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Commentaire de la décision 2022-1003 QPC

09/12/2022

Conformité

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mai 2022 par le Conseil d'État (décision n° 459000 du 12 mai 2022) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'association Groupe d'information et d'action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS), portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique (CSP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

 

Dans sa décision n° 2022-1003 QPC du 8 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de cet article.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Historique et objet des dispositions contestées

 

1. – Les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation

 

L'assistance médicale à la procréation (AMP) s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle1.

 

 

 

 

a. – L'évolution des conditions d'accès à l'AMP

 

* C'est la loi n° 94-654 du 29 juillet 19942 qui a, pour la première fois, encadré le recours aux pratiques d'AMP, auxquelles elle avait alors assigné un but strictement médical.

 

En effet, l'article L. 152-2 du CSP, dans sa rédaction issue de cette loi, prévoyait que l'AMP avait pour objet soit de remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique avait été médicalement diagnostiqué, soit d'éviter la transmission d'une maladie d'une particulière gravité3.

 

Par ailleurs, selon ce même article, l'AMP était destinée à « répondre à la demande parentale d'un couple » et réservée aux couples composés d'un homme et d'une femme « vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans ». Ces derniers devaient en outre préalablement consentir au transfert d'embryons ou à l'insémination.

 

Ces choix du législateur n'ont pas été remis en cause lors de la révision des lois de bioéthique en 20044 puis en 20115. Les dispositions de l'article L. 152-2 du CSP, recodifiées à l'article L. 2141-2 du même code par l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, n'ont en effet été modifiées que sur deux points : d'abord, pour préciser que le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie faisaient obstacle à l'insémination ou au transfert d'embryons ; ensuite, pour supprimer toute référence au statut matrimonial du couple ainsi que la condition tenant à la durée de vie commune des couples non mariés.

 

Ainsi, la logique prévalant en 1994, à savoir apporter une réponse à des couples composés d'un homme et d'une femme dans l'impossibilité d'avoir un enfant pour des raisons médicales, demeurait.

 

Dans cette logique, et se plaçant dans les pas de la décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 sur la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe6, le Conseil d'État avait, par une décision rendue le 28 septembre 20187, refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC portant sur les dispositions de l'article L. 2141-2 du CSP, qui étaient critiquées en ce qu'elles réservaient l'accès à l'AMP aux couples hétérosexuels.

 

Pour retenir qu'une telle question ne présentait pas un caractère sérieux, il avait alors jugé que « Les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Il résulte des dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique qu'en réservant l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples composés d'un homme et d'une femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée, le législateur a entendu que l'assistance médicale à la procréation ait pour objet de remédier à l'infertilité pathologique d'un couple sans laquelle celui-ci serait en capacité de procréer. La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit et n'est, ainsi, pas contraire au principe d'égalité ».

 

* La question des critères d'accès à l'AMP a été à nouveau débattue à l'occasion de la troisième « grande » révision des lois de bioéthique, qui a été précédée d'une large concertation8 et a notamment donné lieu, à la demande du Premier ministre, à une étude du Conseil d'État intitulée « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? »9.

 

Après avoir rappelé les évolutions sociologiques et juridiques intervenues depuis la dernière loi bioéthique de 2011, en particulier l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe10 et la possibilité offerte à l'épouse de la mère d'adopter l'enfant issu d'une insémination artificielle avec donneur réalisée à l'étranger11, cette étude soulignait qu'« en droit rien n'impose au législateur d'ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules la possibilité d'accéder aux techniques d'AMP. Symétriquement, […] rien n'impose de maintenir les conditions actuelles d'accès à l'AMP ». Ainsi, selon le Conseil d'État, « le droit ne commande donc a priori aucune réponse à la question de la modification des critères d'accès à l'AMP ; les choix en la matière relèvent de l'appréciation souveraine du législateur ».

 

C'est dans ce contexte que, le 24 juillet 2019, a été déposé à l'Assemblée nationale un projet de loi relatif à la bioéthique prévoyant, en son article 1er, d'élargir l'accès à l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées.

 

Pour justifier la nécessité de légiférer en ce sens, l'étude d'impact accompagnant ce projet de loi soulignait l'évolution du modèle familial contemporain, l'apparition progressive des familles homoparentales et la place croissante de la « parenté sociale […] au côté de la parenté biologique ». Elle évoquait en outre l'existence de dérives, certaines femmes se rendant à l'étranger pour accéder à l'AMP et prenant parfois des risques sanitaires. Ainsi, « la règle nouvelle a[vait] pour objectif l'égal accès de toutes les femmes aux techniques d'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur sans distinction liée au statut conjugal ou à l'orientation sexuelle ».

 

* La loi n° 2021-1017 du 2 août 202112 relative à la bioéthique a consacré cette évolution des conditions d'accès à l'AMP en modifiant l'article L. 2141-2 du CSP :

 

– d'une part, la condition tenant à l'infertilité médicalement constatée est supprimée13 et l'AMP a désormais pour objet de « répondre à un projet parental » ;

 

– d'autre part, l'AMP est ouverte à « Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes » ainsi qu'à « toute femme non mariée »14. Les hommes ne peuvent ainsi y prétendre s'ils vivent seuls ou en couple avec un autre homme, mais uniquement s'ils sont en couple avec une femme15.

 

Cet accès est conditionné à des entretiens particuliers des demandeurs avec les membres d'une équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire, qui sont effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10 du CSP16.

 

Le deuxième alinéa de l'article L. 2141-2 précise par ailleurs que l'accès à l'AMP « ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs ». Cette disposition a été ajoutée en première lecture à l'Assemblée nationale afin de garantir l'effectivité d'un accès non discriminatoire à l'AMP17.

 

* Les autres conditions d'accès à l'AMP ont en revanche été maintenues.

 

Ainsi, les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons.

 

Par ailleurs, le décès d'un des membres du couple ou la séparation du couple font obstacle à la poursuite d'une procédure d'AMP. Il en va de même de la révocation par écrit du consentement par l'un ou l'autre des membres du couple.

 

Enfin, le législateur a repris la condition tenant à l'âge, en la précisant. En effet, l'article L. 2141-2 du CSP, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2021, se bornait à prévoir que les bénéficiaires de l'AMP devaient être « en âge de procréer ». Son avant-dernier alinéa dispose désormais que les conditions d'âge requises sont fixées par voie réglementaire18 et doivent prendre « en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître ».

 

 

 

 

b. – Les conséquences de cette évolution en matière de filiation

 

* La loi du 2 août 2021 n'a pas modifié les règles d'établissement de la filiation pour les couples formés d'un homme et d'une femme :

 

– la filiation maternelle est établie, à l'égard de la femme qui accouche19, par sa désignation dans l'acte de naissance de l'enfant (article 311-25 du code civil) ;

 

– la filiation paternelle est en principe établie par présomption de paternité si le couple est marié (article 312 du code civil) ou par reconnaissance volontaire de paternité pour les couples non mariés (article 316 et suivants du code civil)20.

 

De la même manière, pour la femme non mariée qui recourt à l'AMP, la filiation s'établit, conformément au droit commun, par sa désignation dans l'acte de naissance, du fait de son accouchement.

 

* Le législateur a en revanche institué des dispositions spécifiques applicables aux couples formés de deux femmes ayant recours à une AMP avec tiers donneur, qui figurent aux articles 342-9 à 342-13 du code civil. Comme le souligne la circulaire de présentation de ces dispositions issues de la loi du 2 août 202121, il s'agit « de la seule hypothèse dans laquelle une double filiation maternelle peut être établie à l'égard d'un enfant sans procédure d'adoption ».

 

L'établissement de la filiation s'opère en deux temps.

 

Dans un premier temps, avant l'engagement du processus d'AMP, le couple de femmes doit faire devant notaire une reconnaissance conjointe anticipée, en même temps qu'elles donnent leur consentement à l'AMP22. Comme l'expose la circulaire précitée, « C'est, en effet, l'existence d'un projet parental du couple, consacré par cette reconnaissance conjointe, qui permet l'établissement du double lien de filiation maternelle ».

 

Dans un second temps, après la naissance de l'enfant, la filiation s'établit à l'égard de la femme qui accouche conformément à l'article 311-25 du code civil, c'est-à-dire par sa désignation dans l'acte de naissance. À l'égard de l'autre femme, la filiation s'établit par la reconnaissance conjointe anticipée faite devant notaire23, qui est remise à l'officier d'état civil lors de la déclaration de naissance de l'enfant et mentionnée dans son acte de naissance.

 

Conformément à l'article 342-9 du code civil, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'AMP.

 

2. – Le cas des personnes transgenres

 

a. – La modification de la mention du sexe à l'état civil

 

* Avant 1992, les personnes transgenres se voyaient interdire tout changement de la mention de leur sexe sur les actes de l'état civil.

 

Par deux arrêts d'assemblée plénière du 11 décembre 199224, la Cour de cassation a pour la première fois jugé que « lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ».

 

La modification de la mention du sexe à l'état civil était cependant subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives : le syndrome de dysphorie de genre devait être médicalement constaté, l'intéressé devait avoir subi une opération de réassignation sexuelle et il devait avoir adopté, outre l'apparence physique du sexe opposé, le comportement social de celui-ci.

 

Cette jurisprudence a ensuite été constamment réaffirmée, la Cour de cassation exigeant, pour admettre une demande de rectification de l'acte de naissance, que la personne concernée démontre « la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence »25.

 

La mention du sexe figurant sur les actes de l'état civil était ainsi nécessairement corrélée à des données physiologiques.

 

* Sous l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme26, la législation a récemment évolué.

 

La loi du 18 novembre 201627 a en effet introduit dans le code civil un article 61-5 qui prévoit, en son premier alinéa, que « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification ». Conformément au troisième alinéa de l'article 61-6 du même code, « Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ».

 

Désormais, une personne qui entend obtenir la modification de la mention de son sexe à l'état civil est donc seulement tenue de rapporter la preuve, par exemple, qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ou qu'elle est connue sous le sexe revendiqué par son entourage familial, amical ou professionnel.

 

Il s'ensuit que des hommes, nés femmes à l'état civil et ayant obtenu le changement de cette mention, peuvent avoir conservé leur appareil reproducteur féminin et, ainsi, être en mesure de mener une grossesse.

 

b. – Le refus du législateur d'étendre l'accès à l'AMP aux hommes transgenres disposant de capacités gestationnelles

 

* Lors des débats parlementaires relatifs à la loi du 2 août 2021, plusieurs amendements ont été déposés, devant l'Assemblée nationale comme devant le Sénat, afin d'étendre l'accès à l'AMP aux personnes transgenres, et plus précisément aux hommes nés femmes à l'état civil qui ont obtenu la modification de cette mention tout en conservant leurs capacités gestationnelles28.

 

L'auteur de l'un de ces amendements soulignait le risque de créer une rupture d'égalité, dès lors que les hommes transgenres qui n'ont pas modifié la mention de leur sexe à l'état civil (et qui sont donc femmes à l'état civil) ou qui sont en couple avec une femme pourraient quant à eux avoir accès à l'AMP : « Dans ce débat sur l'éthique, c'est le principe d'égalité qui doit guider nos réflexions. L'article 1er du projet de loi permet d'ouvrir à toutes les personnes qui le peuvent et le veulent l'accès aux techniques de procréation médicalement assistée. Il serait paradoxal, dès lors, que l'identité d'une personne à l'état civil en vienne à créer une discrimination : ce serait une rupture d'égalité avec de nombreux cas déjà existants. Ainsi, aujourd'hui, la PMA est pratiquée pour des couples hétérosexuels comprenant un homme transgenre, avec un don de gamète, comme pour n'importe quel couple hétérosexuel ; de même, un homme transgenre qui n'aurait pas procédé à un changement d'état civil aurait accès aux techniques d'AMP. Nous devons donc suivre ce qui se fait déjà dans d'autres pays européens, où c'est non pas l'identité de la personne qui définit si l'on peut avoir accès aux techniques de PMA, mais bien la possibilité de procréer »29.

 

D'autres ont mis l'accent sur le dilemme dans lequel les hommes transgenres se trouveraient placés à défaut d'une telle extension. Ainsi, selon M. Guillaume Chiche, « Demander à un homme transgenre, qui veut pleinement vivre l'identité qu'il ressent, de faire le choix cornélien entre, d'une part, fonder une famille, transmettre son amour, enfanter, conformément à ce que lui permet son corps en recourant à l'assistance médicale à la procréation, et, d'autre part, vivre pleinement son identité de genre, ce n'est pas acceptable. Le cumul des deux me semble pleinement compatible. Il faut s'en remettre à la gouverne des projets parentaux et au désir des personnes capables de fonder une famille en portant un enfant. C'est la raison pour laquelle je crois que les hommes transgenres doivent pouvoir accéder pleinement à l'aide médicale à la procréation »30.

 

Plusieurs parlementaires ont, en outre, fait état des cas d'enfants nés d'un homme transgenre, pour lesquels se posait la question de l'établissement de la filiation, et par ailleurs alerté sur les risques liés au « tourisme procréatif ».

 

* L'ensemble de ces amendements a fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement, qui, lors des débats, a très clairement signifié sa volonté de s'en tenir à la mention du sexe figurant à l'état civil comme critère de détermination des bénéficiaires de l'AMP.

 

Ainsi, Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, a affirmé : « Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements car, dans la vie civile, seule l'identité indiquée à l'état civil est prise en compte. Si une femme transgenre décide de changer de sexe et devient un homme à l'état civil, elle n'aura pas accès à la PMA car cela aboutirait à ce qu'un homme à l'état civil devienne mère : ce serait compliqué ! Nous souhaitons donc en rester à l'état civil. De ce fait, une femme transgenre qui devient homme mais ne l'inscrit pas à l'état civil pourra, elle, accéder à la PMA »31.

 

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, relevait de la même manière que « Dans la vie civile, seule l'identité à l'état civil d'une personne est prise en considération : ainsi, une femme devenue un homme à l'état civil, même ayant conservé son appareil reproducteur féminin, est un homme. En conséquence, il est également un homme au regard de l'assistance médicale à la procréation. Dans le projet de loi, un homme à l'état civil ne peut pas avoir accès à l'AMP ni en couple avec un autre homme ; il pourra bien sûr y avoir accès s'il est en couple avec une femme qui portera l'enfant après insémination ou transfert de l'embryon. / Ainsi, le fait de changer de sexe n'est pas un obstacle en tant que tel : tout dépend du sexe inscrit à l'état civil au moment de la demande d'accès à telle ou telle technique. La transition est un processus long, et l'état civil de la personne au moment de la demande est un facteur déterminant »32.

 

* Aucun des amendements évoqués ci-dessus n'ayant été adopté, la loi du 2 août 2021 réserve l'accès à l'AMP aux couples formés d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ainsi qu'à toute femme non mariée. Les hommes nés femmes à l'état civil qui ont obtenu la modification de cette mention tout en conservant leurs capacités gestationnelles ne peuvent donc pas avoir accès à l'AMP.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

L'association GIAPS avait saisi le Conseil d'État d'un recours aux fins d'annulation du décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d'organisation et de prise en charge des parcours d'assistance médicale à la procréation, qui définit notamment les conditions d'âge pour bénéficier des différentes techniques d'AMP33.

 

À l'occasion de ce recours, elle avait soulevé une QPC portant sur l'article L. 2141-2 du CSP.

 

Dans sa décision précitée du 12 mai 2022, le Conseil d'État avait jugé que « Le moyen tiré de ce [que cette disposition] porte atteinte au principe d'égalité devant la loi en tant qu'elle exclut de l'accès à l'assistance médicale à la procréation les personnes ayant changé la mention de leur sexe à l'état civil mais disposant de la capacité de mener une grossesse soulève une question qui doit être regardée comme nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ». Il avait donc renvoyé cette question au Conseil constitutionnel.

 

II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

L'association requérante reprochait aux dispositions de l'article L. 2141-2 du CSP de priver de l'accès à l'AMP les hommes seuls ou en couple avec un homme, alors même que ceux d'entre eux qui, nés femmes à l'état civil, ont changé la mention de leur sexe, peuvent être en capacité de mener une grossesse. Elle faisait valoir que ces dispositions instituaient ainsi une différence de traitement injustifiée entre les personnes disposant de capacités gestationnelles selon la mention de leur sexe à l'état civil, en méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et d'égalité entre les hommes et les femmes. Elle soutenait, pour les mêmes motifs, que le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les principes précités.

 

En outre, selon l'association requérante, les dispositions renvoyées contraignaient les hommes transgenres à renoncer à modifier la mention de leur sexe à l'état civil pour conserver la possibilité d'accéder à l'AMP et portaient ainsi atteinte à la liberté personnelle et au droit de mener une vie familiale normale.

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait uniquement sur les mots « Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du CSP (paragr. 4).

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité entre les hommes et les femmes

 

* Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le « principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit »34.

 

Sur ce fondement, le Conseil veille, de manière générale, à ce que les différences de traitement opérées par la loi soient tout à la fois justifiées par une raison suffisante – qu'elle procède d'une différence de situation ou d'un motif d'intérêt général – et en adéquation avec les objectifs que leur assigne le législateur. Cette seconde condition permet, en particulier, d'éviter que des situations objectivement différentes soient le prétexte à des différences de traitement incohérentes avec l'objet même des dispositions critiquées.

 

À de rares occasions, le Conseil constitutionnel a fait le choix d'opérer son contrôle en se plaçant sur le double fondement du principe d'égalité devant la loi et du principe d'égalité entre les femmes et les hommes mentionné au troisième alinéa du Préambule de 1946, selon lequel « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme »35. En effet, le contrôle « des différences de traitement instituées entre les hommes et les femmes ne correspond ni au contrôle habituel en matière de respect du principe d'égalité, opéré sur le seul fondement de l'article 6 de la Déclaration de 1789, ni à l'interdiction des discriminations, laquelle prohiberait absolument toute règle traitant différemment les femmes et les hommes. Le Conseil a ainsi soumis à un contrôle renforcé les différences instituées par le législateur entre les hommes et les femmes. Ce contrôle implique non seulement que la différence de traitement instaurée par le législateur doit être fondée sur une différence de situation ou doit poursuivre un but d'intérêt général, l'une ou l'autre devant être en lien direct avec l'objet de la loi, mais également que cette différence ne doit pas être injustifiée au regard des exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et du troisième alinéa du Préambule de 1946 »36.

 

* Cependant, le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel ne lui donne pas un pouvoir de même nature que celui du Parlement. Le Conseil le rappelle régulièrement lorsqu'il est saisi, sous un prisme constitutionnel, de questions qui relèvent plus largement de débats éthique ou de société, en particulier dans le domaine du droit des personnes et de la famille.

 

En ce cas, le Conseil veille en effet à marquer clairement la différence entre son rôle et celui du Parlement. Il rappelle ainsi de manière systématique que l'article 61 de la Constitution (ou son article 61-1, en QPC) ne lui confère pas « un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », de sorte qu'il ne lui appartient pas « de substituer son appréciation à celle du législateur »37.

 

Cette motivation s'accompagne également, le plus souvent, du rappel de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités ».

 

* Le choix du Conseil constitutionnel d'opérer, sur ces questions de société, un contrôle restreint s'est notamment manifesté à l'occasion de l'examen de dispositions instituant ou supprimant une différence de traitement fondée sur le sexe.

 

- Ainsi, dans sa décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions qui avaient pour effet d'interdire l'adoption d'un enfant mineur par le concubin ou le partenaire de son père ou de sa mère et qui faisaient ainsi obstacle à ce que la filiation d'un enfant mineur soit légalement établie à l'égard de deux personnes de même sexe vivant ensemble.

 

Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, il a considéré « qu'en maintenant le principe selon lequel la faculté d'une adoption au sein du couple est réservée aux conjoints, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l'intérêt de l'enfant, une différence de traitement quant à l'établissement de la filiation adoptive à l'égard des enfants mineurs ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en l'espèce, de la situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe »38.

 

Le commentaire de cette décision met en exergue la volonté du Conseil de limiter son contrôle afin de ne pas se faire le juge de l'opportunité des choix effectués par le législateur : « juger si, oui ou non, il existe un motif d'intérêt général pour interdire l'établissement d'un double lien de filiation de même sexe à l'égard d'un mineur ou juger si, oui ou non, la différence de situation entre couple de même sexe et couple de sexe différent, que nul ne conteste, est en lien direct avec l'intérêt de l'enfant, et peut justifier une différence de traitement appliquée à l'établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant mineur, consiste à prendre position dans un débat éthique, scientifique et, en définitive, politique sur l'homoparentalité. / Le Conseil constitutionnel a estimé que trancher cette question dans sa décision eût consisté pour lui à se substituer au Parlement. Rappelant les limites de son contrôle, il a jugé qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en matière de filiation et d'autorité parentale, de la différence particulière de l'enfant élevé par deux personnes de même sexe. / Le Conseil a donc jugé, en octobre 2010, qu'il en va de l'"homoparentalité" comme il en allait, en janvier 1975, de l'interruption volontaire de grossesse ou, en juillet 1994, de la sélection des embryons : cette question constitue l'archétype de la question de société dont la réponse, en France, appartient au législateur ».

 

- De la même manière, dans sa décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, le Conseil constitutionnel était saisi d'une QPC portant sur des dispositions du code civil réservant le droit de se marier aux couples formés d'un homme et d'une femme. Cette question lui avait été renvoyée par la Cour de cassation au motif qu'elle faisait « l'objet d'un large débat dans la société, en raison, notamment, de l'évolution des mœurs et de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe dans les législations de plusieurs pays étrangers »39.

 

Le Conseil a jugé « qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté »40.

 

Le commentaire de cette décision précise : « la question posée au Conseil constitutionnel était la suivante : le principe d'égalité devant la loi impose-t-il que les couples formés de personnes de même sexe se voient reconnaître, en droit de la famille, les mêmes droits que les couples composés d'un homme et d'une femme ? Le Conseil constitutionnel a répondu par la négative à cette question. Il a estimé
que s'agissant des règles du droit de la famille, le législateur pouvait fonder une
différence de traitement sur cette différence de situation. Il a rappelé qu'il ne lui
appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur ce point. / Le Conseil a ainsi confirmé, en lui donnant une portée plus large, le sens de sa décision n° 2010-39 du 6 octobre 2010 ». Et d'ajouter : « s'agissant de la demande des couples de même sexe d'accéder au statut du mariage, le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence respectueuse de la compétence du législateur ».

 

- Enfin, dans sa décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel était saisi des dispositions ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant les règles relatives à l'adoption.

 

Sans formuler un grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité, les requérants développaient une argumentation inversée consistant à mettre en cause l'objet de la loi comme improprement fondé sur l'égalité. Comme le souligne le commentaire de cette décision, « Ce grief critiquant la pertinence de l'objectif poursuivi tendait en définitive à remettre en cause la légitimité du législateur pour décider d'ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe ».

 

De façon symétrique à ce qu'il avait jugé dans sa décision précitée du 28 janvier 2011, le Conseil a considéré qu'« en ouvrant l'accès à l'institution du mariage aux couples de personnes de même sexe, le législateur a estimé que la différence entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en matière de mariage, de cette différence de situation »41.

 

S'agissant des dispositions permettant l'adoption par des couples de personnes de même sexe, les requérants soutenaient que les enfants adoptés par des personnes de même sexe seraient traités différemment des autres enfants adoptés dans la mesure où le caractère adoptif de leur filiation apparaîtra nécessairement.

 

Pour écarter ce grief, le Conseil a énoncé qu'« en permettant l'adoption par deux personnes de même sexe ou au sein d'un couple de personnes de même sexe, le législateur, compétent pour fixer les règles relatives à l'état et à la capacité des personnes en application de l'article 34 de la Constitution, a estimé que l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme »42.

 

B. – L'application à l'espèce

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a tout d'abord rappelé, dans la ligne des décisions présentées ci-dessus, qu'« Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions » (paragr. 5). Si la compétence du législateur pour effectuer les choix qu'appellent les questions de société est ainsi réaffirmée, le Conseil a néanmoins souligné que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne doit pas priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel (même paragr.).

 

Le Conseil a également rappelé quel était son propre office : l'article 61-1 de la Constitution ne lui confère pas « un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit » (même paragr.).

 

* Après avoir repris sa formule de principe relative au principe d'égalité devant la loi (paragr. 6), le Conseil constitutionnel a ensuite décrit l'objet des dispositions contestées et identifié la différence de traitement qui en résultait.

 

Il a constaté, à ce titre, que ces dispositions « ouvrent l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples formés d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ainsi qu'aux femmes non mariées » et qu'« Elles privent ainsi de cet accès les hommes seuls ou en couple avec un homme » (paragr. 7).

 

Il en a déduit que « les personnes, nées femmes à l'état civil, qui ont obtenu la modification de la mention relative à leur sexe tout en conservant leurs capacités gestationnelles, en sont exclues » (même paragr.).

 

Autrement dit, les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les personnes disposant de la même capacité de mener une grossesse, selon la mention de leur sexe à l'état civil.

 

Le Conseil constitutionnel a cependant relevé qu'il ressortait des travaux préparatoires qu'« en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre l'égal accès des femmes à l'assistance médicale à la procréation, sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle » (paragr. 8). Ces mêmes travaux parlementaires témoignaient de ce que le législateur n'avait en revanche pas entendu ouvrir l'accès à l'AMP à toute personne ayant un projet parental, et en particulier qu'il n'avait pas souhaité étendre cet accès aux hommes transgenres.

 

Respectueux de la compétence du législateur, le Conseil a relevé que, « Ce faisant, [le législateur] a estimé, dans l'exercice de sa compétence, que la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l'état civil, pouvait justifier une différence de traitement, en rapport avec l'objet de la loi, quant aux conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation ». Il a en outre souligné qu'il ne lui appartenait pas « de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, d'une telle différence de situation » (même paragr.).

 

Le Conseil constitutionnel en a déduit que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devait être écarté (paragr. 9).

 

Après avoir jugé que ces dispositions n'étaient pas entachées d'incompétence négative et qu'elles ne méconnaissaient pas non plus le droit de mener une vie familiale normale, la liberté personnelle, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 10).

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1 Article L. 2141-1 du CSP.

2 Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. Cette loi fait partie, avec la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, des lois dites « bioéthiques », destinées à répondre aux questions posées par les progrès de la biologie et de la médecine.

3 Seule la transmission à l'enfant avait été initialement envisagée par le législateur. La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique y a ajouté la transmission à un membre du couple.

4 Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 précitée.

5 Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

6 Voir, en particulier, son considérant 44.

7 CE, 28 septembre 2018, n° 421899.

8 Cette concertation s'est déroulée dans le cadre des états généraux de la bioéthique organisés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Elle a été complétée par des contributions écrites de nombreuses instances, telles que le CCNE, l'Agence de biomédecine ou encore l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

9 Étude adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018 – Conseil d'État, section du rapport et des études.

10 Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Cette loi a eu pour conséquence de permettre aux couples de personnes de même sexe de recourir à l'adoption, alors réservée aux couples mariés. Depuis la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption, l'adoption peut être demandée par un couple marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins (article 343 du code civil).

11 Avis de la Cour de cassation, 22 septembre 2014, nos 14-70.006 et 14-70.007.

12 Le Conseil constitutionnel a été saisi de cette loi, mais n'a pas examiné son article 1er qui modifie les dispositions de l'article L. 2141-2 du CSP (décision n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021, Loi relative à la bioéthique).

13 Le maintien à l'égard des couples hétérosexuels de l'exigence du caractère pathologique de l'infertilité comme condition d'accès à l'AMP avait été envisagé. Le risque était que certains de ces couples décident de s'engager dans cette voie pour des raisons de « confort » en considérant que ces techniques médicales pouvaient leur donner plus de chance de procréer. Mais, sur ce point, le Gouvernement a relevé que les contraintes et désagréments d'un parcours en AMP ne laissaient pas présager un recours massif aux techniques d'AMP par des couples hétérosexuels qui pourraient procréer naturellement (étude d'impact précitée, p. 53).

14 Cette expression a été préférée à celle de « femme ne vivant pas en couple », dès lors que, lorsqu'un enfant est conçu pendant le mariage, la paternité est établie par présomption ; une telle présomption n'existe pas pour les concubins ou les partenaires liés par un PACS.

15 L'un des motifs avancés est la volonté de maintenir la prohibition de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui prévue à l'article 16-7 du code civil. Voir, en ce sens, l'intervention d'Agnès Buzyn, ministre de la santé, compte-rendu des débats à l'Assemblée nationale, 1re lecture, séance du 25 septembre 2019.

16 Au cours de ces entretiens, les médecins de cette équipe vérifient la motivation du ou des demandeurs, procèdent à leur évaluation médicale et leur communiquent un certain nombre d'informations.

17 Amendement n° 2018 du 5 septembre 2019 présenté par M. Guillaume Chiche et autres, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale (voir le rapport n° 2243 (Assemblée nationale – XVe législature) de M. Jean-Louis Touraine et autres, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 14 septembre 2019, tome II).

18 Elles sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de biomédecine, et prévues aux articles R. 2141-36 à R. 2141-38 du CSP.

19Aux termes du premier alinéa de l'article 332 du code civil, « la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant ».

20 À défaut, la filiation paternelle peut être établie par le biais de la possession d'état (article 314 du code civil pour le père marié, article 317 pour le père non marié).

21 Circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 21 septembre 2021 (n° NOR : JUSC2127286C, fiche 1).

22 Article 342-11, alinéa 1er, du code civil.

23 Article 342-11, alinéa 2, du code civil.

24 Cass. ass. plén., 11 décembre 1992, nos 91-11.900 et 91-12.373. Ces arrêts faisaient suite à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 25 mars 1992, B. c. France, n° 13343/87).

25 Cass. civ. 1re, 7 juin 2012, n° 10-26.947.

26 CEDH, 6 avril 2017, A.P., Garçon et Nicot c. France, n° 79885/12, 52471/13 et 52596/13. La Cour a considéré que le fait de conditionner la reconnaissance juridique du changement de sexe au caractère irréversible de la transformation de l'apparence, impliquant la réalisation d'une opération ou d'un traitement entraînant une forte probabilité de stérilité, revenait à conditionner le plein exercice du droit au respect de la vie privée à la renonciation au plein exercice du droit au respect de l'intégrité physique, ce qui constituait une violation de l'article 8 de la Convention. Elle a en revanche admis l'exigence d'un psychodiagnostic préalable à la modification de l'état civil.

27 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

28 Il était notamment proposé d'inscrire au premier alinéa de l'article L. 2141-2 le principe de l'ouverture de l'AMP « à toute personne en capacité de porter un enfant » ou encore d'insérer dans la liste des discriminations prohibées, figurant au deuxième alinéa du même article, le changement de la mention du sexe à l'état civil.

29 M. Éric Coquerel, soutenant en séance publique devant l'Assemblée nationale l'amendement n° 2257, compte-rendu des débats, première séance du jeudi 26 septembre 2019.

30 Compte-rendu des débats à l'Assemblée nationale, 2e lecture, deuxième séance du mardi 28 juillet 2020.

31 Intervention de la ministre des solidarités et de la santé devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, réunion du mardi 10 septembre 2019 (rapport n° 2243 précité de M. Jean-Louis Touraine).

32 Compte-rendu des débats à l'Assemblée nationale, 1re lecture, première séance du jeudi 26 septembre 2019. Voir également, dans le même sens, l'intervention de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur (compte-rendu des débats à l'Assemblée nationale, 2e lecture, première séance du mardi 28 juillet 2020).

33 Ce décret détermine également la composition de l'équipe médicale mentionnée à l'article L. 2141-2 du CSP et les règles de prise en charge par l'assurance maladie.

34 Voir, par exemple, décision n° 2022-998 QPC du 3 juin 2022, Association pour le développement de l'accès aux soins dentaires (Interdiction de la publicité en faveur des centres de santé), paragr. 3.

35 Voir, en dernier lieu, décision n° 2021-954 QPC du 10 décembre 2021, Mme Fatma M. (Effet collectif de la déclaration recognitive de nationalité française).

36 Commentaire de la décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, Mme Jalila K. (Perte de la nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère - Égalité entre les sexes).

37 Voir, notamment, les décisions n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, cons. 1, n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, cons. 10, et n° 2012-249 QPC du 16 mai 2012, Société Cryo-Save France (Prélèvement de cellules du sang de cordon ou placentaire ou de cellules du cordon ou du placenta), cons. 7.

38 Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. (Adoption au sein d'un couple non marié), cons. 9.

39 Cass. civ. 1re, 16 novembre 2010, n° 10-40.042.

40 Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre (Interdiction du mariage entre personnes de même sexe), cons. 9.

41 Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 22.

42 Ibid., cons. 49.