Conseil d'Etat

Ordonnance du 5 février 2025 n° 496825

05/02/2025

Non-lieu à statuer

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 27 juin 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n° 2400226 du 8 janvier 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande, formée par Mme A B, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 11 décembre 2023 par laquelle le directeur de l'Hôpital Nord Franche-Comté a prononcé sa révocation.

Par une ordonnance n° 2401344 du 30 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté la demande de suspension de Mme B.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 août et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Hôpital Nord Franche-Comté la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 9 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B demande, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, à ce que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique.

Par un mémoire, enregistré le 21 août 2024, le ministre de la transformation et de la fonction publiques conclut au non-renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité. Il soutient qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question de la conformité à la Constitution des dispositions litigieuses au Conseil constitutionnel, dès lors que celui-ci a déjà été saisi d'une question similaire par une autre décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux.

Les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 771-18 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat avait décidé de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel, dans l'attente que celui-ci statue.

En application des dispositions de l'article R. 822-5-1 du code de justice administrative, l'avocat de la requérante a été informé que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être prise en application de l'article R. 822-5 du même code.

Mme B a présenté des observations en réponse à cette information, enregistrées les 19 décembre 2024 et 15 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". Aux termes de l'article R. 822-5 du même code : " (...) Lorsqu'ils sont dirigés contre une décision rendue en premier et dernier ressort, le président de la chambre peut décider par ordonnance de ne pas admettre : (...) 3° Les pourvois manifestement dépourvus de fondement dirigés contre les ordonnances prises en application du livre V (...) ".

2. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 771-18 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat n'est pas tenu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi (...) ". Aux termes de l'article R. 771-19 du même code : " L'application des dispositions de la présente section ne fait pas obstacle à l'usage des pouvoirs que les présidents de chambre tiennent des dispositions des articles R. 122-12 et R. 822-5. " Les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 822-5 du même code permettent aux présidents de chambres de constater par ordonnance qu'il n'y a pas lieu de statuer.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Par lettre du 29 août 2024, le greffe de la cinquième chambre a avisé les parties que le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause par les mêmes motifs les dispositions de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique et qu'en application de l'article R 771-18 du code de justice administrative, la décision du Conseil d'Etat était différée jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel.

4. Par une décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, le Conseil constitutionnel, statuant sur renvoi par le Conseil d'Etat dans une autre affaire, a déclaré contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique, en tant que ces dispositions ne prévoient pas que le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire. Il résulte de l'article 2 de cette décision, par renvoi aux paragraphes 17 à 19, que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter du 1e octobre 2025. Eu égard à l'autorité qui s'attache, en vertu de l'article 62 de la Constitution, à cette décision du Conseil constitutionnel, les dispositions litigieuses seront abrogées à cette date, de sorte qu'une nouvelle décision du Conseil constitutionnel ne pourrait avoir d'autre effet.

5. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par Mme B est devenue sans objet et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

6. Pour demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon qu'elle attaque, Mme B soutient qu'elle est entachée :

- d'erreur de droit en ce qu'elle juge que le moyen tiré de la méconnaissance du droit qu'elle avait de se taire n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, alors même que le Conseil Constitutionnel a jugé que ce droit s'applique aux sanctions disciplinaires infligées à des fonctionnaires en application de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle estime que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction de révocation qui lui a été infligée n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette sanction.

7. Il est manifeste qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme B tendant à ce que le Conseil d'Etat renvoie au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a soulevée.

Article 2 : Le pourvoi de Mme B n'est pas admis.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A B et au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.

Copie en sera adressée à l'Hôpital Nord Franche-Comté, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.

Fait à Paris, le 5 février 2025

Signé : Jean-Philippe Mochon

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le secrétaire du contentieux, par délégation :

Bernard Longieras

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