Renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2024, M. A B, représenté par Me Mèle, demande au tribunal :
1°) d'annuler la délibération du 13 avril 2024 par laquelle l'assemblée générale de la fédération départementale des chasseurs du Loiret a fixé le montant de la contribution visée à l'article L. 426-5 du code de l'environnement à l'occasion du vote du budget 2024/2025 et la décision du 5 septembre 2024 par laquelle le président de cette fédération a refusé d'abroger cette délibération ;
2°) de mettre à la charge de la fédération départementale des chasseurs du Loiret une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires enregistrés le 8 novembre 2024 et le 10 janvier 2025, M. B, représenté par Me Mèle, demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 424-3 et L. 426-5 du code de l'environnement.
Il soutient que :
- ces dispositions sont applicables au litige ;
- elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans leur rédaction applicable au litige ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une rupture d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2024, la fédération départementale des chasseurs du Loiret, représentée par Me Berger, soutient qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.
Elle fait valoir que :
- si les dispositions litigieuses sont applicables au litige, en revanche elles ont déjà été déclarées conformes à la Constitution et aucun changement des circonstances n'était intervenu à la date des décisions en litige ;
- en tout état de cause, la question est dépourvue de caractère sérieux.
Par une ordonnance du 29 janvier 2025, l'instruction a été close avec effet au 19 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes de l'article R. 771-7 du même code : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".
2. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 426-5 du code de l'environnement : " Dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6, il est institué, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, mâles et femelles, jeunes et adultes, une contribution par animal à tirer destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier. Le montant de ces contributions est fixé par l'assemblée générale de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs sur proposition du conseil d'administration. " Aux termes de l'article L. 424-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 février 2023 : " I. Toutefois, le propriétaire ou possesseur peut, en tout temps, chasser ou faire chasser le gibier à poil dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l'homme. / Dans ce cas, les dispositions des articles L. 425-4 à L. 425-15 ne sont pas applicables au gibier à poil et la participation aux frais d'indemnisation des dégâts de gibier prévue à l'article L. 426-5 n'est pas due (...) ". Aux termes du même article L. 424-3, dans sa rédaction issue de l'article 2 de ladite loi : " I.- Les terrains attenant à une habitation et entourés d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage des animaux non domestiques et celui de l'homme réalisée plus de trente ans avant la promulgation de la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée font l'objet, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, d'un plan de gestion annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs et garantissant la prévention de la diffusion des dangers sanitaires entre les animaux non domestiques, les animaux domestiques et l'homme ainsi que la préservation de la biodiversité et des continuités écologiques. / II.- Les établissements professionnels de chasse à caractère commercial peuvent être formés de territoires ouverts ou de terrains clos au sens du I du présent article ou clôturés dans les conditions prévues à l'article L. 372-1. Ils possèdent cette qualité par l'inscription au registre du commerce ou au régime agricole. Leur activité est soumise à déclaration auprès du préfet du département et donne lieu à la tenue d'un registre. L'article L. 425-15 ne s'applique pas à la pratique de la chasse d'oiseaux issus de lâchers dans les établissements de chasse à caractère commercial. / Dans ces établissements, les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des perdrix grises, perdrix rouges et faisans de chasse, issus d'élevage sont les dates d'ouverture générale et de clôture générale de la chasse dans le département. "
3. En premier lieu, la délibération du 13 avril 2024 par laquelle l'assemblée générale de la fédération départementale des chasseurs du Loiret a fixé les montants des bracelets de chasse pour les cervidés est prise en application du troisième alinéa précité de l'article L. 426-5 du code de l'environnement. En tant qu'elle prévoit explicitement l'application des mêmes cotisations aux " parcs et enclos cynégétiques (...) (loi "engrillagement") ", cette délibération fait application de la suppression par la loi du 2 février 2023 de l'exonération de la participation aux frais d'indemnisation des dégâts du gibier résultant initialement du second alinéa du I de l'article L. 424-3 du même code. Ainsi, la condition que les dispositions de l'article L. 424-3, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi du 2 février 2023, et de l'article L. 426-5 du code de l'environnement soient applicables au litige est remplie.
4. En deuxième lieu, d'une part, si le Conseil constitutionnel s'est prononcé, par sa décision n° 2024-1109 QPC du 18 octobre 2024 sur la constitutionnalité de certaines dispositions du code de l'environnement issues de la loi du 2 février 2023, son contrôle n'a porté que sur les articles L. 171-1, L. 372-1, L. 424-3-1 et L. 428-21 de ce code relatifs au principe et aux modalités de suppression de l'engrillagement et non sur l'obligation en résultant indirectement pour les propriétaires concernés de participer aux frais d'indemnisation des dégâts du gibier en application du troisième alinéa de l'article L. 426-5.
5. D'autre part, le Conseil constitutionnel s'est également prononcé, par une décision n° 2021-963 QPC du 20 janvier 2022 sur la constitutionnalité du troisième alinéa de l'article L. 426-5 du code de l'environnement au regard du principe d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, M. B est fondé à invoquer l'existence d'un changement des circonstances de droit depuis cette décision qui, outre qu'elle n'a pas statué au regard de l'obligation de contribution des chasseurs au financement des dépenses mises à la charge des fédérations de chasseurs, ne s'est pas prononcée sur l'extension de cette contribution aux chasseurs exerçant cette activité dans des parcs et enclos cynégétiques qui résulte d'une loi postérieure. La condition que les dispositions entreprises n'aient pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel doit donc être regardée comme remplie.
6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'extension de la contribution aux frais d'indemnisation des dégâts du gibier aux chasseurs exerçant cette activité dans des parcs et enclos cynégétiques porterait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas dépourvu de caractère sérieux.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'encontre des articles L. 424-3, dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 2023, et L. 426-5 du code de l'environnement et présentée à l'appui des conclusions de M. B contre la délibération du 13 avril 2024 de l'assemblée générale de la fédération départementale des chasseurs du Loiret et contre la décision de rejet de son recours gracieux.
O R D O N N E :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 424-3, dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 2023, et L. 426-5 du code de l'environnement est transmise au Conseil d'Etat.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B, jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, à la fédération départementale des chasseurs du Loiret et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Fait à Orléans, le 17 avril 2025.
Le président de la 2ème chambre,
Denis LACASSAGNE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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