Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) JEMM, représentée par Me Nonnon, a saisi la cour, le 13 février 2024, d'un appel dirigé contre le jugement n° 2002562 du 13 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge d'impositions supplémentaires diverses ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2014 et 2015.
Par un mémoire distinct, enregistré le 14 juin 2024, déposé au titre de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et à l'appui de sa requête à fin de décharge, la société JEMM, représentée par Me Nonnon, demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l'alinéa 1er du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts.
Elle soutient que :
- la disposition contestée est applicable au litige ;
- elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, les circonstances de fait et de droit ayant changé ;
- la question de constitutionnalité que cette disposition pose est la suivante : " l'alinéa 1er du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts selon lequel entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant des sommes versées ou reçues " le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnées aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête nom " n'est-il pas contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit et notamment au principe de proportionnalité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, applicable à toute sanction ayant le caractère d'une punition, dès lors que les dispositions concernées peuvent donner lieu à une sanction manifestement disproportionnée au regard de la gravité du manquement constaté comme de l'avantage qui a pu en être retiré ' " ;
- elle présente un caractère sérieux dès lors que le Conseil constitutionnel a déjà déclaré contraire à la Constitution le 4ème alinéa du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un mémoire dédié, enregistré le 31 mars 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient que les conditions posées par les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et en particulier que la disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
Par une ordonnance du 1er avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2025 à 12 heures.
Un mémoire présenté par la SAS JEMM a été enregistré le 4 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. En application de l'article LO 771-1 du code de justice administrative : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
2. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale ayant estimé, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, que la société JEMM, qui exerce une activité de préparation industrielle à base de viande et de négoce de produits carnés, avait délibérément dissimulé l'identité réelle de son fournisseur, a mis à sa charge, sur le fondement des dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, des amendes d'un montant de 547 924 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 570 673 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Par suite, les dispositions critiquées sont bien susceptibles d'être appliquées au litige.
4. En deuxième lieu, la société JEMM soutient que les dispositions de l'alinéa 1er du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts méconnaissent le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'en prévoyant que le " fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom " entraîne " l'application d'une amende égale à 50% des sommes versées ou reçues ", ces dispositions peuvent " donner lieu à une sanction manifestement disproportionnée au regard de la gravité du manquement constaté comme de l'avantage qui a pu en être retiré ". Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte en réalité sur le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts. Or, par une décision n° 2021-942 QPC du 21 octobre 2021, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré conformes au principe de proportionnalité des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 reprise par les dispositions critiquées. Par suite, et en l'absence de changement de circonstances, la condition que la disposition contestée n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel n'est pas remplie.
5. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société JEMM.
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société JEMM.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée (SAS) JEMM et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Fait à Bordeaux, le 25 juin 2025.
La présidente de la 6ème chambre,
Karine Butéri
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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