Conseil d'Etat

Décision du 26 juin 2025 n° 505340

26/06/2025

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " National organization for the reform of marijuana laws France " (N.O.R.M.L. France) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la circulaire CRIM 2025-8/E1 du 24 avril 2025 du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, relative à la saisie et à la confiscation des téléphones portables des consommateurs de stupéfiants ;

2°) de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées à l'appui de la présente requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, il est nécessaire de prévenir les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales que la mesure engendre et, d'autre part, elle excède le champ d'application de l'article 131-21 du code pénal, qui ne prévoit pas une telle peine pour le délit d'usage illicite de stupéfiants ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'incompétence dès lors qu'elle crée une peine non prévue par la loi ;

- elle méconnaît plusieurs principes constitutionnels, porte atteinte aux exigences de l'article 7§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure en ce qu'elle fait obstacle à l'application de la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire instituée par le 3ème alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique dans le seul but de désengorger les tribunaux et réduire l'impact stigmatisant des poursuites ;

- elle méconnaît les articles 30 à 35 du code de procédure pénale ;

- elle porte une atteinte grave et disproportionnée au droit de propriété et au droit à la vie privée et familiale.

Par un mémoire distinct, enregistré le 18 juin 2025, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, l'association N.O.R.M.L. France demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des alinéas 1 et 3 de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique. Elle soutient que ces dispositions sont applicables au litige, qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution, qu'elles méconnaissent le principe d'égalité, le principe de nécessité des peines, le principe de légalité des peines, ainsi que l'article 34 de la Constitution.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. L'association " National organization for the reform of marijuana laws France" (N.O.R.M.L. France) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la circulaire CRIM 2025-8/E1 du 24 avril 2025 du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, relative à la saisie et à la confiscation des téléphones portables des consommateurs de stupéfiants. Pour justifier de la condition d'urgence, elle se borne à faire valoir qu'il est nécessaire de prévenir les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales que la mesure engendre et que cette mesure excède le champ d'application de l'article 131-21 du code pénal. Cependant ces éléments ne sont pas de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond de la requête, l'exécution de la circulaire soit suspendue. En outre, la 6ème chambre de la section du contentieux sera en mesure d'inscrire la requête en annulation au rôle d'une formation de jugement au mois de septembre prochain. Par suite, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ni sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la circulaire contestée, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : : La requête de l'association N.O.R.M.L. France est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association " National organization for the reform of marijuana laws France ".

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Paris, le 26 juin 2025

Signé : Christophe Chantepy

Open data

Code publication

C