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Commentaire de la décision 2023-1060 QPC

30/11/2023

Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juin 2023 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 552 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée Mme Hélène C., portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article L. 600–8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme.

 

Dans sa décision n° 2023-1060 QPC du 14 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, dans cette rédaction.

 

Dans cette affaire, MM. Jacques Mézard et François Pillet ont estimé devoir s’abstenir de siéger.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

1. – La faculté de transiger pour mettre fin à un contentieux

 

* L’article 2044 du code civil définit la transaction comme le « contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

 

Si la mention expresse des « concessions réciproques » auxquelles doivent consentir les parties à la transaction n’a été ajoutée qu’en 20161, le caractère essentiel de cette exigence était cependant reconnu dès l’origine par la doctrine et confirmé par une jurisprudence constante2.

 

La transaction est soumise aux dispositions de droit commun du code civil afférentes aux contrats (conditions de formation, validité, exécution…), ainsi qu’aux règles spéciales énoncées aux articles 2044 à 2052 de ce même code3.

 

Sont ainsi applicables à la transaction les règles relatives à la force obligatoire du contrat4 : elle a force de loi envers les parties, qui s’obligent à une stricte exécution de leurs obligations respectives dans les conditions du droit commun. En cas d’inexécution, la responsabilité contractuelle de la partie fautive peut donc être engagée et la résolution de la transaction être demandée.

 

* L’article 2052 du code civil consacre l’effet extinctif de la transaction, dans la mesure où elle « fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet »5. La transaction éteint donc le droit d’action des parties en ce qui concerne le rapport litigieux qui les opposait.

 

Devant le juge civil6, cet effet extinctif se traduit par une « exception de transaction », équivalant à une fin de non-recevoir pouvant être invoquée par les parties en tout état de cause7, et même pour la première fois en appel. La transaction met immédiatement fin au procès en cours et le juge est dessaisi, faute de matière à juger8. L’effet extinctif de la transaction reste toutefois subordonné à sa bonne exécution par les parties9.

 

Devant le juge administratif10, cet effet se manifeste par le désistement des parties à la transaction, si ces dernières avaient déjà engagé une action devant le juge (les stipulations de la transaction pouvant expressément valoir désistement si elles sont rédigées en ces termes11). Si la transaction intervient en cours d’instance, l’objet du litige disparaît et il n’y a alors plus lieu pour le juge de statuer12 : ce dernier n’a aucun pouvoir d’appréciation et il lui appartient d’office de prononcer le non-lieu, même si les parties ne le lui demandent pas13. Devient, en outre, irrecevable une demande portant sur le même objet que celui qui a donné lieu à la transaction14.

 

2. – L’encadrement des transactions mettant fin au contentieux dirigé contre certaines autorisations d’urbanisme

 

Selon l’article L. 778-2 du code de justice administrative, le contentieux relatif aux documents d’urbanisme (actes réglementaires) et aux autorisations d’urbanisme (décisions individuelles) est régi à la fois par les dispositions générales de ce code et par celles prévues au livre VI du code de l’urbanisme15.

 

Ce contentieux se caractérise ainsi, depuis les années 1990, par l’introduction de dispositions procédurales dérogatoires au droit commun, qui, sans nier le droit au recours, visent à assurer une plus grande sécurité juridique des documents et autorisations d’urbanisme en encadrant les conditions de leur mise en cause devant le juge et en limitant la durée pendant laquelle ils sont soumis à un aléa contentieux.

 

Sur le fondement de plusieurs rapports et études16, le législateur a ainsi peu à peu resserré les règles de la procédure administrative contentieuse applicables en matière d’urbanisme pour ce qui est de l’intérêt à agir17, de la recevabilité des recours et de la présentation des griefs18, de l’office et des pouvoirs du juge19, ou encore des sanctions des recours abusifs.

 

a. – Les propositions du groupe de travail « Labetoulle » en 2013 pour lutter contre certains recours abusifs et moraliser les transactions

 

* L’article L. 600-8 du code de l’urbanisme trouve son origine dans le rapport du groupe de travail présidé par M. Daniel Labetoulle chargé, en février 2013, de « présenter des mesures concrètes à traduire dans la loi dans les délais les plus brefs », afin de « faciliter la réalisation de projets permettant la production de logements en sécurisant les opérations de construction et en luttant contre les recours regardés comme abusifs tout en préservant l’accès au juge et la participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’urbanisme »20.

 

Observant qu’il était mis fin à une instance par désistement plus souvent en contentieux de l’urbanisme que dans les autres branches du contentieux administratif, le rapport observait que « dans la majorité des cas, ces transactions non seulement n’ont rien de malhonnête, mais sont un instrument utile permettant de construire et consolider des compromis raisonnables entre des intérêts initialement divergents »21. Il ajoutait qu’« Il arrive cependant que la transaction soit l’aboutissement d’un processus de chantage exercé par un requérant (…) aux seules fins d’exploiter, en vue de l’obtention d’un gain financier, la pression qui s’exerce sur le titulaire de l’autorisation du fait de l’effet suspensif qui, dans les circonstances économiques et juridiques actuelles, s’attache en pratique à l’introduction d’un recours contentieux ». Il concédait néanmoins que, « S’il est difficile d’avoir des données précises sur le phénomène, si les témoignages recueillis sont parfois divergents, si les pratiques varient probablement d’une région à l’autre, le groupe de travail a retiré de ses auditions la conviction que ces pratiques qui dévoient le recours en justice, désorganisent l’économie du secteur et renchérissent le coût de la construction ne sont pas que marginales, sont plus que marginales ».

 

Le groupe de travail jugeait par conséquent « indispensable de moraliser le régime des transactions, en recherchant pour ce faire une solution efficace et qui, pour autant, n’ait pas pour effet induit d’empêcher ni même de gêner la conclusion de transactions entre acteurs de bonne foi. Séparer le bon grain de l’ivraie n’est pas chose aisée (…) ». Pour ce faire, il entendait « encadrer le régime des transactions par lesquelles il est mis fin à l’instance » via une « obligation d’enregistrement auprès de l’administration des impôts indirects ».

Pour en assurer l’effectivité, il proposait que l’obligation s’accompagne d’une « disposition législative expresse ayant pour objet de réputer sans cause les contreparties prévues par une transaction n’ayant pas été dûment enregistrée. À défaut d’enregistrement, donc, les sommes versées en contrepartie du désistement pourraient être récupérées à tout moment, soit par le promoteur directement, soit même par les acquéreurs successifs qui en auraient supporté le coût répercuté par le promoteur dans le prix qu’ils ont acquitté pour l’achat de leur bien, à la manière dont l’article L. 332‐30 du code de l’urbanisme leur permet d’exercer l’action en répétition des participations financières imposées en violation des règles fixées par ledit code. N’ayant plus aucune garantie de conserver la contrepartie, les requérants malveillants verraient leur position de négociation singulièrement affaiblie ».

 

La loi du 1er juillet 201322 a habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure de nature législative propre à « accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme et prévenir les contestations dilatoires ou abusives (…) »23.

 

Sur ce fondement, l’ordonnance n° 2013–638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme et le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme ont repris presque in extenso l’ensemble des propositions formulées dans le rapport Labetoulle : clarification de l’intérêt à agir des requérants24, reconnaissance d’un mécanisme de régularisation en cours d’instance25, introduction d’une procédure de cristallisation des moyens26, suppression du double degré de juridiction dans les zones caractérisées par des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant.

 

Par ailleurs, outre la possibilité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme de demander le versement de dommages et intérêts lorsque le droit au recours est « mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis »27, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a prévu l’obligation d’enregistrement des procédures transactionnelles en matière d’urbanisme.

 

b. – La répétition de la contrepartie en cas de manquement à l’obligation d’enregistrer la transaction (les dispositions objet de la décision commentée)

 

* Le premier alinéa de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme, issu de l’ordonnance du 18 juillet 2013 précitée, institue l’obligation d’enregistrer, « conformément à l’article 635 du code général des impôts », « toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature ».

 

Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance formulait, en des termes proches de ceux du rapport du groupe de travail « Labetoulle », l’objectif ainsi poursuivi : « Cette disposition, par la publicité qu’elle impose, permettra de dissuader les chantages pouvant être exercés par le requérant tout en préservant la possibilité d’une transaction lorsque celle-ci est légitime »28.

 

Le 1. de l’article 635 du code général des impôts (CGI) a également été complété afin de prévoir que « Doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date : (…) 9° La transaction prévoyant, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ».

 

Il résulte dès lors du renvoi à l’article 635 du CGI que l’enregistrement doit être effectué auprès des services fiscaux dans le délai d’un mois après la conclusion de la transaction.  Cette formalité ne donne pas lieu, en principe, à la perception de droits d’enregistrement29.

 

* Le deuxième alinéa de l’article L. 600–8 du code de l’urbanisme (les dispositions objet de la décision commentée) dispose, dans la version renvoyée, que « La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature ».

 

Son troisième et dernier alinéa précise que l’action en répétition est ouverte aux acquéreurs successifs du bien concerné.

 

* La portée de ces dispositions a été précisée sur deux points par la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

- Concernant la nature du délai à respecter pour procéder à la formalité d’enregistrement de la transaction, la Cour de cassation a écarté les arguments de requérants qui soutenaient que, l’action en répétition n’étant ouverte qu’en cas de « transaction non enregistrée », la formalité pouvait être régularisée même après l’expiration du délai d’un mois prescrit par ces dispositions.

 

Par une décision du 20 décembre 2018, elle a relevé au contraire que « considérer que le délai d’un mois est dépourvu de sanction et admettre ainsi qu’une transaction ne pourrait être révélée que tardivement serait en contradiction avec l’objectif de moralisation et de transparence poursuivi par le législateur ». Elle a dès lors jugé que : « Ce délai d’enregistrement est un délai de rigueur qui ne peut être prorogé et dont l’inobservation entraîne l’application de la sanction légale, quel que soit le motif du retard » 30.

 

Cette solution a été confirmée dans une décision du 19 mars 2020 cassant l’arrêt par lequel une cour d’appel avait entendu écarter la sanction dans le cas d’un enregistrement tardif31.

 

- La Cour de cassation a également précisé les effets juridiques qu’a, sur la transaction, l’absence de formalité d’enregistrement dans le délai prescrit.

 

Elle a ainsi jugé que : « Si la transaction ne peut être considérée comme dépourvue de cause dès lors que l’obligation de l’autre partie a existé au moment de la formation du contrat et a été exécutée, la référence à l’absence de cause ne renvoie pas à la notion de cause au sens du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, mais signifie que la transaction est tenue par le législateur pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues »32.

 

* L’article L. 600-8 du code de l’urbanisme a été ultérieurement modifié, en s’appuyant sur les travaux du groupe de travail présidé par Mme Christine Maugüe et chargé d’une « mission d’évaluation des dispositions existantes en termes de lutte contre les recours abusifs dans le champ de l’urbanisme et de propositions de dispositions complémentaire d’amélioration »33.

 

L’essentiel de ces propositions a été repris par le législateur dans la loi n° 2018–1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « ELAN », et le pouvoir réglementaire34 :

 

- au premier alinéa, l’obligation d’enregistrement a été étendue, au-delà des désistements, aux transactions portant sur l’engagement à ne pas introduire de recours ;

 

- au deuxième alinéa, la loi a ajouté la mention expresse du délai d’un mois octroyé pour procéder à l’enregistrement de la transaction, sous peine d’être réputée sans cause et de faire l’objet d’une action en répétition35. À cet égard, dans sa décision précitée du 20 décembre 2018, la Cour de cassation a considéré que cet ajustement « a un caractère interprétatif, dès lors qu’il se borne à reconnaître sans rien innover un état de droit préexistant »36 ;

 

- un nouvel alinéa a été ajouté pour exclure le recours à des transactions pécuniaires pour les associations, sauf hypothèse où elles agissent pour la défense de leurs intérêts matériels propres.

Ces modifications n’ont cependant pas bouleversé l’équilibre du dispositif et n’ont en rien affecté la nature de l’obligation d’enregistrement des transactions et la sanction de son non-respect.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

Après avoir saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation d’un permis d’aménager accordé à la société HDV foncier, M. et Mme M. avaient conclu avec celle-ci une transaction, par laquelle ils s’étaient engagés à se désister de leur recours en contrepartie de la réalisation de travaux d’aménagement sur une parcelle leur appartenant. Les époux M. s’étaient désistés de leur recours et le tribunal leur en avait donné acte en prononçant un non-lieu à statuer.

 

La société HDV foncier, après leur avoir en vain demandé la preuve de l’enregistrement de la transaction auprès des services fiscaux, les avait assignés devant le tribunal judiciaire en remboursement du coût de l’avantage en nature dont ils avaient bénéficié, sur le fondement de l’article L. 600–8 du code de l’urbanisme.

 

M. et Mme M. avaient assigné en intervention forcée leur ancienne avocate, Mme C. Dans ce cadre, Mme C. avait soulevé une QPC portant sur l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme devant le juge de la mise en état, qui l’avait transmise à la Cour de cassation par ordonnance du 3 avril 2023.

 

Dans son arrêt précité du 15 juin 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé que la question posée présentait un caractère sérieux au motif que, « en sanctionnant le défaut d’enregistrement de la transaction par laquelle une personne s’engage à se désister du recours en annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature dans le mois de sa date par la répétition de la contrepartie qui lui avait été consentie, la disposition critiquée, en ce qu’elle répute sans cause la concession à laquelle le titulaire de l’autorisation avait consenti tout en lui laissant définitivement acquis le bénéfice du désistement du requérant, est susceptible de porter une atteinte au principe d’égalité et au droit à un recours juridictionnel effectif ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

* La requérante reprochait à ces dispositions de prévoir que, lorsqu’une transaction est conclue entre les parties à l’instance dans le cadre d’un recours dirigé contre certaines autorisations d’urbanisme, le défaut d’enregistrement de cette transaction permet au bénéficiaire de l’autorisation de solliciter la restitution de la contrepartie qu’il avait consentie, sans toutefois remettre en cause le désistement du requérant. Ce faisant, elles instituaient selon elle une différence de traitement injustifiée entre les parties à la transaction, en méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice.

 

Elle faisait également valoir que, en privant le requérant, même de bonne foi, de la contrepartie prévue par la transaction, y compris du seul fait de son enregistrement tardif, tout en laissant définitivement acquis le bénéfice du désistement au titulaire de l’autorisation d’urbanisme, ces dispositions portaient une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif.

 

* Le Conseil constitutionnel avait été saisi de trois demandes d’intervention.

 

Selon le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité : « Lorsqu’une personne justifiant d’un intérêt spécial adresse des observations en intervention relatives à une question prioritaire de constitutionnalité avant la date fixée en application du troisième alinéa de l’article 1er et mentionnée sur son site internet, celui-ci décide que l’ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnées à l’article 1er. Il leur est imparti un délai pour y répondre. En cas d’urgence, le président du Conseil constitutionnel ordonne cette transmission ».

 

Or, en l’espèce, les observations adressées par l’ordre des avocats du barreau de Paris dans le délai de trois semaines mentionné ci-dessus ne développaient aucun grief et se contentaient de renvoyer la démonstration de l’inconstitutionnalité des dispositions contestées à ses prochaines écritures, sans s’associer aux griefs soulevés par la requérante ni annoncer les griefs qu’il entendait développer dans ses écritures ultérieures. Dès lors, cette intervention n’a pas été admise (paragr. 6).

 

Ce faisant, le Conseil s’est inscrit dans la continuité de la solution déjà dégagée dans sa décision n° 2013-322 QPC du 14 juin 201337, dont le commentaire rappelait le sens : « Cette rigueur du Conseil constitutionnel dans l’examen de la recevabilité des observations en intervention s’explique par la nécessité de permettre le respect du contradictoire dans les délais très courts de la procédure. Si le Conseil avait admis que les parties intervenantes ne produisent leur argumentation qu’au stade des secondes observations, les parties au litige se seraient trouvées privées de la possibilité d’y répliquer au stade de l’instruction écrite ».

 

Les deux autres interventions, l’une en défense des dispositions et l’autre au soutien de la QPC, ont été jugées recevables.

 

La seconde de ces parties intervenantes rejoignait les griefs de la requérante et soutenait par ailleurs que, en permettant au titulaire de l’autorisation d’urbanisme d’obtenir la restitution d’une contrepartie à laquelle il avait consenti, ces dispositions méconnaissaient le droit de propriété.

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative au principe d’égalité

 

De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi, qui résulte de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »38.

 

Lorsqu’il constate que les dispositions contestées opèrent une différence de traitement, le Conseil vérifie non seulement si celle-ci est justifiée par une différence de situation ou un motif d’intérêt général, mais aussi si elle est en rapport avec l’objet de la loi.

 

* Le Conseil a été amené à se pencher à plusieurs reprises sur la différence de situation entre des régimes contractuels ou entre les signataires de certains types de contrats. Par exemple :

 

- dans sa décision n° 2020-887 QPC du 5 mars 2021, le Conseil était saisi de dispositions déterminant l’indemnité d’éviction due au locataire en cas de non renouvellement d’un bail commercial. La société requérante reprochait notamment à ces dispositions de méconnaître le principe d’égalité devant la loi au motif que seuls les baux commerciaux donnent lieu au paiement d’une telle indemnité, alors que les autres types de baux, en particulier les baux professionnels, ne donnent pas lieu à un tel paiement. Le Conseil a écarté l’argument, jugeant que « les parties à un bail commercial sont dans une situation différente des parties à un contrat de location d’un local dans lequel n’est pas exploité un fonds de commerce. Dès lors, la différence de traitement qui résulte de ce que le législateur n’impose que pour un bail commercial le paiement d’une indemnité en cas de refus de renouvellement du bail, qui est en rapport avec l’objet de la loi, ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi »39 ;

 

- récemment, dans la décision n° 2023–1049 QPC du 26 mai 2023, le Conseil était saisi de dispositions prévoyant que la révision pour imprévision n’est pas applicable aux obligations résultant d’opérations sur les contrats et titres financiers. Il a jugé que le législateur avait pu prévoir une telle exclusion, sans l’étendre, notamment, aux cessions de parts sociales, dès lors que les opérations sur les titres et contrats financiers se distinguent de celles sur les parts sociales par leur nature principalement pécuniaire et sujette au risque de variations40.

 

* En revanche, le Conseil n’a que rarement eu à se pencher sur la différence de traitement entre des parties à un contrat. En cette matière, le Conseil s’est refusé à consacrer un principe d’égalité dans les relations contractuelles.

 

- Dans la décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, était contesté l’article 515–7 du code civil, d’une part, en ce qu’il instituait une faculté de rupture unilatérale du pacte civil de solidarité et, d’autre part, en ce qu’il prévoyait la rupture du pacte par mariage, en méconnaissance du « principe d’égalité entre les contractants »41. Sur ce point, le Conseil a jugé que « les dispositions relatives à la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité ne sont contraires ni au principe de la dignité de la personne humaine, ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle », sans se prononcer explicitement sur ce grief42.

 

- Dans la décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014, il était notamment reproché à certaines dispositions de la loi réglementant les clauses de contrats de location de porter atteinte au droit de propriété, à la liberté contractuelle et au principe d’égalité dans les relations contractuelles.

 

Après avoir rappelé les principes résultant des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, le Conseil a considéré « qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a modifié les règles d’ordre public applicables aux relations entre les propriétaires bailleurs et les personnes locataires de leur résidence principale afin d’améliorer l’information de ces dernières au moment de la conclusion du bail et leur protection lors de l’exécution de celui-ci ; qu’il a également entendu renforcer la sécurité juridique des relations contractuelles et faire obstacle à des pratiques abusives ; qu’il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général »43.

 

Le Conseil en a conclu que « les dispositions contestées de l'article 1er sont en adéquation avec ces objectifs ; que les atteintes qui en résultent à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de ces objectifs ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte, dans le respect des autres exigences constitutionnelles, des mesures destinées à assurer la protection des locataires dans leurs relations contractuelles avec les bailleurs ; que, par suite, les dispositions contestées de l’article 1er, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution »44.

 

B. – La jurisprudence constitutionnelle relative au droit à un recours juridictionnel effectif

 

* Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

 

Cette exigence constitutionnelle n’interdit pas, dans certaines limites, d’encadrer l’exercice d’un recours, notamment par des règles de recevabilité45, dès lors que le justiciable ne se retrouve pas privé de toute voie de recours contre des décisions emportant des conséquences certaines sur sa situation46. Le Conseil considère également que le droit à un recours effectif est méconnu lorsque des dispositions prévoient un recours mais ne garantissent pas qu’il puisse s’exercer47.

 

Afin de déterminer s’il n’est pas porté une atteinte substantielle au droit au recours, le Conseil examine les limitations apportées au droit au recours au regard de la situation du requérant et des objectifs poursuivis par le législateur, qu’il s’agisse d’objectifs de valeur constitutionnelle ou d’objectifs d’intérêt général.

 

* En matière de contentieux de l’urbanisme, le Conseil a examiné, à plusieurs reprises, la constitutionnalité de dispositions ayant pour objet ou pour effet de limiter le droit à un recours juridictionnel.

 

- Dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a eu à connaître des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme qui, afin de limiter certains contentieux en matière d’urbanisme, privent les requérants de la faculté d’invoquer, par voie d’exception devant les juridictions administratives, l’illégalité tirée d’un vice de forme ou de procédure de certains documents d’urbanisme.

 

Il a considéré « que la restriction apportée par les dispositions contestées est limitée à certains actes relevant du seul droit de l’urbanisme ; qu’elle a été justifiée par le législateur eu égard à la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes ; qu’en effet, le législateur a entendu prendre en compte le risque d’instabilité juridique en résultant, qui est particulièrement marqué en matière d’urbanisme, s’agissant des décisions prises sur la base de ces actes ; qu’il a fait réserve des vices de forme ou de procédure qu’il a considérés comme substantiels ; qu’il a maintenu un délai de six mois au cours duquel toute exception d’illégalité peut être invoquée ; que les dispositions qu’il a prises n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant de demander l’abrogation d’actes réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former des recours pour excès de pouvoir contre d’éventuelles décisions de refus explicites ou implicites ; que dès lors il n’est pas porté d’atteinte substantielle au droit des intéressés d’exercer des recours »48.

 

- Dans sa décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011, le Conseil était saisi des dispositions de l’article L. 600-1-1 dans sa version initiale issue de la loi du 13 juillet 2006, qui prévoyait qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

 

Il a d’abord rappelé l’objectif poursuivi par le législateur : « en adoptant l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, le législateur a souhaité empêcher les associations, qui se créent aux seules fins de s’opposer aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols, de contester celles-ci ; qu’ainsi, il a entendu limiter le risque d’insécurité juridique ».

 

Puis, après avoir écarté le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’association au motif que « la disposition contestée n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire la constitution d’une association ou de soumettre sa création à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire », il a considéré que cette disposition « prive les seules associations, dont les statuts sont déposés après l’affichage en mairie d’une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser les sols, de la possibilité d’exercer un recours contre la décision prise à la suite de cette demande ; que la restriction ainsi apportée au droit au recours est limitée aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols ; que, par suite, l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme ne porte pas d’atteinte substantielle au droit des associations d’exercer des recours ; qu’il ne porte aucune atteinte au droit au recours de leurs membres »49.

 

Dans sa décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022, le Conseil était saisi de ce même article L. 600-1-1 dans sa rédaction résultant de la loi ELAN, limitant la recevabilité aux seules associations fondées au moins un an avant l’affichage de la demande.

 

Le Conseil a rappelé, en premier lieu, qu’« en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s’opposer à une décision individuelle d’occupation ou d’utilisation des sols ne puissent la contester. Il a ainsi entendu limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d’urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires »

 

Puis, en second lieu, il a considéré que « d’une part, les dispositions contestées restreignent le droit au recours des seules associations dont les statuts sont déposés moins d’un an avant l’affichage de la demande du pétitionnaire sur laquelle porte la décision qu’elles entendent contester. D’autre part, cette restriction est limitée aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols ».

 

Il en a déduit que ces dispositions ne portaient pas une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif50.

 

- Dans sa décision n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017, saisi de dispositions du code de l’urbanisme qui limitent les possibilités d’action en démolition d’une construction édifiée sur le fondement d’un permis annulé par le juge administratif, le Conseil constitutionnel a relevé que, « en interdisant l’action en démolition prévue au 1° de l’article L. 480-13 en dehors des zones qu’il a limitativement retenues, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements »51, poursuivant ainsi un objectif d’intérêt général. Au regard de cet objectif et des différentes garanties reconnues par ailleurs aux requérants ayant obtenu l’annulation du permis, il a jugé que les dispositions contestées ne portaient pas atteinte au droit d’obtenir l’exécution d’une décision de justice.

 

- En revanche, dans sa décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019, le Conseil a censuré une disposition portant une atteinte substantielle au droit au recours au regard de l’objectif poursuivi par le législateur de limiter les recours dilatoires. Il était saisi de l’article L. 600-13 du code de l’urbanisme qui permettait au juge administratif de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l’urbanisme lorsque son auteur n’a pas produit, dans un délai déterminé et sans motif légitime, les pièces nécessaires au jugement de l’affaire.

 

Le Conseil a d’abord relevé qu’« En permettant au juge administratif de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l’urbanisme lorsque son auteur n’a pas produit, dans un délai déterminé et sans motif légitime, les pièces nécessaires au jugement de l’affaire, le législateur a entendu limiter les recours dilatoires ». En effet, comme le précise le commentaire de cette décision, en ne produisant pas les documents permettant au juge d’examiner le bien-fondé des griefs qu’il soulevait, le requérant pouvait seulement chercher à retarder l’opération immobilière ou à « monnayer » son désistement contre rémunération.

 

Le Conseil a cependant constaté que ces dispositions étaient susceptibles de porter atteinte au droit à un recours effectif dès lors que, dans un contentieux administratif, la caducité « a pour effet d’éteindre l’instance ».

 

Or, il a constaté que, « en premier lieu, d’une part, la notion de "pièces nécessaires au jugement d’une affaire" est insuffisamment précise pour permettre à l’auteur d’une requête de déterminer lui-même les pièces qu’il doit produire. D’autre part, le juge administratif peut, sur le fondement des dispositions contestées, prononcer la caducité de la requête sans être tenu, préalablement, ni d’indiquer au requérant les pièces jugées manquantes ni même de lui préciser celles qu’il considère comme nécessaires au jugement de l’affaire. / En second lieu, d’une part, si la déclaration de caducité peut être rapportée lorsque le demandeur fait connaître, dans un délai de quinze jours, un motif légitime justifiant qu’il n’a pas produit les pièces nécessaires au jugement de l’affaire dans le délai imparti, elle ne peut en revanche être rapportée par la seule production des pièces jugées manquantes. D’autre part, dès lors que la caducité a été régulièrement prononcée, le requérant ne peut obtenir l’examen de sa requête par une juridiction ; il ne peut introduire une nouvelle instance que si le délai de recours n’est pas expiré ».

 

Par conséquent, le Conseil a jugé que les dispositions contestées portaient au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi52.

 

C. – L’application à l’espèce 

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a, en premier lieu, examiné la conformité à la Constitution des dispositions renvoyées au regard du principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, dont il a rappelé les termes et les exigences qui en découlent (paragr. 7).

 

Il s’est ensuite attaché à décrire l’objet des dispositions contestées. À cet égard, il a observé qu’elles instituent une obligation d’enregistrement auprès de l’administration fiscale, dans un délai d’un mois, de la transaction par laquelle une personne s’engage à se désister de son recours en annulation contre une autorisation d’urbanisme, en contrepartie d’une somme d’argent ou d’un avantage en nature (paragr. 8).

 

Il a constaté qu’il en résultait une différence de traitement entre les parties à la transaction dès lors que, « en cas de méconnaissance de cette formalité, la contrepartie qui a été consentie au requérant est réputée sans cause et sujette à une action en répétition, alors que le titulaire de l’autorisation d’urbanisme qui faisait l’objet du recours conserve le bénéfice du désistement » (paragr. 9).

 

Le Conseil s’est ensuite attaché à examiner les raisons pour lesquelles le législateur a instauré cette sanction. Il a relevé que le législateur a souhaité, dans le droit fil des conclusions du rapport Labetoulle, dissuader la conclusion des transactions mettant fin à des instances dans le seul but d’obtenir un gain financier indu et, ce faisant, qu’il a « entendu limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur les décisions d’urbanisme et lutter contre les recours abusifs » (paragr. 10).

 

Le Conseil a alors jugé que l’auteur du recours dirigé contre l’autorisation d’urbanisme est bien dans une situation différente de celle de son bénéficiaire au regard de cet objet, puisqu’il est nécessairement celui qui a engagé le recours ayant conduit les parties à transiger, et sans l’initiative duquel la transaction n’aurait pas eu lieu d’être (paragr. 11).

 

Dès lors, il a considéré que la différence de traitement résultant des dispositions contestées reposait sur une différence de situation et qu’elle était en rapport avec l’objet de la loi. Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (paragr. 12).

 

* En second lieu, le Conseil constitutionnel a procédé à l’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées au regard du droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789 (paragr. 13).

 

Sur ce grief, il a constaté que les dispositions contestées n’avaient, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d’interdire aux personnes intéressées de contester une autorisation d’urbanisme devant le juge administratif. Elles se bornent, en effet, à sanctionner la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement d’une transaction par laquelle l’auteur du recours s’est engagé à se désister (paragr. 14). Le Conseil a ainsi considéré que ces dispositions, qui ont pour seul effet direct d’ouvrir une action en répétition en faveur du bénéficiaire du désistement, ne pouvaient être regardées comme restreignant le droit au recours de son auteur.

 

Le Conseil en a conclu que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ne pouvait qu’être écarté (paragr. 15). 

 

Après avoir jugé que ces dispositions ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité devant la justice, le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 16).

_______________________________________

1 Article 10 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. L’article 2044, dans sa rédaction initiale, prévoyait que « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

2 Voir, par exemple, Cass. civ., 3 janvier 1883, DP 1883. 1. ; et, plus récemment, Cass. civ. 1re, 3 mai 2000, n° 98-12.819 et Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-17.185.

3 Ces articles forment le titre XV (« Des transactions ») du livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du code civil. Sur ce sujet, voir notamment : Louis Thibierge, « Transaction », Répertoire de droit civil Dalloz, octobre 2020. La transaction peut également être soumise aux dispositions légales spécifiques régissant la faculté de transiger propres à certaines matières (en matière sociale ou d’accidents de la circulation, par exemple).

4 Aux termes de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

5 Dans la version antérieure à 2016, cet article disposait que : « Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. / Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».

6 Morgane Reverchon-Billot, « Transaction », Répertoire de procédure civile Dalloz, juillet 2018 (actualisation : décembre 2019), § 185 à 197.

7 Cass. civ. 2e, 24 mai 1971, n° 70-11.087, Bull. civ. 1971, II, n° 188.

8 Voir par ex. : Cass. civ. 1re, 1er octobre 1980, n° 78-13.467 : « le pourvoi est devenu sans objet en raison de la transaction intervenue ».

9 Voir, en ce sens, Cass. civ. 1re, 12 juillet 2012, n° 09-11.582, Bull. civ. 2012, I, n° 173 : « la transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions ».

10 Gilles Le Chatelier, « Transaction – Régime juridique et contentieux », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, avril 2019, § 66 à 75.

11 CE, 28 janvier 1994, n° 49518, Société Raymond Camus et compagnie.

12 CE, 9 juillet 1929, Sieur Quillery, Lebon 703 ; CE, sect., 26 juillet 1935, Dame Moussempès, Lebon 902 ; CE, 22 novembre 1948, Société Dolfuss, Lebon 560 ; CE, 30 octobre 1974, Commune de Saint-Pierre-les-Bois c/ Sieur Gohin ; CE, 28 janvier 1994, précité.

13 CE, 21 avril 1967, Secrétaire d’État au Budget c/ Mory, Lebon T. 894. ; CE, sect., 7 avril 1967, Ministre de l’Équipement c/ Moschein, Lebon 152.

14 CE, 8 juillet 1925, Sieur Renaud ; CE, 8 février 1956, Dame Germain, Lebon 69 ; CE, 31 mars 1971, Sieur Baysse, Lebon T. 1116 ; CE, 11 décembre 1987, n° 76937, Boulacheb et Khelfa, Lebon 417 ; CE, 28 novembre 1990, n° 30875, Office public d’HLM de la Meuse, Lebon T. 871.

15 « Dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme » (articles L. 600-1 à L. 610-4 du code de l’urbanisme).

16 Citons, à l’origine de ce mouvement, le rapport de la section des travaux publics et de la section du rapport et des études du Conseil d’État de 1992, « L’urbanisme : pour un droit plus efficace », qui a, en premier, proposé de déroger aux règles de la procédure contentieuse administrative. En janvier 2005 avait également été remis le rapport « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme » du groupe de travail présidé par Me Philippe Pelletier, missionné afin de proposer des « mesures permettant d’améliorer la sécurité juridique des actes d’urbanisme » destinées à accompagner une « réforme en profondeur du régime des autorisations d’urbanisme ».

17 Restriction de la recevabilité à agir des associations à celles dont les statuts ont été déposés avant l’affichage de la demande d’autorisation d’occupation des sols (article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme).

18 Notifications obligatoires, limitation dans le temps de la possibilité d’invoquer par voie d’exception un vice de forme ou de procédure.

19 Abandon du principe de « l’économie des moyens » afin de purger l’acte de tout vice, pouvoir d’annulation partielle des autorisations d’urbanisme (article L. 600-5 du code de l’urbanisme), encadrement de l’action en démolition contre des constructions irrégulières (articles L. 600-6 et L. 480-13 du code de l’urbanisme).

20 Lettre de la ministre du l’égalité des territoires et du logement du 11 février 2013 à M. Daniel Labetoulle, annexée au rapport du groupe de travail « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », remis le 25 avril 2013.

21 Rapport précité, p. 18.

22 Loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction.

23 Le 4° de l’article 1er de la loi autorise le gouvernement à prendre les mesures propres à : « Accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme et prévenir les contestations dilatoires ou abusives, notamment en encadrant les conditions dans lesquelles le juge peut être saisi d’un recours en annulation ou d’une demande de suspension en particulier en exigeant des requérants un intérêt suffisamment direct à agir, en aménageant les compétences et les pouvoirs des juridictions, en vue notamment de leur permettre de condamner à dommages et intérêts l’auteur d’un recours abusif, et en réduisant les délais de traitement des procédures juridictionnelles ».

24 Articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme.

25 Article L. 600-5-1 du même code.

26 Article R. 600-5 du même code.

27 Article L. 600-7 du code de l’urbanisme. Dans sa version de 2013, l’article précisait que : « Lorsqu'une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l'environnement au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement est l'auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes ». Ce second alinéa a été supprimé par la loi n° 2018–1021 du 23 novembre 2018.

28 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027727892/

29 Aux termes du second alinéa de l’article 680 du CGI : « Les transactions mentionnées au 9° du 1 de l'article 635, qui ne sont tarifées par aucun autre article du présent code, sont exonérées de l'imposition fixe prévue au premier alinéa ». Voir aussi BOFIP, ENR - Dispositions générales - Champ d'application de la formalité de l'enregistrement, § 245.

30 Cass. civ. 3e, 20 décembre 2018, n° 17-27.814.

31 Cass. civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-13.254.

32 Cass. civ. 3e, 20 décembre 2018, précité.

33 https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/184000028.pdf

34 Décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme. Sur ces réformes, voir Christine Maugüé et Cécile Barrois de Sarigny, « 2018 : une nouvelle étape de la spécificité du contentieux de l’urbanisme », Revue française de droit administratif, 2019, p. 33.

35 Cette modification est issue d’un amendement cosigné par M. Pillet, adopté en séance publique au Sénat sur avis contraire du Gouvernement, qui estimait qu’il résultait déjà explicitement du renvoi à l’article 635 du CGI que l’enregistrement se faisait dans le délai d’un mois sous peine de sanction (amendement n° 27 rect. bis présenté par Mme Troendlé, M. François Pillet et autres. Estimant que « la rédaction de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme n’est … pas satisfaisante, dans la mesure où la sanction d’un défaut d’enregistrement de la convention au-delà du délai d’un mois ne résulte pas du texte même de cet article », l’objet de l’amendement était de « clarifier l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme ». Après s’être déjà opposé à un amendement identique à l’Assemblée, par la voix de M. Jacques Mézard, le Gouvernement a émis un avis défavorable à l’amendement au motif « l’article 635 du code général des impôts mentionne déjà le délai d’un mois » (compte-rendu des débats au Sénat, séance du 19 juillet 2018).

36 Cass. civ. 3e, 20 décembre 2018, n° 17-27.814.

37 Décision n° 2013-322 QPC du 14 juin 2013, M. Philippe W. (Statut des maîtres des établissements d'enseignement privés), cons. 3.

38 Voir, par exemple, récemment, la décision n° 2023-1045 QPC du 21 avril 2023, Mme Elsa V. et autre (Responsabilité civile du parent chez lequel a été fixée la résidence habituelle de l’enfant mineur auteur d’un dommage), paragr. 7.

39 Décision n° 2020-887 QPC du 5 mars 2021, Société Compagnie du grand hôtel de Malte (Détermination de l’indemnité d’éviction due au locataire en cas de non renouvellement d’un bail commercial), paragr. 15.

40 Décision n° 2023–1049 QPC du 26 mai 2023, Société Nexta 2022 (Exclusion des opérations portant sur les titres et contrats financiers du champ de la révision pour imprévision), paragr. 6 à 9.

41 Formule que le Conseil avait choisi de faire figurer entre guillemets dans la présentation des griefs. Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, cons. 64.

42 Ibidem, cons. 71.

43 Décision n° 2014–691 DC du 20 mars 2014, Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, cons. 9.

44 Ibidem, cons. 10.

45 Ainsi, le droit à un recours juridictionnel effectif ne fait pas obstacle à l’existence de règles de recevabilité de l’acte introductif d’instance (voir, par exemple, sur l’exigence d’un recours administratif préalable obligatoire, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, cons. 19).

46 Par exemple : décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019, Section française de l’Observatoire international des prisons (Rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement), paragr. 5 à 7.

47 Tel est le cas lorsque le justiciable ne peut obtenir communication de la décision lui permettant d’exercer son recours (décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014, M. Jacques J. [Visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans les lieux de travail], cons. 7) ou lorsque l’acte est susceptible de produire des effets irrémédiables avant que le recours n’ait pu être exercé (décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés [Procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d’arrêt des traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté], paragr. 17).

48 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction, cons. 2 et 4.

49 Décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry (Recours des association), cons. 6 à 8.

50 Décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022, Association La Sphinx (Recours des associations contre les décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation des sols), paragr. 8 à 10.

51 Décision n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017, Association Entre Seine et Brotonne et autre (Action en démolition d’un ouvrage édifié conformément à un permis de construire), paragr. 8.

52 Décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019, M. Bouchaïd S. (Caducité de la requête introductive d’instance en l’absence de production des pièces nécessaires au jugement), paragr. 4 à 8.