Non conformité totale
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 septembre 2023 par le Conseil d’État (décision n° 464315 du 25 septembre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le groupement foncier agricole J. et autres, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l’article 233 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Dans sa décision n° 2023-1071 QPC du 24 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution, dans cette rédaction.
I. – Les dispositions renvoyées
A. – Objet des dispositions renvoyées
1. – L’exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles
a. – Éléments généraux sur les droits de préemption
* De manière générale, un droit de préemption permet à une personne d’acquérir un bien qui est mis en vente par son propriétaire en obligeant le cessionnaire à contracter avec le titulaire de ce droit. L’exercice d’un tel droit constitue ainsi, en droit administratif, une prérogative de puissance publique dans la mesure où la décision de préemption vient, au nom de la prééminence de l’intérêt général, s’insérer dans le processus de conclusion d’un contrat de vente d’un bien qui aurait dû intervenir entre le propriétaire du bien préempté et l’acquéreur évincé1.
De tels droits de préemption sont ainsi utilisés, depuis le milieu du XXe siècle, pour la mise en œuvre des politiques publiques d’aménagement du territoire et d’aménagement urbain2. Le titre Ier du livre II du code de l’urbanisme (articles L. 210-1 à L. 219-13) en institue plusieurs pour des finalités très diverses3. Les conditions de mise en œuvre de ces droits, et notamment les titulaires, les types de biens et les zones du territoire concernés, ainsi que les objectifs pouvant justifier l’exercice de ce droit, sont définies par la loi.
Concrètement, les mécanismes mis en place prévoient généralement un régime de déclaration à la charge des propriétaires (toute personne souhaitant céder un bien situé dans un périmètre soumis à un droit de préemption ayant l’obligation d’en avertir ainsi la personne publique titulaire de ce droit en adressant à l’autorité administrative une déclaration d’intention d’aliéner4) assorti d’une sanction (la méconnaissance de l’obligation de souscrire une telle déclaration pouvant conduire à la nullité de la cession), et encadrent les modalités (délais et indication du prix de cession notamment) selon lesquelles, au regard de cette déclaration, la personne publique peut décider d’exercer ou non son droit de préemption.
L’exercice du droit de préemption par la personne publique qui en est titulaire lui permet d’acquérir un bien au moment de sa vente auprès de son propriétaire et, ainsi, d’évincer l’acquéreur initialement pressenti5. Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent toutefois être utilisés pour l’un des objets pour lesquels ce droit est prévu. À défaut, peut être ouverte aux anciens propriétaires la possibilité de demander la rétrocession des biens6.
b. – L’exercice du droit de préemption au sein des « périmètres sensibles » puis des « espaces naturels sensibles »
* De longue date, un droit de préemption a été reconnu aux départements au titre de la protection des « périmètres sensibles » puis des « espaces naturels sensibles ».
Cette législation trouve sa source dans le décret n° 59-768 du 26 juin 1959 tendant à préserver le caractère du littoral Provence-Côte d’Azur, qui avait permis une définition des premiers « périmètres sensibles » en prévoyant la possibilité d’y instaurer, par arrêté interministériel, des règles dérogatoires d’urbanisme pour protéger certains espaces boisés contre les lotissements.
La loi n° 60-1384 du 23 décembre 1960 portant loi de finances pour 1961 a entendu renforcer cette protection en instituant un droit de préemption au bénéfice de certains départements qui pouvait être exercé dans des périmètres définis par l’État7. Ces dispositions ont été ultérieurement codifiées, avec quelques ajustements, aux articles L. 142-1 et suivants du code de l’urbanisme8.
Ce droit pouvait ainsi être exercé sur tous les terrains inclus dans des zones délimitées par le préfet, après avis du conseil général et des communes concernées, pour certains départements inscrits sur une liste établie par décret en Conseil d’État 9.
Ces dispositions organisaient également un droit de substitution au profit des communes situées au sein de ces périmètres, si le département décidait de ne pas exercer son droit de préemption.
Ainsi, jusqu’en 1985, si le droit de préemption était confié aux départements, la compétence pour définir les zones dans lesquelles celui-ci s’exerçait appartenait à l’État.
* La loi du 18 juillet 198510 a procédé au transfert aux collectivités locales des outils d’aménagement et de gestion, dans le cadre plus général du mouvement de décentralisation, en remplaçant le régime des « périmètres sensibles » par celui des « espaces naturels sensibles ».
- D’une part, cette loi a confié au département la compétence pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles.
L’article L. 142-1 du code de l’urbanisme disposait en ce sens que, « Afin de préserver la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels, et selon les principes posés à l’article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non ».
- D’autre part, la loi a transféré aux départements la compétence pour délimiter eux-mêmes les zones à l’intérieur desquelles ils peuvent exercer leur droit de préemption.
L’article L. 142-3 du code de l’urbanisme prévoyait à cet égard que, pour la mise en œuvre de cette politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, « le conseil départemental peut créer des zones de préemption » sous certaines conditions. Dans ce cadre, il était notamment prévu que, à défaut d’accord de l’assemblée délibérante des communes concernées, ces zones ne pouvaient être créées par le conseil général qu’avec l’accord du préfet.
Pour le reste, la loi du 18 juillet 1985 reprenait l’essentiel des grands principes de la législation antérieure. Ainsi, comme auparavant, elle reconnaissait au département un droit de préemption sur les terrains11 faisant l’objet d’une aliénation volontaire, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit12. Ce droit de préemption s’accompagnait de la même manière d’une obligation faite au propriétaire de notifier une déclaration d’intention d’aliéner au titulaire de ce droit, à peine de nullité de l’aliénation13.
Les communes restaient, pour leur part, titulaires par substitution du droit de préemption. En outre, il était prévu que le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, lorsqu’il était territorialement compétent au titre de l’aliénation concernée, disposait d’une priorité d’exercice, pouvant se substituer au département si celui-ci n’exerçait pas le droit de préemption.
Par ailleurs, à défaut d’utilisation du bien acquis par l’exercice du droit de préemption au titre de la protection des espaces naturels sensibles, la loi ouvrait à l’ancien propriétaire ou à ses ayants cause universels ou à titre universel la possibilité de demander qu’il leur soit rétrocédé14.
* Afin d’accompagner la mise en œuvre de cette réforme, la loi du 18 juillet 1985 a déterminé les modalités de son entrée en vigueur au sein de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme15 et précisé certaines mesures destinées à assurer une forme de continuité entre les deux régimes de préemption antérieur et postérieur à cette loi.
À ce titre, le cinquième alinéa de l’article L. 142-12, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juillet 1985, prévoyait : « Le droit de préemption prévu à l’article L. 142-3 dans sa rédaction issue de la [présente] loi s’applique dès l’entrée en vigueur du présent chapitre à l’intérieur des zones de préemption délimitées en application de l’article L. 142-1 dans sa rédaction antérieure ».
Ainsi, le droit de préemption reconnu aux départements dans les zones qu’il leur revenait désormais de délimiter eux-mêmes, en application du nouveau régime, pouvait également continuer à s’exercer à l’intérieur des zones de préemption déjà délimitées par le préfet sous l’empire du régime antérieur.
En permettant « une sorte de tuilage entre ces deux législations »16, cette mesure a eu pour objectif d’éviter qu’un pur transfert de compétence en matière de délimitation des zones d’exercice du droit de préemption ait pour effet de rendre caducs l’ensemble des arrêtés préfectoraux sur lesquels les départements se fondaient jusqu’à présent, et, par ricochet, d’éviter également de leur imposer de définir en urgence de nouvelles zones de préemption pour continuer à exercer leur droit.
c. – L’abrogation des dispositions assurant la continuité entre les deux régimes de préemption lors de leur recodification
* À l’occasion de la recodification du code de l’urbanisme en 2015, les dispositions précitées de l’article L. 142-12 assurant la continuité entre les deux régimes de préemption ont été abrogées.
La loi du 24 mars 2014 avait habilité le Gouvernement à recodifier le code de l’urbanisme pour en clarifier la rédaction et le plan afin de le rendre ainsi plus lisible. Cette nouvelle codification devait être effectuée à droit constant, sous réserve des modifications rendues nécessaires, notamment, pour abroger les dispositions de ce code devenues obsolètes ou sans objet17.
Prise sur le fondement de cette habilitation, l’ordonnance du 23 septembre 201518 a procédé à cette recodification.
À ce titre, elle a recodifié les dispositions relatives aux espaces naturels sensibles :
- d’une part, aux articles L. 113-8 et suivants, pour les dispositions relatives à la politique départementale de protection des espaces naturels sensibles19 ;
- et, d’autre part, aux articles L. 215-1 et suivants, pour celles relatives au droit de préemption dans ces espaces20.
Pour le reste, cette ordonnance a abrogé, à compter du 1er janvier 2016, la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure, sans reprendre les dispositions de l’article L. 142-12. Ont été ainsi abrogées celles qui permettaient aux départements de continuer à exercer leur droit de préemption dans les zones définies par les préfets sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 18 juillet 1985.
Saisi d’une question sur la portée de cette abrogation, le Conseil d’État a confirmé, dans un avis contentieux du 29 juillet 2020, que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 septembre 2015, « le droit de préemption prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l’urbanisme n’est plus applicable dans les zones de préemption créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu’il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles »21. Ainsi que le résumait son rapporteur public, « une fois cette disposition supprimée, il n’y a plus de base légale qui permettrait à une collectivité de se prévaloir de ses anciennes zones pour fonder son droit de préemption »22.
2. – La validation législative des décisions de préemption prises dans les zones créées par les préfets au titre de la législation antérieure sur les périmètres sensibles (les dispositions renvoyées)
Ainsi que cela ressort de l’exposé des motifs du projet de loi à l’origine de ces dispositions, l’article 233 de la loi du 22 août 2021 précitée a entendu corriger cet état du droit. Il poursuit en ce sens un double objectif.
- En premier lieu, il redonne aux titulaires du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles la capacité d’exercer ce droit dans les périmètres sensibles créés par l’État avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985.
En effet, le paragraphe I de l’article 233 crée, au sein du code de l’urbanisme, un nouvel article L. 215-4-1 qui prévoit, selon une formule visant à répondre directement à l’avis précité du Conseil d’État, que désormais « Le droit de préemption prévu à l’article L. 215-4 est applicable à l’intérieur des zones fixées par l’autorité administrative en application de l’article L. 142-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement, et des textes pris pour son application et qui n’ont pas été intégrées dans les zones de préemption pouvant être instituées par délibération du conseil départemental au titre des espaces naturels sensibles ».
Le deuxième alinéa de ce même paragraphe précise que les actes et conventions intervenus dans les conditions prévues par la législation antérieure à la loi du 18 juillet 1985 demeurent valables sans qu’il y ait lieu de les renouveler.
- En second lieu, pour le passé, le paragraphe II de cet article 233 (les dispositions renvoyées) procède à la validation législative des décisions de préemption prises depuis le 1er janvier 201623, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme par l’ordonnance 23 septembre 2015, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.
Pour justifier cette mesure, l’exposé des motifs du projet de loi soulignait que « Cette suppression à partir du 1er janvier 2016 du droit de préemption dans les périmètres sensibles a en effet non seulement réduit les capacités des gestionnaires pour protéger la biodiversité et contribuer à l’atteinte des objectifs fixés par le Gouvernement en matière de lutte contre l’artificialisation, mais elle a également fait courir des risques juridiques et financiers importants pour les établissements publics et collectivités concernés. En effet, entre le 1er janvier 2016 et un arrêt du Conseil d’État de juin 2020 confirmant la suppression de base légale à ce droit de préemption, de nombreuses opérations ont été menées sur cette base, par les conseils départementaux ou leurs délégataires, pour plusieurs millions d’euros »24.
Sur le nombre d’opérations potentiellement concernées par l’abrogation de l’article L. 142-12, l’étude d’impact du projet de loi relevait en ce sens que « pour le seul Conservatoire du littoral, sur un total de plus de 1850 transactions foncières réalisées depuis 2016, 270 transactions ont été opérées par préemption, dont 100 transactions réalisées dans des zones de préemptions créées avant 1986 ».
B. – Origine de la QPC et question posée
Par une décision du 18 avril 2018, la commune de Sauvian avait exercé son droit de préemption, au titre de la législation sur les espaces naturels sensibles, sur plusieurs parcelles mises en vente sur le territoire de la commune et comprises au sein d’un périmètre sensible défini par un arrêté du préfet de l’Hérault du 16 juin 1983, et avait accepté le prix proposé par leur propriétaire. Le groupement foncier agricole J. et autres, acquéreurs évincés de cette vente, avaient saisi le tribunal administratif de Montpellier d’une requête tendant à l’annulation de cette décision de préemption et à ce qu’il soit enjoint au maire de procéder à la rétrocession de ces parcelles.
Par un premier jugement du 26 mars 2020, avant de statuer sur cette requête, le tribunal administratif avait transmis au Conseil d’État, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, une question relative à la portée qu’il convenait de donner à l’abrogation par l’ordonnance du 23 septembre 2015 de la possibilité, ouverte par les dispositions de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme, de faire usage du droit de préemption dans les zones délimitées par arrêté préfectoral. Le Conseil d’État avait statué sur cette question par l’avis contentieux du 29 juillet 2020 précité (cf. supra).
Par un jugement du 12 novembre 2020, suivant le sens de l’avis précité, le tribunal administratif de Montpellier avait jugé que, du fait de l’abrogation de l’article L. 142–12 du code de l’urbanisme, la commune ne pouvait, sans méconnaître le champ d’application de la loi, décider de préempter les parcelles en litige au titre des espaces naturels sensibles25. Il avait donc annulé la décision de préemption et enjoint au maire de la commune de Sauvian de proposer l’acquisition des parcelles préemptées à l’ancien propriétaire puis, le cas échéant, aux acquéreurs évincés.
La commune avait interjeté appel de ce jugement. La cour administrative d’appel de Marseille, se prononçant postérieurement à la promulgation de la loi du 22 août 2021, avait dès lors tenu compte de la validation prévue au paragraphe II de son article 233. Ainsi, par un arrêt du 21 mars 2022, elle avait annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier et rejeté la demande d’annulation de la décision de préemption du 18 avril 201826.
Le groupement foncier agricole J. et autres avaient alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt à l’occasion duquel ils avaient soulevé une QPC portant sur le paragraphe II de l’article 233 de la loi du 22 août 2021.
Dans sa décision du 25 septembre 2023 précitée, le Conseil d’État l’avait renvoyée au Conseil constitutionnel après avoir jugé que : « Alors qu’il ressort des éléments versés au dossier du Conseil d’État dans le cadre de l’instruction de la présente question prioritaire de constitutionnalité qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 233 de la loi du 22 août 2021 un très petit nombre de décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et le 25 août 2021 portant sur des biens situés dans une zone de préemption créée avant le 1er juin 1987 n’étaient pas devenues définitives, le moyen tiré de ce que les dispositions de validation en litige portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier méconnaissent l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen faute d’être justifiées par un motif impérieux d’intérêt général, soulève une question présentant un caractère sérieux ».
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
Les requérants soutenaient que, en validant les décisions de préemption prises dans les zones créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles, alors qu’elles étaient dépourvues de base légale depuis le 1er janvier 2016 du fait de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme, ces dispositions méconnaissaient les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Au soutien de ce grief, ils faisaient valoir que cette validation portait sur un petit nombre de décisions et n’était pas justifiée par des risques juridiques, financiers et fonciers, de sorte qu’elle ne répondait à aucun motif impérieux d’intérêt général.
Selon eux, ces dispositions, qui privaient d’effet les ventes conclues au titre de la rétrocession des biens irrégulièrement préemptés, méconnaissaient également le droit de propriété et le droit au maintien des conventions légalement conclues.
A. – La jurisprudence constitutionnelle relative à la garantie des droits
* Aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
De cette disposition, le Conseil constitutionnel a tiré un principe de garantie des droits qui trouve plusieurs formulations. Il juge ainsi sur ce fondement que les situations légalement acquises doivent être protégées de toute nouvelle intervention législative, sauf si celle-ci est justifiée par un motif d’intérêt général suffisant27. Cette jurisprudence a ensuite évolué, le Conseil faisant également porter son contrôle sur les effets qui peuvent être légitimement attendus des situations légalement acquises28.
Le Conseil constitutionnel a également développé une jurisprudence spécifique en cas de modification rétroactive d’une règle de droit ou de validation par le législateur d’un acte administratif ou de droit privé. C’est principalement pour le contrôle des lois dites de validation, qui tendent à « soustraire au risque d’annulation par le juge un acte ou une série d’actes qui sont généralement des actes administratifs »29 et dont l’objet même est d’avoir un effet rétroactif, que cette jurisprudence a été construite30.
Dans le dernier état de sa jurisprudence, telle que l’a fixée la décision n° 2013–366 QPC du 14 février 201431, la formulation de principe, qui n’est pas limitée aux lois de validation, prévoit que « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l’atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d’intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ».
Ainsi, la modification rétroactive d’une règle de droit ou la validation par le législateur d’un acte administratif dont une juridiction est saisie ou est susceptible de l’être doit satisfaire aux cinq conditions suivantes :
− elle doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée ;
− elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ;
− l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ;
− la portée de la validation doit être strictement définie ;
− l’atteinte aux droits des parties qui résulte de la validation doit être justifiée par un motif impérieux d’intérêt général.
Cette exigence a été réaffirmée à plusieurs reprises, y compris dans le cadre de la procédure de QPC.
* Il ressort de la jurisprudence rendue en la matière que la condition déterminante du respect des exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 réside, le plus souvent, dans le caractère « impérieux » du motif d’intérêt général justifiant la validation ou la rétroactivité.
Dans ce cadre, le Conseil a notamment pu reconnaître que constitue un motif impérieux d’intérêt général la volonté du législateur, intervenant à la suite d’une décision de justice, de mettre un terme à un contentieux « de masse » ou de prévenir des risques financiers majeurs pouvant notamment affecter les finances publiques (de l’État ou des collectivités locales).
- Ainsi, dans sa décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 précitée, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions qui validaient, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les délibérations instituant sur leur territoire un « versement transport » adoptées par les syndicats mixtes, avant le 1er janvier 2008, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que ces organismes ne sont pas des établissements publics de coopération intercommunale au sens des dispositions sur le « versement transport ».
Pour qualifier d’impérieux le motif d’intérêt général poursuivi par ces dispositions, le Conseil constitutionnel a jugé : « par les dispositions successives des lois du 24 décembre 2007 et du 29 décembre 2012, le législateur a entendu mettre un terme à des années de contentieux relatifs aux délibérations des syndicats mixtes instituant le "versement transport" ; qu’en adoptant les dispositions contestées de la loi du 29 décembre 2012, le législateur a entendu donner un fondement législatif certain aux délibérations des syndicats mixtes composés exclusivement ou conjointement de communes, de départements ou d’établissements publics de coopération intercommunale ayant institué le "versement transport" avant le 1er janvier 2008 ; qu’il a également entendu éviter une multiplication des réclamations fondées sur la malfaçon législative révélée par les arrêts précités de la Cour de cassation, et tendant au remboursement d’impositions déjà versées, et mettre fin au désordre qui s’en est suivi dans la gestion des organismes en cause ; que les dispositions contestées tendent aussi à prévenir les conséquences financières qui auraient résulté de tels remboursements pour certains des syndicats mixtes en cause et notamment ceux qui n’avaient pas adopté une nouvelle délibération pour confirmer l’institution du "versement transport" après l’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2007 ; que, dans ces conditions, l’atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des entreprises assujetties au "versement transport" est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général »32. Le Conseil a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
- Dans sa décision n° 2017-644 QPC du 21 juillet 2017, le Conseil constitutionnel devait statuer sur la question de la conformité à la Constitution de la loi validant la compensation du transfert de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) à certaines collectivités et établissements locaux. Le législateur avait, en substance, organisé le transfert de cette taxe au bénéfice des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Pour assurer la neutralité financière de ce transfert, un montant équivalent devait initialement être récupéré sur la dotation globale de fonctionnement des collectivités bénéficiaires de ce transfert. Toutefois, alors que les dispositions organisant le transfert de la taxe avaient un caractère pérenne (« à compter du 1er janvier 2011 »), les dispositions organisant la compensation prévoyaient elles une application ponctuelle (« en 2011 »), cette interprétation ayant été confirmée par une décision du Conseil d’État. Dès lors, à partir de 2012, aucune disposition législative ne permettait d’assurer cette compensation du transfert de la Tascom. La loi dont avait été saisi le Conseil avait ainsi entendu combler le défaut de base légale des arrêtés préfectoraux prévoyant cette compensation au-delà de cette seule année.
Le Conseil a jugé qu’« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu mettre un terme à l’important contentieux fondé sur la malfaçon législative révélée par la décision précitée du Conseil d’État. Il a également entendu prévenir les importantes conséquences financières qui en auraient résulté pour l’État. Dans ces conditions, l’atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant fait l’objet de ce mécanisme de compensation au titre des années 2012 à 2014 est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ». Après avoir jugé que la loi de validation remplissait également les autres conditions prévues par sa jurisprudence, le Conseil a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution33.
- Si, dans sa jurisprudence, le Conseil reconnaît qu’un motif financier peut constituer, à lui seul, un « motif impérieux d’intérêt général », il exige toutefois que les conséquences financières que le législateur entend éviter soient de grande ampleur.
Ainsi, dans sa décision n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014, le Conseil était saisi d’une loi qui devait permettre la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public en validant les clauses de ces contrats qui, suivant une jurisprudence judiciaire, méconnaissaient des exigences du code de la consommation34. Cette jurisprudence judiciaire permettait à ces personnes morales d’espérer un gain financier compte tenu des taux d’intérêts applicables à ces contrats. Au titre du motif d’intérêt général, le Conseil a souligné : « qu’il résulte des travaux parlementaires qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les conséquences financières directes ou indirectes, pouvant excéder dix milliards d’euros, résultant, pour les établissements de crédit qui ont accordé des emprunts "structurés" à des collectivités territoriales, à leurs groupements ou à des établissements publics locaux, en particulier les établissements de crédit auxquels l’État a apporté sa garantie, de la généralisation des solutions retenues par le tribunal de grande instance de Nanterre dans deux jugements du 8 février 2013 et du 7 mars 2014 […] ; que l’incertitude quant au montant exact du risque financier global est inhérente à l’existence de nombreuses procédures juridictionnelles en cours portant sur des cas d’espèce différents et à l’existence de procédures susceptibles d’être encore introduites ; / Considérant que, par suite, eu égard à l’ampleur des conséquences financières qui résultent du risque de la généralisation des solutions retenues par les jugements précités, l’atteinte aux droits des personnes morales de droit public emprunteuses est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général »35. Après avoir écarté le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits, le Conseil a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.
- Au titre des risques financiers que la validation entend conjurer, le Conseil constitutionnel a également pu tenir compte du risque de renchérissement des coûts pour les consommateurs.
Ainsi, dans sa décision n° 2019-776 QPC du 19 avril 2019, le Conseil était saisi d’une loi de validation des conventions relatives à l’accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs d’électricité. Pour juger que ces dispositions ne méconnaissaient pas les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789, le Conseil a notamment souligné : « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les conséquences financières pour les gestionnaires de réseaux et, indirectement, les consommateurs, susceptibles de résulter du remboursement des frais de gestion de clientèle mis à la charge des fournisseurs d’électricité. / D’une part, les fournisseurs d’électricité peuvent soit être soumis aux tarifs réglementés de vente soit décider eux-mêmes, sur le marché, des prix qu’ils pratiquent. Selon la situation dans laquelle ils se trouvent et le prix ou le tarif pratiqué, la réalité et l’ampleur de leur préjudice résultant des coûts de gestion de clientèle supportés par eux pour le compte des gestionnaires de réseaux sont susceptibles d’appréciations différentes. L’incertitude quant au montant exact du risque financier global est donc inhérente aux procédures en cours ou à celles susceptibles d’être introduites, qui portent sur des cas d’espèce différents. / D’autre part, les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité, lesquels sont investis d’une mission de service public, sont rémunérés sur la base du tarif prévu à l’article L. 341-2 du code de l’énergie. Dès lors, le remboursement des frais de gestion, qui fait l’objet des litiges soumis à la validation contestée, serait susceptible de provoquer un renchérissement de ces tarifs, qui se répercuterait sur le prix payé par les consommateurs finaux d’électricité. / Par suite, eu égard aux conséquences financières susceptibles de résulter des litiges visés par la validation et à leur répercussion sur le coût de l’électricité acquitté par l’ensemble des consommateurs, l’atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des fournisseurs d’électricité ayant conclu les conventions validées est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général »36.
Le commentaire de cette décision rappelle que le motif financier peut constituer à lui seul un motif impérieux d’intérêt général et que l’incertitude sur le montant exact de ce risque ou sur le montant exact des sommes susceptibles d’être réclamées par les fournisseurs d’électricité n’est pas dirimante, dès lors que l’ordre de grandeur minimal était, lui, connu et évalué37.
* Dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelles des dispositions de validation qui ne respectaient pas les exigences ainsi posées par sa jurisprudence, en particulier au motif que l’objectif de la validation ne constituait pas un motif impérieux d’intérêt général.
- Dans sa décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, le Conseil était saisi des dispositions de la loi du 18 décembre 2013 qui avaient pour effet de réserver la possibilité d’obtenir l’allocation de reconnaissance et les dispositifs complémentaires prévus par le législateur aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun ayant formé une demande en ce sens avant l’entrée en vigueur de cette loi, soit que cette demande a été acceptée par l’administration, soit qu’ils ont obtenu une décision juridictionnelle favorable passée en force de chose jugée. Le Conseil a d’abord souligné qu’il s’agissait bien d’une loi de validation, relevant que : « en prévoyant l’application de ces dispositions aux demandes d’allocation de reconnaissance présentées avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013, qui n’ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée, le paragraphe II de l’article 52 a pour objet de valider, de façon rétroactive, les décisions de refus opposées par l’administration aux demandes d’allocations et de rentes formées par les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives relevant du statut civil de droit commun ».
Opérant son contrôle, il a alors jugé « que les dispositions législatives ouvrant un droit à allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie relevant du statut civil de droit commun sont restées en vigueur plus de trente-quatre mois ; que les dispositions contestées ont pour effet d’entraîner l’extinction totale de ce droit, y compris pour les personnes ayant engagé une procédure administrative ou contentieuse en ce sens à la date de leur entrée en vigueur ; que l’existence d’un enjeu financier important pour les finances publiques lié à ces dispositions n’est pas démontrée ; que, par suite, la volonté du législateur de rétablir un dispositif d’indemnisation correspondant pour partie à son intention initiale ne constitue pas en l’espèce un motif impérieux d’intérêt général justifiant l’atteinte au droit des personnes qui avaient engagé une procédure administrative ou contentieuse avant cette date ». Il les a donc déclarées contraires à la Constitution38.
- Lorsque des risques financiers ou contentieux ressortent des travaux préparatoires de la loi de validation ou sont allégués au soutien de la constitutionnalité de la mesure de validation contestée, le Conseil apprécie la matérialité de ces risques. Si, au regard des éléments avancés, il estime qu’ils ne sont pas démontrés ou pas suffisamment établis dans leur ampleur, il juge qu’il n’y a pas de motif impérieux d’intérêt général.
Ainsi, dans sa décision n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016, le Conseil était saisi de la loi de validation des évaluations de valeur locative par comparaison avec un local détruit ou restructuré. Pour justifier cette mesure étaient invoqués en particulier un risque de contentieux et un risque financier.
Sur le risque de contentieux, le Conseil a jugé : « qu’il résulte des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2014 qu’en adoptant les dispositions contestées le législateur a entendu éviter le développement d’un contentieux de masse susceptible, d’une part, de perturber l’activité de l’administration fiscale et du juge administratif et, d’autre part, d’engendrer un risque financier pour l’État et les collectivités territoriales affectataires des impositions assises sur la valeur locative des propriétés bâties ; / Considérant, toutefois, d’une part, qu’il n’est pas établi que, du fait de la décision du Conseil d’État du 5 février 2014, le nombre de contestations de la fixation des valeurs locatives s’accroisse dans des conditions de nature à perturber l’activité de l’administration fiscale et de la juridiction administrative »39.
Pour considérer que le risque financier n’était pas non plus établi, le Conseil, prenant en considération les chances de succès des contestations que la loi de validation entendait éviter, a relevé : « d’autre part, que selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, le recours à un terme de comparaison jugé inapproprié pour fixer la valeur locative d’un local visé par l’article 1496 ou l’article 1498 du code général des impôts ne conduit pas à la décharge de l’impôt assis sur cette valeur locative, [et qu’ainsi], l’issue d’une contestation de la valeur locative d’un local visé à l’article 1496 ou à l’article 1498 du code général des impôts, fondée sur le caractère inapproprié du terme de comparaison utilisé à cette fin par l’administration, est incertaine quant au montant de la cotisation d’impôt fixée finalement ; que, par suite, l’existence d’un risque financier pour l’État et les collectivités territoriales n’est pas établie »40. Il a donc censuré ces dispositions.
B. – L’application à l’espèce
* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions contestées à l’aune du grief tiré de la méconnaissance des exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Après avoir rappelé sa formulation de principe en matière de contrôle des lois de validation (paragr. 4), le Conseil a décrit l’objet des dispositions contestées.
Pour cela, il a d’abord rappelé l’évolution du cadre juridique applicable au droit de préemption en application de la législation sur les périmètres sensibles. À l’origine, en vertu de l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 1985, le préfet était chargé de déterminer, à l’intérieur de périmètres sensibles qu’il délimitait, des zones dans lesquelles le département pouvait exercer un droit de préemption en vue de la protection des sites et des paysages. La loi du 18 juillet 1985, qui a confié au département la compétence en matière de protection des espaces naturels sensibles, a transféré au département la possibilité de créer lui-même des zones dans lesquelles peut être exercer, à ce titre, un droit de préemption (paragr. 5). Afin d’assurer la transition entre ces deux régimes, l’article L. 142-12 du même code prévoyait que le droit de préemption du département pouvait s’exercer dans les zones auparavant déterminées par les préfets (paragr. 6).
Le Conseil a ensuite rappelé les effets résultant de la recodification du code de l’urbanisme opérée par l’ordonnance du 23 septembre 2015 : les dispositions de l’article L. 142-12 qui assuraient la continuité entre les deux régimes de préemption (« périmètres sensibles » et « espaces naturels sensibles ») ont été abrogées à compter du 1er janvier 2016, de sorte que, « depuis cette date, le droit de préemption confié aux départements dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de protection des espaces naturels sensibles n’est plus applicable dans les zones de préemption qui avaient été créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu’il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles », ainsi que l’avait relevé le Conseil d’État dans son avis contentieux du 29 juillet 2020 (paragr. 8).
C’est cette abrogation qui était à l’origine de l’intervention contestée du législateur, le paragraphe II de l’article 233 de la loi du 22 août 2021 prévoyant que, « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 sont validées en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme par l’ordonnance du 23 septembre 2015 » (paragr. 9).
Au regard de l’objet même des dispositions contestées, l’opérance du grief tiré de la méconnaissance des exigences liées à la garantie des droits ne faisait ici aucun doute, les dispositions contestées constituant expressément une disposition législative de validation, au sens de la jurisprudence constitutionnelle précitée.
* Il appartenait donc au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution de ces dispositions à l’aune de la grille d’analyse précitée.
Au cas présent, les conditions autres que celle tenant à l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général ne soulevaient pas de difficulté particulière et n’étaient d’ailleurs pas discutées par les parties. Le Conseil s’est donc concentré sur l’examen de la condition tenant à l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général.
Il s’est d’abord attaché à identifier l’objectif poursuivi par le législateur, en s’appuyant sur les travaux préparatoires de la loi du 22 août 2021. Il a relevé à cet égard que, « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les conséquences financières, foncières et environnementales susceptibles de résulter tant de l’annulation par les juridictions administratives des décisions de préemption privées de base légale que de la rétrocession des biens irrégulièrement préemptés » (paragr. 10).
Conformément à sa jurisprudence précitée, le Conseil constitutionnel devait donc s’assurer de la réalité et de l’ampleur de chacun des risques que la loi de validation avait pour but de conjurer, et dont tirait d’ailleurs argument en défense la Première ministre.
D’une part, s’agissant du risque contentieux, le Conseil constitutionnel a jugé que, « eu égard au faible nombre de décisions de préemption qui, n’étant pas devenues définitives, font ou sont susceptibles de faire l’objet d’un recours, le risque qu’un contentieux important résulte de la contestation de ces décisions n’est pas établi » (paragr. 11).
En effet, les dispositions contestées de validation de la loi de 2021 visaient à sécuriser juridiquement non pas, de manière indifférenciée, toutes les décisions de préemption fondées sur les périmètres sensibles adoptées depuis le 1er janvier 2016, mais, comme l’avait relevé le rapporteur public du Conseil d’État dans ses conclusions sur la décision de renvoi de la QPC, uniquement celles qui, n’étant pas devenues définitives, étaient encore susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux tiré du défaut de leur base légale.
Ce faisant, le Conseil a tenu compte de la motivation de la décision de renvoi du Conseil d’État, qui avait estimé qu’il ressortait des éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige au fond que, à la date d’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, « un très petit nombre de décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et le 25 août 2021 portant sur des biens situés dans une zone de préemption créée avant le 1er juin 1987 n’étaient pas devenues définitives »41.
D’autre part, s’agissant du risque financier, le Conseil a rappelé que, « en cas de rétrocession du bien irrégulièrement préempté, la personne titulaire du droit de préemption reçoit le versement d’un prix de rétrocession. Par ailleurs, si sa responsabilité est susceptible d’être recherchée, il appartient toutefois à la partie lésée de prouver un préjudice direct et certain » (paragr. 12).
Ainsi, à supposer que la décision de préemption soit annulée par le juge administratif et qu’une injonction de rétrocession du bien irrégulièrement préempté soit prononcée, la personne publique perdrait certes in fine la propriété du bien préempté, mais elle récupérerait aussi en contrepartie la somme initialement investie auprès de celui qui la reçoit (l’acquéreur évincé ou l’ancien propriétaire).
Le risque financier résultant d’un éventuel contentieux indemnitaire ne présentait, pour sa part, qu’un caractère résiduel. D’une part, le nombre de décisions illégales susceptibles d’engager la responsabilité et d’ouvrir droit à indemnisation était limité. D’autre part, cette indemnisation supposerait, pour la partie lésée, de prouver un préjudice dans la configuration particulière où la préemption, bien qu’illégale, a néanmoins donné lieu à l’échange d’un bien contre un prix convenu42.
Dans ces conditions, il en a déduit que « l’existence d’un risque financier important pour les personnes publiques concernées n’est pas établie » (même paragr.).
Ce faisant, le Conseil n’a pas admis que la seule volonté de rétablir l’intention initiale du législateur puisse constituer, en soi, et indépendamment de toute autre considération, un motif impérieux d’intérêt général.
En juger autrement aurait conduit à légitimer toute intervention rétroactive du législateur justifiée par la seule nécessité de corriger une maladresse de rédaction ou une mauvaise appréciation de l’objet d’une disposition, alors que le Conseil constitutionnel situe, depuis 2013, son contrôle au même niveau d’exigence que la Cour européenne des droits de l’homme en remplaçant la référence à un « intérêt général suffisant » par la référence à un « motif impérieux d'intérêt général ». Or, la raison d’être du critère ainsi rehaussé est de s’assurer de l’importance objective des motifs avancés pour justifier l’atteinte portée aux droits des particuliers par la validation législative, et non du caractère intentionnel ou non des circonstances à l’origine du problème que cette validation vient résoudre.
Enfin, le Conseil a apprécié les conséquences environnementales potentielles résultant de l’annulation par le juge administratif des décisions de préemption prises au titre de la protection des espaces naturels sensibles, la loi de validation ayant précisément pour objet d’empêcher ces annulations.
Sur ce point, il s’est appuyé sur la jurisprudence constante du Conseil d’État qui détermine l’office du juge de l’exécution en la matière43. Le Conseil constitutionnel en a déduit que, « lorsque le juge administratif se prononce sur les conséquences de l’annulation de la décision de préemption, il lui appartient de s’assurer que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général s’attachant à la préservation et à la mise en valeur de sites remarquables » (paragr. 13).
Ainsi l’annulation d’une décision de préemption ne conduit-elle pas systématiquement à la rétrocession des biens irrégulièrement préemptés. L’existence d’un risque environnemental important pour la protection des espaces naturels sensibles n’était, dès lors, pas non plus établie.
De l’ensemble de ces éléments, le Conseil a déduit « qu’aucun motif impérieux d’intérêt général ne justifie l’atteinte portée au droit des justiciables de se prévaloir du moyen tiré de l’abrogation des dispositions de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme afin d’obtenir l’annulation de décisions de préemption privées de base légale » (paragr. 14).
Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, il a déclaré les dispositions contestées contraires à la Constitution (paragr. 15).
* Enfin, le Conseil s’est prononcé sur les effets dans le temps de cette décision de censure.
À cet égard, il a considéré qu’aucun motif ne justifiait de reporter dans le temps la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité, de sorte qu’elle prend effet dès sa date de publication et est applicable dans toutes les affaires non jugées définitivement à cette même date (paragr. 17).
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1 Agathe Van Lang, Geneviève Gondouin et Véronique Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, Sirey, 7e édition, p. 347.
2 Pour un panorama de la question, voir Conseil d’État, Le droit de préemption, étude adoptée par l’Assemblée générale du Conseil d’État, La documentation française, 2008.
3 Droit de préemption urbain (article L. 211-1 du code de l’urbanisme), zones d’aménagement différé et périmètres provisoires (article L. 212-1), droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce ou baux commerciaux et terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial (article L. 214-1), droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (article L. 215-1), droit de préemption en vue de l’acquisition de de terrains destinés à la création de jardins familiaux (article L. 216-1), droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine (L. 218-1), droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (article L. 219-1).
4 Cette déclaration doit notamment préciser le prix et les conditions de l’aliénation, et mentionner, le cas échéant, le nom de la personne qui s’est portée acquéreur.
5 La préemption ne saurait s’exercer qu’à l’égard d’un bien que son propriétaire souhaite vendre, ce qui la distingue de l’expropriation. En revanche, le droit de préemption partage avec cette procédure le caractère hybride du contentieux qui s’y rattache, dans la mesure où la décision de préemption étant un acte administratif détachable de l’acquisition, elle relève de la compétence de la juridiction administrative tandis que la vente elle-même, en tant qu’acte de droit privé, relève de la compétence du juge judiciaire.
6 Le propriétaire et l’acquéreur évincé ont la possibilité de saisir le juge administratif afin d’obtenir l’annulation de la décision de préemption et demander, le cas échéant, que ce dernier enjoigne à l’autorité titulaire du droit de préemption de procéder à la rétrocession du bien en cause.
7 Paragraphe I de l’article 65 de cette loi.
8 Décret n° 73-1022 du 8 novembre 1973 relatif à la codification des textes législatifs concernant l’urbanisme (1re partie : Législative) et portant révision du code de l’urbanisme et de l’habitation. À cette occasion, la compétence reconnue au ministre de la construction pour délimiter des zones de préemption comprises dans les périmètres sensibles avait été confiée aux préfets de département.
9 L’instauration de ce droit de préemption s’est accompagnée d’une mesure permettant son financement : la « redevance départementale d’espaces verts » tenant lieu de participation forfaitaire aux dépenses des départements pour l’acquisition des terrains par voie amiable, par expropriation ou par exercice du droit de préemption, et pour l’aménagement de ces terrains en espaces libres incorporés au domaine public départemental (paragraphe II de l’article 65 de loi du 23 décembre 1960).
10 Loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement, qui réforme différents instruments fonciers et crée notamment les zones d’aménagement différé.
11 Ou sur l’ensemble de droits sociaux donnant vocation à l’attribution de propriété ou en jouissance de terrains.
12 Ancien article L. 142-3, alinéa 3, du code de l’urbanisme. Comme auparavant, la loi prévoyait une taxe départementale permettant de contribuer au financement de la politique départementale de protection des espaces naturels sensibles (ancien article L. 142-2 du code de l’urbanisme).
13 Ancien article L. 142-4 du code de l’urbanisme.
14 Ancien article L. 142-8 du code de l’urbanisme.
15 Ainsi, par exemple, le premier alinéa de l’article L. 142-12 prévoyait que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard un an après la publication de la loi. Son deuxième alinéa prévoyait la transition entre l’ancienne taxe départementale d’espaces verts et la nouvelle taxe départementale des espaces naturels sensibles.
16 Vincent Villette, conclusions sur CE, avis, 29 juillet 2020, n° 439801 (voir infra).
17 Article 171 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder, par voie d’ordonnance, à une nouvelle rédaction du livre Ier du code de l’urbanisme afin d’en clarifier la rédaction et le plan. Cette nouvelle codification est effectuée à droit constant après intégration des dispositions législatives en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance ou entrant en vigueur après cette date, et sous réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, pour harmoniser l’état du droit et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet […] ».
18 Ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme, ratifiée par l’article 156 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
19 Les articles L. 113-8 à L. 113-14 du code de l’urbanisme forment la section 2 « Espaces naturels sensibles » du chapitre III « Espaces protégés » du titre Ier « Règles applicables sur l’ensemble du territoire » du livre Ier « Réglementation de l’urbanisme » de ce code. À ce titre, c’est l’article L. 113-8 qui prévoit désormais que « Le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels (…) » et l’article L. 113-14 dispose que « Pour mettre en œuvre la politique prévue à l’article L. 113-8, le département peut créer des zones de préemption dans les conditions définies aux articles L. 215-1 et suivants. »
20 Le nouvel article L. 215-1 du code de l’urbanisme ouvre ainsi aux départements la possibilité de créer des zones de préemption pour la mise en œuvre de la politique de protection des espaces naturels sensibles. Le nouvel article L. 215-4 prévoit, quant à lui, que les départements disposent d’un droit de préemption à l’intérieur des zones ainsi délimitées.
21 Conseil d’État, avis, 29 juillet 2020, n° 439801. La question posée était libellée de la manière suivante : « le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l’urbanisme peut-il être exercé à l’intérieur des zones de préemption créées dans les périmètres sensibles en application de l’article L. 142-1 de ce code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement, alors même que l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme, qui prévoyait cette possibilité, a été abrogé ».
22 Vincent Villette, conclusions précitées.
23 Date d’effet de l’abrogation de l’ancien article L. 142-12.
24 Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, n° 3875 rectifié, de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, déposé le 10 février 2021 à l’Assemblée nationale.
25 Plus précisément, le tribunal administratif avait relevé que le périmètre sensible défini par un arrêté préfectoral du 16 juin 1983 n’était plus susceptible de faire l’objet du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, défini par les articles L. 215-1 et suivants du code de l’urbanisme, et avait également constaté que ce périmètre n’avait pas été intégré dans une zone de préemption que le département aurait lui-même créé au titre de ces espaces (points 4 à 7 du jugement).
26 Cour administrative d’appel de Marseille, 21 mars 2022, n° 21MA00218.
27 Depuis sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, cons. 45.
28 Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, cons. 14. Dans le dernier état de sa jurisprudence, le Conseil énonce ainsi : « Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l’empire de textes antérieurs » (décision n° 2019-812 QPC du 15 novembre 2019, M. Sébastien M. et autre (Suppression de l’abattement pour durée de détention sur les gains nets retirés des cessions d’actions et de parts sociales), paragr. 5).
29 Service des études juridiques, Le régime juridique des validations législatives, Sénat, division des recherches et études, janvier 2006, p. 3.
30 Le Conseil avait fixé, dans sa décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, trois conditions à la constitutionnalité des lois de validation : l’existence d’un intérêt général, le respect du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et celui des décisions de justice passées en force de chose jugée (Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs, cons. 6, 7 et 9). Au fil des années, ces conditions ont été progressivement précisées afin de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait condamné la France dans l’arrêt Zielinski du 28 octobre 1999 (CEDH, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c. France, 28 octobre 1999, nos 24846/94, 34165/96 et 34166/96) et de nouvelles exigences ont été posées.
31 Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, SELARL PJA, ès qualités de liquidateur de la société Maflow France (Validation législative des délibérations des syndicats mixtes instituant le « versement transport »), cons. 3. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a modifié son considérant de principe sur le contrôle des lois de validation en remplaçant la référence à un « intérêt général suffisant » par la référence à un « motif impérieux d’intérêt général ». Ce faisant, le Conseil a entendu expressément souligner l’exigence de son contrôle, qui a la même portée que le contrôle assuré sur le fondement des exigences qui résultent de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
32 Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 précitée, cons. 6.
33 Décision n° 2017-644 QPC du 21 juillet 2017, Communauté de communes du pays roussillonnais (Validation de la compensation du transfert de la TASCOM aux communes et aux EPCI à fiscalité propre), paragr. 6 à 9.
34 Ces dispositions entendaient tenir compte d’une précédente décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré des dispositions validant ces mêmes contrats au motif qu’elles ne respectaient pas les exigences applicables en la matière (décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014, dans laquelle le Conseil avait jugé que « la validation résultant du paragraphe II s’applique à toutes les personnes morales et à tous les contrats de prêts en tant que la validité de la stipulation d’intérêts serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global ; que, d’une part, ces critères ne sont pas en adéquation avec l’objectif poursuivi ; que, d’autre part, cette validation revêt une portée très large ; que, par suite, les dispositions contestées portent une atteinte injustifiée aux droits des personnes morales ayant souscrit un emprunt ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le paragraphe II de l’article 92 méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (cons. 79).
35 Décision n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014, Loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, cons. 11, 14 et 15.
36 Décision n° 2019-776 QPC du 19 avril 2019, Société Engie (Validation des conventions relatives à l’accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d’électricité), paragr. 5 à 13.
37 Sur ce point, le commentaire de la décision n° 2019-776 QPC précitée énonce que « (…) si un doute pouvait exister sur "le montant exact" des sommes susceptibles d’être réclamées, l’ordre de grandeur minimal du contentieux susceptible d’être soumis au juge était connu – au moins plusieurs centaines de millions d’euros –, la contestation portant principalement sur l’évaluation plus élevée – plusieurs milliards – qui en avait été faite par la CRE et que faisait valoir le Premier ministre dans ses écritures ».
38 Décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, Mme Josette B.-M. (Allocation de reconnaissance III), cons. 9 à 11.
39 Décision n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016, Société civile immobilière PB 12 (Validation des évaluations de valeur locative par comparaison avec un local détruit ou restructuré), cons. 7 et 8. Le commentaire de la décision relève à cet égard que « ni les travaux préparatoires, ni les observations du Premier ministre ne comportaient d’indices d’un surcroît de contentieux provoqué par la décision susmentionnée du Conseil d’État. »
40 Décision n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016 précitée, cons. 9.
41 Point 7 de la décision de renvoi du Conseil d’État du 25 septembre 2023.
42 La doctrine souligne le faible nombre de chefs de préjudice pouvant ouvrir droit à une indemnisation du vendeur ou de l’acquéreur évincé, même dans l’hypothèse où serait constatée l’illégalité de la décision de préemption (voir par exemple : « Les conséquences de l’illégalité de la décision de préemption » – Christian Debouy – AJDI 1998. 34 ; voir également : Les grandes décisions du droit administratif des biens, Caroline Chamard-Heim, Fabrice Melleray, Rozen Noguellou et Philippe Yolka, 4e éd., n° 24 « Le contentieux des décisions de préemption », § 15 à 17)
43 Conseil d’État, 28 septembre 2020, n° 430951.