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Commentaire de la décision 2023-1067 QPC

13/01/2024

Conformité

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 septembre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1106 du 6 septembre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Bechir C. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l’article 706–30–1 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011–267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

 

Dans sa décision n° 2023–1067 QPC du 10 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la première phrase du premier alinéa de cet article, dans cette rédaction.

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Objet des dispositions contestées

 

1. – Le placement de biens sous main de justice et leur restitution

 

* La saisie pénale est une procédure qui permet de placer sous main de justice, à titre provisoire, des biens corporels ou incorporels, privant ainsi la personne qui les détient de la faculté d’en disposer.

 

Cette mesure peut être prise afin d’éviter la disparition ou le dépérissement de toute chose utile à la manifestation de la vérité pendant l’enquête, de garantir l’indemnisation ultérieure des victimes ou l’exécution de certaines peines d’amende ou de confiscation, ou encore de retirer un objet dangereux de la circulation ou de préserver l’intégrité d’un bien.

 

Le CPP organise trois principaux régimes de saisie pénale permettant de poursuivre ces différents objectifs :

 

– le régime des saisies à finalité probatoire, qui permet au procureur de la République au cours de l’enquête préliminaire ou de flagrance1 et au juge d’instruction au cours de l’information judiciaire2, ainsi qu’aux officiers de police judiciaire (OPJ) agissant sous leur autorité, de placer sous main de justice tout objet, bien ou document utile à la manifestation de la vérité ;

 

– le régime des mesures conservatoires prévu à l’article 706-103 du CPP, qui, en matière de délinquance et de criminalité organisées, permet au juge des libertés et de la détention (JLD), sur requête du procureur de la République, d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen pour garantir le paiement des amendes encourues et l’indemnisation des victimes ;

 

– le régime des saisies « spéciales », défini aux articles 706-141 à 706–158 du CPP3, qui se distinguent des autres catégories de saisies en ce qu’elles visent exclusivement à garantir l’efficacité de la peine complémentaire de confiscation4 et à assurer ainsi le caractère dissuasif de la sanction pénale. Ordonnées ou autorisées par un magistrat, elles peuvent porter sur tout ou partie des biens d’une personne et être opérées, le cas échéant, sous la forme d’une saisie sans dépossession ou en valeur.

 

* Quel que soit le motif de la saisie d’un bien, les parties ou toute autre personne qui prétendent avoir des droits sur le bien peuvent en demander la restitution.

 

L’autorité compétente ainsi que les règles applicables pour l’examen de la demande de restitution sont différentes selon la phase procédurale au cours de laquelle la demande intervient5.

 

Dans tous les cas, la restitution peut être refusée, en particulier lorsqu’elle est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité, lorsqu’elle présente un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou encore lorsqu’une disposition particulière prévoit la confiscation ou la destruction des objets placés sous main de justice.

 

La décision de non-restitution prise par l’autorité compétente pour l’un de ces motifs, ou pour tout autre motif, peut être déférée par la personne intéressée au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction6, lorsque cette décision a été prise au cours de la phase d’enquête ou d’instruction, ou faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi, lorsqu’elle a été prise par la juridiction de jugement.

 

2. – L’aliénation ou la destruction des biens placés sous main de justice

 

* Compte tenu « des risques non négligeables » et du coût que peut représenter la conservation de certains biens saisis « alors même qu’elle ne présente aucune utilité pour la suite de la procédure »7, le législateur a introduit, en 1999, la possibilité pour le juge d’instruction d’ordonner la destruction ou l’aliénation des biens saisis au cours de la procédure.

 

Au cours des débats, la garde des sceaux de l’époque, Mme Élisabeth Guigou, avait souligné que cette faculté ouverte au juge d’instruction était « extrêmement importante en ce qu’elle permet de lutter contre la surcharge des services des scellés et de réduire le coût, tant budgétaire qu’humain, qu’elle entraîne pour les services judiciaires ». Elle avait également insisté sur les risques que présente la conservation de tels biens : « Ce sont des biens qui, par définition, sont nuisibles ou dangereux, ou dont la détention est illicite. On peut penser à la drogue, naturellement, mais aussi aux armes prohibées, par exemple celles qui sont découvertes chez les receleurs et dont l’enquête a permis de découvrir qu’elles avaient été volées chez un particulier qui les détenait illégalement. Comme tout produit d’un vol, ces armes pourraient être restituées à leur propriétaire mais, dans le cas précis, le juge d’instruction refusera la restitution sur la base de l'actuel article 41-1 du code de procédure pénale. / Or, en l’état du droit, il faudra attendre le jugement définitif de l’affaire avant de détruire les armes, alors même qu’elles n’ont aucune utilité ni pour l’accusation ni pour la défense et que l’on connaît les difficultés qu’engendre l’accumulation, dans les services des scellés, de véritables arsenaux qui aiguisent inévitablement les plus dangereuses convoitises »8.

 

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale a ainsi inséré dans le CPP un article 99-2, qui autorise la destruction ou l’aliénation des biens meubles dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité dans trois hypothèses :

 

– lorsque la restitution du bien placé sous main de justice s’avère impossible (soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l’objet dans le délai imparti), le juge d’instruction peut ordonner, sous réserve des droits des tiers, la destruction de ce bien ou sa remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d’aliénation (premier alinéa) ;

 

– lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien, le juge d’instruction peut ordonner sa remise à l’AGRASC en vue de son aliénation9 ou de son affectation à titre gratuit aux services judiciaires ou à des services effectuant des missions de police judiciaire10 (deuxième et troisième alinéas) ;

 

– le juge d’instruction peut également ordonner la destruction des objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite (quatrième alinéa).

 

Conformément au cinquième alinéa de ce même article, la décision d’aliénation ou de destruction prise par le juge d’instruction doit faire l’objet d’une ordonnance motivée, prise soit sur réquisition du procureur de la République, soit d’office après avis de ce dernier.

 

Cette décision est notifiée au ministère public, aux parties intéressées et, s’ils sont connus, au propriétaire ainsi qu’aux tiers ayant des droits sur le bien. Ces derniers peuvent la déférer à la chambre de l’instruction dans les dix jours suivant la notification11. Toutefois, en cas de notification orale d’une décision de destruction portant sur des produits stupéfiants saisis à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire, le délai pour exercer un tel recours est réduit à vingt-quatre heures12.

 

Ces délais et l’exercice du recours sont suspensifs.

 

* Ce dispositif a par la suite été étendu afin de permettre la destruction ou l’aliénation des biens saisis dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, et non plus seulement dans le cadre d’une instruction13.

 

L’article 41-5 du CPP prévoit ainsi que, au cours de l’enquête, le procureur de la République peut autoriser la destruction ou l’aliénation des biens meubles saisis dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité soit lorsque la restitution du bien placé sous main de justice s’avère impossible (premier alinéa), soit lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien (deuxième et troisième alinéas), soit  lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite (quatrième alinéa14).

 

Le cinquième alinéa de l’article 41-5 du CPP prévoit, à l’instar du cinquième alinéa de l’article 99-2 du même code, que les décisions prises par le procureur de la République sont motivées15 et doivent être notifiées par tout moyen aux personnes ayant des droits sur les biens et aux personnes mises en cause. Celles–ci peuvent les contester devant la chambre de l’instruction, dans le délai de cinq jours suivant la notification ou, en cas de notification orale d’une destruction de produits stupéfiants, dans un délai de vingt-quatre heures16. Les délais et l’exercice du recours sont suspensifs.

 

Cette voie de recours applicable à l’ensemble des décisions de destruction ou d’aliénation prises au cours de l’enquête, quel qu’en soit le motif, a été instituée par la loi du 16 février 2015 précitée, afin notamment de « tirer les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de l’impossibilité d’exercer un recours contre la décision du procureur de la République d’ordonner la destruction de certains biens saisis dangereux ou illégaux »17. Selon Mme Colette Capdevielle, rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, un tel recours « garantit les droits de la défense et permet d’éviter des décisions qui peuvent se révéler irréversibles »18.

 

3. – Les opérations préalables à la destruction de produits stupéfiants placés sous main de justice

 

Tout en permettant au juge d’instruction d’ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice au cours de la procédure, le législateur a entendu prévoir des garanties particulières lorsqu’une information judiciaire est ouverte du chef de trafic de stupéfiants, ces produits pouvant « jouer un rôle important dans la procédure d’instruction et de jugement comme élément de preuve »19.

 

L’article 706-30-1 du CPP, créé par la loi du 23 juin 1999 précitée et qui trouve sa place au sein de la procédure spéciale prévue par le livre IV de ce code en matière de trafic de stupéfiants20, impose ainsi au juge d’instruction qui ordonne la destruction de produits stupéfiants, en application du quatrième alinéa de l’article 99-2 du CPP21, de procéder à deux opérations distinctes et complémentaires.

 

– D’une part, le premier alinéa de cet article (les dispositions objet de la décision commentée) prévoit que « le juge d’instruction doit conserver un échantillon de ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise » et que « Cet échantillon est placé sous scellés ».

 

Dans un arrêt du 11 décembre 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que « les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale ne sont applicables qu’à l’instruction préparatoire, lorsque le juge d’instruction veut faire procéder à la destruction du produit, et ne sont pas applicables à l’enquête de flagrance »22. Elle a confirmé cette solution dans son arrêt de renvoi de la QPC objet du présent commentaire, en énonçant que les dispositions du premier alinéa de l’article 706-30-1 du CPP « réservent au cadre de l’information judiciaire l’obligation de conserver un échantillon des produits stupéfiants saisis avant destruction, sans prévoir une telle obligation lors d’une enquête préliminaire ou de flagrance ».

 

L’échantillonnage préalable à la destruction des produits stupéfiants saisis ne constitue donc une obligation que dans le cadre de l’instruction.

 

– D’autre part, le deuxième alinéa de l’article 706-30-1 du CPP dispose qu’« Il doit être procédé par le juge d’instruction ou par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies avant leur destruction ». Il précise que « Cette pesée doit être réalisée en présence de la personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins requis par le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité »23.

 

Cet alinéa prévoit également que la pesée des produits stupéfiants saisis peut être réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l’enquête préliminaire ou de flagrance, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de l’enquête douanière, par un agent des douanes.

 

Le troisième alinéa du même article prévoit par ailleurs que le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes en présence desquelles elles ont été réalisées24. La Cour de cassation a cependant jugé que, si l’article 706-30-1 du CPP exige que la pesée des produits appréhendés soit réalisée en présence de la personne qui les détenait ou celle de deux témoins, il « ne requiert pas, pour la réalisation de cette opération, la rédaction d’un procès-verbal distinct et spécifique, ni la présence de l’avocat de la personne concernée »25.

 

Ainsi que l’a souligné le rapporteur du texte au Sénat26, ces deux opérations préalables à la destruction – échantillonnage et pesée – ont « pour objectif de garantir les droits de la défense qui pourraient être atteints si la destruction de stupéfiants ne s’accompagnait d’aucune précaution ».

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

Le 12 août 2020, M. Bechir C., impliqué dans un accident de la circulation, avait été trouvé en possession de résine de cannabis et poursuivi notamment du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants en récidive.

 

Par un arrêt du 6 février 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté son exception de nullité tirée de l’absence d’échantillonnage des produits stupéfiants saisis et confirmé le jugement correctionnel l’ayant condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement.

 

À l’occasion du pourvoi formé contre cette décision, le requérant avait soulevé une QPC portant sur le premier alinéa de l’article 706-30-1 du CPP.

 

Dans son arrêt du 6 septembre 2023 précité, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé que la question posée présentait un caractère sérieux aux motifs que « les dispositions contestées réservent au cadre de l’information judiciaire l’obligation de conserver un échantillon des produits stupéfiants saisis avant destruction, sans prévoir une telle obligation lors d’une enquête préliminaire ou de flagrance, ce qui prive la personne poursuivie dans ce cadre de la possibilité, en cas de destruction des produits, de contester la nature de ceux-ci notamment en sollicitant leur expertise. / La différence de traitement ainsi instaurée peut dès lors être sans rapport avec la différence des situations et l’objet de ce texte, et porter une atteinte excessive au principe d’égalité des citoyens devant la loi ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le requérant reprochait aux dispositions renvoyées de réserver au cadre de l’information judiciaire l’obligation de conserver un échantillon des produits stupéfiants saisis avant leur destruction et de priver ainsi le prévenu cité à comparaître au terme d’une enquête de police de la possibilité de contester la nature de ces produits devant la juridiction de jugement. Il en résultait, selon lui, une méconnaissance des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du principe d’égalité devant la justice. Pour les mêmes motifs, il soutenait en outre que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits et principe précités.

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur la première phrase du premier alinéa de l’article 706–30–1 du CPP (paragr. 3).

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle

 

1. – La jurisprudence relative aux droits de la défense et au droit à un procès équitable

 

* Le principe du respect des droits de la défense est rattaché, depuis la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 200627, à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il a pour corollaire le principe du contradictoire et fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits28.

 

Le Conseil constitutionnel juge de manière constante que l’article 16 de la Déclaration de 1789 « implique notamment qu’aucune sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés »29.

 

* En matière pénale, le respect des droits de la défense s’impose tout au long de la procédure – depuis la phase d’enquête30 jusqu’à celle de l’exécution des peines31 – et, en particulier, dans le cadre du recueil et de la conservation des éléments de preuve susceptibles d’être soumis à la juridiction de jugement.

 

Dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que « le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu’une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »32.

 

Le commentaire de cette décision précise qu’« Une telle affirmation de principe n’implique pas que l’origine et les conditions de recueil de tous les renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête ou de l’instruction, et qui  permettent de l’orienter, soient versées au dossier et ainsi soumises au principe du contradictoire. Elle implique en revanche qu’une information mettant en cause une personne ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles elles ont été recueillies ».

 

Le Conseil constitutionnel a dès lors censuré des dispositions qui autorisaient l’utilisation par la juridiction de jugement, comme éléments de preuve, d’informations de géolocalisation recueillies dans les conditions prévues à l’article 230-40 du CPP, qui permettait, en matière de délinquance ou de criminalité organisées, de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d’installation d’un dispositif de géolocalisation33.

 

Plus récemment, dans sa décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, le Conseil constitutionnel a été saisi de dispositions autorisant la destruction des végétaux et animaux morts ou non viables saisis à la suite de la constatation d’une infraction au code de l’environnement.

 

Le requérant reprochait aux dispositions contestées de ne pas prévoir que la personne mise en cause ou des témoins assistent au décompte des animaux ou végétaux saisis avant leur destruction. Il en résultait, selon lui, une méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire.

 

Le Conseil constitutionnel a relevé, d’une part, que « tant la saisie des végétaux et animaux objet d’une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure ». D’autre part, il a constaté que « les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès–verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu’à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins ».  Il en a déduit, dans le prolongement de sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 précitée, que « la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »34. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789 a donc été écarté.

 

2. – La jurisprudence relative au principe d’égalité devant la justice

 

* Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi … doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »35.

 

Sur ce fondement, le Conseil veille, de manière générale, à ce que les différences de traitement opérées par la loi soient à la fois justifiées par une raison suffisante – qu’elle procède d’une différence de situation ou d’un motif d’intérêt général – et en adéquation avec les objectifs que leur assigne le législateur.

 

* En matière de justice, l’exigence d’égalité est renforcée. Le Conseil constitutionnel se fonde alors en effet sur les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789, précités, pour juger que, « Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales »36.

 

Le principe d’égalité devant la justice implique donc non seulement la prohibition des distinctions injustifiées, à l’instar du principe d’égalité devant la loi, mais également l’obligation d’assurer, en cas de distinctions justifiées, des garanties égales aux justiciables.

 

Au regard de ce principe, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a notamment pour objet de veiller au respect du droit des justiciables placés dans une situation identique à être jugés devant les mêmes formations de jugement, ou selon des garanties de procédure égales, et à ne pas voir celles-ci varier en fonction de critères qui ne seraient pas objectifs et rationnels37.

 

À ce titre, le Conseil s’assure qu’une différence de traitement, qu’elle soit d’ordre juridictionnel38 ou procédural39, est justifiée par une différence de situation et qu’elle ne prive pas le justiciable d’une garantie reconnue à d’autres.

 

* Dans le cadre de ce contrôle, le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de règles de procédure différentes au cours de la phase d’enquête, de l’exercice des poursuites ou encore du jugement de l’affaire.

 

- Ainsi, dans sa décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel, saisi de dispositions permettant au procureur de la République de saisir directement le tribunal correctionnel lorsqu’il estime qu’une information n’est pas nécessaire, a jugé que, « quelle que soit l’option faite par le procureur de la République entre les diverses procédures de poursuites et sans égard au fait qu’il y a eu ou non une information préalable confiée à un juge d’instruction, le jugement de l’affaire au fond appartient à la même juridiction ; que celle-ci, éclairée au besoin par le supplément d’information qu’elle aura pu ordonner en toute hypothèse, doit statuer sur la culpabilité du prévenu, toujours présumé innocent, selon des règles de forme et de fond identiques ; qu’ainsi les dispositions dont il s’agit ne sont contraires ni aux droits de la défense ni à l’égalité devant la justice »40.

 

- Dans sa décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de dispositions ayant pour objet de différer à la soixante–douzième heure de la garde à vue l’intervention de l’avocat lorsque cette mesure est soumise à des règles particulières de prolongation, ce qui est le cas pour des infractions en matière de stupéfiants et de terrorisme.

 

Il a jugé que : « il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l’article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquels elles s’appliquent, mais à la condition que ces différences de procédures ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense / Considérant que le droit de la personne à s’entretenir avec un avocat au cours de la garde à vue, constitue un droit de la défense qui s’exerce durant la phase d’enquête de la procédure pénale ; / Considérant que la différence de traitement prévue par l’article 18 de la loi, s’agissant du délai d’intervention de l’avocat au regard des infractions dont s’agit, correspond à des différences de situation liées à la nature de ces infractions ; que la différence de traitement mise en cause ne procède donc pas d’une discrimination injustifiée »41.

 

- De la même manière, dans sa décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, le Conseil était saisi des règles relatives aux modes de délibération devant la cour d’assises. Il a jugé « que les personnes accusées de crime devant la cour d’assises sont dans une situation différente de celle des personnes qui sont poursuivies pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ; que, par suite, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, édicter pour le prononcé des arrêts de la cour d’assises des règles différentes de celles qui s’appliquent devant les autres juridictions pénales »42.

 

Il a ainsi admis que les règles de procédure pénale diffèrent selon que la personne est renvoyée pour un crime devant la cour d’assises ou pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.

 

- Dans sa décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013, le Conseil a également validé des dispositions allongeant la durée de la prescription pour certains délits prévus par la loi du 29 juillet 1881. Se plaçant sur le double fondement du principe d’égalité devant la justice et de la liberté d’expression, il a ainsi jugé « qu’en portant de trois mois à un an le délai de la prescription pour les délits qu’il désigne, l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de faciliter la poursuite et la condamnation, dans les conditions prévues par cette loi, des auteurs de propos ou d’écrits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à caractère ethnique, national, racial, ou religieux ou contestant l’existence d’un crime contre l’humanité ; que le législateur a précisément défini les infractions auxquelles cet allongement du délai de la prescription est applicable ; que la différence de traitement qui en résulte, selon la nature des infractions poursuivies, ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ; qu’il n’est pas porté atteinte aux droits de la défense ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées »43.

 

* En revanche, le Conseil constitutionnel censure des dispositions qui créent sans justification des distinctions entre les justiciables.

 

Ainsi, dans la décision n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007, le Conseil était saisi de dispositions permettant à tout représentant à l’assemblée de la Polynésie française, lorsqu’il saisit le tribunal administratif ou le Conseil d’État d’un recours en annulation d’un acte de la Polynésie française, d’assortir ce recours d’une demande de suspension sans qu’il soit justifié de la condition d’urgence. Le Conseil constitutionnel a jugé que, par ces dispositions, « le législateur a instauré une différence de situation entre les représentants à l’assemblée de la Polynésie française et les autres justiciables qui n’est pas justifiée au regard de l’objectif de contrôle juridictionnel des actes administratifs ; qu’il a, par suite, méconnu le principe d’égalité devant la justice »44.

 

De la même manière, dans sa décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, le Conseil a censuré des dispositions qui prévoyaient que seule une association se proposant, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits d’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité réprimés par le cinquième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881. Le Conseil a jugé : « Considérant, d’une part, que le législateur n’a pas prévu une répression pénale différente pour l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité selon que ces crimes ont été commis ou non pendant la seconde guerre mondiale ; que, d’autre part, il ne ressort ni des dispositions contestées ou d’une autre disposition législative ni des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 1990 l’existence de motifs justifiant de réserver aux seules associations défendant les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés la faculté d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ; que, par suite, les dispositions contestées, en excluant du bénéfice de l’exercice des droits reconnus à la partie civile les associations qui se proposent de défendre les intérêts moraux et l’honneur des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité autres que ceux commis durant la seconde guerre mondiale, méconnaissent le principe d’égalité devant la justice »45.

 

Enfin, plus récemment, dans sa décision n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, le Conseil était saisi de dispositions instituant une différence de traitement entre les justiciables sollicitant le relèvement d’une mesure d’interdiction, de déchéance, d’incapacité ou de publication, en fonction de la nature et du degré de la juridiction ayant prononcé cette mesure.

 

Il a jugé qu’« une telle distinction, qui n’est au demeurant pas fondée sur la nature criminelle ou correctionnelle de la peine, est sans lien avec l’objet des dispositions contestées, qui est de permettre à une personne condamnée de demander le relèvement d’une mesure d’interdiction, de déchéance, d’incapacité ou de publicité prononcée à son encontre ». Il en a déduit que « les dispositions contestées procèdent à une distinction injustifiée entre les personnes condamnées qui demandent le relèvement d’une telle mesure. Elles méconnaissent donc le principe d’égalité devant la justice »46.

 

B. – L’application à l’espèce

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps, examiné les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

 

Après avoir rappelé que ces droits sont garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789 (paragr. 4), il s’est attaché à décrire l’objet des dispositions contestées.

 

À cet égard, le Conseil a d’abord constaté qu’en application du quatrième alinéa de l’article 41–5 du CPP et du quatrième alinéa de l’article 99–2 du même code, le procureur de la République, au cours de l’enquête, et le juge d’instruction, au cours de l’information judiciaire, peuvent ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi, ou dont la détention est illicite (paragr. 5).

 

Il a ensuite relevé que les dispositions contestées prévoient que, « en matière de trafic de stupéfiants, le juge d’instruction qui ordonne la destruction de tels produits doit en conserver un échantillon afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise » (paragr. 6).

 

Il a alors observé que « Cette obligation n’est pas prévue dans le cadre de l’enquête » (même paragr.).

 

Il revenait dès lors au Conseil d’apprécier si la destruction des produits stupéfiants au cours de l’enquête préliminaire ou de flagrance est entourée de garanties de nature à assurer le respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

 

À ce titre, il a souligné, d’une part, que, conformément à l’article 41–5 du CPP, la décision de destruction prise par le procureur de la République ne peut concerner que les produits « dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ». Cette décision est motivée et notifiée à la personne mise en cause et cette dernière a la possibilité de former un recours suspensif devant la chambre de l’instruction (paragr. 7).

 

Il a observé, d’autre part, que, « devant la juridiction de jugement, conformément à l’article 427 du code de procédure pénale, la preuve de la nature des produits saisis peut être rapportée par tout moyen et le juge ne peut fonder sa décision que sur des éléments qui lui sont apportés au cours des débats et contradictoirement discutés devant lui. Dans ce cadre, il appartient au ministère public de rapporter la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction » (paragr. 8).

 

Ainsi, la personne mise en cause peut, au stade de l’enquête, s’opposer à la destruction des produits saisis en exerçant un recours contre la décision du procureur de la République et, au stade du jugement, contester la nature de ces produits par tout moyen, quand bien même il aurait été procédé à leur destruction. À cet égard, et comme le traduit la référence à l’article 427 du CPP, l’administration de la preuve ne fait qu’obéir aux règles de droit commun applicables devant le tribunal correctionnel.

 

Dans le droit fil de ses décisions n° 2014–693 DC du 25 mars 2014 et n° 2021–981 QPC du 17 mars 2022 précitées, le Conseil constitutionnel en a déduit que « la personne intéressée est mise en mesure de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause » (paragr. 9).

 

Par conséquent, il a écarté les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable (paragr. 10).

 

* Le Conseil constitutionnel a examiné, dans un second temps, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la justice.

 

Après avoir rappelé sa formulation de principe relative à ce principe, qui découle des dispositions des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 (paragr. 11), le Conseil s’est assuré que la différence de traitement procédural résultant des dispositions contestées ne procédait pas d’une distinction injustifiée et que les justiciables bénéficiaient de garanties égales.

 

À ce titre, il a relevé que, d’une part, « eu égard notamment à la gravité ou la complexité des faits susceptibles de justifier l’ouverture d’une information judiciaire, les personnes renvoyées devant une juridiction de jugement à l’issue d’une instruction ouverte du chef de trafic de stupéfiants sont dans une situation différente de celle des personnes citées à comparaître à l’issue d’une enquête préliminaire ou de flagrance » (paragr. 12). La différence de traitement critiquée par le requérant est ainsi justifiée par une différence de situation.

 

D’autre part, le Conseil a jugé, pour les mêmes motifs que ceux ayant permis d’écarter les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable, que « sont assurées aux personnes mises en cause, qu’elles soient jugées à l’issue d’une information judiciaire ou d’une enquête, des garanties équivalentes » (paragr. 13).

 

Dès lors, il a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la justice (paragr. 14).

 

Les dispositions contestées n’étant pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 15).

 

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1 Articles 54 à 58 et 76 du CPP.

2 Article 97 du CPP.

3 Ces articles forment le titre XXIX (« Des saisies spéciales ») du livre IV du CPP.

4 La peine complémentaire de confiscation est régie par l’article 131-21 du code pénal.

5 La compétence pour décider de la restitution des biens placés sous main de justice appartient ainsi :

– au cours de la phase d’enquête, au procureur de la République (article 41-4 du CPP) ;

– au cours de la phase d’instruction, au juge d’instruction et, en cas d’appel, au président de la chambre de l’instruction (article 99 du CPP et, en cas de non-lieu ordonné à l’issue de celle-ci, dernier alinéa de l’article 177 du même code) ;

– au cours de la phase de jugement, au tribunal de police (article 543 du CPP), au tribunal correctionnel (articles 478 à 481 du CPP) ou à la cour d’assises (article 373 du CPP) selon la nature des faits. Les mêmes règles sont applicables devant la cour d’appel (article 484 du CPP) ;

– hors ces hypothèses, la restitution peut enfin intervenir lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie au terme de l’enquête (en raison par exemple d’un classement sans suite) ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets (premier alinéa de l’article 41-4 du CPP).

6 Ce recours doit être exercé dans un délai d’un mois suivant la notification de la décision de non-restitution lorsque celle-ci est prise par le procureur de la République (deuxième alinéa de l’article 41-4 du CPP) et dans un délai de dix jours lorsqu’elle est prise par le juge d’instruction (cinquième alinéa de l’article 99 du CPP).

7 Rapport n° 1328 de M. Louis Mermaz, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, déposé le 20 janvier 1999.

8 Compte-rendu des débats au Sénat, séance publique du 18 juin 1998.

9 S’il est procédé à la vente du bien, le produit de celle-ci est consigné pendant une durée de dix ans. En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire des objets s’il en fait la demande.

10 En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, le propriétaire qui en fait la demande obtient la restitution du bien, assortie s’il y a lieu d’une indemnité compensant la perte de valeur qui a pu résulter de l’usage du bien.

11 Ce délai est prévu à l’article 186 du CPP.

12 Ce délai particulier a été introduit par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, afin de calquer la procédure sur celle prévue par l’article 41-5 du CPP dans le cadre de l’enquête préliminaire ou de flagrance (cf. infra).

13 Introduites par la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, ces nouvelles dispositions étaient, comme celles prévues à l’article 99-2 du CPP, destinées à « libérer l’institution judiciaire de certaines obligations de conservation de biens saisis qui s’avèrent inutiles » (rapport n° 178 de M. Philippe Gosselin fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, déposé le 26 septembre 2007).

14 Les dispositions relatives à la destruction d’objets dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite, étaient initialement prévues au quatrième alinéa de l’article 41-4 du CPP. Elles ont été intégrées à l’article 41-5 du même code par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Cette même loi a confié au seul procureur de la République la compétence pour autoriser la destruction des biens meubles saisis au cours de l’enquête, alors que la loi du 29 octobre 2007 précitée avait prévu, dans certains cas, l’intervention du JLD.

15 La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que « la décision de destruction prise par le procureur de la République peut être écrite ou orale, à condition que le procès-verbal d’enquête rende compte de cette décision et de ses motifs » (Cass. crim., 15 février 2023, n° 22-83.956).

16 Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a estimé qu’un délai de recours réduit se justifiait pour la destruction de produits stupéfiants « puisqu’il s’agit de produits manifestement illicites et dangereux et qui par nature ne peuvent faire l’objet d’une appropriation légale. / Par ailleurs, dans les procédures pour usage de produits stupéfiants, la conservation des petites quantités saisies n’est évidemment pas nécessaire pour la manifestation de la vérité » (exposé sommaire de l’amendement n° 10 présenté par le Gouvernement le 27 octobre 2014 en séance publique).

17 Rapport n° 215 de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 14 janvier 2015. Dans sa décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 (M. Antoine H. [Destruction d’objets saisis sur décision du procureur de la République]), le Conseil constitutionnel avait en effet déclaré contraire à la Constitution le quatrième alinéa de l’article 41-4 du CPP : après avoir relevé que « par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer la prévention des atteintes à l’ordre public, la bonne administration de la justice et le bon usage des deniers publics qui constituent des exigences constitutionnelles ; que ces dispositions permettent au procureur de la République d’ordonner, au cours d’une enquête, la destruction des biens meubles saisis lorsque, d’une part, la conservation de ces biens n’est plus utile à la manifestation de la vérité, et que, d’autre part, il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles ou dont la détention est illicite ; que cette décision n’est susceptible d’aucun recours », il a jugé « qu’en permettant la destruction de biens saisis, sur décision du procureur de la République, sans que leur propriétaire ou les tiers ayant des droits sur ces biens et les personnes mises en cause dans la procédure en aient été préalablement avisés et qu’ils aient été mis à même de contester cette décision devant une juridiction afin de demander, le cas échéant, la restitution des biens saisis, les dispositions du quatrième alinéa de l’article 41-4 du code de procédure pénale ne sont assorties d’aucune garantie légale ; qu’elles méconnaissent les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (cons. 4 et 5).

18 Compte-rendu des débats à l’Assemblée nationale, première séance du 16 avril 2014.

19 Rapport n° 486 de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 10 juin 1998.

20 Les infractions en matière de trafic de stupéfiants font l’objet de règles de procédure particulières édictées par les articles 706-26 à 706-33 du CPP. Conformément à l’article 706-26 du CPP, ces infractions sont celles prévues par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal (production, fabrication, importation, exportation, transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants ; direction ou organisation d’un groupement ayant un tel objet ; facilitation de la justification mensongère de l’origine des biens ou revenus de l’auteur de l’une de ces infractions) ainsi que le délit de participation à une association de malfaiteurs prévu par l’article 450-1 du même code lorsqu’il a pour objet de préparer l’une de ces infractions.

21 Pour rappel, cette disposition permet au juge d’instruction d’ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité « lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite ».

22 Cass. crim, 11 décembre 2019, n° 18-84.912. Voir également, dans le même sens, Cass. crim., 11 décembre 2019, n° 19-83.183.

23 En cas de destruction, le non-respect de ces prescriptions fait nécessairement grief à la personne intéressée et entraîne la nullité de l’opération de pesée (Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-80.872). En revanche, la nullité n’est pas encourue si, après pesée, les produits stupéfiants ont été intégralement placés sous scellés, l’intéressé ayant alors la possibilité de présenter une demande afin que soit effectuée une nouvelle pesée (Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700).

24 En cas de refus de ces dernières, il en est fait mention au procès-verbal.

25 Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 18-80.334.

26 Rapport n° 486 de M. Pierre Fauchon, précité.

27 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.

28 Décision n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011, M. Samir A. (Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d’instruction), cons. 4.

29 Décisions n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, M. Claude F. (Communication d’informations en matière sociale), cons. 4, et n° 2019-781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M. (Sanctions disciplinaires au sein de l’administration pénitentiaire), paragr. 4.

30 Le Conseil constitutionnel a notamment affirmé que le principe du libre entretien avec un avocat d’une personne gardée à vue constitue « un droit de la défense qui s’exerce durant la phase d’enquête de la procédure pénale » (décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, cons. 12).

31 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à l’application des peines.

32 Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation, cons. 25.

33 Le Conseil a plus précisément énoncé : « Considérant que l’article 230-42 prévoit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée "sur le seul fondement" des éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de ce même article ont été versés au dossier en application de l’article 230-41 ; qu’en permettant ainsi qu’une condamnation puisse être prononcée sur le fondement d’éléments de preuve alors que la personne mise en cause n’a pas été mise à même de contester les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis, ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, à l’article 230-42, le mot "seul" doit être déclaré contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de l’article 230-40 ont été versés au dossier en application de l’article 230-41, il appartiendra à la juridiction d’instruction d’ordonner que les éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40 soient retirés du dossier de l’information avant la saisine de la juridiction de jugement ; que, pour le surplus et sous cette réserve, l’article 230-42 ne méconnaît pas l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (décision n° 2014–693 DC précitée, cons. 26).

34 Décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, M. Jean-Mathieu F. (Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d’infractions au code de l’environnement), paragr. 6 à 8.

35 Voir, par exemple, décision n° 2023-1049 QPC du 26 mai 2023, Société Nexta 2022 (Exclusion des opérations portant sur les titres et contrats financiers du champ de la révision pour imprévision), paragr. 3.

36 Voir, par exemple, décision n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, M. José M. (Double degré de juridiction pour l’examen d’une demande de relèvement d’une interdiction, d’une déchéance, d’une incapacité ou d’une mesure de publicité), paragr. 6.

37 La jurisprudence du Conseil constitutionnel a également pour objet de veiller à l’égalité entre les parties à une même procédure. Cette dimension du principe constitutionnel d’égalité devant la justice implique de comparer la situation des différentes parties à une même procédure et, notamment, en procédure pénale, celle de la personne mise en cause (mis en examen ou prévenu), de la partie civile et du ministère public (voir, par exemple, sur la communication des pièces aux parties : décisions n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. [Communication du réquisitoire définitif aux parties], cons. 4, et n° 2012-284 QPC du 23 novembre 2012, Mme Maryse L. [Droit des parties non assistées par un avocat et expertise pénale], cons. 3).

38 À travers, notamment, l’existence de dispositions attribuant un contentieux spécifique à une juridiction spécialisée. Voir, par exemple, la décision n° 2018-756 QPC du 17 janvier 2019, M. Jean-Pierre F. (Compétence des juridictions spécialisées en matière militaire pour les infractions commises par des militaires de la gendarmerie dans le service du maintien de l’ordre).

39 Voir, par exemple, la décision n° 2019-803 QPC du 27 septembre 2019, Mme Fabienne V. (Mise en mouvement de l’action publique en cas d’infraction commise par un militaire lors d’une opération extérieure).

40 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, cons. 37.

41 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, cons. 17 à 19. En revanche, dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 précitée, le Conseil avait jugé que « dénier à une personne tout droit à s’entretenir avec un avocat pendant une garde à vue à raison de certaines infractions, alors que ce droit est reconnu à d’autres personnes dans le cadre d’enquêtes sur des infractions différentes punies de peines aussi graves et dont les éléments de fait peuvent se révéler aussi complexes, méconnaît, s’agissant d’un droit de la défense, l’égalité entre les justiciables » (cons. 15).

42 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre (Motivation des arrêts d’assises), cons. 9.

43 Décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013, M. Laurent A. et autres (Délai de prescription d’un an pour les délits de presse à raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion), cons. 6.

44 Décision n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007, Loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, cons. 26.

45 Décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, Association Communauté rwandaise de France (Associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité), cons. 7.

46 Décision n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, précitée, paragr. 10 et 11.