100.
24 L’expression est toutefois datée, puisqu’elle désignait à l’origine des témoins dont on pouvait récuser la déposition, ce qui n’est plus possible aujourd’hui.
25 Il en va de même des demi-frères et demi-sœurs (Cass. crim., 30 mars 1977, n° 77-90.460).
26 Sont couverts par cette interdiction les ascendants, les descendants et les frères et sœurs du conjoint de l’accusé, mais aussi les conjoints des ascendants, descendants et frères et sœurs de l’accusé.
27 En revanche, le divorce éteignant le lien d’alliance, les anciens beaux-parents sont soumis à l’obligation de prêter serment (Cass. crim., 29 mars 2006, n° 05-86.275).
28 Article 536 du CPP.
29 Dans son Traité de l’instruction criminelle, Faustin Hélie écrivait à ce propos que « Cette cause d’exclusion avait été consacrée par la loi Julia publicorum judiciorum [dont rend compte le Digeste] ; qu’elle avait été développée dans la procédure inquisitoriale et appliquée par l’article 153 de l’ordonnance d’août 1539 et par le titre XV de l’ordonnance de 1670 » (Faustin Hélie, Traité de l’instruction criminelle, Tome VII, Plon, 1867, 2e éd., § 3484).
30 Pour Roger Merle et André Vitu, « l’exclusion du serment liée à la situation propre au déposant […] s’explique comme une survivance assez contestable de la théorie des preuves légales. Dans ce système en effet, on avait multiplié les règles relatives à l’idonéité des témoins : il était important, alors, de définir les incapacités frappant certains témoins, car il fallait peser le nombre et la valeur des dépositions et, partant savoir si elles étaient faites à titre de témoignages véritables ou de simples renseignements. Avec l’adoption du système de l’intime conviction, on aurait dû laisser le juge libre de déterminer les témoins dignes d’audience, sauf à exiger qu’il examinât avec soin les raisons d’exclure certaines personnes. Mais les rédacteurs du Code d’instruction criminelle, suivis en cela par les auteurs du Code de procédure pénale, sont restés très influencés par l’ancienne théorie des preuves légales : à côté des incompatibilités, qui rendent impossible l’audition de certaines personnes, à quelque titre que ce soit, ils ont maintenu des incapacités, qui ne permettent d’entendre l’intéressé qu’à titre de renseignement. […] / Les incapacités s’inspirent d’une certaine méfiance à l’égard de témoins dont la connaissance des faits du procès ou dont la conscience morale et l’impartialité peuvent être affaiblies ou mêmes absentes. / […] une présomption de partialité explique l’exclusion de certains parents et alliés des délinquants poursuivis […] / La présomption de partialité explique aussi l’incapacité de déposer sous serment de certaines personnes, qui ont un intérêt spécial à la solution du procès : ainsi pour la victime, mais seulement à partir du moment où elle s’est expressément constituée partie civile […] tandis que le plaignant ordinaire doit être entendu sous la foi du serment […] » (Roger Merle et André Vitu, Traité de droit criminel, tome II, 5e édition, Cujas, 2001, § 172 et 174, p. 216 à 219).
31 Pour Faustin Hélie, « Il ne s’agit plus ici d’une incapacité, mais d’une prohibition qu’un sentiment d’humanité et une règle de morale ont fait établir : la loi n’a pas voulu que les plus proches parents vinssent déposer les uns à l’égard des autres ; il a paru que l’impunité du crime était préférable à l’emploi d’un moyen qui effraye la conscience et répugne à la justice elle-même ; que d’ailleurs la déposition des proches parents, si elle est à la décharge de l’accusé, n’est d’aucun poids, et, si elle est à sa charge, perd son autorité, à raison du sentiment de défiance ou d’horreur qu’elle inspire » (op. cit., § 3484).
32 Décision n° 2019-828/829 QPC du 28 février 2020, M. Raphaël S. et autre (Déposition sans prestation de serment pour le conjoint de l’accusé), paragr. 10.
33 Parmi de nombreux exemples, voir, en dernier lieu, la décision n° 2022-1033 QPC du 27 janvier 2023, M. Patrick R. (Exonération d’impôt sur le revenu des indemnités spécifiques de rupture conventionnelle perçues par les agents publics), paragr. 3.
34 Décisions n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, Région Languedoc-Roussillon et autres (article 575 du code de procédure pénale), cons. 4 ; n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D. (Frais irrépétibles devant la Cour de cassation), cons. 3 ; n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016, M. Mohamadi C. (Règles de formation, de composition et de délibération de la cour d’assises de Mayotte), paragr. 6 ; n° 2019-827 QPC du 28 février 2020, M. Gérard F. (Conditions de recevabilité d’une demande de réhabilitation judiciaire pour les personnes condamnées à la peine de mort), paragr. 8.
35 Voir, à titre d’illustration, décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. (Appel des ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention).
36 Décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013, M. Laurent A. et autres (Délai de prescription d’un an pour les délits de presse à raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion).
37 Décision n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, M. José M. (Double degré de juridiction pour l’examen d’une demande de relèvement d’une interdiction, d’une déchéance, d’une incapacité ou d’une mesure de publicité).
38 Décision n° 2019–828/829 QPC du 28 février 2020 précitée, paragr. 10 à 14.
39 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.
40 Décision n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011, M. Samir A. (Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d’instruction), cons. 4.
41 Décisions n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, M. Claude F. (Communication d’informations en matière sociale), cons. 4, et n° 2019-781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M. (Sanctions disciplinaires au sein de l’administration pénitentiaire), paragr. 4.
42 Le Conseil constitutionnel a notamment affirmé que le principe du libre entretien avec un avocat d’une personne gardée à vue constitue « un droit de la défense qui s’exerce durant la phase d’enquête de la procédure pénale » (décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, cons. 12).
43 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à l’application des peines.
44 Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation, cons. 25.
45 Le Conseil a plus précisément énoncé : « Considérant que l’article 230-42 prévoit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée "sur le seul fondement" des éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de ce même article ont été versés au dossier en application de l’article 230-41 ; qu’en permettant ainsi qu’une condamnation puisse être prononcée sur le fondement d’éléments de preuve alors que la personne mise en cause n’a pas été mise à même de contester les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis, ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, à l’article 230-42, le mot "seul" doit être déclaré contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de l’article 230-40 ont été versés au dossier en application de l’article 230-41, il appartiendra à la juridiction d’instruction d’ordonner que les éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40 soient retirés du dossier de l’information avant la saisine de la juridiction de jugement ; que, pour le surplus et sous cette réserve, l’article 230-42 ne méconnaît pas l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (décision n° 2014–693 DC précitée, cons. 26).
46 Décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, M. Jean-Mathieu F. (Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d’infractions au code de l’environnement), paragr. 6 à 8.
47 Décision n° 2023-1067 QPC du 10 novembre 2023, M. Bechir C. (Conservation d’un échantillon des produits stupéfiants saisis avant leur destruction), paragr. 5 à 10.
48 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, cons. 15 à17.
49 Décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016, Mme Sylvie T. (Absence de nullité en cas d’audition réalisée sous serment au cours d’une garde à vue), paragr. 5 à 8.
50 Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 306 à 308.