Cour de cassation

Arrêt du 8 octobre 2025 n° 25-84.987

08/10/2025

Non renvoi

N° U 25-84.987 F-D

N° 01449

8 OCTOBRE 2025

RB5

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 8 OCTOBRE 2025

M. [F] [C] a présenté, par mémoire spécial reçu le 26 août 2025, deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 juillet 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [F] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 706-71 et 706-71-1 du Code de procédure pénale, en ce qu'elles prévoient que la personne qui entend refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle pour la tenue du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire doit faire connaître son refus dès le moment où elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, sans lui offrir aucun délai de réflexion ni aucun délai de rétractation, méconnaissent-elles la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire, composante des droits de la défense protégés par l'article 16 de la Déclaration de 1789? »

2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 706-71 et 706-71-1 du Code de procédure pénale, en ce qu'elles prévoient que lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle n'est pas possible parce que la personne le refuse, cette dernière doit faire connaître son refus dès le moment où elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, à défaut de quoi elle est irrévocablement réputée avoir consenti à l'utilisation d'un tel moyen, quand elles offrent à la même personne, lorsque le recours à ce moyen n'est possible qu'avec son accord, un délai de réflexion de cinq jours, méconnaissent-elles le principe d'égalité, protégé par les articles 1er et 6 de la Déclaration de 1789 et 1er de la Constitution de 1958, dans la mise en oeœuvre de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire, composante des droits de la défense protégés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ? »

3. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

5. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

6. En effet, la personne détenue, informée de la date de l'audience au cours de laquelle il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire et du fait que le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé, peut en refuser l'utilisation, le juge ne pouvant passer outre à ce refus que si le transport de l'intéressé paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, dont l'existence est contrôlée en cas de recours, en particulier par la Cour de cassation.

7. Ce mode de comparution est assorti de garanties résultant à la fois de l'article 706-71, alinéa 6, du code de procédure pénale quant à l'assistance d'un avocat et à son accès au dossier de la procédure et du contrôle exercé par la Cour de cassation sur le respect des principes du procès équitable.

8. Par ailleurs, les modalités du recours à la visioconférence à l'occasion d'audiences portant sur la prolongation de la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention, en particulier l'immédiateté et l'irrévocabilité du consentement de la personne mise en examen détenue pour y recourir, poursuivent l'objectif à valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice.

9. Enfin, le cas où la personne en cause doit faire connaître son refus du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle au moment où elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, prévu au deuxième alinéa de l'article 706-71-1 du code de procédure pénale, ne concerne, en application de la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 706-71 du même code, que les audiences au cours desquelles il doit être statué soit sur le placement en détention provisoire, soit sur la prolongation de la détention provisoire, soit sur l'appel d'une décision de refus de mise en liberté ou sur la saisine directe de la chambre de l'instruction en application du dernier alinéa de l'article 148 ou de l'article 148-4 par une personne détenue en matière criminelle depuis plus de six mois dont la détention n'a pas déjà fait l'objet d'une décision de prolongation et n'ayant pas personnellement comparu, sans recourir à un moyen de communication audiovisuelle, devant la chambre de l'instruction depuis au moins six mois.

10. Le cas où la personne concernée doit donner son accord au recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle et dispose d'un délai de cinq jours suivant le moment où elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, prévu au premier alinéa de l'article 706-71-1 précité, concerne en revanche seulement la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel si celui-ci est détenu, en application de l'alinéa 3 de l'article 706-71 précité.

11. Ainsi, le législateur a pu, sans porter atteinte au principe d'égalité devant la loi ni aux droits de la défense, tenir compte de la différence de situation résultant de ce que, d'une part, dans les cas visés au paragraphe 9, le juge de la mesure de sûreté doit statuer dans des délais plus brefs que dans le cas visé au paragraphe 10, ce qui justifie l'instauration d'un délai de réflexion plus court, d'autre part, dans les cas visés au paragraphe 10, la personne détenue doit apprécier une éventuelle renonciation à comparaître physiquement devant ses juges tandis que dans les cas prévus au paragraphe 9, elle peut immédiatement, en refusant la visioconférence, obtenir une comparution physique devant ceux-ci.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du huit octobre deux mille vingt-cinq.

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