Cour administrative d'appel de Bordeaux

Ordonnance du 27 mars 2025 n° 24BX01681

27/03/2025

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement rejeté sa demande préalable indemnitaire du 17 février 2021 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 497 000 euros à titre de réparation et d'enjoindre au même ministre de rétablir l'égalité salariale sur des critères objectifs entre les fonctionnaires recrutés avant et après 1990, exerçant le même travail, en appliquant les critères les plus favorables à la partie requérante de sorte qu'elle puisse disposer d'une rémunération au moins égale ou supérieure à la rémunération des fonctionnaires entrés au service de l'éducation nationale après 1990 et de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Par une ordonnance n° 2102819 du 9 juillet 2024, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par mémoire distinct, enregistré le 10 décembre 2024, Mme A demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958, et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 9 juillet 2024 de la présidente de la 1e chambre du tribunal administratif de Bordeaux, de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale refusant de faire droit à sa demande d'indemnisation et de reconstitution de carrière et de sa demande de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 497 000 euros, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation et des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Elle soutient que :

- la mise en œuvre des dispositions de l'article17 de la loi du 10 juillet 1989 et des lois du 13 juillet 1983 et 11 janvier 1984 par le gouvernement dans sa réglementation pour faire évoluer dans deux corps différents les maîtres d'école élémentaire à partir du 1er août 1990 génère une rupture d'égalité devant la loi en méconnaissance de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen impliquant de traiter tous les maîtres d'école selon leur capacité et sans autre distinction que leur vertu et leur talent ;

- la question est nouvelle et n'a jamais été tranchée ;

- elle présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, la Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et en particulier que la requérante ne peut être regardée comme contestant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions applicables au litige indemnitaire qu'elle a engagé dès lors qu'elle ne précise pas les dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du 11 janvier 1984 dont elle souhaite que le conseil constitutionnel connaisse, d'une part, d'autre part, que la question soulevée ne peut être regardée comme dirigée contre des dispositions législatives applicables au litige et, enfin, que la question posée n'est pas nouvelle et est dépourvue de caractère sérieux, le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires ne s'appliquant qu'entre fonctionnaires appartenant à un même corps ou cadre d'emplois.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 ;

- l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A a relevé appel de l'ordonnance du 9 juillet 2024 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement rejeté sa demande préalable indemnitaire du 17 février 2021, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 497 000 euros à titre de réparation et d'enjoindre au même ministre de rétablir l'égalité salariale sur des critères objectifs entre les fonctionnaires recrutés avant et après 1990, exerçant le même travail, en appliquant les critères les plus favorables à la partie requérante de sorte qu'elle puisse disposer d'une rémunération au moins égale ou supérieure à la rémunération des fonctionnaires entrés au service de l'éducation nationale après 1990 et de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Par un mémoire distinct, enregistré le 10 décembre 2024, elle demande que soit transmise au conseil d'Etat, la question prioritaire de constitutionnalité telle que visée ci-dessus.

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". L'article LO 771-1 du code de justice administrative dispose que : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". L'article R. 771-5 du code de justice administrative dispose : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations. ". L'article R. 771-7 du même code prévoit : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

3. Il résulte des dispositions combinées précitées que le juge administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. En premier lieu, en tant qu'elle est dirigée contre les dispositions de la loi du 13 juillet 1983 et celles de la loi du 11 janvier 1984, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A, qui se borne à soutenir que ces lois méconnaissent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, sans mentionner les dispositions de ces lois à l'encontre desquelles ce grief est soulevé, est dépourvue des précisions permettant d'apprécier s'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

5. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation créant dans chaque académie, à compter du 1er septembre 1990, un institut universitaire de formation des maîtres, rattaché à une ou plusieurs universités de l'académie et chargé de conduire, dans le cadre des orientations définies par l'Etat, les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants, n'ont ni pour objet ni pour effet d'instaurer une différence de traitement dans le déroulement de leur carrière entre les professeurs des écoles selon qu'ils appartenaient au corps des instituteurs avant leur intégration dans le corps des professeurs des écoles ou qu'ils ont été directement recrutés dans ce corps. Par suite, les dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ne peuvent être regardées comme applicables, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, au litige par lequel Mme A demande à l'Etat de l'indemniser en raison du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une telle différence de traitement.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Fait à Bordeaux, le 27 mars 2025.

La présidente de la 1ère chambre

E. Balzamo

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

No 24BX01681

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