Non renvoi
CIV. 1
COUR DE CASSATION
CF
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QUESTIONS PRIORITAIRES
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 12 février 2025
NON-LIEU A RENVOI
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 210 F-D
Affaire n° F 24-40.029
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 FÉVRIER 2025
Le tribunal judiciaire de Nîmes a transmis à la Cour de cassation, à la suite de l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024, les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 14 novembre 2024, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
la société MCS & associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
D'autre part,
1°/ Mme [E] [H], épouse [L],
2°/ M. [J] [L],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société MCS & associés, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Le 18 janvier 2012, la société Iloya a souscrit deux emprunts auprès de la banque Dupuy de Parseval (la banque), pour lesquels M. et Mme [L] (les cautions) se sont portés, chacun, caution, par actes du même jour. A la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement, convertie en liquidation judiciaire, au bénéfice de la société Iloya, la banque a déclaré sa créance au mandataire judiciaire et mis en demeure les cautions de lui régler les sommes restant dues au titre des deux prêts. Après que la banque lui a cédé sa créance, la société MCS en a informé les cautions puis leur a adressé une mise en demeure de payer restée vaine.
2. Le 16 novembre 2022, la société MCS les a assignés en paiement.
3. Les cautions ayant soutenu que le non-respect du formalisme prévu par l'ancien article L. 341-2 du code de la consommation entraînait la nullité des cautionnements souscrits, la société MCS a saisi le juge de la mise en état de deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
4. Par ordonnance du 10 octobre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité, ainsi rédigées :
« 1°/ L'article L. 341-2 du code de la consommation, devenu les articles L. 331-1 et L. 343-1 du code de la consommation en application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 eux-mêmes abrogés par l'article 32 de l'ordonnance du 15 septembre 2021, applicable aux actes de cautionnements consentis avant le 1er janvier 2022 - dont il résulte que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit impérativement apposer sa signature après la mention manuscrite obligatoire, sous peine de nullité - méconnaît-il le droit constitutionnel de propriété des créanciers garantis par les articles 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?
2°/ L'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 en ce qu'il soumet à la loi ancienne à savoir l'article L. 341-2 du code de la consommation les actes de cautionnements et de sûretés réelles personnelles consentis avant le 1er janvier 2022 - méconnaît-il le principe d'égalité devant la loi ainsi que le droit de propriété des créanciers respectivement garantis par les articles 2,6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Les dispositions contestées sont applicables au litige, en ce que les premières, en vigueur à la date des actes de cautionnement, constituent le fondement des contestations élevées sur leur validité dans l'instance en cours et les secondes, en vigueur à la date de l'introduction de l'instance, constituent des dispositions transitoires régissant l'application dans le temps des textes auxquels est soumise la validité des cautionnements.
6. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
8. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.
9. En effet, en premier lieu, la nullité du cautionnement prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, en ce qu'il requiert de la caution le respect d'un certain formalisme, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit du créancier au respect de ses biens, dès lors, d'abord, qu'elle satisfait un motif d'intérêt général en poursuivant un objectif de protection de la partie qui s'engage afin de s'assurer qu'elle a eu connaissance certaine de la nature et de l'étendue de son obligation, ensuite, qu'elle reste proportionnée à l'objectif poursuivi, n'étant pas appliquée lorsque ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de cette mention ne se trouve affectée par l'emplacement choisi pour apposer la signature de la caution.
10. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
11. En effet, sous le couvert d'une atteinte portée au principe d'égalité entre créanciers, la seconde question n'est pas sérieuse en ce qu'elle se borne à critiquer le principe de non-rétroactivité de la loi sur lequel repose le point II de l'article 37 critiqué, en application duquel les conditions de validité des cautionnements demeurent soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion, dont il résulte que la différence de traitement entre les créanciers repose sur une différence de situation tenant à la date à laquelle les parties se sont contractuellement engagées, justifiée par un motif d'intérêt général tenant à la sécurité juridique et à la prévisibilité de la loi applicable au contrat.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.
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