Irrecevabilité
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 30 mai 2025, Mme B A demande au tribunal de la décharger de la taxe d'aménagement à laquelle elle a été assujettie à raison de la construction d'un abri de jardin sur un terrain [...] à Bertrambois.
Elle soutient que :
- une exonération de taxe d'aménagement conditionnée à une délibération du conseil départemental ou municipal constitue une violation du principe d'égalité garanti par la Constitution ; s'ajoute un soupçon de discrimination s'agissant d'une famille franco-allemande ;
- la déclaration de travaux a été déposée en mairie le 10 décembre 2021 et les dispositions de l'article 111 de la loi de finances pour 2022 ne lui sont donc pas applicables ;
- l'utilisation à deux reprises d'une valeur forfaitaire pour calculer la taxe d'aménagement et de taux votés par la collectivité incontrôlables est contestée.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la requérante est irrecevable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coudert,
- et les conclusions de M. Gottlieb, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A a déposé le 10 décembre 2021 une déclaration préalable de travaux en vue de construire un abri de jardin de 19,8 m2 sur une parcelle cadastrée section E [...] à Bertrambois (Meurthe-et-Moselle). Par une décision du 10 janvier 2022 le maire de la commune ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Par courrier du 13 octobre 2022, Mme A a été informée par la direction départementale des territoires qu'elle était redevable, à raison de la construction de cet abri de jardin, d'une taxe d'aménagement d'un montant total de 452 euros. Un titre de perception de ce montant a été émis le 20 février 2023. Par décision du 3 mai 2023, la réclamation préalable de Mme A a été rejetée. Par la présente requête, elle demande la décharge de la taxe d'aménagement ainsi mise à sa charge.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ". Mme A n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 331-9 du code de l'urbanisme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions aux fins de décharge de la taxe d'aménagement :
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En vue de financer les actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 101-2, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale, la métropole de Lyon, les départements, la collectivité de Corse et la région d'Ile-de-France perçoivent une taxe d'aménagement ". Aux termes de l'article L. 331-7 du même code, alors en vigueur : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9. / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article à la date d'exigibilité de celle-ci ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, les personnes responsables de la construction. / Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle de délivrance du permis modificatif, celle de la naissance d'une autorisation tacite de construire ou d'aménager, celle de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou, en cas de constructions ou d'aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle du procès-verbal constatant l'achèvement des constructions ou des aménagements en cause ". Aux termes de l'article L. 331-9 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 111 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 portant loi de finances pour 2022 et alors en vigueur : " Par délibération prise dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 331-14, les organes délibérants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, le conseil de la métropole de Lyon, les conseils départementaux, l'Assemblée de Corse et le conseil régional de la région d'Ile-de-France peuvent exonérer de la taxe d'aménagement, en tout ou partie, chacune des catégories de construction ou aménagement suivantes : / (...) 8° Les abris de jardin, les serres de jardin destinées à un usage non professionnel dont la surface est inférieure ou égale à 20 mètres carrés, les pigeonniers et colombiers soumis à déclaration préalable ; / (...) ".
4. Ainsi que le fait valoir la préfète de Meurthe-et-Moselle en défense, l'exonération de la taxe d'aménagement prévue pour les abris de jardin, introduite à l'article L. 331-9 du code de l'urbanisme par l'article 90 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, a toujours été conditionnée par l'adoption d'une délibération des organes délibérants des collectivités concernées. Dès lors, Mme A ne peut utilement faire valoir que les dispositions de l'article 111 de la loi de finances pour 2022 ne lui seraient pas applicables et ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 331-11 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " La valeur par mètre carré de la surface de la construction est fixée à 660 €. Dans les communes de la région d'Ile-de-France, cette valeur est fixée à 748 €. / Ces valeurs, fixées au 1er janvier 2011, sont révisées au 1er janvier de chaque année par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme en fonction du dernier indice du coût de la construction publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques. Elles sont arrondies à l'euro inférieur ". En vertu de l'arrêté du 29 décembre 2021 relatif à la révision annuelle des valeurs forfaitaires par mètre carré de surface de construction constituant l'assiette de la taxe d'aménagement, la valeur forfaitaire par mètre carré de surface de construction pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 a été fixée, hors Ile-de-France, à 820 euros. Par délibération du 26 décembre 2019, le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a fixé à 1,9 % le taux de la taxe d'aménagement et par délibération du 25 juillet 2014 du conseil municipal de la commune de Bertrambois, le taux de la part communale de la taxe d'aménagement a été fixé à 1 %.
6. Si Mme A conteste le montant de la taxe d'aménagement à laquelle elle a été assujettie, il résulte de l'instruction et notamment du calcul porté à la connaissance de l'intéressée par le courrier du 13 octobre 2022, que la taxe en litige a été déterminée conformément aux dispositions et délibérations mentionnées au point qui précède. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète de Meurthe-et-Moselle, que la requête de Mme A doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle et au directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Coudert, président,
Mme Milin-Rance, première conseillère,
Mme Grandjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
Le président-rapporteur,
B. CoudertL'assesseure la plus ancienne,
F. Milin-Rance
La greffière,
I. Varlet
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 2302055
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