Irrecevabilité
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 octobre 2021, le 21 février 2022 et le 23 août 2022, M. A B, représenté par Me Ayral, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision n° 2021/263 du 14 septembre 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier public du Cotentin l'a suspendu de ses fonctions sans rémunération à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
2°) d'enjoindre au centre hospitalier public du Cotentin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, de le rétablir dans son traitement à compter du
15 septembre 2022 et d'assimiler la période de suspension à une période de travail déterminant la durée de ses congés annuels et de ses droits acquis au titre de l'ancienneté et de l'avancement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été signée par une personne qui ne justifie pas d'une délégation régulière de signature, suffisamment précise et opposable, postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2021 ;
- la décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la suspension de ses fonctions sans traitement est une sanction disciplinaire qui a été prononcée en méconnaissance des garanties attachées au prononcé des sanctions ; les dispositions de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, le principe du contradictoire consacré par le Conseil constitutionnel et les garanties prévues par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectés ;
- le conseil commun de la fonction publique aurait dû être saisi pour rendre un avis sur les dispositions de la loi du 5 août 2021 qui prévoient un nouveau type de suspension des agents publics et qui dérogent au statut général des fonctionnaires et aux dispositions des trois lois statutaires des trois fonctions publiques ;
- la sanction prononcée à son encontre ne figure pas à l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 qui comprend la liste limitative des sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'un agent ;
- la décision méconnait le principe de proportionnalité des sanctions ;
- elle a été notifiée avant la parution du décret spécifique d'application visé au II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 qui ne prévoient pas une privation des droits à l'avancement du seul fait de la non-présentation des documents requis au titre de l'obligation vaccinale ;
- elle a été notifiée le 14 septembre 2021 avant tout manquement de l'agent ; la suspension ne pouvait être prononcée que pour des agents ne présentant aucun justificatif à la date du 15 septembre 2021 selon les dispositions de la loi du 5 août 2021 ;
- il n'est pas soumis à l'obligation vaccinale dès lors qu'il exerce ses fonctions dans un bâtiment administratif et n'a pas de contact direct avec les patients et avec les soignants ;
- la décision a été prise en application de la loi du 5 août 2021, qui méconnait les droits et libertés protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel que prévus par les articles 3, 6, 8 et l'article 1er du protocole additionnel ; elle crée une différence de traitement prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du 5 août 2021 crée une inégalité de traitement injustifiée entre les agents non vaccinés négatifs suspendus et les agents vaccinés positifs en activité.
Par des mémoires enregistrés le 30 septembre 2022 et le 13 septembre 2024, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Dollon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B une somme de 1 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le requérant a été rétabli dans ses droits à l'avancement du fait d'une contamination à la covid-19, ce qui a entrainé l'arrêt de sa suspension sur une période de quatre mois ;
- les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Macaud, présidente-rapporteure,
- et les conclusions de Mme Remigy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A B exerce les fonctions de technicien supérieur au centre hospitalier public du Cotentin. Par une décision du 14 septembre 2021, la directrice du centre hospitalier l'a suspendu de ses fonctions et de traitement à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à la satisfaction de l'obligation vaccinale contre le virus de la covid-19. M. B demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en sa rédaction alors en vigueur : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi, en sa rédaction alors applicable : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. (...) ".
En ce qui concerne la qualification de la mesure de suspension :
3. Il résulte des dispositions précitées des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qu'il appartient aux établissements de soins de contrôler le respect de l'obligation vaccinale de leurs personnels soignants et agents publics et, le cas échéant, de prononcer une suspension de leurs fonctions jusqu'à ce que les intéressés régularisent leur situation au regard de leurs obligations vaccinales.
4. La décision par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination prononce la suspension d'un agent en application de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 constitue une mesure prise dans l'intérêt du service et de la politique sanitaire, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid, et n'a pas vocation à sanctionner un manquement ou un agissement fautif commis par cet agent. Dès lors, cette mesure ne constitue pas une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne la légalité externe de la décision de suspension :
5. En premier lieu, en application des dispositions de la loi du 5 août 2021, le législateur a donné compétence aux autorités investies du pouvoir de nomination pour contrôler le statut vaccinal des agents concernés par l'obligation. Cette compétence peut être déléguée à toute autre personne dès lors que celle-ci bénéficie d'une délégation de signature prévue par les textes législatifs, régulièrement publiée et suffisamment précise.
6. Aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. " et, aux termes de l'article D. 6143-38 du même code, les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé " sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C, directrice des ressources humaines, signataire de la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature qui lui a été consentie le 1er mars 2021 par la directrice du centre hospitalier à l'effet de prendre les actes relevant de ses attributions, en particulier ceux afférents à la gestion des carrières et de la paie du personnel non médical. Cette décision de délégation a donné lieu à un affichage sur les panneaux prévus à cet effet. Par ailleurs, la circonstance que la mesure de suspension soit fondée sur des dispositions législatives postérieures à cet arrêté de délégation est sans incidence sur la nature des compétences ainsi déléguées et, par voie de conséquence, sur la validité de cette délégation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
8. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 4, la mesure de suspension attaquée, y compris en ce qu'elle implique l'interruption du versement de la rémunération, constitue une mesure de police et non pas une sanction disciplinaire, même déguisée, qui aurait vocation à sanctionner un manquement ou un agissement fautif de l'agent. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des garanties entourant la procédure disciplinaire, et notamment des droits de la défense et la communication préalable du dossier administratif individuel, doit être écarté. Doit également être écarté, pour le même motif, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties procédurales prévues par les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) 6° refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. ".
10. En l'espèce, la décision attaquée suspendant l'exercice des fonctions et le versement de la rémunération de l'agent vise les textes dont il est fait application et énonce avec suffisamment de précisions les faits sur lesquels elle repose. L'intéressé étant en mesure de comprendre les motifs pour lesquels la décision a été prise, celle-ci est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
11. En premier lieu, la décision attaquée ne présentant pas le caractère d'une sanction ainsi qu'il a été dit au point 4, le requérant ne peut utilement soutenir que la mesure de suspension en cause n'est pas au nombre des sanctions disciplinaires énumérées à l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ni qu'elle méconnaîtrait le principe de proportionnalité applicable aux sanctions.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".
13. En soutenant que la décision de suspension méconnaît l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que les principes constitutionnels des droits de la défense, qu'elle crée une différence de traitement entre les agents non vaccinés suspendus et les agents auxquels est reproché un manquement professionnel autre que l'obligation vaccinale et qui bénéficient d'un maintien de rémunération et de garanties procédurales, M. B conteste, en réalité, le principe même de l'obligation vaccinale posé par la loi du 5 août 2021. Les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi n'ayant pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions précitées, ils sont, par suite, irrecevables.
14. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la procédure d'adoption de la loi. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les auteurs de la loi du 5 août 2021 l'ont adoptée sans consulter préalablement le Conseil commun de la fonction publique, en méconnaissance de l'article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations de fonctionnaires et de l'article 2 du décret du 30 janvier 2012 relatif au Conseil commun de la fonction publique, ne peut qu'être écarté.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé et la suspension sans traitement des agents ne souhaitant pas se faire vacciner ne constituent pas un traitement inhumain et dégradant contraire à cette stipulation.
16. En quatrième lieu, le présent litige ne portant ni sur un droit ou une obligation de caractère civil, ni n'étant relative au bien-fondé d'une accusation en matière pénale, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme présente un caractère inopérant et ne peut être accueilli.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
18. L'obligation de vaccination issue de la loi du 5 août 2021, dans le contexte de la crise pandémique du covid-19, constitue une mesure sanitaire de prévention nécessaire pour juguler la circulation du virus et protéger la population. Le législateur a réservé le cas d'une contre-indication médicale reconnue. Différents schémas vaccinaux ont été définis selon la situation de chaque personne. L'interdiction d'exercice litigieuse n'intervient que si le professionnel de santé a méconnu ses obligations sanitaires. Ainsi, le législateur a défini un régime sanitaire justifié, adapté et proportionné, qui n'entraîne pas d'atteinte excessive au droit de chaque intéressé au respect de sa vie privée familiale, au regard des considérations majeures de santé publique qui justifient les mesures en cause. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.
19. En sixième lieu, au regard de ce qui a été dit précédemment, les dispositions de la loi du 5 août 2021, si elles instaurent des situations différentes en leur sein entre les personnels vaccinés et non vaccinés, ne créent pour autant aucune discrimination proscrite par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, l'établissement hospitalier, se limitant à constater que l'agent ne remplit pas ses conditions d'exercice, ne peut être regardé comme édictant une mesure discriminatoire.
M. B n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'à raison de la décision qu'il attaque, il aurait subi une discrimination au regard des stipulations de l'article 14.
20. En septième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
21. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et auquel il aurait été porté atteinte. Faute pour l'intéressé de s'être soumis à l'obligation vaccinale ou de justifier ne pouvoir s'y soumettre pour des raisons médicales, il ne saurait disposer d'une créance certaine liée à l'espérance légitime d'obtenir la rémunération correspondant à la contrepartie du service effectué. Il en découle que M. B ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations.
22. En huitième lieu, si M. B soutient que la décision attaquée ne pouvait légalement prévoir que la période de suspension ne sera pas prise en compte au titre de l'avancement, il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 cités au point 2 que la suspension prévue par cet article ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
23. En neuvième lieu, M. B fait valoir que la décision de suspension a été notifiée le 14 septembre 2021 avant tout manquement de l'agent et que celle-ci ne pouvait être prononcée que pour des agents ne présentant aucun justificatif à la date du 15 septembre 2021. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée fixe sa prise d'effet au 15 septembre 2021, date à compter de laquelle le législateur a entendu interdire aux personnes concernées d'exercer leur activité, le requérant ne soutenant pas, par ailleurs, qu'il se trouvait, à cette date, en situation régulière au regard de son obligation de vaccination. La circonstance que la décision critiquée a été signée le 14 septembre 2021 pour être remise au requérant au cours de l'entretien tenu à la même date est, par elle-même, sans incidence sur sa légalité.
24. En dixième lieu, aux termes du II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, " Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises ". Le décret du 7 août 2021 a modifié le décret du 1er juin 2021 pour, notamment, introduire ou modifier des dispositions règlementaires concernant les justificatifs, le certificat de rétablissement, les cas de contre-indication et le contrôle. Ainsi, contrairement à ce que le requérant soutient, le décret précité, qui mentionne l'avis de la Haute Autorité de santé, a pour objet de permettre l'application de la loi du 5 août 2021. En outre, la définition des schémas vaccinaux, qui avait été fixée par le 2° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, n'a pas été modifiée par le décret du 7 août 2021. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que ce texte aurait dû, sur ce point, faire l'objet d'une consultation de la Haute Autorité de santé et que, pour l'ensemble de ces motifs, la décision en litige serait dépourvue de base légale car fondée sur une loi inapplicable, faute de décret d'application.
25. En dernier lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". En adoptant, pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des personnes qui y étaient hospitalisées. Il en résulte que l'obligation vaccinale prévue par les dispositions législatives précitées s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes hospitalisées ou des professionnels de santé.
26. Il ressort des pièces du dossier que M. B est responsable d'applications et assure l'interface entre les utilisateurs et les sociétés éditrices de logiciels, M. B exerçant ses fonctions dans un bâtiment administratif de l'ancien hôpital. S'il fait valoir qu'il n'a pas de contact avec les patients ni avec les soignants, il ressort des pièces du dossier que M. B, d'une part, travaille régulièrement au sein de l'établissement de santé et, d'autre part, participe au tour d'astreinte informatique de l'établissement, ce qui l'amène à effectuer des réparations au sein des services de l'hôpital et, à cette occasion, à être en contact avec des patients et soignants. En outre, il est constant que le bâtiment administratif dans lequel il exerce est contigu au service de santé au travail et à l'internat, qui est le lieu de restauration et de détente pour les internes et les médecins de garde de l'établissement, M. B étant ainsi susceptible d'être en contact avec de nombreux agents. Dans ces conditions, M. B ne peut être regardé comme exerçant des tâches ponctuelles au sens du III de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 qui le dispenseraient de l'obligation vaccinale. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision n° 2021/263 du 14 septembre 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier public du Cotentin l'a suspendu de ses fonctions sans rémunération à compter du
15 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
28. Le présent jugement n'impliquant aucune mesure d'exécution particulière, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier public du Cotentin présentées sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier public du Cotentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au centre hospitalier public du Cotentin.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Macaud, présidente,
- Mme Fanget, conseillère,
- Mme Kremp-Sanchez, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2025.
La présidente-rapporteure,
SIGNÉ
A. MACAUD
L'assesseure la plus ancienne,
SIGNÉ
L. FANGET
La greffière,
SIGNÉ
E. BLOYET
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
la greffière,
E. Bloyet
Open data