Tribunal administratif de Melun

Ordonnance du 11 juin 2025 n° 2406449

11/06/2025

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 23 mars 2025, M. A B demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à la décharge des amendes qui lui ont été infligées en application du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2018 à 2021, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales.

Il soutient que :

- l'article 1649 A du code général des impôts présente une complexité excessive au regard des articles 4, 5, 6, 14 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'une rigueur excessive au regard des articles 1er, 2, 4 et 16 de la même Déclaration ;

- l'article L. 62 du livre des procédures fiscales est contraire à l'article 34 de la Constitution combiné aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'il est entaché d'incompétence négative.

Par un mémoire enregistré le 27 mai 2025, la directrice départementale des finances publiques de Seine-et-Marne soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question posée est dépourvue de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) ".

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) / Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ".

3. D'une part, les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, qui ne sont pas contradictoires avec celles du troisième alinéa du même article, sont rédigées en des termes clairs et dépourvus de toute ambiguïté. Elles ne sauraient dès lors, alors même qu'elles renvoient pour la définition de leurs modalités d'application à des dispositions réglementaires, être regardées comme présentant une complexité excessive de nature à les rendre inintelligibles, en méconnaissance notamment de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

4. D'autre part, la circonstance que les contribuables domiciliés en France ayant perçu des revenus de source étrangère ou ayant encaissé des revenus à l'étranger soient tenus de déclarer lesdits revenus n'est pas de nature à faire regarder l'obligation de déclaration des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger fixée par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, qui a un objet distinct de l'obligation de déclaration des revenus susmentionnés, comme présentant une rigueur excessive contraire au principe de la liberté individuelle.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales : " Si, dans un délai de trente jours à compter de la réception d'une demande mentionnée aux articles L. 10, L. 16 ou L. 23 A du présent code ou de la réception d'une proposition de rectification ou, dans le cadre d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de situation fiscale personnelle, avant toute proposition de rectification, le contribuable demande à régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, il est redevable d'un montant égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. / (...) ". Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne présentent pas de caractère équivoque, que la procédure de régularisation qu'elles instituent n'est susceptible d'être mise en œuvre qu'à l'égard des contribuables ayant souscrit les déclarations auxquelles ils sont astreints dans les délais et est, par suite, inapplicable aux contribuables n'ayant pas souscrit ou ayant souscrit tardivement ces déclarations. L'article L. 62 précité du livre des procédures fiscales ne peut donc être regardé comme entaché d'incompétence négative en tant qu'il ne se prononce pas sur la régularisation des déclarations non souscrites dans les délais.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M. B ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre celle-ci au Conseil d'Etat, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées des articles 1649 A du code général des impôts et L. 62 du livre des procédures fiscales portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à la directrice départementale des finances publiques de Seine-et-Marne.

Fait à Melun, le 11 juin 2025.

Le président de la 3ème chambre

Signé : N. Le Broussois

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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