Cour de cassation

Arrêt du 22 octobre 2025 n° 25-13.040

22/10/2025

Non renvoi

COMM.

COUR DE CASSATION

MB

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QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

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Arrêt du 22 octobre 2025

NON-LIEU A RENVOI

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 627 F-D

Pourvoi n° R 25-13.040

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 OCTOBRE 2025

Par mémoire spécial présenté le 21 juillet 2025, le groupement d'intérêt économique Norgal (GIE Norgal), dont le siège est [Adresse 11], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1266) à l'occasion du pourvoi n° R 25-13.040 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2025, par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale) dans une instance l'opposant, à M. [T] [M] domicilié [Adresse 2].

Parties intervenantes :

1° / la société TotalEnergies petrochemicals France, société anonyme à conseil d'administration,

2° / la société TotalEnergies raffinage France, société par actions simplifiée,

toutes deux ayant leur siège au [Adresse 1],

3° / la société TotalEnergies additives and fuels solutions, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

4° / la société TotalEnergies Petrochemicals & Refining, société de droit belge, dont le siège est [Adresse 4] à [Localité 5] (Belgique),

5° / la société Chane terminal [Localité 8], dont le siège est [Adresse 10],

6° / la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM), fédération de syndicats professionnels, dont le siège est [Adresse 3],

le dossier a été communiqué au parquet général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseillère, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du GIE Norgal, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [M], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés TotalEnergies petrochemicals France, TotalEnergies raffinage France, TotalEnergies additives and fuels solutions,TotalEnergies petrochemicals & Refining, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société Chane terminal Le Havre, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Fédération française des pilotes maritimes et l'avis de Mme Henry, avocate générale, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2025 où étaient présents, M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseillère rapporteure, Mme Schmidt, conseillère doyenne, et Mme Sezer, greffière de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée du président et des conseillères précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Interventions volontaires

1. Il est donné acte aux sociétés TotalEnergies petrochemicals France, TotalEnergies raffinage France, TotalEnergies additives and fuels solutions et TotalEnergies Petrochemicals & Refining, à la société Chane terminal [Localité 8] et à la Fédération française des pilotes maritimes de leurs interventions volontaires accessoires.

Faits et procédure

2. Le Groupement d'intérêt économique Norgal (le GIE Norgal), composé des sociétés Antargaz, Vitogaz et Butagaz, exploite un dépôt de gaz et de propane situé à [Localité 7]. L'un des appontements est exploité pour le déchargement de bateaux de très gros tonnage.

3. Le 20 mars 2024, le navire Chem Argon, battant pavillon libérien, à bord duquel était monté que M. [M], pilote au sein de la station de pilotage [Localité 8]-[Localité 6], a heurté cet appontement qui a été en partie détruit.

4. Le GIE Norgal a assigné le commandant de bord et l'armateur, le syndicat des pilotes [Localité 8]-[Localité 6], le remorqueur, le port et leurs assureurs en désignation d'un expert ayant pour mission d'établir les causes de la collision et de chiffrer les préjudices. Une ordonnance du 10 avril 2024 a accueilli la demande.

5. Le 9 juillet 2024, soutenant que le pilote portuaire était impliqué dans la survenance de la collision, le GIE Norgal l'a assigné aux fins de lui rendre « commune et opposable » cette ordonnance.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

6. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2025 par la cour d'appel de Rouen, le GIE Norgal a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article L. 5341-11 du code des transports, en ce qu'il pose un principe d'irresponsabilité du pilote à l'égard des tiers et n'est assorti d'aucune limite en cas de dol ou encore de dépassement par le pilote des limites de sa mission, est-il contraire à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

7. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne la responsabilité civile d'un pilote portuaire à l'égard des tiers.

8. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

9. Les questions, ne portant pas sur des dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

10. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.

11. En effet, d'une part, il n'existe pas d'interprétation jurisprudentielle constante de l'article L. 5341-11 du code des transports, qui dispose que le pilote n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés au cours des opérations de pilotage, excluant la responsabilité du pilote en cas de dol. La même disposition prévoit qu'il contribue à la réparation, dans ses rapports avec l'armateur du navire piloté, si celui-ci établit que le dommage est dû à une faute du pilote.

12. D'autre part, le principe de responsabilité ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée, pourvu qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs.

13. Répondant au motif d'intérêt général des activités maritimes, le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée aux victimes des dommages causés au cours des opérations de pilotage en excluant la responsabilité du pilote, personnel commissionné par l'Etat, chargé d'une mission d'assistance aux capitaines pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, puisque la disposition critiquée n'interdit pas au tiers d'obtenir la réparation du préjudice causé par la faute du pilote ou auquel a contribué la faute du pilote auprès de l'armateur du navire.

14. La question posée ne présente donc pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent au principe de valeur constitutionnelle invoqué.

15. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-deux octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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