Renvoi
N° RG 24/00201
N° Portalis DB2E-W-B7I-MQY2
POLE SOCIAL
Minute n°J25/00328
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG
ORDONNANCE RELATIVE À LA TRANSMISSION D’UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
du 07 Mai 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
- Présidente : Catherine TRIENBACH, Vice-présidente
- Greffière : Margot MORALES
Composition respectant les dispositions de l’article 126-3 alinéa 3 du Code de procédure civile.
DÉBATS :
À l'audience publique du 02 Avril 2025 à l’issue de laquelle le Président a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 07 Mai 2025.
JUGEMENT :
- mis à disposition au greffe le 07 Mai 2025,
- contradictoire et insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,
- signé par Catherine TRIENBACH, Vice-présidente, Présidente et par Margot MORALES, Greffière.
DEMANDEURS :
Monsieur [N M]
né le [Date naissance 1] 1962 en [Localité 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Sacha-Abraham PARTOUCHE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 343
Madame [L M]
née le [Date naissance 2] 1968 en [Localité 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Sacha-Abraham PARTOUCHE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 343
DÉFENDERESSE :
CAF DU BAS-RHIN
22 route de l’Hôpital
67000 STRASBOURG
représentée par Madame [A B] munie d’un pouvoir permanent
***
En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.
Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.
En l'espèce, M. et Mme [M] prétendent que les dispositions du 4° de l'article L. 263-3 du Code de l'action sociale et des familles portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, eu égard à l'interprétation jurisprudentielle du Conseil d'état.
A titre subsidiaire, il soutiennent que les dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles et celles de l'article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que elles ne prévoient pas expressément que les aides financières apportées par la famille ou les proches , parents ou amis, à un allocataire de revenu de solidarité active sont exclues des ressources à prendre en compte pour le calcul des droits de ce dernier.
En réplique, la Caisse d'Allocations Familiales du Bas-Rhin soutient que la présente juridiction est incompétente pour connaître d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une disposition du Code de l'action sociale et des familles. Elle soutient que la demande subsidiaire que la question posée est dépourvue de caractère sérieux et qu'elle est encore dépourvue de motivation.
La présente affaire a été communiquée au ministère public le 2 avril 2024, qui a fait connaître son avis le 5 avril 2024. Le ministère public s'en rapporte à l'appréciation du magistrat saisi après vérification que la question n'a pas déjà été tranchée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par l'interprétation jurisprudentielle des dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du CASF : le Conseil constitutionnel a vocation à vérifier qu'un article de loi est conforme à la constitution et à ses principes et non l'interprétation jurisprudentielle qui est faite de cet article.
Il en résulte que cette question n'est pas sérieuse.
Sur la question subsidiaire de la conformité à la constitution des dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles et celles de l'article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale.
Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :
En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 11 janvier 2024, réitéré le 24 mars 2025 dans un écrit distinct des conclusions de Mme [M] puis de M. et Mme [M], et motivé. Il est donc recevable.
Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :
L'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
En l'espèce, la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative à l'indu, lequel est la base de la pénalité contestée dans le cadre du présent litige, et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. En outre, elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que le mémoire motive en quoi la disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit.
Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :
Les dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles et celles de l'article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale, en ce qu'elles ne prévoient pas expressément que les aides financières apportées par la famille ou les proches, parents ou amis, à un allocataire de revenu de solidarité active (RSA) sont exclues des ressources à prendre en compte pour le calcul des droits au RSA, méconnaissent-elles le principe de fraternité, dont découle d'une part la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire et d'autre part la liberté de solliciter l'aide d'autrui dans un but humanitaire, tels que garantis par le Préambule ainsi que par les articles 2 et 72-3 de la Constitution ?
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe de la juridiction, rendue contradictoirement et insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,
DEBOUTONS M. [N M] et Mme [L M] de leur demande de voir transmettre à la Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante : Les dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles telles qu'interprétées par la jurisprudence constante et selon lesquelles les aides financières apportées par la famille ou les proches, parents ou amis, à un allocataire du Revenu de Solidarité Active peuvent être prises en compte au titre des ressources pour le calcul des droits au RSA, méconnaissent-elles le principe de fraternité dont découle d'une part la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire et d'autre part la liberté de solliciter l'aide d'autrui dans un but humanitaire, tels que garantis par le Préambule ainsi que par les articles 2 et 72-3 de la Constitution ?
ORDONNONS la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : Les dispositions du 4° de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles et celles de l'article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale, en ce qu'elles ne prévoient pas expressément que les aides financières apportées par la famille ou les proches, parents ou amis, à un allocataire de revenu de solidarité active (RSA) sont exclues des ressources à prendre en compte pour le calcul des droits au RSA, méconnaissent-elles le principe de fraternité, dont découle d'une part la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire et d'autre part la liberté de solliciter l'aide d'autrui dans un but humanitaire, tels que garantis par le Préambule ainsi que par les articles 2 et 72-3 de la Constitution ?
DISONS que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire ;
DISONS que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;
DISONS que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du :
Vendredi 21 novembre 2025 à 09h00 salle 203
Tribunal Judiciaire de Strasbourg
Quai Finkmatt
67000 STRASBOURG
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Margot MORALES Catherine TRIENBACH
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