Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 mai 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 706 du 11 mai 2022) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société cabinet Lysandre portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 706-154 du code de procédure pénale (CPP).
Dans sa décision n° 2022-1002 QPC du 8 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 706-154 du CPP, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
I. – Les dispositions contestées
A. – Objet des dispositions contestées
1. – Les saisies pénales spéciales
a. - Présentation
* La saisie pénale est une procédure permettant de placer des documents, des objets et des biens corporels ou incorporels sous main de justice. Elle a ainsi pour effet de priver le détenteur du bien de la faculté d’en disposer.
Le code de procédure pénale organise trois régimes de saisie pénale poursuivant des objectifs distincts :
– le régime des saisies à finalité probatoire, qui permet au procureur de la République au cours de l’enquête préliminaire ou de flagrance1 et au juge d’instruction au cours de l’information judiciaire2, ainsi qu’aux officiers de police judiciaire (OPJ) agissant sous leur autorité, de placer sous main de justice tout objet, bien ou document utile à la manifestation de la vérité3 ;
– le régime des mesures conservatoires, défini à l’article 706-103 du CPP, qui permet, en matière de délinquance et de criminalité organisée, au juge des libertés et de la détention (JLD), sur requête du procureur de la République, d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen pour assurer le paiement des amendes encourues et l’indemnisation des victimes ;
– le régime des saisies pénales spéciales, défini aux articles 706-141 à 706-158 du CPP4, qui se distinguent des autres catégories de saisies en ce qu’elles visent exclusivement à garantir l’efficacité de la peine complémentaire de confiscation prévue par l’article L. 131-21 du code pénal.
* Cette peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement et de plein droit pour les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse5.
Elle peut porter sur cinq catégories de biens :
– les biens meubles ou immeubles, divis ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ;
– les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime ;
– les biens meubles ou immeubles qui sont définis par la loi ou le règlement qui réprime l’infraction ;
– en matière de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, les biens pour lesquels ni le condamné ni le propriétaire n’ont pu justifier l’origine. Lorsque la loi le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie du patrimoine du condamné6 ;
– les objets dangereux, nuisibles ou dont la détention est illicite, pour lesquels la confiscation est obligatoire.
Par ailleurs, la confiscation peut, sous certaines conditions, être ordonnée en valeur7.
La peine complémentaire de confiscation vise à assurer le caractère dissuasif de la sanction pénale en privant l’auteur d’une infraction des profits qu’il a pu en tirer8.
Pour en assurer le plein effet, le législateur a jugé nécessaire de l’accompagner, pendant la phase de mise en état du procès pénal, de règles permettant de saisir, à titre conservatoire, les objets ou produits de l’infraction, afin d’éviter leur dissipation entre la phase procédurale et la phase juridictionnelle.
Or, les procédures de saisie pénale de droit commun, dont l’objet est principalement d’assurer le placement sous scellés de biens meubles corporels, et les procédures civiles d’exécution, qui répondent à un formalisme ne permettant pas l’appréhension de certains biens dans de brefs délais, apparaissaient inadaptées pour assurer l’effectivité de la peine de confiscation, qui demeurait, de ce fait, peu prononcée par les magistrats.
Constatant que « Dans notre droit pénal, la saisie a longtemps eu pour seul objectif la conservation des pièces à conviction et éléments de preuve nécessaires à la manifestation de la vérité, alors qu’elle constitue également une étape déterminante pour obtenir, lors du jugement, la confiscation des biens, sanction incontournable si on veut que "le crime ne paie pas" », le législateur a donc souhaité « doter la Justice de nouveaux moyens juridiques pour assurer la saisie et la confiscation des biens des délinquants »9.
* La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale a introduit, à cette fin, un nouveau régime de saisies pénales spéciales.
Selon l’article 706-141 du CPP, ce régime « s’applique, afin de garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l’article 131–21 du code pénal, aux saisies […] lorsqu’elles portent sur tout ou partie des biens d’une personne, sur un bien immobilier, sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance ainsi qu’aux saisies qui n’entraînent pas de dépossession du bien ».
Ce régime permet ainsi soit de saisir certains biens immobiliers et mobiliers corporels ou incorporels pouvant faire l’objet d’une confiscation en application de l’article 131-21 du code pénal, soit de recourir à des saisies de tels bien sans dépossession de leur propriétaire10. La saisie s’opère en principe en nature. Cependant, elle peut, comme la mesure de confiscation elle–même, être ordonnée en valeur11.
Par ailleurs, les conditions de recours par les magistrats à ces saisies sont simplifiées : le cadre procédural mis en place « se traduit par l’octroi de larges prérogatives de puissance publique au juge pénal, lui permettant d’agir rapidement, avant que la personne mise en cause n’ait pu mettre en œuvre les moyens nécessaires pour organiser son insolvabilité ou faire disparaître les éléments de son patrimoine acquis de façon illicite. En contrepartie, des voies de recours sont prévues à chaque étape de la procédure »12.
Quatre procédures de saisies spéciales sont ainsi prévues par le CPP :
– les saisies de patrimoine13 ;
– les saisies immobilières14 ;
– les saisies sans dépossession15 ;
– les saisies de biens incorporels16, qui comprennent notamment la saisie des sommes d’argent versées sur un compte bancaire, prévue par l’article 706-154 du CPP.
b. – La saisie de sommes d’argent versées sur un compte bancaire (les dispositions renvoyées)
* Les saisies de sommes d’argent versées sur un compte bancaire relèvent de la catégorie des saisies spéciales portant sur des biens ou droits mobiliers incorporels.
Le régime de ces saisies, prévu à l’article 706-153 du CPP17, prévoit que, pendant l’enquête de flagrance ou l’enquête préliminaire, le JLD18, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, par une décision motivée, la saisie de biens incorporels qui peuvent être confisqués en application de l’article 131-21 du code pénal. Au cours de l’information judiciaire, le juge de l’instruction peut ordonner cette saisie dans les mêmes conditions.
L’ordonnance du JLD ou du juge d’instruction est alors notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien. Cette ordonnance peut être contestée devant la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours à compter de sa notification.
L’appel n’est pas suspensif, afin d’éviter que la personne dont le bien a été saisi n’organise sa dissipation entre la notification de l’ordonnance et la fin de la procédure devant la chambre de l’instruction. Par ailleurs, l’appelant ne peut accéder qu’aux seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste. S’ils ne sont pas appelants, le propriétaire du bien et les tiers peuvent être entendus par le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction, sans toutefois pouvoir prétendre à la mise à disposition de la procédure.
* Des dispositions spécifiques sont applicables aux saisies de sommes d’argent versées sur un compte bancaire, en application de l’article 706–154 du CPP (les dispositions renvoyées).
Elles diffèrent du régime général des saisies spéciales portant sur des biens ou droits mobiliers incorporels sur plusieurs points, de manière à prendre en compte la particulière volatilité de ce type de biens19.
Le premier alinéa de l’article 706-154 du CPP prévoit ainsi que, par dérogation aux dispositions de l’article 706-153, l’officier de police judiciaire (OPJ) peut être autorisé, par tout moyen20, par le procureur de la République ou le juge d’instruction à procéder à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts21. La saisie peut ainsi être réalisée immédiatement, sans l’accord préalable d’un juge du siège lorsqu’elle est réalisée à la demande du procureur.
Les sommes saisies sont alors retirées du compte de l’intéressé et versées à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), également crée par la loi du 9 juillet 2010 précitée22.
Toutefois, dans un délai de dix jours à compter de la réalisation de la saisie, le JLD, saisi par le procureur de la République, ou le juge d’instruction doit se prononcer par une ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie23.
Le deuxième alinéa de l’article 706-154 du CPP prévoit que cette ordonnance est notifiée au ministère public, au titulaire du compte et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce compte.
Elle peut alors faire l’objet d’un recours et être déférée à la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours à compter de sa notification.
Comme dans le cadre du régime général prévu par l’article 706-153, cet appel n’est pas suspensif. De même, l’appelant ne peut prétendre qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste et, s’ils ne sont pas appelants, le titulaire du compte et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l’instruction, sans toutefois pouvoir prétendre à la mise à disposition de la procédure.
Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les arrêts de la chambre de l’instruction doivent, sous peine de cassation, s’assurer, par des motifs propres, de l’existence d’indices laissant présumer la commission des infractions sur la base desquelles la saisie du solde créditeur d’un compte bancaire a été ordonnée, à la date où elle se prononce sur le maintien de celle-ci, et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties24.
Enfin, le dernier alinéa de l’article 706-154 du CPP reprend les dispositions selon lesquelles la saisie s’applique indifféremment à l’ensemble des sommes inscrites au crédit du compte bancaire au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie25.
2. – Le secret professionnel de l’avocat
Le secret professionnel de l’avocat est prévu à l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques26 qui dispose « que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».
Ce secret est « d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps »27 et l’avocat ne doit commettre « aucune divulgation contrevenant au secret professionnel »28.
Sa violation constitue un délit réprimé par l’article 226-13 du code pénal et puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Toutefois, ce principe s’applique à l’avocat « sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi »29.
La Cour de cassation juge par exemple que « l’obligation au secret professionnel d’un avocat ne saurait lui interdire, pour se justifier de l’accusation dont il est l’objet et résultant de la divulgation par un client d’une correspondance échangée entre eux, de produire d’autres pièces de cette même correspondance utiles à ses intérêts »30.
Les juges du fond apprécient souverainement les faits et circonstances de la cause pour juger si la violation du secret professionnel est rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense31.
* Le respect du secret professionnel peut également faire obstacle à la saisie des documents qu’il protège. En effet, la Cour juge que « si le juge d’instruction est, selon l’article 96 du code de procédure pénale, investi du pouvoir de saisir les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité, ce pouvoir trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui domine toute la procédure pénale et qui commande de respecter les communications confidentielles des inculpés avec les avocats qu’ils ont choisis ou veulent choisir comme défenseurs ».
Toutefois, la Cour veille à ce que l’objectif poursuivi par la protection garantie par le secret professionnel ne soit pas dénaturé en empêchant abusivement la manifestation de la vérité.
Ainsi, elle juge par exemple que « si, selon les principes rappelés par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, il demeure que le juge d’instruction tient de l’article 97 du Code de procédure pénale le pouvoir de les saisir dès lors qu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense »32.
De même, elle considère que « la saisie des correspondances échangées entre un avocat et son client ne peut à titre exceptionnel être ordonnée ou maintenue qu’à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l’avocat à une infraction »33.
B. – Origine de la QPC et question posée
Le 16 novembre 2016, la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) avait signalé au parquet plusieurs mouvements financiers réalisés sur des comptes ouverts au nom du cabinet d’avocats Lysandre.
À la suite de l’ouverture d’une information judiciaire, le dirigeant de ce cabinet avait été mis en examen, le 5 novembre 2020, des chefs de travail dissimulé en bande organisée, blanchiment en bande organisée, tentative de ce délit, faux et usage de faux, recel d’abus de biens sociaux et complicité de ce délit.
Sur le fondement de l’article 706-154 du CPP, l’officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire et avec l’autorisation expresse du magistrat instructeur, avait fait saisir, le 13 octobre 2020, les sommes inscrites au crédit du compte bancaire ouvert au nom du cabinet.
Le 19 octobre, le juge d’instruction avait ordonné le maintien de cette saisie pénale par une ordonnance, contre laquelle le cabinet avait interjeté appel. L’ordonnance de maintien de la saisie avait toutefois été confirmée le 23 septembre 2021 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Le cabinet requérant avait alors formé un pourvoi contre cet arrêt et soulevé une QPC dirigée contre l’article 706-154 du CPP.
Dans son arrêt du 11 mai 2022 précité, la Cour de cassation avait jugé que la question présentait un caractère sérieux « dès lors que, dans le cadre de la procédure de recours ouverte par les dispositions contestées, l’avocat mis en cause est susceptible de fournir des informations relatives à l’origine des fonds figurant sur le compte objet de la saisie qui pourraient concerner l’identité de ses clients, la nature des prestations qu’il fournit à ces derniers, ainsi que les conventions d’honoraires qu’il passe avec eux et les facturations y afférentes », ce dont elle avait déduit que « la disposition critiquée est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée des clients de ce professionnel ou encore de compromettre les droits de la défense de celui-ci ». Elle avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.
II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
* Dans son arrêt du 11 mai 2022 précité, la Cour de cassation n’avait pas précisé la version dans laquelle l’article 706-154 du CPP était renvoyé au Conseil constitutionnel. Il revenait donc au Conseil de la déterminer.
Compte tenu de la date des faits à l’origine de la QPC, l’article 706-154 du CPP applicable à la procédure était celui résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Le Conseil constitutionnel était donc saisi de cet article dans la rédaction résultant de cette loi (paragr.1).
* La société requérante soutenait que, lorsque la saisie portait sur des sommes versées sur le compte bancaire d’un avocat, ces dispositions contraignaient ce dernier, pour contester cette saisie, à divulguer des informations protégées par le secret professionnel relatives, notamment, à ses prestations et à ses clients. Il en résultait, selon elle, une méconnaissance des droits de la défense et du droit au respect de la vie privée.
Au regard de ces griefs, le Conseil a jugé que la QPC portait sur les mots « qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 706-154 du CPP (paragr.4).
* Le Conseil avait été saisi de quatre demandes d’intervention présentées par le Conseil national des barreaux (CNB), l’association des avocats pénalistes (ADAP), le syndicat des avocats de France (SAF) et l’ordre des avocats de Paris.
Ces organisations possédaient, au regard de leurs objets statutaires respectifs, un intérêt spécial à intervenir à cette instance. Leurs interventions, qui rejoignaient les griefs soulevés par la société requérante, ont donc été admises.
A. – Présentation de la jurisprudence
1. – La jurisprudence relative aux saisies pénales spéciales portant sur des droits incorporels
* Le Conseil a déjà été amené à se prononcer sur le régime général des saisies pénales spéciales portant sur les biens incorporels prévu par l’article 706-153 du CPP, qu’il a jugé conforme à la Constitution dans sa décision n° 2016-583/584/585/586 QPC du 14 octobre 201634.
Dans cette affaire, la société requérante reprochait à cette procédure de méconnaître le droit de propriété et le droit à un recours juridictionnel effectif.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces deux griefs en considérant : « En premier lieu, si la mesure de saisie prévue par les dispositions contestées a pour effet de rendre indisponibles les biens ou droits incorporels saisis, elle est ordonnée par un magistrat du siège et ne peut porter que sur des biens ou droits dont la confiscation peut être prononcée à titre de peine complémentaire en cas de condamnation pénale. / En deuxième lieu, toute personne qui prétend avoir un droit sur un bien placé sous main de justice peut en solliciter la restitution par requête auprès, selon le cas, du procureur de la République, du procureur général ou du juge d’instruction. / En troisième lieu, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction autorisant ou prononçant la saisie est notifiée au propriétaire du bien ou du droit saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien ou sur ce droit qui peuvent la contester devant la chambre de l’instruction. Ces personnes, qu’elles aient fait appel ou non, peuvent par ailleurs être entendues par la chambre de l’instruction avant que celle-ci ne statue. Elles ne sont donc pas privées de la possibilité de faire valoir leurs observations et de contester la légalité de la mesure devant un juge. / En quatrième lieu, en ne prévoyant pas de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention et devant le juge d’instruction et en ne conférant pas d’effet suspensif à l’appel devant la chambre de l’instruction, le législateur a entendu éviter que le propriétaire du bien ou du droit visé par la saisie puisse mettre à profit les délais consécutifs à ces procédures pour faire échec à la saisie par des manœuvres. Ce faisant, il a assuré le caractère effectif de la saisie et, ainsi, celui de la peine de confiscation. / En dernier lieu, le juge devant toujours statuer dans un délai raisonnable, l’absence d’un délai déterminé imposé à la chambre de l’instruction pour statuer sur l’appel de l’ordonnance prise par un juge autorisant la saisie ne saurait constituer une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif de nature à priver de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété »35.
Au regard de ces éléments, le Conseil constitutionnel a jugé que cette procédure de saisie spéciale ne méconnaissait pas les exigences découlant des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.
2. – La jurisprudence relative au secret professionnel des avocats
Si le secret professionnel de l’avocat, et en particulier, la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, ne bénéficie pas d’une protection constitutionnelle autonome, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner les atteintes susceptibles de lui être portées à travers son contrôle du respect du droit au secret des correspondances36, du droit au respect de la vie privée ou de l’exercice des droits de la défense.
* Le Conseil constitutionnel peut fonder l’examen des atteintes susceptibles d’être portées au secret professionnel de l’avocat au regard du respect du droit au secret des correspondances, garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 178937.
- Dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 201538, le Conseil était saisi de dispositions interdisant qu’un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste puisse être l’objet d’une demande de mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignements à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession. Les députés requérants reprochaient notamment à ces dispositions de ne pas assurer une protection suffisante contre l’atteinte indirecte au secret des sources des journalistes ainsi qu’à la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients. Il en résultait selon eux une atteinte au droit au respect de la vie privée ainsi que, pour les avocats, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.
Après avoir rappelé toutes les garanties encadrant la possibilité de mettre en œuvre une technique de renseignement concernant un membre du Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou leurs véhicules, bureaux et domiciles, ainsi que l’interdiction qu’une telle technique puisse intervenir à raison de l’exercice du mandat ou de la profession de la personne concernée, le Conseil a jugé que les dispositions contestées ne portaient pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile et au secret des correspondances.
- Il a par ailleurs refusé, dans sa décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 201539, de reconnaître un droit autonome au secret des échanges et des correspondances des avocats protégé par la Constitution.
Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions instituant une procédure de réquisition administrative de données de connexion, auxquelles il était notamment reproché de ne pas prévoir de garanties spécifiques de nature à protéger l’accès aux données de connexion des avocats et des journalistes. Selon les requérants, il en résultait notamment une atteinte au droit au respect de la vie privée, à la liberté d’expression et de communication, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, ainsi qu’au droit au secret des échanges et correspondances des avocats et au droit au secret des sources des journalistes qu’ils suggéraient au Conseil de reconnaître.
Le Conseil a d’abord rappelé qu’il incombait au législateur d’assurer « la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ». Il a jugé « qu’en revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats (…) ».
Puis, il a souligné que « les dispositions contestées instituent une procédure de réquisition administrative de données de connexion excluant l’accès au contenu des correspondances » et « que, par suite, elles ne sauraient méconnaître le droit au secret des correspondances et la liberté d’expression »40.
Le Conseil a ensuite pris en compte le fait que les réquisitions en cause ne pouvaient être autorisées qu’à certaines fins expressément énumérées par la loi et sous certaines conditions41.
Il en a conclu que le législateur n’avait pas porté d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, y compris pour les avocats et journalistes. Il a, par ailleurs, écarté le grief tiré de ce que le législateur aurait insuffisamment exercé sa compétence en ne prévoyant pas de garanties spécifiques pour protéger le secret professionnel des avocats et des journalistes. Puis il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.
* Le secret professionnel de l’avocat peut également constituer une garantie prise en considération par le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle du droit au respect de la vie privée.
Aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée42.
Le Conseil juge de manière constante qu’il appartient au législateur d’assurer « la conciliation entre le respect de la vie privée et d’autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public »43.
Par exemple, dans la décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 201644, relative au droit de communication conféré aux agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence, le Conseil a notamment considéré que le fait que ce droit ne puisse porter sur des documents protégés par le secret professionnel constituait une garantie.
Le Conseil a en effet relevé que ce droit de communication portait uniquement sur des « livres, factures et autres documents professionnels », que les dispositions contestées « ne sont pas relatives à l’entrée dans un lieu à usage d’habitation », « ne permettent pas d’exiger la communication de documents protégés par le droit au respect de la vie privée ou par le secret professionnel » et que « Par conséquent, elles ne portent atteinte ni au droit à la protection du domicile, ni au droit au respect de la vie privée, ni au secret des correspondances »45.
* Enfin, le Conseil constitutionnel considère que les obligations attachées au secret professionnel des avocats constituent une garantie au regard de l’exercice des droits de la défense.
Le principe du respect des droits de la défense est rattaché, depuis la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution »46.
Il a pour corollaire le principe du caractère contradictoire de la procédure47 et fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits48.
- Dans sa décision n° 2015-715 du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions permettant notamment aux agents de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation d’accéder à des locaux utilisés à des fins professionnelles par un avocat ou d’exiger la communication par celui-ci de ses livres, factures et autres documents professionnels. Les députés requérants reprochaient à ces dispositions de porter atteinte au secret professionnel des avocats et aux droits de la défense.
Il a d’abord constaté que « Ces investigations […] ont pour seul objet de déterminer l’existence d’un manquement à l’obligation pour un avocat de conclure une convention d’honoraires dans les conditions prévues par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ». Puis, il a relevé que « , par ailleurs, elles doivent être menées dans le respect du secret professionnel prévu à l’article 66-5 de cette même loi, lequel dispose que les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ʺ officielle ʺ, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel ». Il en a donc conclu que ces dispositions ne méconnaissaient pas les droits de la défense et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée49.
- Dans sa décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, le Conseil était saisi de dispositions relatives à l’exercice des fonctions de défenseur syndical. Alors que le requérant soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la justice au motif que le défenseur syndical n’aurait pas présenté des garanties de confidentialité aussi protectrices pour le justiciable que celles auxquelles sont tenus les avocats, le Conseil a relevé : « En premier lieu, l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 mentionnée ci-dessus prévoit que l’avocat est soumis au secret professionnel en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense. Cette obligation s’étend aux consultations adressées par un avocat à son client, aux correspondances échangées avec ce dernier ou avec un autre confrère, excepté celles qui portent la mention “officielleˮ, ainsi qu’aux notes d’entretien et à toutes les pièces du dossier. / En second lieu, d’une part, le défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. Les dispositions contestées le soumettent à une obligation de secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. Elles lui imposent également une obligation de discrétion à l’égard des informations ayant un caractère confidentiel et présentées comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation. / D’autre part, tout manquement du défenseur syndical à ses obligations de secret professionnel et de discrétion peut entraîner sa radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative. En outre, l’article 226-13 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par son état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ».
Le Conseil a déduit de ces différents éléments que « sont assurées aux parties, qu’elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties »50.
En s’appuyant, dans cette décision, sur les garanties attachées à l’office du défenseur syndical et notamment sa soumission à une obligation de secret professionnel semblable à celle des avocats, le Conseil a implicitement reconnu l’importance de cette obligation pour l’exercice des droits de la défense.
Le commentaire de cette décision précise d’ailleurs, en s’appuyant sur la décision du 5 août 2015 précitée, que « S’agissant du secret professionnel auquel est tenu l’avocat, le Conseil constitutionnel a déjà considéré que celui-ci pouvait participer à la protection des droits de la défense »51.
- Enfin, dans sa décision n° 2021-945 QPC du 4 novembre 2021, le Conseil était saisi de dispositions prévoyant que la personne détenue communique librement avec son avocat. Il était reproché à ces dispositions de ne pas définir les modalités de la communication de la personne détenue avec son avocat et, en particulier, de ne pas organiser un droit à la communication téléphonique.
Le Conseil a d’abord jugé que « le droit de communiquer avec son avocat participe au respect des droits de la défense ». Puis, pour s’assurer que le détenu bénéficiait effectivement d’un tel droit et que les droits de la défense n’étaient pas méconnus, le Conseil a notamment relevé que « le législateur a garanti la confidentialité des échanges entre la personne détenue et son avocat » dès lors que « les correspondances écrites entre la personne détenue et son avocat ne peuvent être ni contrôlées ni retenues » et que « leurs communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent pas être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues par l’administration pénitentiaire »52.
Il en a conclu que le législateur n’avait pas privé de garanties légales les droits de la défense dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention et que les griefs soulevés devaient être écartés.
B. – L’application à l’espèce
* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel s’est principalement concentré sur l’examen de la conformité des dispositions contestées aux droits de la défense, dont le respect est garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (paragr. 5).
À cette fin, il a d’abord rappelé les conditions dans lesquelles un OPJ, afin de garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation, peut être autorisé à procéder à la saisie d’une somme d’argent sur un compte bancaire (paragr. 6).
Il a ensuite décrit l’objet des dispositions contestées en relevant qu’elles instituent une voie de recours devant la chambre de l’instruction contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction qui, dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, doit lever ou maintenir cette saisie par une ordonnance motivée (paragr. 7).
Il revenait alors au Conseil d’apprécier si de telles dispositions méconnaissaient les droits de la défense.
À cette fin, il a constaté, en premier lieu, que « ces dispositions ont pour seul objet de prévoir un recours contre la saisie d’une somme d’argent dont l’exécution n’implique en elle-même ni recherche de preuves, ni investigations, ni divulgation d’informations se rapportant à cette somme » (paragr. 8).
Compte tenu de la finalité poursuivi par la saisie, à savoir éviter la dissipation de sommes qui pourraient faire l’objet d’une peine complémentaire de confiscation, ces dispositions n’ont, en elles-mêmes, pas d’effet sur les droits de la défense des personnes concernées.
Le Conseil s’est toutefois attaché à vérifier, en deuxième lieu, si les conditions dans lesquelles peut être contestée une saisie sont de nature à porter atteinte aux droits de la défense.
Sur ce point, le Conseil a constaté que « cette saisie est justifiée par l’existence d’indices laissant présumer la commission de l’infraction sur la base de laquelle elle est ordonnée » et qu’elle « s’applique indifféremment à l’ensemble des sommes inscrites sur un compte bancaire au moment de sa réalisation et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie » (paragr. 9). Dès lors, le Conseil a relevé que « sa contestation n’implique pas de justifier de l’origine de la somme qui en fait l’objet ».
Le Conseil en a conclu que « dans le cas où la saisie porte sur les sommes versées sur le compte professionnel d’un avocat, ce dernier peut la contester sans être tenu de révéler des informations portant sur ses clients ou les prestations à l’origine des sommes saisies » (même paragr.).
En dernier lieu, le Conseil a souligné qu’« à supposer même que l’avocat soit amené, pour exercer ses droits de la défense, à révéler des informations couvertes par le secret professionnel pour contester la saisie d’une somme versée sur son compte, il peut le faire sous la condition que ces révélations lui soient imposées par les strictes exigences de sa propre défense devant une juridiction » (paragr. 10).
Au regard de ces éléments, le Conseil a écarté le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense (paragr. 11).
Il a jugé que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution. Il les a donc déclarées conformes à la Constitution (paragr. 12).
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1 Art. 54 à 58 et 76 du CPP.
2 Art. 92 du CPP.
3 Ces saisies sont prévues par les dispositions relatives aux perquisitions (articles 56, 76, 96 et 97 du CPP).
4 Ces articles forment le titre XXIX (« Des saisies spéciales ») du livre IV du CPP.
5 Art. 131-21, 1er alinéa, du code pénal.
6 C’est notamment le cas de la législation réprimant le trafic de stupéfiants, l’association de malfaiteurs ou les actes de terrorisme.
7 Art. 131-21, alinéa 9, du code pénal.
8 L’exposé des motifs de la proposition de loi n° 1255 du 12 novembre 2008 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale précise ainsi : « Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s’accompagner de la privation des délinquants des profits qu’ils ont pu tirer de l’infraction ».
9 Rapport n° 1689 du 20 mai 2009de M. Guy GEOFFROY, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur la proposition de loi précitée.
10 Art. 706-158 du CPP. La saisie s’opère sans dessaisir le propriétaire du bien. Elle a ainsi pour effet de rendre le bien indisponible : il ne peut alors plus être librement loué, cédé ou vendu.
11 Art. 706-141-1 du CPP.
12 Rapport n° 328 (2009-2010) de M. François ZOCCHETTO, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
13 Art. 706-148 et 706-149 du CPP.
14 Art. 706-150 à 706-152 du CPP.
15 Art. 706-158 du CPP.
16 Art. 706-153 à 706-157 du CPP.
17 Des dispositions particulières complètent ce régime général pour les saisies portant sur des créances (article 706-155), des parts sociales (article 706-156) et de fonds de commerce (article 706-157).
18 L’intervention obligatoire du JLD pour mettre en œuvre cette procédure résulte de l’adoption de l’amendement n° 15 de M. François ZOCCHETTO lors de la première lecture, au Sénat, de la proposition de loi dont est issue la loi du 9 juillet 2010 précitée. Cet amendement visait, selon son exposé des motifs, à renforcer « les garanties entourant les atteintes au droit de propriété que constituent les saisies pénales », à la suite notamment de l’arrêt Medvedyev (CEDH, Gde Ch., Medvedyev et autres c. France, 29 mars 2010, 3394/03) « qui a mis en cause le rôle du procureur de la République dans la mise en œuvre de certaines procédures pénales, exigeant que le magistrat devant lequel une personne privée de liberté doit être présentée "doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties", ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public » (Rapport n°2626 du 16 juin 2010 de M. Guy GEOFFROY en deuxième lecture de la proposition de loi, Assemblée nationale).
19 Cet article, créé par la loi du 9 juillet 2010 précitée, comportait, dans sa rédaction initiale, un alinéa unique selon lequel « Lorsque la saisie porte sur une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, elle s’applique indifféremment à l’ensemble des sommes inscrites au crédit de ce compte au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie ».La procédure applicable était, pour le reste, celle prévue à l’article 706-153 du CPP en matière de saisie de biens incorporels. Toutefois, dès l’examen de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, l’article 706-154 a été modifié afin de mieux assurer l’effectivité des saisies de sommes d’argent. En effet, selon l’exposé des motifs de l’amendement adopté à cette fin, « si une autorisation par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction se justifie, dès le départ, pour la plupart des saisies envisagées (saisie de patrimoine ou saisie immobilière notamment), au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance, elle est peu adaptée aux saisies des comptes bancaires : en raison de l’extrême mobilité des fonds, ces saisies doivent intervenir dans de très courts délais. / En outre, de nombreuses affaires de criminalité organisée, et en particulier de trafic de stupéfiants, illustrent le caractère très opérationnel de cette saisie qui mobilisent actuellement de nombreux enquêteurs tant pour le recensement des comptes bancaires que pour la saisie elle-même. Or, de nombreuses saisies peuvent s’avérer complexes à mettre en œuvre par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction » (Amendement n° 375 de M. ZOCCHETTO, adopté en première lecture lors de la séance publique du 9 septembre 2010 au Sénat.) Le législateur a par conséquent soumis ce type de saisie à une nouvelle procédure dérogatoire du régime général prévu par l’article 706-153 du CPP.
20 L’autorisation peut ainsi être donnée même de façon orale, par appel téléphonique, à la condition qu’il en soit fait mention au procès-verbal.
21 Les comptes concernés peuvent être détenus par des personnes morales ou physiques, dès lors qu’elles sont susceptibles de faire l’objet d’une peine complémentaire de confiscation (Cass. crim., 20 novembre 2017, n° 17–80.328).
22 Art. 706-160 du CPP.
23 Le JLD ou le juge d’instruction fondent, dans ce cas, leur décision sur l’appréciation des faits qui sont susceptibles d’être reprochés à l’intéressé.
24 Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.631.
25 « Cette disposition autorise deux pratiques. L’acte de saisie peut préciser le montant de la somme sur lequel la mesure s’applique. C’est alors cette somme qui se trouve saisie. En l’absence de précision à ce sujet, la saisie reste valable et porte sur le crédit en compte au jour de la mise en œuvre effective de la mesure », in « Des saisies pénales spéciales », fasc. 20 Procédure pénale, JurisClasseur, Eric Camous, 13 février 2022.
26 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
27 Cass. civ. 1re, 13 mars 2008, n° 05-11.314.
28 Art. 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat et art. 2.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat.
29 Ibidem.
30 Cass. crim., 29 mai 1989, n° 87-82.073.
31 Cass. crim., 16 mai 2000, n° 99-85.304.
32 Cass. crim., 7 mars 1994, n° 93-84.931
33 Cass. crim., 12 mars 1992, n° 91-86.843.
34 Décision n° 2016-583/584/585/586 QPC du 14 octobre 2016, Société Finestim SAS et autre (Saisie spéciale des biens ou droits mobiliers incorporels).
35 Décision n° 2016-583/584/585/586 QPC du 14 octobre 2016 précitée, paragr. 7 à 11.
36 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 4.
37 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, précitée.
38 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, cons. 31 à 37.
39 Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres (Accès administratif aux données de connexion).
40 Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 précitée, paragr. 17.
41 Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 précitée, paragr. 18.
42 Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 45.
43 Voir par exemple les décisions n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012, M. Jean-Claude G. (Procédure de dessaisissement d’armes), cons. 3, et n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, not. paragr. 88, 114, 135 et 148. La notion de « vie privée » est entendue par le Conseil constitutionnel comme la sphère d’intimité de chacun. Le Conseil y rattache notamment le principe de l’inviolabilité du domicile (par exemple, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 70). Le droit au respect de la vie privée fonde également le contrôle des traitements de données à caractère personnel, que ce contrôle porte sur la constitution de fichiers ou sur l’institution de droit de communication. En ce qui concerne la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel, le Conseil juge ainsi « que, par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité, cons. 8).
44 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, Société Brenntag (Droit de communication de documents des agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence et des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie).
45 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016 précitée, paragr. 14.
46 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.
47 Pour une illustration récente, voir décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, M. Jean-Mathieu F. (Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d’infractions au code de l’environnement), paragr. 3.
48 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 11, et n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011, M. Samir A. (Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d’instruction), cons. 4.
49 Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 63, 99 et 101.
50 Décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux (Secret professionnel et obligation de discrétion du défenseur syndical), paragr. 20 à 23.
51 Commentaire de la décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017 précitée, p. 11.
52 Décision n° 2021-945 QPC du 4 novembre 2021, M. Aristide L. (Communication entre la personne détenue et son avocat), paragr. 5 et 7.