Conseil constitutionnel

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Commentaire de la décision 2023-1061 QPC

30/11/2023

Conformité

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 juin 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 513 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par Mme Cindy B. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 2225 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

 

Dans sa décision n° 2023-1061 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « à compter de la fin de leur mission » figurant à l’article 2225 du code civil, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Objet des dispositions contestées

 

1. – Le régime de droit commun de la prescription extinctive

 

* En droit civil, la prescription extinctive constitue « un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps »11

 

Elle « répond à des exigences de sécurité et de simplification : le titulaire d’un droit resté trop longtemps inactif est censé y avoir renoncé ; la prescription sanctionne sa négligence tout autant qu’elle évite l’insécurité créée par la possibilité d’actions en justice tardives ; elle joue également un rôle probatoire, en permettant de suppléer la disparition éventuelle des preuves et d’éviter au débiteur ou au possesseur de devoir les conserver trop longtemps »2.

 

Son régime a été profondément remanié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile3.

 

Partant du constat que « les règles relatives à la prescription en matière civile se sont diversifiées et complexifiées à un point tel que leur manque de lisibilité et de cohérence est aujourd’hui unanimement dénoncé et alimente les contentieux » et qu’elles sont en outre « inadaptées à l’évolution de la société et à l’environnement juridique actuel »4, le législateur a notamment entendu réduire la durée et le nombre des délais de prescription et simplifier les règles relatives au cours de la prescription.

 

* La durée du délai de prescription de droit commun a ainsi été considérablement réduite.

 

Le délai de trente ans prévu par le code civil de 18045, qui s’appliquait tant aux actions réelles6 qu’aux actions personnelles7, présentait, selon l’auteur de la proposition de loi à l’origine de la loi précitée, de nombreux inconvénients : jugée « inadapté[e] à une société marquée par des transactions juridiques de plus en plus nombreuses et rapides », une telle durée ne paraissait plus nécessaire « dans la mesure où les acteurs juridiques ont un accès plus aisé qu’auparavant aux informations indispensables pour exercer leurs droits » et s’avérait en outre en « décalage […] avec celles prévues par nombre d’États européens, qui retiennent des durées de prescription de droit commun plus courtes »8.

 

L’article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008 précitée, fixe désormais ce délai à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières.

 

Dans son rapport fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale9, M. Émile Blessig soulignait que ce délai de cinq ans « constitue un juste milieu entre le délai de dix ans, suggéré par la Cour de cassation10 – délai sur lequel travaillait le ministère de la justice à la fin de la législature précédente – et un délai de trois ans, préconisé par l’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription11 » et rappelait que « ce délai avait été préconisé dans la recommandation n° 8 de la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales constituée au sein de la commission des Lois du Sénat ». Il représentait ainsi, selon lui, « un juste équilibre entre le risque qu’un délai de prescription trop long ne crée de l’insécurité juridique et le risque qu’un délai trop court ne devienne une source d’injustice pour les titulaires de droits ».

 

Les actions réelles immobilières se prescrivent en revanche toujours par trente ans12 et certains délais spéciaux ont été maintenus13.

 

* Les règles relatives au cours de la prescription, et en particulier celles relatives à son point de départ, ont également été réformées par la loi du 17 juin 2008.

 

En effet, comme l’avait constaté le rapporteur du texte au Sénat, « Le point de départ d’un délai de prescription n’[était] pas toujours aisé à déterminer en raison de la diversité des règles législatives et des interventions de la jurisprudence »14.

 

- Dans un souci de simplification et de clarification, le législateur a édicté une règle générale instaurant un point de départ « glissant ».

 

L’article 2224 du code civil prévoit ainsi que le délai de prescription de droit commun court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Ce faisant, le législateur a consacré la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance »15.

 

Dans son rapport précité, M. Laurent Béteille relevait que « Sans être hostile à l’édiction d’une règle générale sur le point de départ de la prescription, la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales s’était interrogée sur l’intérêt pratique d’une telle évolution législative dans la mesure où, bien évidemment, les règles spéciales vont perdurer. Or elles s’avèrent très nombreuses. En effet, le point de départ d’une action en responsabilité consécutive à un dommage ne peut être identique à celui d’une action en nullité d’une convention qui ne peut être lui-même identique, par exemple, à celui d’une action relative à la filiation. / L’édiction d’une règle générale, souhaitée notamment par le ministère de la justice et le Conseil supérieur du notariat et préconisée par l’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, présente néanmoins l’avantage d’améliorer la lisibilité de la loi en comblant une lacune. / La rédaction retenue par votre commission s’inspire des Principes d’Unidroit et de la réforme du droit allemand des obligations […]. Elle laisse au juge une grande latitude pour apprécier si le titulaire du droit connaissait ou, ne pouvait ignorer les faits lui permettant d’agir ».

 

- Le législateur a en outre prévu que la prescription ne court pas contre celui qui a été empêché d’agir, conformément à la solution jurisprudentielle tirée de l’adage « Contra non valentem agere non currit praescriptio ».

 

L’article 2234 du code civil dispose ainsi désormais que « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».

 

Comme l’a souligné le rapporteur du texte au Sénat, une telle règle « peut indéniablement induire une certaine insécurité juridique. Toutefois, […] elle permet aussi d’introduire de l’équité et de la souplesse dans la mise en œuvre de la législation et est appliquée avec discernement et parcimonie par les juridictions »16.

 

2. – La prescription de l’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté une partie en justice

 

* L’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les personnes en justice17 n’obéit pas au régime de prescription de droit commun, mais à un régime spécifique18.

 

Antérieurement à la réforme de 2008, cette action était soumise à un délai de prescription différent selon que la responsabilité des personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice était recherchée soit à raison d’une faute commise dans l’exercice de cette mission, soit à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur avaient été confiées à cette occasion. L’article 2277-1 du code civil prévoyait alors que « L’action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu’elles encourent de ce fait se prescrit par dix ans à compter de la fin de leur mission », tandis que l’article 2276 du même code disposait que « les personnes qui ont représenté ou assisté les parties sont déchargés des pièces cinq ans après le jugement ou la cessation de leur concours ».

 

En 2008, le législateur a souhaité « synthétiser ces deux dispositions, en clarifiant la définition du point de départ et en harmonisant à cinq ans, conformément au délai de droit commun, la durée de la prescription en la matière »19.

 

L’article 2225 du code civil (les dispositions objet de la décision commentée) dispose ainsi désormais que « L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ».

 

Si la proposition de loi envisageait initialement de soumettre l’action en responsabilité dirigée contre les personnes habilitées à représenter ou à assister les parties en justice au régime de prescription de droit commun – à savoir un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer cette action –, le texte finalement adopté prévoit un point de départ fixe, à savoir la fin de la mission.

 

Comme l’avait relevé M. Laurent Béteille dans son rapport précité, c’est « la particularité de ce point de départ qui explique le maintien, dans le code civil, de dispositions spécifiques. / Ces dispositions se justifient par la nécessité d’éviter aux personnes ayant assisté ou représenté des parties en justice de devoir conserver pendant des années, y compris après qu’elles ont pris leur retraite et ne sont plus assurées au titre de leur activité professionnelle, les documents leur permettant de se défendre contre une éventuelle mise en cause de leur responsabilité »20.

 

Le choix de ce point de départ répond ainsi « à des impératifs essentiellement probatoires : il s’agit de permettre aux professionnels de s’estimer déchargés de toute responsabilité cinq ans après avoir achevé leur mission »21.

 

* Le régime spécial de prescription institué par l’article 2225 du code civil s’applique non seulement aux avocats, mais également à toutes les autres personnes légalement habilitées à assister ou à représenter une partie en justice22.

 

Son champ est cependant limité à l’activité d’assistance et de représentation en justice d’une partie, ainsi qu’à la restitution des pièces confiées dans le cadre de cette mission. Ce régime ne s’applique donc pas aux activités juridiques de consultation et de rédaction d’actes, qui demeurent soumises à la prescription de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil23.

 

Il en résulte que l’action en responsabilité engagée contre un professionnel du droit et, en particulier, contre un avocat est soumise à deux régimes de prescription distincts :

- dans le cadre de sa mission de conseil ou de rédaction d’actes, l’action se prescrit par cinq ans à compter du jour où son client a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

- dans le cadre de sa mission d’assistance ou de représentation en justice, l’action se prescrit par cinq ans à compter de la fin de sa mission.

 

* La jurisprudence a été amenée à définir plus précisément cette notion de fin de mission.

 

Si la Cour de cassation jugeait jusqu’à une date récente que l’action en responsabilité contre un avocat se prescrivait « à compter du prononcé de la décision juridictionnelle »24, elle a récemment fait évoluer sa jurisprudence et décide désormais que « le délai de prescription de l’action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l’exécution de sa mission, court à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d’assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date »25.

 

Elle juge par ailleurs que, dans le cas où le même avocat est chargé de l’affaire en première instance et en appel, le point de départ du délai de la prescription est repoussé au jour de la fin de l’instance d’appel26. En revanche, l’assistance par un avocat au cours de la procédure de cassation, pour laquelle il n’a, n’étant pas avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ni compétence ni pouvoir de déposer un pourvoi, constitue une nouvelle mission qui ne repousse pas le point de départ de la prescription27.

 

La fin de mission de l’avocat peut toutefois précéder la fin de l’instance lorsque les relations entre l’avocat et son client ont cessé. Il appartient dans ce cas à l’avocat d’établir l’existence d’un accord de son client en vue de le décharger de ses obligations en conséquence de la révocation du mandat28. Il en va cependant autrement en cas de cessation définitive de l’activité de l’avocat, la Cour de cassation ayant jugé que « la cessation définitive des fonctions de l’avocat met fin à la mission de celui-ci, sans notification préalable »29.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

Par jugement du 12 mai 2010, un tribunal de commerce avait prononcé la nullité pour dol de la cession de parts sociales conclue en 2007 entre, d’une part, MM. Jean-Paul et Raymond B. et, d’autre part, la société Volter, laquelle avait été placée en liquidation judiciaire pendant le cours de la procédure. Il avait condamné M. Jean-Paul B. à restituer le prix de cession à la société Volter et à son mandataire liquidateur et jugé que ce dernier était tenu de restituer à M. Jean-Paul B. les parts sociales.

 

Ce jugement avait été confirmé en appel par un arrêt du 10 mai 2011 et le pourvoi formé contre cette décision avait été rejeté le 12 février 2013.

 

M. Jean-Paul B., poursuivi en paiement, s’était acquitté du montant de ses condamnations, sans que les parts sociales ou leur valeur ne lui aient été restituées par le mandataire liquidateur.

 

C’est dans ce contexte que MM. Jean-Paul et Raymond B. avaient, par acte du 1er février 2017, assigné en responsabilité l’avocat qui les avait représentés jusqu’en appel, M. François C., au titre de son manquement à faire valoir la validité de la créance de restitution à leur profit et à en assurer l’exécution au cours de la procédure de liquidation judiciaire de la société Volter.

 

Par jugement du 12 novembre 2020, confirmé en appel par un arrêt du 29 novembre 2022, leur demande avait été rejetée comme prescrite.

 

Mme Cindy B., agissant en sa qualité d’héritière de son père décédé Jean-Paul B., avait formé un pourvoi en cassation et, à cette occasion, avait soulevé une QPC portant sur l’article 2225 du code civil.

 

Dans son arrêt précité du 28 juin 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation avait jugé que la question posée présentait un caractère sérieux aux motifs que, « d’une part, l’article 2225 du code civil, en ce qu’il prévoit un point de départ fixe pour la prescription quinquennale de l’action en responsabilité dirigée contre la personne ayant représenté ou assisté les parties en justice, en l’occurrence la fin de sa mission, sans considération de la connaissance effective par la victime des faits lui permettant d’exercer son action, pourrait être de nature à porter une atteinte excessive au droit à un recours effectif. De surcroît, est susceptible d’être éteinte par l’effet de cette prescription une action dont les conditions d’exercice ne sont pas réunies » et que, « D’autre part, en ce qu’il fixe le point de départ du délai de cinq ans pour agir contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice à la fin de leur mission alors que les autres activités exercées par ces personnes demeurent soumises à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil prévoyant un point de départ au jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, l’article 2225 instaure une dualité de régime susceptible de porter atteinte au principe d’égalité devant la loi si cette différence n’est pas justifiée par une différence de situation ou par des motifs d’intérêt général ou si elle n’est pas en rapport avec l’objet de la loi ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

* La requérante reprochait aux dispositions renvoyées de prévoir que l’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission, sans tenir compte de la connaissance effective par la victime des faits lui permettant d’exercer cette action. Selon elle, elles étaient ainsi susceptibles de faire obstacle à l’exercice d’une telle action avant l’expiration du délai de prescription, en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.

 

Elle soutenait également que ces dispositions instituaient une différence de traitement injustifiée entre les victimes d’une faute professionnelle d’un avocat, selon que cette faute a été commise dans le cadre de sa mission de représentation ou d’assistance en justice ou dans le cadre de son activité de conseil ou de rédaction d’actes, dès lors que seule cette dernière activité est soumise au régime de prescription de droit commun. Il en résultait, selon elle, une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. 

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait uniquement sur les mots « à compter de la fin de leur mission » figurant à l’article 2225 du code civil (paragr. 4).

 

* Par ailleurs, M. François C., partie au litige à l’occasion duquel la QPC avait été posée, défendait la constitutionnalité de ces dispositions.

 

A. – L’examen du grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif

 

1. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel

 

* Aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Le Conseil constitutionnel juge de manière constante qu’« Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction »30.

 

Cette exigence constitutionnelle n’interdit pas, dans certaines limites, d’encadrer l’exercice d’un recours, notamment par des règles de recevabilité31, dès lors que le justiciable ne se retrouve pas privé de toute voie de recours contre des décisions emportant des conséquences certaines sur sa situation32. Le Conseil considère également que le droit à un recours juridictionnel effectif est méconnu lorsque des dispositions prévoient un recours mais ne garantissent pas qu’il puisse s’exercer33.

 

Afin de déterminer s’il n’est pas porté une atteinte substantielle au droit au recours, le Conseil examine les limitations apportées au droit au recours au regard de la situation du requérant et des objectifs poursuivis par le législateur, qu’il s’agisse d’objectifs de valeur constitutionnelle ou d’objectifs d’intérêt général.

 

* Le Conseil constitutionnel a jugé, à plusieurs reprises, que le droit à un recours juridictionnel effectif exige que la personne intéressée ait pu avoir connaissance des informations la mettant effectivement à même d’exercer son recours. Les informations dont il s’agit intéressent généralement la procédure dans laquelle la personne est engagée ou la décision contre laquelle elle pourrait exercer un recours.

 

– Ainsi, dans sa décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012, le Conseil était saisi de dispositions prévoyant que l’arrêté du président du conseil général qui admet l’enfant en qualité de pupille de l’État peut, dans un délai de trente jours, faire l’objet d’un recours par les parents ou alliés de l’enfant ou par toute personne justifiant d’un lien avec celui-ci et qui demandent à en assurer la charge. La requérante soutenait que l’absence de publication ou de notification de cet arrêté aux personnes ayant qualité pour agir méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif.

 

Le Conseil a estimé que, « si le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie et qui ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification de l’arrêté en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours »34. Il a en conséquence jugé que les dispositions contestées méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif.

 

– Dans sa décision n° 2018-712 QPC du 8 juin 2018, le Conseil était saisi de dispositions en application desquelles la personne condamnée par défaut qui prenait connaissance de la signification de la décision de condamnation postérieurement à la prescription de la peine se trouvait dans l’impossibilité de contester cette décision, que ce soit par la voie de l’opposition ou par celle de l’appel. 

 

Après avoir relevé les conséquences qu’une peine prescrite est susceptible d’emporter pour la personne condamnée, le Conseil a jugé qu’« en privant la personne condamnée par défaut de la possibilité, lorsque la peine est prescrite, de former opposition, lorsqu’elle n’a pas eu connaissance de sa condamnation avant cette prescription et alors que des conséquences restent attachées à une peine même prescrite, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif »35.

 

– Dans sa décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019, le Conseil était saisi des dispositions de l’article L. 600-13 du code de l’urbanisme qui permettaient au juge administratif de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l’urbanisme lorsque son auteur n’a pas produit, dans un délai déterminé et sans motif légitime, les pièces nécessaires au jugement de l’affaire.

 

Le Conseil a d’abord relevé qu’« En permettant au juge administratif de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l’urbanisme lorsque son auteur n’a pas produit, dans un délai déterminé et sans motif légitime, les pièces nécessaires au jugement de l’affaire, le législateur a entendu limiter les recours dilatoires ». Il a cependant estimé que ces dispositions étaient susceptibles de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif dès lors que, dans un contentieux administratif, la caducité « a pour effet d’éteindre l’instance ».

 

Or, le Conseil a constaté que, « en premier lieu, d’une part, la notion de "pièces nécessaires au jugement d’une affaire" est insuffisamment précise pour permettre à l’auteur d’une requête de déterminer lui-même les pièces qu’il doit produire. D’autre part, le juge administratif peut, sur le fondement des dispositions contestées, prononcer la caducité de la requête sans être tenu, préalablement, ni d’indiquer au requérant les pièces jugées manquantes ni même de lui préciser celles qu’il considère comme nécessaires au jugement de l’affaire. / En second lieu, d’une part, si la déclaration de caducité peut être rapportée lorsque le demandeur fait connaître, dans un délai de quinze jours, un motif légitime justifiant qu’il n’a pas produit les pièces nécessaires au jugement de l’affaire dans le délai imparti, elle ne peut en revanche être rapportée par la seule production des pièces jugées manquantes. D’autre part, dès lors que la caducité a été régulièrement prononcée, le requérant ne peut obtenir l’examen de sa requête par une juridiction ; il ne peut introduire une nouvelle instance que si le délai de recours n’est pas expiré ». Par conséquent, le Conseil a jugé que les dispositions contestées portaient au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi36.

 

– Dans sa décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021, le Conseil était saisi de dispositions du code de procédure pénale instituant un mécanisme de « purge des nullités » rendant irrecevable, une fois l’ordonnance de mise en accusation devenue définitive, toute exception de nullité visant les actes de la procédure antérieure à cette ordonnance.

 

Après avoir décrit les voies de recours permettant à l’accusé de contester la régularité des actes de la procédure antérieurement à sa mise en accusation, il a jugé que « Ces dispositions garantissent à l’accusé la possibilité de contester utilement les nullités avant qu’intervienne la purge des nullités ».

 

Le Conseil a toutefois constaté que « l’exercice de ces voies de recours suppose que l’accusé ait été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information ou de l’ordonnance de mise en accusation ». Or, il a relevé que « les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure et alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence »37.

 

Ainsi que le relève le commentaire de cette décision, par ce constat, le Conseil a mis en exergue le fait que, dans ce cas, la garantie d’un recours utile avant la purge des nullités est privée d’effectivité : à défaut d’information sur l’existence de cette procédure, la personne intéressée est nécessairement placée dans l’impossibilité de contester la régularité des actes de la procédure au cours de l’instruction ou à sa clôture. L’effectivité de la garantie s’en trouve donc atteinte.

 

Le Conseil a dès lors jugé que les dispositions contestées méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.

 

* S’agissant plus spécifiquement de dispositions intéressant les règles de prescription, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer, dans la décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, sur la constitutionnalité de dispositions prévoyant des règles de prescription tenant compte de la situation dans laquelle la personne intéressée pouvait être dans l’impossibilité d’exercer un recours en raison non pas d’un défaut d’information sur les voies de droit qui lui étaient ouvertes, mais de l’ignorance légitime des faits susceptibles de donner lieu à ce recours.

 

En l’occurrence, le requérant reprochait aux dispositions de l’article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics de ne pas prévoir la suspension de la prescription des créances détenues par un mineur non émancipé à l’encontre d’une personne publique. Après avoir écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (cf. infra), le Conseil a procédé à l’examen de ces dispositions au regard du droit à un recours juridictionnel effectif.

 

Il a jugé, à cet égard, « qu’il résulte des dispositions contestées qu’il appartient au représentant légal du mineur d’agir pour préserver les droits de ce dernier ; que ces dispositions réservent le cas où le représentant légal est lui-même dans l’impossibilité d’agir ainsi que les hypothèses dans lesquelles il ignore légitimement l’existence de la créance ; que, par suite, les dispositions contestées n’ont pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif qui résulte de l’article 16 de la Déclaration de 1789 »38.

 

Le commentaire de la décision relève à ce titre que « le mineur dispose toujours de la faculté d’agir par l’intermédiaire de son représentant légal, sauf ignorance légitime ou force majeure justement prises en compte par le législateur dans les dispositions contestées ».

 

2. – L’application à l’espèce

 

Dans la décision commentée, après avoir rappelé que la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 implique qu’il ne soit pas porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction (paragr. 5), le Conseil constitutionnel a jugé, de manière inédite, qu’il appartient au législateur, compétent pour déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles, de fixer les règles relatives à la prescription des actions en responsabilité (paragr. 6).

 

Il a ensuite décrit l’objet des dispositions contestées.

 

À cet égard, le Conseil a d’abord présenté le droit commun de la prescription en matière civile. Il a ainsi relevé que « L’article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » et que, « En application de l’article 2234 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure » (paragr. 7).

 

Il a ensuite rappelé l’objet et la portée de l’article 2225 du code civil, qui institue un régime de prescription spécial. En effet, si l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté une partie en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit également par cinq ans, ce délai court, en vertu des dispositions contestées, à compter de la fin de leur mission (paragr. 8).

 

Pour s’assurer de la conformité à la Constitution de ces dispositions, le Conseil constitutionnel s’est attaché, d’une part, à identifier l’objectif poursuivi par le législateur. S’appuyant sur les travaux préparatoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, il a considéré qu’« en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité éviter aux personnes ayant représenté ou assisté une partie en justice d’avoir à conserver, au-delà d’un délai de cinq ans courant à compter de la fin de leur mission, les pièces nécessaires à leur défense en cas d’éventuelle mise en jeu de leur responsabilité ». Il en a déduit que, ce faisant, le législateur avait « entendu limiter le risque d’insécurité juridique et préserver les droits de la défense » (paragr. 9).

 

D’autre part, se référant à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui, sur ce point, a récemment évolué dans un sens plus favorable à la partie représentée ou assistée en justice39, le Conseil a relevé que le délai dont dispose cette dernière pour exercer une action en responsabilité contre la personne mandatée à cette fin ne court qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle cette personne avait reçu mandat, à moins que leurs relations aient cessé avant cette date (paragr. 10).

 

Le Conseil constitutionnel en a déduit qu’en prévoyant qu’une telle action se prescrit par cinq ans à compter de la fin de mission, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance de ce droit (paragr. 11).

 

B. – L’examen du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité

 

1. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel

 

Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »40.

 

Le Conseil constitutionnel a déjà été amené, à plusieurs reprises, à écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité par des règles de prescription applicables à certaines actions.

 

– Dans sa décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012 précitée, le Conseil était saisi de dispositions déterminant les causes de suspension de la prescription applicables aux créances de certaines personnes publiques fixées par la loi du 31 décembre 1968. Le requérant soutenait que, en ne prévoyant pas que la prescription des créances détenues par un mineur non émancipé à l’encontre d’une personne publique est suspendue en raison de son état de minorité, alors qu’une telle suspension était prévue pour les créances civiles par l’article 2235 du code civil, les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 méconnaissaient le principe d’égalité devant la loi.

 

Pour écarter ce grief, le Conseil a jugé « qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que les créances sur les personnes publiques soient soumises aux mêmes règles que les créances civiles ; qu’en instituant un régime particulier applicable aux créances contre certaines personnes publiques, le législateur pouvait prévoir des causes de suspension de la prescription différentes de celles applicables aux relations entre personnes privées ; qu’ainsi, la différence de traitement instaurée par le législateur entre les créanciers mineurs non émancipés soumis aux dispositions du code civil et ceux qui se prévalent d’une créance à l’encontre d’une personne publique visée par l’article premier de la loi précitée est fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »41.

 

– Dans sa décision n° 2013-354 QPC du 22 novembre 2013, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions ne soumettant à aucune prescription l’action du ministère public en négation de nationalité. Il a considéré, à ce titre, que « l’action en négation de nationalité a pour objet de faire reconnaître qu’une personne n’a pas la qualité de Français ; qu’elle a donc un objet différent tant de l’action en contestation de la déclaration de nationalité, qui vise à contester l’acte ayant conféré à une personne la nationalité française, que de la déchéance de nationalité, qui vise à priver une personne, en raison des faits qu’elle a commis, de la nationalité française qu’elle avait régulièrement acquise ; qu’en instaurant des règles de prescription différentes pour des actions ayant un objet différent, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité »42.

 

– Dans sa décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018, le Conseil était saisi de la question de la conformité au principe d’égalité devant la loi d’une différence de traitement en matière de délais de prescription applicables aux actions disciplinaires susceptibles d’être engagées contre les avocats et les membres des autres professions judiciaires et juridiques réglementées par la loi du 31 décembre 1971 (notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, etc.).

 

Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance de ce principe, le Conseil a jugé que « la profession d’avocat n’est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription repose sur une différence de situation. En outre, elle est en rapport avec l’objet de la loi »43.

 

– Enfin, dans sa décision n° 2021-957 QPC du 17 décembre 2021, le Conseil était saisi de dispositions prévoyant un délai de prescription de deux ans pour les actions dérivant d’un contrat d’assurance, par dérogation au délai de droit commun de cinq ans fixé par l’article 2224 du code civil pour les actions personnelles ou mobilières.

 

La Conseil a jugé que « le contrat d’assurance se caractérise en particulier par la garantie d’un risque en contrepartie du versement d’une prime ou d’une cotisation. Il se distingue à cet égard des autres contrats, en particulier des contrats soumis au code de la consommation. Ainsi, le législateur a pu prévoir, pour les actions dérivant des contrats d’assurance, un délai de prescription différent du délai de prescription de droit commun de cinq ans applicable, en l’absence de dispositions spécifiques, aux autres contrats. / La différence de traitement critiquée par les requérants, qui est ainsi fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi »44.

 

2. – L’application à l’espèce 

 

Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a tout d’abord rappelé que le principe d’égalité devant la loi, fondé sur l’article 6 de la Déclaration de 1789, ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit (paragr. 12).

 

Il a ensuite constaté l’existence d’une différence de traitement. Il a en effet observé que, en application de l’article 2224 du code civil, lorsqu’une action en responsabilité est engagée à raison d’une faute commise par un professionnel du droit dans le cadre de son activité de conseil ou de rédaction d’actes, la prescription commence à courir à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il en a déduit que « l’action en responsabilité est soumise à un régime de prescription différent selon la nature de la mission à l’occasion de laquelle la faute aurait été commise » (paragr. 13).

 

Le Conseil a cependant relevé que « La mission de représentation et d’assistance en justice, qui s’exerce devant les juridictions et ne peut être accomplie que par les avocats ou certaines personnes spécialement habilitées, se distingue par sa nature de l’activité de conseil et de rédaction d’actes » (paragr. 14).

 

Il en a déduit qu’au regard de l’objet de la loi, tel que précédemment défini, le législateur avait pu prévoir un point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité différent pour chacune de ces missions (paragr. 15).

 

Dès lors, il a jugé que la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi (paragr. 16).

 

Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (paragr. 17).

 

Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 18).

 

 

 

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1 Article 2219 du code civil. La prescription acquisitive permet, à l’inverse, d’acquérir un droit du fait de l’écoulement du temps et est définie par l’article 2258 du même code comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».

2 Rapport d’information n° 338 de MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung, fait au nom de la commission des lois du Sénat par la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, déposé le 20 juin 2007, p. 44.

3 Issue d’une proposition de loi déposée au Sénat par M. Jean-Jacques Hyest, ce texte constitue, selon son exposé des motifs, « la traduction législative » des dix-sept recommandations pour moderniser les règles de prescription formulées par la mission d’information précitée.

4 Exposé des motifs de la proposition de loi précitée. Il était également souligné qu’en 2004, le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Weber, président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, avait recensé plus de 250 délais légaux, dont la durée variait de trente ans à un mois.

5 L’article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à loi du 17 juin 2008 précitée, disposait ainsi que : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».

6 « Action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d’un droit réel (droit de propriété, servitude, usufruit, hypothèque) et qui est mobilière si le droit réel exercé porte sur un meuble […] immobilière si le droit porte sur un immeuble » (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 14e édition).

7 « Action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d’un droit personnel (d’une créance) quelle qu’en soit la source (contrat, quasi-contrat, délit, quasi-délit) et qui est, en général, mobilière, comme la créance dont l’exécution est réclamée […] mais qui peut être immobilière si cette créance l’est aussi » (ibidem).

8 Exposé des motifs de la proposition de loi précitée.

9 Rapport n° 847 de M. Émile Blessig, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, déposé le 30 avril 2008, p. 33 et 34.

10 Cour de cassation, Rapports annuels 1990, 1996, 1997, 2001, 2002, 2005 et 2006.

11 Pierre Catala, Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française, 2006.

12 Article 2227 du code civil. Une telle durée est justifiée par le caractère imprescriptible du droit de propriété affirmé par ce même article.

13 Tel est le cas, par exemple, du délai de dix ans en matière de responsabilité des constructeurs d’ouvrage et de leurs sous-traitants, prévu à l’article 1792-4-1 du code civil.

14 Rapport n° 83 de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 14 novembre 2007, p. 13.

15 Voir, par exemple, Cass. soc., 18 décembre 1991, n° 88-45.083 ; Cass. civ. 1re, 12 juillet 2007, n° 05-20.091.

16 Rapport n° 83 de M. Laurent Béteille précité, p. 43 et 44. Il relevait également que plusieurs États européens (l’Allemagne, la Grèce, le Portugal, l’Autriche, l’Espagne, les Pays-bas, l’Italie et la Belgique) avaient d’ores et déjà introduit cette règle dans leur législation.

17 Le mandat de représentation en justice emporte « pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure » (article 411 du code de procédure civile) et la mission d’assistance en justice emporte « pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger » (article 412 du même code). Le mandat de représentation emporte en principe mission d’assistance (article 413 du code précité).

18 De la même manière, le législateur a soumis à un régime de prescription particulier l’action en responsabilité tendant à la réparation d’un dommage corporel. Conformément à l’article 2226 du code civil, cette action se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; en cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, elle se prescrit par vingt ans.

19 Rapport n° 847 de M. Émile Blessig précité, p. 36.

20 Rapport n° 83 de M. Laurent Béteille précité, p. 37.

21 Julie Klein, Le point de départ de la prescription, Economica, 2013, n° 114, p. 92.

22 Il s’applique ainsi par exemple aux conjoints ou parents des parties lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire (article 762 du code de procédure civile), aux commissaires de justice, membres de leur famille ou salariés d’une organisation professionnelle agricole devant le tribunal paritaire de baux ruraux (article 884 du même code) ou encore aux salariés ou employeurs appartenant à la même branche d’activité, défenseurs syndicaux et conjoints devant le conseil de prud’hommes (article R. 1453-2 du code du travail).

23 Voir, en ce sens, Cass. civ. 1re, 28 novembre 2018, n° 17-27.049.

24 Voir, par exemple, Cass. civ. 1re, 14 janvier 2016, n° 14-23.200.

25 Cass. civ. 1re, 14 juin 2023, n° 22-17.520.

26 Cass. civ. 1re, 10 mars 2021, n° 18-23.943.

27 Cass. civ. 1re, 25 mars 2020, nos 18-16.456 et 19-10.441.

28 Cass. civ. 1re, 29 mai 2013, n° 11-24.3012.

29 Cass. civ. 1re, 30 janvier 2007, n° 05-18.100.

30 Voir, en dernier lieu, décision n° 2023-1044 QPC du 13 avril 2023, M. Dominique B. (Droits de visite, de communication et de saisie des agents chargés de la protection de l’environnement), paragr. 37.

31 Ainsi, le droit à un recours juridictionnel effectif ne fait pas obstacle à l’existence de règles de recevabilité de l’acte introductif d’instance (voir, par exemple, sur l’exigence d’un recours administratif préalable obligatoire, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, cons. 19).

32 Voir, par exemple, décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019, Section française de l’Observatoire international des prisons (Rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement), paragr. 5 à 7. Les dispositions privaient le prévenu détenu en attente de comparution devant la juridiction de jugement de toute possibilité de contester la décision administrative de refus de rapprochement familial.

33 Tel est le cas lorsque l’acte est susceptible de produire des effets irrémédiables avant que le recours n’ait pu être exercé (décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés [Procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d’arrêt des traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté], paragr. 17).

34 Décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012, Mme Annie M. (Recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État), cons. 9.

35 Décision n° 2018-712 QPC du 8 juin 2018, M. Thierry D. (Irrecevabilité de l’opposition à un jugement par défaut lorsque la peine est prescrite), paragr. 13.

36 Décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019, M. Bouchaïd S. (Caducité de la requête introductive d’instance en l’absence de production des pièces nécessaires au jugement), paragr. 4 à 8.

37 Décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021, M. Vladimir M. (Purge des nullités en matière criminelle), paragr. 9 à 12.

38 Décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, M. Boualem M. (Suspension de la prescription des créances contre les personnes publiques), cons. 6.

39 Cass. civ. 1re, 14 juin 2023, précité.

40 Parmi de nombreux exemples, voir, en dernier lieu, la décision n° 2023-1049 QPC du 26 mai 2023, Société Nexta 2022 (Exclusion des opérations portant sur les titres et contrats financiers du champ de la révision pour imprévision), paragr. 3.

41 Décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012 précitée, cons. 5.

42 Décision n° 2013-354 QPC du 22 novembre 2013, Mme Charly K. (Imprescriptibilité de l’action du ministère public en négation de la nationalité française), cons. 9.

43 Décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018, M. Pascal D. (Absence de prescription des poursuites disciplinaires contre les avocats), paragr. 12.

44 Décision n° 2021-957 QPC du 17 décembre 2021, Époux T. (Prescription biennale des actions nées d’un contrat d’assurance), paragr. 14 et 15.