Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 septembre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1204 du 20 septembre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Sékou D., enregistrée sous le n° 2023-1069 QPC, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 380-16 et 380-17 du code de procédure pénale (CPP) ainsi que du 4° de l’article 380-19 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Il a également été saisi le même jour par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1205 du 20 septembre 2023) d’une QPC posée par M. Klevis M., enregistrée sous le n° 2023-1070 QPC, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 380–16 à 380-22 du CPP, dans leur rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021 précitée.
Dans sa décision n° 2023-1069/1070 QPC du 24 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les premier et troisième alinéas de l’article 380-16 du CPP, les mots « est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort » figurant à la première phrase de l’article 380-17 du même code, ainsi que les 1°, 3° et 4° de l’article 380-19 de ce code.
Dans cette affaire, Mme Véronique Malbec a estimé devoir s’abstenir de siéger.
I. – Les dispositions contestées
A. – Objet des dispositions contestées
1. – Le jugement des crimes par les cours d’assises
a. – Historique de la cour d’assises
* En réaction à la procédure pénale de l’Ancien Régime, régie par l’ordonnance criminelle de 1670 et dont l’arbitraire avait été dénoncé par les philosophes des Lumières, la Constitution de 1791 avait posé le principe d’une justice criminelle rendue au terme d’une instruction publique et contradictoire par une juridiction composée de jurés, chargés de se prononcer sur le fait, et de magistrats professionnels, appelés à faire application de la loi1.
La loi des 16 et 29 septembre 1791 sur la police de sûreté, la justice criminelle et l’institution des jurés avait ainsi créé le tribunal criminel départemental. Saisi par un jury d’accusation, ce tribunal était composé de douze jurés chargés de statuer sur la culpabilité et de quatre juges élus. La présence d’un jury trouvait alors sa raison d’être dans la volonté de substituer au « juge technicien »2, symbole de la justice criminelle de l’Ancien Régime, la volonté du peuple souverain représenté par les jurés. Le jury populaire était conçu comme étant un gage « d’ouverture, de pluralisme, d’universalité », « la condition d’une justice plus raisonnable, car rendue par des gens ordinaires. […] Il permettrait de remédier au problème de la distance qui séparerait les magistrats professionnels, froids techniciens embourbés dans les arcanes juridiques, des citoyens normaux avec leurs problèmes normaux, distance obstacle à une justice humaine »3.
S’inspirant largement de ce dispositif, le code d’instruction criminelle de 1808 a institué la cour d’assises, composée de douze jurés qui décident de la culpabilité et de cinq magistrats professionnels chargés, le cas échéant, de statuer sur la peine, au terme de débats oraux, publics et contradictoires. Cependant, en raison d’une certaine défiance du pouvoir à l’égard du jury populaire4, ce code avait prévu que les jurés seraient tirés au sort sur une liste établie par le préfet et constituée de citoyens choisis en raison de leur fortune, de leur instruction ou de leur profession. Par ailleurs, les jurys d’accusation furent supprimés et leurs attributions transférées à une formation spéciale de la cour d’appel : la chambre des mises en accusation, qui se prononçait après une instruction secrète et écrite des affaires.
* Depuis cette date, le fonctionnement de la cour d’assises a connu d’importantes évolutions.
– Le rôle des jurés a été modifié. Ainsi, la loi du 25 novembre 1941 sur le jury5 leur a retiré leur compétence propre en prévoyant que les jurés délibèrent avec les magistrats tant sur la culpabilité que sur la peine. Dans un contexte où le taux d’acquittement avait pu avoisiner les 40 %, « Le principe de l’échevinage, ainsi consacré, était conçu comme une manière de rendre les décisions des jurys plus homogènes et de mieux assurer la prise en compte de la règle de droit »6.
– Le poids respectif des magistrats et des jurés a également connu des évolutions. La loi du 25 novembre 1941 précitée a d’abord ramené de douze à six le nombre des jurés. Puis, le CPP de 19587 a porté à neuf le nombre de jurés tout en instituant une « minorité de faveur » au bénéfice de l’accusé : la culpabilité ne pouvait être acquise qu’à la majorité qualifiée (initialement fixée à huit voix sur les douze que comptait la cour d’assises), garantissant ainsi la primauté du jury dans toute décision de condamnation rendue en matière criminelle.
– Après que plusieurs lois ont progressivement élargi les catégories de citoyens susceptibles d’être jurés, la loi du 28 juillet 19788 a parachevé cette évolution en substituant à la sélection du jury par le préfet, le maire ou une commission d’élus le principe d’un tirage au sort sur les listes électorales. Ainsi, désormais, ont vocation à être jurés tous les citoyens âgés de plus de vingt-trois ans, jouissant des droits politiques, civils et de famille et n’étant atteints d’aucune des causes légales d’incapacité ou d’incompatibilité9.
– La loi du 15 juin 200010 a instauré l’appel des décisions des cours d’assises, alors que, jusqu’à cette date, la présomption d’infaillibilité du jury, émanation du peuple souverain, était avancée pour justifier l’absence d’un second degré de juridiction pour le jugement des crimes. Malgré la dénomination retenue, la cour d’assises d’appel, initialement composée de douze jurés au lieu de neuf, n’est pas une véritable cour d’appel chargée d’infirmer ou de confirmer l’arrêt de la première cour, mais une nouvelle cour d’assises désignée pour rejuger l’affaire dans son entier.
Depuis la loi du 10 août 201111, le jury est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu’elle statue en appel12.
– Enfin, la loi du 10 août 2011 précitée et la loi du 23 mars 201913 ont imposé, respectivement, la motivation des décisions relatives à la culpabilité et celle des décisions relatives à la peine. Conformément à l’article 365-1 du CPP, la motivation de l’arrêt est rédigée par le président de la cour d’assises ou par l’un des magistrats assesseurs et consiste « dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises » ainsi que « dans l’énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine ».
b. – Compétence, composition et fonctionnement de la cour d’assises
* La cour d’assises est la juridiction pénale compétente pour juger les crimes commis par des personnes âgées de seize ans et plus14. Il s’agit d’une juridiction départementale, non permanente, qui se réunit en session « chaque fois qu’il est nécessaire »15, en fonction du nombre d’affaires à juger.
Sous réserve des règles particulières pour le jugement des crimes en matière militaire commis en temps de paix16, des crimes contre les intérêts fondamentaux de la Nation17, ainsi que des crimes en matière de prolifération d’armes de destruction massive18, de terrorisme19 et de trafic de stupéfiants20, pour lesquels la cour d’assises est de nos jours composée d’un président et de quatre assesseurs21, la cour d’assises est composée, en première instance, de trois magistrats22 désignés pour chaque session, ainsi que de six jurés23 (neuf en appel) qui sont tirés au sort pour chaque affaire, sur une liste de trente-cinq jurés tirés au sort pour chaque session24.
Au sein de la cour d’assises, il convient de distinguer :
– le président qui, outre les pouvoirs de police et de conduite des débats inhérents à toute présidence d’audience, dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour prendre toute mesure qu’il juge nécessaire à la manifestation de la vérité25 ;
– la cour, composée des trois magistrats et compétente pour statuer sur tous les incidents d’instance ainsi que pour prendre certaines mesures et statuer sur les intérêts civils ;
– la cour d’assises proprement dite, qui réunit la cour et les jurés, et dont la mission consiste principalement à statuer sur l’action publique (culpabilité et peine).
* La procédure devant la cour d’assises est précisément réglementée par le CPP et suit quelques grands principes : publicité, oralité, contradictoire et continuité des débats.
Longtemps, seul le président de la cour d’assises avait connaissance de l’entier dossier de la procédure. Depuis la loi du 23 mars 2019 précitée, l’article 316-1 du CPP prévoit qu’une copie de ce dossier est mise à la disposition des assesseurs. En revanche, les jurés n’y ont pas accès26. C’est pourquoi tous les éléments de preuve doivent être présentés et discutés oralement à l’audience27.
À l’issue des débats, la cour et le jury se retirent pour délibérer en commun sur la culpabilité et, s’il y a lieu, sur l’application de la peine à l’accusé.
La délibération de la cour d’assises s’articule en deux phases successives :
- la délibération et le vote sur la culpabilité, régis par les articles 355 à 361-1 du CPP ;
- la délibération et le vote sur la peine, régis par l’article 362 du même code.
En application des articles 355 à 361-1, la cour d’assises délibère par scrutins distincts et successifs sur le fait principal d’abord et, s’il y a lieu, sur les causes d’irresponsabilité pénale, les circonstances aggravantes, les questions subsidiaires et les faits constituant une cause légale d’exemption ou de diminution de la peine. Les magistrats et jurés doivent répondre, sur des bulletins secrets, par oui ou par non à chacune des questions posées, lesquelles portent sur les éléments précités. Toute décision défavorable à l’accusé doit recueillir la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et de huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en appel28.
L’article 362 prévoit, en son premier alinéa, que la cour d’assises doit statuer « sans désemparer sur l’application de la peine » en cas de réponse affirmative sur la culpabilité. Le président donne alors lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal29. Le vote a ensuite lieu au scrutin secret et séparément pour chaque accusé.
Le deuxième alinéa de l’article 362 pose en principe que la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants. Par exception, une majorité qualifiée de sept voix au moins est requise pour le prononcé du maximum de la peine privative de liberté encourue (huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en appel). De la même manière, si la cour d’assises a jugé que le discernement de l’accusé était altéré au moment des faits, mais qu’elle décide de ne pas tenir compte de la réduction légale de la peine encourue, comme elle en a la possibilité aux termes du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal30, les peines privatives de liberté d’une durée égale ou supérieure aux deux tiers de la peine initialement encourue ne peuvent être prononcées qu’à la majorité qualifiée de sept voix.
Si aucune peine n’a réuni la majorité des suffrages après deux tours de scrutin, le troisième alinéa de l’article 362 prévoit l’organisation de tours de scrutin successifs au cours desquels, à chaque fois, la peine la plus forte proposée au tour précédent est écartée si celle-ci n’a pas été votée à la majorité absolue. Il est procédé ainsi jusqu’à ce qu’une peine soit prononcée, celle-ci ne pouvant être inférieure à deux ans d’emprisonnement lorsque le crime est passible de la réclusion ou de la détention criminelles à perpétuité et à un an d’emprisonnement dans les autres cas31.
Lorsque l’accusé a été déclaré non coupable, la cour d’assises prononce son acquittement.
2. – La création des cours criminelles départementales
a. – L’expérimentation de la cour criminelle
* Afin de répondre aux difficultés posées par l’allongement des délais de jugement des cours d’assises32 et de limiter le recours à la correctionnalisation judiciaire, l’article 63 de la loi du 23 mars 2019 précitée a créé à titre expérimental la cour criminelle33.
Cette juridiction était compétente pour juger en premier ressort les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, sous réserve que les intéressés ne soient pas en état de récidive légale, ainsi que les délits connexes. Elle était composée de cinq magistrats professionnels (un président et quatre assesseurs).
L’expérimentation devait avoir lieu dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par cet arrêté. Un arrêté du 25 avril 2019 avait ainsi autorisé sept départements à procéder à cette expérimentation à compter du 1er septembre 201934.
L’expérimentation a ensuite été étendue par un deuxième arrêté du 2 mars 2020, qui a prévu sa mise en œuvre dans deux départements supplémentaires à compter du 1er septembre 202035. Enfin, la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire36 a porté à dix-huit le nombre maximum de départements pouvant participer à l’expérimentation, notamment pour faire face à l’impossibilité de réunir des jurés et au retard pris dans leur désignation. Un troisième arrêté du 2 juillet 2020 a ainsi étendu l’expérimentation à six autres départements à compter du 1er août 202037.
* La loi du 23 mars 2019 prévoyait que, six mois au moins avant le terme de cette expérimentation, le Gouvernement devait adresser au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
Un comité chargé du suivi de l’expérimentation a été institué à cette fin par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Le rapport établi en octobre 2022 par ce comité rappelle les objectifs portés par Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, lors de la création des cours criminelles : « réduire les délais de traitement des affaires criminelles et éviter la correctionnalisation pour rendre à des faits, notamment de viol, leur véritable qualification »38.
Sur le premier point, il relève que les cours criminelles départementales ont jugé environ 42 % des affaires habituellement traitées par les cours d’assises avec un temps d’audience moyen de 2,23 jours par affaire, contre 2,54 jours par affaire devant la cour d’assises. Il observe en outre que, en cas de détention, le délai d’audiencement des affaires peut être deux à trois fois plus élevé devant une cour d’assises que devant une cour criminelle départementale39.
Sur le second point, le rapport du comité constate en revanche que la création des cours criminelles départementales n’a pas eu de réel impact sur la correctionnalisation tout en soulignant la difficulté d’une telle évaluation40.
b. – La généralisation des cours criminelles départementales
Sans attendre le terme de l’expérimentation, la loi du 22 décembre 2021 précitée a généralisé les cours criminelles départementales sur l’ensemble du territoire.
À cette fin, elle a inséré au sein du titre Ier du livre II du CPP un nouveau sous–titre « De la cour criminelle départementale », constitué par les articles 380-16 à 380–22 (les dispositions objet de la décision commentée). Ces dispositions, qui fixent les règles de compétence et de procédure applicables devant cette juridiction, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023.
* L’article 380-16 du CPP détermine la compétence matérielle de la cour criminelle départementale : dans le prolongement de l’expérimentation initiée en 2019, cette juridiction est compétente pour juger en premier ressort les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale. Elle est également compétente pour connaître des délits connexes à ces infractions41.
En revanche, elle n’est pas compétente s’il existe un ou plusieurs coaccusés qui ne répondent pas à ces conditions. Dans ce cas, l’ensemble des accusés est jugé par la cour d’assises.
Conformément à l’article 380-20 du CPP, si la cour criminelle départementale estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle doit renvoyer l’affaire devant la cour d’assises.
* L’article 380-17 du CPP fixe la composition de la cour criminelle départementale : elle est constituée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel.
Le président est choisi parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises. Les assesseurs sont, quant à eux, choisis parmi les conseillers et les juges de ce même ressort42.
* Conformément au premier alinéa de l’article 380-19 du CPP, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont en principe les mêmes que celles suivies devant la cour d’assises. Ainsi, les dispositions relatives à la procédure préparatoire aux sessions d’assises43, à la tenue des débats44, à la comparution de l’accusé45, à la production et la discussion des preuves46, à la clôture des débats et la lecture des questions47, ainsi que celles relatives au prononcé de la décision sur l’action publique et sur l’action civile48 s’appliquent devant la cour criminelle départementale. De la même manière, pour l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, cette juridiction est assimilée à la cour d’assises49.
Toutefois, l’article 380-19 du CPP apporte plusieurs exceptions à ce principe afin de tenir compte de l’absence de jury :
– toutes les dispositions qui font référence au jury sont inapplicables devant la cour criminelle départementale (1°)50 ;
– les décisions relatives à la culpabilité et à la peine sont prises à la majorité (4°), et non à une majorité qualifiée comme c’est le cas devant la cour d’assises pour certaines décisions (cf. supra)51 ;
– la cour criminelle départementale délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure (5°) ; il en va différemment devant la cour d’assises, qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, ne peut examiner une ou plusieurs pièces de la procédure qu’en présence du ministère public et des avocats des parties52.
* Les décisions rendues par la cour criminelle départementale sont susceptibles d’appel et, en application de l’article 380-21 du CPP, cet appel est examiné par la cour d’assises d’appel (composée de trois magistrats et neuf jurés).
B. – Origine des QPC et questions posées
1. – Les faits à l’origine de la QPC n° 2023-1069
À l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction le renvoyant devant la cour criminelle départementale de Paris, M. Sékou D. avait soulevé plusieurs QPC portant sur les articles 380-16 et 380-17 du CPP ainsi que sur les 4° et 5° de l’article 380-19 du même code.
Dans son arrêt n° 1204 du 20 septembre 2023 précité, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait renvoyé au Conseil constitutionnel les questions portant sur les articles 380-16 et 380-17 du CPP ainsi que sur le 4° de l’article 308–19 du même code53.
Elle avait en effet jugé que :
- d’une part, « La première question en ce qu’elle tend à ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République la participation des jurés au jugement des crimes de droit commun, principe au demeurant évoqué par la décision n° 86–213 DC du 3 septembre 1986 du Conseil constitutionnel, est nouvelle » ;
- d’autre part, les autres questions posées « présentent un caractère sérieux, en ce que les dispositions contestées conduisent à placer les accusés dans des situations différentes au regard des garanties qu’offrent les règles de majorité relatives aux décisions sur la culpabilité et la peine maximale, selon qu’ils sont renvoyés devant une cour criminelle départementale ou devant une cour d’assises. / De surcroît, la troisième question présente également un caractère sérieux en ce que pour un même crime puni de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle, non commis en état de récidive, relevant en principe de la cour criminelle départementale, un accusé peut comparaître devant la cour d’assises par application des dispositions de l’article 380-16, dernier alinéa, du code de procédure pénale. / Or, ces différences de traitement sont susceptibles de porter une atteinte excessive au principe d’égalité des citoyens devant la justice ».
2. – Les faits à l’origine de la QPC n° 2023-1070
M. Klevis M., renvoyé devant la cour criminelle départementale du Rhône, avait, au cours des débats, soulevé plusieurs QPC portant sur les articles 380-16 à 380–22 du CPP qui ont été transmises, par arrêt du 26 juin 2023, à la Cour de cassation.
Dans son arrêt n° 1205 du 20 septembre 2023 précité, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé, d’une part, que deux d’entre elles étaient nouvelles, « en ce qu’elles tendent à ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République ou en principe de valeur constitutionnelle la participation des jurés au jugement des crimes de droit commun, principe au demeurant évoqué par la décision n° 86–213 DC du 3 septembre 1986 du Conseil constitutionnel » et, d’autre part, que les deux autres présentaient un caractère sérieux, « en ce que la disposition contestée [le 4° de l’article 380-19 du CPP] conduit à placer les accusés dans des situations différentes au regard des garanties qu’offrent les règles de majorité relatives aux décisions sur la culpabilité et la peine maximale, selon qu’ils sont renvoyés devant une cour criminelle départementale ou devant une cour d’assises. / Or, ces différences de traitement sont susceptibles de porter une atteinte excessive au principe d’égalité des citoyens devant la justice ». Elle les avait donc renvoyées au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
* Le Conseil constitutionnel a décidé de joindre les deux QPC pour y statuer par une seule décision (paragr. 1).
* Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, faisaient tout d’abord valoir que, en donnant compétence à une juridiction composée exclusivement de magistrats pour connaître de la majorité des crimes, ces dispositions méconnaissaient un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), qu’ils demandaient au Conseil constitutionnel de reconnaître, imposant l’intervention d’un jury pour juger les crimes de droit commun. Le second requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, soutenait également que ces dispositions étaient, en tout état de cause, contraires à un principe à valeur constitutionnelle imposant une telle intervention.
Par ailleurs, le premier requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, reprochait aux dispositions de l’article 380-16 du CPP d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les accusés en permettant leur renvoi devant une cour d’assises ou une cour criminelle départementale selon le quantum de la peine encourue, l’état de récidive légale ou, le cas échéant, la présence de coaccusés. Il en résultait selon lui une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Enfin, les requérants, rejoints par les parties intervenantes, soutenaient que les dispositions du 4° de l’article 380-19 du CPP instituaient une différence de traitement injustifiée entre les accusés, au motif que ceux jugés par une cour criminelle départementale étaient selon eux soumis à des règles de majorité moins favorables que ceux jugés par une cour d’assises pour le vote sur la culpabilité et sur le prononcé de la peine maximale. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice.
* Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur les premier et troisième alinéas de l’article 380–16 du CPP, les mots « est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort » figurant à la première phrase de l’article 380-17 du même code, ainsi que les 1°, 3° et 4° de l’article 380-19 de ce code (paragr. 12).
* Certaines parties intervenantes dénonçaient également une atteinte au principe de l’oralité des débats. Ce grief ne portant pas sur les dispositions contestées, le Conseil constitutionnel n’y a pas répondu (paragr. 13).
A. – L’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun
1. – La jurisprudence constitutionnelle
a. – La jurisprudence relative aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
Le Préambule de la Constitution de 1958 fait référence au Préambule de la Constitution de 1946, lequel « réaffirme solennellement », sans les énumérer, « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Depuis sa décision du 16 juillet 1971 relative à la liberté d’association54, le Conseil constitutionnel a reconnu que ces principes ont valeur constitutionnelle et que le législateur ne peut y déroger sans méconnaître la Constitution.
Il a reconnu, depuis cette date, une dizaine de PFRLR, le dernier en date étant celui relatif à l’existence d’un droit propre à l’Alsace-Moselle dégagé en 201155. Il a également explicitement écarté la reconnaissance de tels principes à de nombreuses occasions, compte tenu des conditions exigées par sa jurisprudence56.
* Trois conditions doivent être réunies pour la reconnaissance d’un PFRLR.
– Pour être « fondamental », le principe doit, tout d’abord, énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la Nation, à savoir les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l’organisation des pouvoirs publics57. La norme contenue dans les lois de la République doit ainsi être suffisamment générale et non contingente.
C’est le plus souvent sur la base de ce critère de fondamentalité que le Conseil est conduit à écarter la qualification de PFRLR. Le Conseil a ainsi jugé que ne revêtait pas un caractère absolu ou un degré suffisant de généralité la règle électorale selon laquelle, en cas d’égalité de suffrages, le candidat le plus âgé doit être déclaré élu58, ni l’attribution d’allocations familiales à toutes les familles, quelle que soit leur situation59, ni la règle selon laquelle est français tout individu né en France d’un étranger qui lui-même y est né60, non plus que la gratuité de la circulation sur les ponts des routes nationales ou départementales61.
Plus récemment, dans sa décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a refusé de faire suite à une demande d’élévation au rang d’un PFRLR de la règle selon laquelle les mérites des candidats à un poste de professeur ou de maître de conférences doivent être évalués par une instance nationale, compte tenu de son caractère « accessoire » du PFRLR, déjà reconnu par la jurisprudence constitutionnelle, d’indépendance des enseignants-chercheurs : le Conseil a ainsi jugé que si cette règle « constitue une garantie légale possible du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs, elle ne peut en elle-même être regardée comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 »62.
Dans un registre voisin de cette décision, le Conseil a jugé, dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, que le droit reconnu aux parents d’opter pour une instruction des enfants au sein de la famille, tel qu’institué par la loi du 28 mars 1882 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire, ne pouvait constituer une composante du PFRLR de la liberté de l’enseignement : « en prévoyant que "L’instruction primaire est obligatoire … elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie", l’article 4 de la loi du 28 mars 1882 mentionnée ci-dessus n’a fait de l’instruction en famille qu’une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire. Il n’a ainsi pas fait de l’instruction en famille une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l’enseignement »63.
De la même manière, dans sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, relative à la loi de finances rectificative pour 2022, le Conseil a refusé de regarder comme un PFRLR le « principe selon lequel le secteur de l’audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance », dès lors qu’« en se bornant à prévoir que, "en vue d’en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion, il est institué … sur les installations réceptrices de radiodiffusion, une redevance pour droit d’usage", l’article 109 de la loi du 31 mai 1933 n’a eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel le secteur de l’audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance. Cette loi ne saurait donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République »64.
Enfin, dans sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, le Conseil a, dans le prolongement de sa décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020 précitée, jugé que la règle invoquée du « monopole de l’État pour la collation des grades et diplômes nationaux » ne pouvait être regardée, en elle-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 194665.
– Outre son caractère fondamental, il faut, ensuite, que le principe trouve un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 194666.
Ainsi, dans sa décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, le Conseil a jugé que le principe dit de « faveur », en vertu duquel la loi ne pourrait permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux conventions de portée plus large que dans un sens plus favorable aux salariés, ne saurait être regardé comme un PFRLR dès lors qu’il « ne résulte d’aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et notamment pas de la loi du 24 juin 1936 » ayant modifié certaine dispositions du code du travail applicables aux conventions collectives67.
De la même manière, dans sa décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, le Conseil était saisi de dispositions modifiant les règles de majorité applicables aux délibérations de la cour d’assises afin de prévoir que toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de six voix au moins (sur neuf) lorsque la cour d’assises statue en premier ressort (contre huit voix sur douze sous l’empire du droit alors en vigueur). Les requérants faisaient valoir qu’« en permettant qu’une décision défavorable à l’accusé soit adoptée avec seulement l’accord de trois jurés et trois magistrats ces dispositions portent atteinte "au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l’existence d’un jury populaire suppose que ses décisions ne peuvent être prises qu’à la majorité absolue des jurés" ».
Le Conseil a jugé « qu’une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; qu’en l’espèce, aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n’a fixé le principe selon lequel lorsque les jurés et les magistrats délibèrent ensemble, les décisions de la cour d’assises défavorables à l’accusé ne peuvent être adoptées qu’à la majorité absolue des jurés »68.
– Il faut, enfin, qu’il n’ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946, comme cela a été le cas en matière d’amnistie, de prohibition des jeux ou de rétroactivité des contrats69.
C’est au regard de ce critère de la continuité républicaine que, dans sa décision n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019, le Conseil a écarté l’invitation à dégager un PFRLR imposant au législateur de prévoir un délai de prescription de l’action publique pour les infractions « dont la nature n’est pas d’être imprescriptible », notamment pour les infractions continues. Il a ainsi jugé que : « Si, dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions relatives à la prescription de l’action publique en matière criminelle, la prescription a été écartée, deux fois au moins, par les lois du 9 mars 1928 et du 13 janvier 1938 […] pour certains crimes »70.
b. – La jurisprudence relative à l’intervention d’un jury pour juger les crimes
* Le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de dispositions prévoyant d’écarter l’intervention d’un jury populaire pour le jugement de certains crimes.
– Dans sa décision n° 86-213 DC du 3 septembre 198671, le Conseil était saisi des dispositions de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l’État instituant une cour d’assises composée d’un président et de six assesseurs, compétente pour le jugement des crimes en matière terroriste.
Les auteurs de la saisine faisaient notamment valoir que le nombre et la diversité des infractions terroristes étaient tels que « le jugement de ces infractions par une cour d’assises ne comportant pas de jurés ne peut être regardé comme une simple exception au principe de l’intervention du jury en matière de crimes ».
Bien que les requérants n’aient pas alors expressément invoqué un principe à valeur constitutionnelle imposant la présence d’un jury, le Conseil constitutionnel s’est interrogé, à l’occasion de cette affaire, sur la valeur constitutionnelle du jugement des crimes par un jury et, plus précisément, sur la possibilité de le consacrer comme un PFRLR72.
Il ressort du procès-verbal des délibérations que Georges VEDEL, rapporteur sur cette affaire, y était opposé, estimant notamment que « le Conseil doit éviter de confondre les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République avec les principes chers aux républicains. C’est là une tentation à laquelle […] les membres du Conseil sont exposés mais qu’ils doivent y résister ». Il rappelait également que, « sous la IIIème République, il existait des tribunaux spéciaux et des tribunaux militaires qui avaient des compétences fort étendues. Il mentionne également un texte constitutionnel qui lui apparaît comme la négation même du principe du jury qui consacre le principe de la juridiction politique, à savoir la loi constitutionnelle de 1875 qui constituait le Sénat en Haute-cour en tant que de besoin. Il rappelle que la Haute-cour était compétente rationae materiae pour juger des attentats contre la sûreté de l’État commis par les particuliers. […] / Par ailleurs, le jury a eu une existence mouvementée. Les jurés et la Cour statuaient, les uns sur les faits, les autres sur la peine. Vichy a poussé à l’échevinage. Monsieur VEDEL précise également que le législateur républicain n’a pas été sans défiance à l’encontre du jury. Il lui a ainsi retiré la connaissance des délits de presse. Ceci dit, il ne se mettra pas dans le cas de déclarer que le jugement par jury est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il ne se mettra pas non plus, "Dieu merci", dans le cas contraire. En effet, cette question n’a pas à être tranchée puisque le moyen n’a pas été soulevé par les auteurs de la saisine »73.
M. le Président Robert BADINTER faisait au contraire valoir « que la tradition judiciaire française, en matière de crimes de droit commun, est que ces infractions soient jugées par les cours d’assises. Il déclare que dans le cadre de la justice française ce principe n’a reçu aucune exception depuis la Révolution de 1789. Les crimes de droit commun relèvent de la cour d’assises. La liaison crimes de droit commun et cours d’assises composées de jurys populaires est une constante, tant constitutionnelle que législative, de la tradition française depuis 1791. À trois reprises, ce principe a même reçu valeur constitutionnelle. Il a été expressément formulé :
- par l’article 9 de la Constitution de 1791 […] ;
- par l’article 96 de la Constitution de 1793 […] ;
- par les articles 237 et 238 de la Constitution de 1795 […].
Il reconnaît toutefois que la loi permettait de renvoyer devant les cours prévôtales les bandits de grands chemins. […] Toutefois, en matière de droit commun, et Monsieur le Président insiste sur ces thèmes qui excluent les infractions politiques et militaires, en matière de droit commun donc, de tradition constante, les cours d’assises avec jury ont seules été compétentes pour juger les crimes. / Il est vrai que, sous la IIIème République, le Sénat a été constitué en Haute cour de justice. Toutefois, il n’a jamais connu que des infractions politiques et n’a pas eu compétence pour connaître des infractions en matière de sûreté de l’État ». Et d’ajouter : « S’il y a un principe républicain, […] c’est bien celui-là »74.
Le Collège s’est finalement accordé sur le projet de décision soumis par le rapporteur, qui « ne consacre pas le principe du jury mais ne le condamne pas non plus », le Président BADINTER insistant sur la nécessité de « laisser entendre que le législateur peut modifier la loi »75. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que « les infractions criminelles énumérées à l’article 706-16 nouveau [à savoir les actes de terrorisme] ne sont justiciables de la cour d’assises composée selon les termes de l’article 698-6 qu’autant qu’il est établi qu’elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ; qu’ainsi, à s’en tenir au seul texte de l’article 706-16 nouveau, l’exception apportée au principe de l’intervention du jury a un caractère limité ; que l’argument invoqué par les auteurs de la saisine manque par suite en fait »76.
– Plus récemment, dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a été saisi des dispositions créant, à titre expérimental, des cours criminelles départementales.
Les députés requérants se limitaient à critiquer l’imprécision de l’étendue de l’expérimentation ainsi que la rupture d’égalité qu’elle provoquait, selon eux, entre les justiciables selon qu’ils seraient présentés devant une cour criminelle départementale ou une cour d’assises.
Pour écarter ces griefs et admettre la constitutionnalité des dispositions contestées, le Conseil a jugé qu’« En premier lieu, en prévoyant que le dispositif juridique de la cour criminelle serait applicable à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par cet arrêté, pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard deux ans après cette date, le législateur a suffisamment défini l’objet de l’expérimentation qu’il a instituée. / En second lieu, le grief tiré de l’inégalité de traitement entre les justiciables soumis à l’expérimentation et ceux qui n’y sont pas soumis, laquelle est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l’expérimentation, ne peut qu’être écarté »77.
* Le Conseil constitutionnel a également eu l’occasion de se prononcer sur certaines modalités de fonctionnement des cours d’assises mettant en jeu la présence du jury.
Ainsi, dans sa décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, le Conseil était saisi de dispositions n’imposant pas la motivation des arrêts de la cour d’assises. Après avoir souligné les garanties procédurales que constituent notamment, devant cette juridiction, les principes d’oralité et de continuité des débats, la comparution personnelle de l’accusé et l’assistance d’un défenseur, il a jugé, sur le fondement des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789, « qu’il résulte de l’ensemble de ces garanties relatives aux débats devant la cour d’assises et aux modalités de sa délibération, que le grief tiré de ce que les dispositions critiquées laisseraient à cette juridiction un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d’un accusé doit être écarté »78.
Ultérieurement, par sa décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 rendue après que le législateur a introduit l’exigence de motivation sur la culpabilité, le Conseil a rompu avec sa jurisprudence antérieure et jugé que les exigences constitutionnelles découlant des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 « imposent la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine »79. Il a en conséquence jugé qu’« en n’imposant pas à la cour d’assises de motiver le choix de la peine, le législateur a méconnu les exigences tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 »80.
Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, été amené à se prononcer sur les règles de délibération au sein des cours d’assises. Ainsi, dans sa décision n° 2011–635 DC du 4 août 2011 précitée, il a jugé que la règle selon laquelle toute décision défavorable à l’accusé doit être adoptée à la majorité de six voix sur neuf en premier ressort et de huit voix sur douze en appel (ce qui implique que la décision recueille au moins l’accord de la moitié des jurés et non plus celui de la majorité absolue d’entre eux) « ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle »81. Le commentaire de la décision relève, à cet égard, que « Dans une optique libérale, les règles d’équilibre antérieures reposaient sur le préjugé que les magistrats seraient plus sévères que les jurés. La présente réforme retient une conception différente qui n’est pas, pour autant, contraire à la Constitution »82.
2. – L’application à l’espèce
Comme il l’avait déjà fait dans de précédentes décisions83, le Conseil constitutionnel a tout d’abord rappelé qu’« Une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 » (paragr. 14).
Il a ensuite examiné si les critères requis pour la reconnaissance d’un tel principe, ci-dessus présentés, étaient en l’espèce réunis s’agissant du principe que les parties requérantes et intervenantes l’invitaient à consacrer, selon lequel le jugement des crimes de droit commun impliquerait l’intervention d’un jury.
D’une part, le Conseil a observé que, « dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions prévoyant que le jugement des crimes relève de la compétence d’une juridiction composée de magistrats et d’un jury » (paragr. 15). Toutefois, il a également relevé que le principe de l’intervention du jury en matière criminelle a été écarté pour certains crimes par la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat, par la loi du 9 mars 1928 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de terre ainsi que par la loi du 13 janvier 1938 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de mer (même paragr.). Ainsi, tout en soulignant l’importance d’un tel principe, le Conseil n’a pu que constater que, sous les différents régimes républicains antérieurs à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946, des dérogations ont été apportées à ce principe.
D’autre part, s’attachant à répondre à l’argumentation des requérants qui soutenaient l’existence d’un principe d’intervention du jury « pour juger les crimes de droit commun », le Conseil a observé que les dispositions de procédure pénale antérieures à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 « n’ont eu ni pour objet ni pour effet de réserver à une juridiction composée d’un jury le jugement des crimes "de droit commun", catégorie qui n’a au demeurant été définie par aucun texte » (paragr. 16).
De même qu’il a jugé que ne pouvait être reconnu le caractère de PFRLR au principe même de l’intervention du jury en matière criminelle, compte tenu des dérogations apportées à ce principe sous différents régimes républicains antérieurs à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946, le Conseil a ainsi refusé d’admettre qu’un principe sous-jacent, mais dont la portée aurait été circonscrite aux seuls crimes de droit commun, puisse être reconnu comme tel. À l’image de ce que soulignait le commentaire de la décision n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019 précitée à propos de la catégorie, alors suggérée par le requérant, des « crimes imprescriptibles par nature », il est d’ailleurs possible de s’interroger sur la consistance d’un principe fondamental dont le champ aurait été ainsi défini à l’aune d’une catégorie aux contours aussi peu délimités.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe invoqué ne saurait être regardé comme répondant à l’ensemble des critères requis pour la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (paragr. 17).
B. – L’examen des autres griefs
1. – La jurisprudence constitutionnelle relative aux principes d’égalité devant la loi et devant la justice
* Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »84.
Sur ce fondement, le Conseil veille, de manière générale, à ce que les différences de traitement opérées par la loi soient tout à la fois justifiées par une raison suffisante – qu’elle procède d’une différence de situation ou d’un motif d’intérêt général – et en adéquation avec les objectifs que leur assigne le législateur.
* En matière de justice, l’exigence d’égalité est renforcée. Le Conseil constitutionnel se fonde alors en effet à la fois sur l’article 6, précité, et sur l’article 16 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution », pour juger que, « Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales »85.
Le principe d’égalité devant la justice implique donc non seulement la prohibition des distinctions injustifiées, à l’instar du principe d’égalité devant la loi, mais également l’obligation d’assurer, en cas de distinctions justifiées, des garanties égales aux justiciables.
Au regard de ce principe, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a notamment pour objet de veiller au respect du droit des justiciables placés dans une situation identique à être jugés devant les mêmes formations de jugement, ou selon des garanties de procédure égales, et à ne pas voir celles-ci varier en fonction de critères qui ne seraient pas objectifs et rationnels86.
À ce titre, le Conseil s’assure qu’une différence de traitement, qu’elle soit d’ordre juridictionnel87 ou procédural88, est justifiée par une différence de situation et qu’elle ne prive pas le justiciable d’une garantie reconnue à d’autres.
* En matière pénale, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer à plusieurs reprises sur la conformité au principe d’égalité devant la justice de dispositions relatives à la composition propre à certaines juridictions ou formations de jugement.
Il a notamment jugé que n’étaient pas contraires à ce principe :
– les dispositions de l’article 706-25 du CPP instituant une cour d’assises exclusivement composée de magistrats professionnels pour le jugement des crimes à caractère terroriste. En effet, après avoir relevé que « la différence de traitement établie par l’article 706-25 nouveau du code de procédure pénale entre les auteurs des infractions visées par l’article 706-16 nouveau selon que ces infractions sont ou non en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur tend, selon l’intention du législateur, à déjouer l’effet des pressions ou des menaces pouvant altérer la sérénité de la juridiction de jugement », il a jugé que « cette différence de traitement ne procède donc pas d’une discrimination injustifiée » et « qu’en outre, par sa composition, la cour d’assises instituée par l’article 698-6 du code de procédure pénale présente les garanties requises d’indépendance et d’impartialité ; que devant cette juridiction les droits de la défense sont sauvegardés »89 ;
– la possibilité pour le président du tribunal de grande instance de nommer certains juges de proximité au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel, dès lors, notamment, que les justiciables étaient jugés par une formation collégiale qui, quelle que soit sa composition, appliquait les mêmes règles de procédure et de fond. Le Conseil a ainsi jugé : « en premier lieu, que les justiciables seront jugés par une formation collégiale du tribunal correctionnel qui, quelle que soit sa composition, appliquera les mêmes règles de procédure et de fond […] / en second lieu, que la latitude laissée au président du tribunal de grande instance, pour établir la liste des juges de proximité de son ressort susceptibles de siéger en qualité d’assesseur, a pour objet de lui permettre de choisir les mieux à même de remplir cette fonction ; qu’elle ne prive le justiciable d’aucune garantie ; / Considérant, au demeurant, que cette procédure de désignation permet de prendre en compte la disponibilité des juges de proximité et répond à un souci de bonne administration de la justice »90 ;
– des dispositions fixant, par dérogation au droit commun, le nombre d’assesseurs-jurés composant la cour d’assises de Mayotte à quatre, en premier ressort, et à six, en appel, dès lors qu’« En abaissant le nombre de jurés composant la cour d’assises de Mayotte tant en premier ressort qu’en appel, le législateur a institué une différence de traitement qui tient compte des caractéristiques et contraintes particulières propres au département de Mayotte et qui est en rapport avec l’objet de la loi »91 ;
– des dispositions maintenant la compétence des juridictions spécialisées en matière militaire pour les infractions commises par des gendarmes dans le service du maintien de l’ordre, alors même que les membres de la police nationale qui commettent de telles infractions relèvent des juridictions ordinaires. Après avoir constaté que les « règles d’organisation et de composition de ces juridictions spécialisées en matière militaire présentent, pour les justiciables, des garanties égales à celles des juridictions pénales de droit commun, notamment quant au respect des principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions », le Conseil a jugé que, compte tenu des particularités du statut des militaires de la gendarmerie nationale, « il était loisible au législateur, au nom de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, de prévoir la spécialisation des formations juridictionnelles chargées de connaître des infractions de droit commun commises par eux dans l’exercice de leur service, afin de favoriser une meilleure appréhension de ces particularités ». Il a par ailleurs relevé que « les militaires de la gendarmerie demeurent soumis à ces règles spéciales dans leur activité de maintien de l’ordre », de sorte qu’« ils ne sont pas placés, pour les infractions commises dans ce cadre, dans la même situation que les membres de la police nationale ». Le Conseil en a déduit qu’« en dépit des similitudes du cadre d’action des militaires de la gendarmerie et des membres de la police nationale dans le service du maintien de l’ordre, le législateur n’a pas, en se fondant sur les particularités de l’état militaire des gendarmes pour prévoir la compétence des juridictions spécialisées en matière militaire, instauré de discrimination injustifiée entre les justiciables »92.
* Le Conseil constitutionnel a également été amené à examiner la conformité à la Constitution de règles relatives à la délibération de juridictions criminelles.
Ainsi, dans sa décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 précitée, le Conseil était saisi notamment des règles relatives aux modes de délibération devant la cour d’assises. Il a jugé « que les personnes accusées de crime devant la cour d’assises sont dans une situation différente de celle des personnes qui sont poursuivies pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ; que, par suite, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, édicter pour le prononcé des arrêts de la cour d’assises des règles différentes de celles qui s’appliquent devant les autres juridictions pénales »93.
En revanche, dans sa décision n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016 précitée, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions instituant des règles de majorité dérogatoires devant la cour d’assises de Mayotte. Il a en effet jugé que, « alors que pour conclure à la culpabilité de l’accusé, en première instance comme en appel, une majorité des deux tiers des membres de la cour d’assises est requise dans le droit commun, il résulte des dispositions contestées que, devant la cour d’assises de Mayotte siégeant en premier ressort, une majorité des cinq septièmes est exigée. La modification de ces conditions de majorité crée une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et privant les justiciables de garanties égales. Par conséquent, la condition de majorité applicable à la cour d’assises de Mayotte siégeant en premier ressort est contraire au principe d’égalité devant la justice »94. Comme le souligne le commentaire de cette décision, même avec un effectif de la cour d’assises réduit, le législateur aurait en effet pu prévoir des règles de majorité qui auraient assuré le maintien de l’homologie avec les règles applicables tant devant les autres cours d’assises que devant la cour d’assises de Mayotte statuant en appel.
* Enfin, dans sa décision n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013, le Conseil était saisi de dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante prévoyant que, lorsqu’un mineur est accusé de faits constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou indivisible avec d’autres faits délictuels ou criminels commis avant cet âge, le juge d’instruction peut décider, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes et délits que ce mineur est accusé d’avoir commis avant l’âge de seize ans soit devant la cour d’assises des mineurs en même temps que les crimes qu’il est accusé d’avoir commis à partir de cet âge, soit, distinctement, devant le tribunal pour enfants.
Le Conseil a d’abord constaté « que le choix par le juge d’instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d’assises des mineurs pour les faits qu’il lui est reproché d’avoir commis avant l’âge de seize ans en même temps que pour les faits commis après cet âge dépend de considérations objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de la situation des victimes, de l’existence et de l’âge de co-accusés qui caractérisent un lien d’indivisibilité ou de connexité et permettent d’apprécier l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». Il a ensuite observé que la décision du juge d’instruction était susceptible de recours. Il a enfin relevé « que les dispositions contestées sont sans effet sur l’obligation, pour les juridictions de jugement saisies, de respecter les droits de la défense et sur les peines, les mesures de surveillance et les mesures éducatives qui peuvent être prononcées ». Il en a déduit que « les dispositions contestées sont conformes aux articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 »95.
2. – L’application à l’espèce
Après avoir rappelé sa formulation de principe relative au principe d’égalité devant la justice, qui découle des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 (paragr. 18), le Conseil constitutionnel s’est attaché à décrire l’objet des dispositions contestées.
À cet égard, il a d’abord rappelé que « La cour d’assises, qui a plénitude de juridiction pour juger les personnes accusées de crimes, est composée de trois magistrats et d’un jury constitué, en premier ressort, de six jurés ». Il a également observé que, « Conformément à l’article 359 du code de procédure pénale, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort », et que « l’article 362 du même code prévoit notamment que, si la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort » (paragr. 19).
Le Conseil a ensuite constaté que, par dérogation à ces règles, les dispositions contestées donnent compétence à la cour criminelle départementale, composée exclusivement de magistrats, pour connaître, en premier ressort, des crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle lorsque la personne accusée est majeure et que les faits n’ont pas été commis en état de récidive légale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas à ces conditions. Il a en outre relevé que ces mêmes dispositions prévoient que les décisions de cette cour sont prises à la majorité (paragr. 20).
Il lui revenait alors de s’assurer que les différences de traitement dénoncées par les parties requérantes et intervenantes ne procédaient pas d’une distinction injustifiée et que les justiciables bénéficiaient de garanties égales.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a jugé que, « d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises ». Il en a déduit qu’« en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes » (paragr. 21).
D’autre part, examinant les règles de délibération, le Conseil a relevé que « si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions » (paragr. 22). Les règles de majorité propres à la cour d’assises trouvent en effet leur justification dans la présence du jury.
En second lieu, le Conseil constitutionnel a vérifié l’équivalence des garanties accordées aux justiciables devant la cour d’assises et devant la cour criminelle départementale.
À ce titre, il a relevé qu’« à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises ». Il a en outre jugé que « la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité ». Il en a déduit que « Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes » (paragr. 23).
Le Conseil constitutionnel a donc écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice (paragr. 24).
Jugeant que les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il les déclarées conformes à la Constitution (paragr. 25).
_______________________________________
1 L’article 9 de la Constitution de 1791 dispose ainsi : « En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le Corps législatif, dans les cas où il lui appartient de poursuivre l’accusation. - Après l’accusation admise, le fait sera reconnu et déclaré par des jurés. - L’accusé aura la faculté d’en récuser jusqu’à vingt, sans donner des motifs. - Les jurés qui déclareront le fait, ne pourront être au-dessous du nombre de douze. - L’application de la loi sera faite par des juges. - L’instruction sera publique, et l’on ne pourra refuser aux accusés le secours d’un conseil. - Tout homme acquitté par un juré légal, ne peut plus être repris ni accusé à raison du même fait ».
2 Lyonel Pellerin, « La cour d’assises », 7e Colloque national de défense pénale, Historique de la juridiction criminelle française 1789-1987.
3 Guillaume Halard et Kévin Audureau, « Contribution à la connaissance des jurys criminels », Revue de science criminelle, 2012, p. 523.
4 Cette méfiance « s’était manifestée dès le début du Consulat, par exemple avec la loi du 25 frimaire an VIII (16 décembre 1799) qui correctionnalisait toute une série d’infractions jusque-là criminelles, sous prétexte de rétablir "une plus juste proportion entre le délit et la peine" – en réalité pour pallier l’indulgence excessive des jurys ! –, ou encore avec l’institution par la loi du 18 pluviôse an IX (7 février 1801) de tribunaux criminels sans jury chargés de juger certaines personnes (mendiants, vagabonds, anciens soldats) ou certaines infractions (attaques à main armée sur la voie publique) selon une procédure accélérée » (Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 3e édition, Presses universitaires de France, 2014, n° 238).
5 Cette loi a ultérieurement été validée par l’ordonnance n° 45-764 du 20 avril 1945 sur les cours d’assises.
6 Rapport du Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle, La Documentation française, 1996, p. 18.
7 Le CPP est issu de la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution d’un code de procédure pénale (titre préliminaire et livre Ier) et de l’ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale.
8 Loi n° 78-788 du 28 juillet 1978 portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d’assises.
9 Article 255 du CPP.
10 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes.
11 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
12 Article 296 du CPP.
13 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La consécration légale de l’exigence de motivation des peines fait suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, M. Ousmane K. et autres (Motivation de la peine dans les arrêts de cour d’assises).
14 L’article L. 231-10 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit que devant la cour d’assises des mineurs, compétente pour juger les crimes commis par des mineurs âgés de seize à dix-huit ans, les assesseurs sont pris, sauf impossibilité, parmi les juges des enfants du ressort de la cour d’appel. Le représentant du ministère public est le procureur général près la cour d’appel ou un magistrat du ministère public spécialement chargé des affaires de mineurs (article L. 231-8 du CJPM).
15 Article 236 du CPP.
16 Article 698-6 du CPP.
17 Article 702 du CPP : sont concernés la trahison, l’espionnage et les atteintes criminelles à la défense nationale.
18 Article 706-174 du CPP.
19 Article 706-25 du CPP.
20 Article 706-27 du CPP.
21 Lorsqu’elle statue en appel, elle est composée d’un président et de six assesseurs.
22 Conformément aux articles 244 et 249 du CPP, le président est choisi parmi les présidents de chambre ou les conseillers de la cour d’appel et les assesseurs sont choisis parmi les conseillers de la cour d’appel ou les magistrats du siège des tribunaux du ressort de la cour d’appel.
23 Par dérogation, l’article 885 du CPP prévoit que le jury de la cour d’assises de Mayotte est composé de trois assesseurs-jurés lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et de six assesseurs-jurés lorsqu’elle statue en appel. Ces assesseurs-jurés sont tirés au sort, pour chaque session, sur une liste arrêtée conjointement par le préfet et le président du tribunal judiciaire, composée de personnes proposées par le procureur de la République ou par les maires.
24 Article 266 du CPP.
25 Article 310 du CPP.
26 L’article 347 du CPP prévoit cependant que si, au cours de la délibération, la cour d’assises estime nécessaire l’examen d’une ou plusieurs pièces de la procédure, le président ordonne le transport dans la salle des délibérations du dossier, qui sera rouvert en présence du ministère public et des avocats de l’accusé et de la partie civile.
27 À cette fin, l’article 276-1 du CPP, créé par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, prévoit que le président de la cour d’assises organise une réunion préparatoire criminelle, en présence du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties, afin de rechercher un accord sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience, leur ordre de déposition et la durée de l’audience
28 Article 359 du CPP. C’est ce que l’on appelle la « minorité de faveur », qui assure la primauté du jury (cf. supra).
29 Ces trois articles portent respectivement sur les fonctions assignées à la peine, l’obligation faite à la cour d’assises d’individualiser celle-ci « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale » et les limites tenant au quantum de la peine privative de liberté.
30 Le second alinéa de l’article 122-1 du code pénal dispose : « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état ».
31 Article 132-18 du code pénal.
32 En 2016, le stock d’affaires en attente de jugement représentait treize mois d’activité des cours d’assises, contre neuf mois en 2009. Cette évolution s’explique notamment par l’augmentation du taux d’appel, qui était de 30 % en 2015 et 2016 contre 24 % en 2006 (rapport n° 11 de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, tome I, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 3 octobre 2018).
33 La création d’une nouvelle juridiction criminelle avait déjà été envisagée à plusieurs reprises, sans cependant voir le jour. Ainsi, une proposition de loi n° 2421 tendant à la création d’un tribunal d’assises départemental, déposée par plusieurs députés le 1er avril 2010, prévoyait la création d’un tribunal d’assises de première instance composé d’un président et de quatre assesseurs. De la même manière, lors des travaux préparatoires à la loi du 10 août 2011 précitée, la création à titre expérimental d’une composition simplifiée de la cour d’assises, dans laquelle le jury aurait été remplacé par deux citoyens assesseurs, avait été discutée et finalement écartée, M. Jean–René Lecerf, rapporteur du texte au Sénat, ayant notamment estimé que celle-ci remettait en cause « la prépondérance des représentants du peuple dans le pouvoir de décision, à rebours de l’esprit qui anime le projet de loi » (Rapport n° 489 de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 4 mai 2011, p. 31).
34 Arrêté du 25 avril 2019 relatif à l’expérimentation de la cour criminelle dans les départements des Ardennes, du Calvados, du Cher, de la Moselle, de la Réunion, de la Seine-Maritime et des Yvelines.
35 Arrêté du 2 mars 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle aux départements de l’Hérault et des Pyrénées-Atlantiques.
36 Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
37 Arrêté du 2 juillet 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle dans les départements de l’Isère, de la Haute-Garonne, de Loire-Atlantique, du Val-d’Oise, de la Guadeloupe et de la Guyane.
38 Ministère de la justice, Rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, octobre 2022, p. 8.
39 Ibid., p. 13 et 14. Le comité constate cependant un taux d’appel légèrement supérieur à celui attendu.
40 Ibid., p. 29.
41 Aux termes de l’article 203 du CPP, « Les infractions sont connexes soit lorsqu’elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ont été, en tout ou partie, recelées ».
42 Le premier président de la cour d’appel peut désigner deux assesseurs au plus parmi les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.
43 Articles 269 à 287 du CPP.
44 Articles 306 à 316-1 du CPP.
45 Articles 317 à 322 du CPP.
46 Articles 323 à 346 du CPP.
47 Articles 347 à 354 du CPP.
48 Articles 366 à 375-2 du CPP.
49 Article 380-22 du CPP.
50 Le 1° de l’article 380-19 du CPP dispose ainsi qu’« Il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés » et son 3° fait application de cette règle en prévoyant que « La section 2 du chapitre III du sous-titre Ier du présent livre, l’article 282, la section 1 du chapitre V du même sous-titre Ier, les deux derniers alinéas de l’article 293 et les articles 295 à 305 ne sont pas applicables ».
51 De la même manière, devant les cours d’assises spécialement composées statuant sans jury, les décisions sont prises à la majorité (voir, par exemple, s’agissant du jugement des crimes militaires en temps de paix, le 3° de l’article 698-6 du CPP).
52 Dernier alinéa de l’article 347 du CPP.
53 En revanche, elle avait estimé que la question portant sur le 5° de l’article 380-19 du CPP ne présentait pas un caractère sérieux « dès lors que devant la cour criminelle départementale, les débats sont soumis aux mêmes règles que devant la cour d’assises et que la faculté, pour des juges professionnels, de consulter le dossier de la procédure au cours de leur délibéré ne porte pas atteinte à l’oralité des débats à l’audience ».
54 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association (Liberté d’association).
55 Liberté d’association (décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association), droits de la défense (décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, Loi relative au développement et à la prévention des accidents du travail), liberté d’enseignement (décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement), liberté de conscience (même décision), indépendance de la juridiction administrative (décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs, validation d’actes administratifs), compétence exclusive de la juridiction administrative en matière d’annulation d’actes administratifs (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence), libertés universitaires (décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l’enseignement supérieur), justice pénale des mineurs (décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice), existence d’un droit propre à l’Alsace-Moselle (décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle]). À noter cependant qu’aujourd’hui les droits de la défense sont rattachés à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (décisions n° 2006–535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24, et n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 11).
56 Voir par exemple, parmi les principes refusés non indiqués ci-après, au sujet d’un principe de l’affectation exclusive du produit de la contribution sociale généralisée au financement de la sécurité sociale, la décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001, Loi relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, cons. 17, ou concernant un principe dit de « compétence générale des collectivités », la décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 54.
57 Décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, cons. 9 et décision n° 2013–669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 21.
58 Décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 précitée, cons. 9.
59 Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 29.
60 Décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993, Loi réformant le code de la nationalité, cons. 18.
61 Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales, cons. 3.
62 Décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020, Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, paragr. 8. Comme l’indique le commentaire de cette décision, « sans entrer dans un débat sur la continuité historique du principe invoqué, il peut être relevé le caractère en tout état de cause accessoire du principe invoqué à celui d’indépendance des enseignants-chercheurs d’ores et déjà reconnu par le Conseil constitutionnel. / […] Ce caractère accessoire a conduit le Conseil à voir dans la règle de qualification nationale, qui ne présentait pas un caractère "fondamental" au sens du Préambule de la Constitution de 1946, une "garantie légale" du PFRLR déjà consacré, et non un principe constitutionnel en elle-même ».
63 Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, paragr. 72.
64 Décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, Loi relative à la loi de finances rectificative pour 2022, paragr. 25.
65 Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, Loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, paragr. 42.
66 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, cons. 15 ; décision n° 2008-563 DC du 21 février 2008, Loi facilitant l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, cons. 3.
67 Décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, cons. 3. En revanche, le Conseil a jugé que le principe de faveur constitue un principe fondamental du droit du travail au sens de l’article 34 de la Constitution, dont il appartient au législateur de déterminer le contenu et la portée (décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, cons. 9).
68 Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, cons. 25.
69 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, cons. 12 ; décision n° 89-254 DC du 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’application des privatisations, cons. 13 ; décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, cons. 7.
70 Décision n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019, M. Mario S. (Point de départ du délai de prescription de l’action publique en matière criminelle), paragr. 6.
71 Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État.
72 Procès-verbal des délibérations des 2 et 3 septembre 1986, p. 35. Les requérants et parties intervenantes prennent appui sur ce procès-verbal des délibérations pour demander la reconnaissance d’un tel principe.
73 Ibid., p. 36.
74 Ibid., p. 43 et 44.
75 Ibid., p. 52.
76 Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 précitée, cons. 10.
77 Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 312 et 313.
78 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre (Motivation des arrêts d’assises), cons. 17.
79 Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 précitée, paragr. 8.
80 Ibid., paragr. 10.
81 Décision n° 2011-635 DC précitée, cons. 27.
82 Dans cette même décision, le Conseil, saisi de dispositions prévoyant la participation de deux citoyens assesseurs au jugement de certains délits par le tribunal correctionnel, a par ailleurs réaffirmé sa jurisprudence spécifique aux formations correctionnelles de droit commun, suivant laquelle la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire dans ces formations. Comme le rappelait le commentaire de la décision, cette jurisprudence ne concerne donc pas les cours d’assises, ni les formations correctionnelles spéciales.
83 Voir, par exemple, les décisions n° 2011-635 DC du 4 août 2011 précitée, cons. 25, et n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 21.
84 Voir, récemment, la décision n° 2023-1049 QPC du 26 mai 2023, Société Nexta 2022 (Exclusion des opérations portant sur les titres et contrats financiers du champ de la révision pour imprévision), paragr. 3.
85 Voir, par exemple, la décision n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, M. José M. (Double degré de juridiction pour l’examen d’une demande de relèvement d’une interdiction, d’une déchéance, d’une incapacité ou d’une mesure de publicité), paragr. 6.
86 La jurisprudence du Conseil constitutionnel a également pour objet de veiller à l’égalité entre les parties à une même procédure. Cette dimension du principe constitutionnel d’égalité devant la justice implique de comparer la situation des différentes parties à une même procédure et, notamment, en procédure pénale, celle de la personne mise en cause (mis en examen ou prévenu), de la partie civile et du ministère public (voir, par exemple, sur la communication des pièces aux parties : décisions n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. [Communication du réquisitoire définitif aux parties], cons. 3 et n° 2012-284 QPC du 23 novembre 2012, Mme Maryse L. [Droit des parties non assistées par un avocat et expertise pénale], cons. 3).
87 À travers, notamment, l’existence de dispositions attribuant un contentieux spécifique à une juridiction spécialisée. Voir, par exemple, la décision n° 2018-756 QPC du 17 janvier 2019, M. Jean-Pierre F. (Compétence des juridictions spécialisées en matière militaire pour les infractions commises par des militaires de la gendarmerie dans le service du maintien de l’ordre).
88 Voir, par exemple, décision n° 2019-803 QPC du 27 septembre 2019, Mme Fabienne V. (Mise en mouvement de l’action publique en cas d’infraction commise par un militaire lors d’une opération extérieure).
89 Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 précitée, cons. 13.
90 Décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005, Loi relative aux compétences du tribunal d’instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, cons. 23 à 25.
91 Décision n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016, M. Mohamadi C. (Règles de formation, de composition et de délibération de la cour d’assises de Mayotte), paragr. 20.
92 Décision n° 2018-756 QPC du 17 janvier 2019, M. Jean-Pierre F. (Compétence des juridictions spécialisées en matière militaire pour les infractions commises par des militaires de la gendarmerie dans le service du maintien de l’ordre), paragr. 7 à 10.
93 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 précitée, cons. 9.
94 Décision n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016 précitée, paragr. 21.
95 Décision n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013, M. Christophe D. (Prorogation de compétence de la cour d’assises des mineurs en cas de connexité ou d’indivisibilité), cons. 9 à 12.