Non renvoi
CIV. 2
COUR DE CASSATION
LM
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 23 janvier 2025
NON-LIEU À RENVOI
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 155 FS-D
Affaire n° C 24-40.026
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025
Le tribunal judiciaire de Bourges (chambre sociale) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 17 octobre 2024, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 24 octobre 2024, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
M. [H] [M], domicilié [Adresse 1],
D'autre part,
1°/ la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la caisse primaire d'assurance maladie du Cher, dont le siège est [Adresse 2].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Cher, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Le Fischer, conseiller rapporteur, Mme Lapasset, conseiller doyen, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, Hénon, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Pieri-Gauthier, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Salarié de la société [3] (la société), M. [M] (la victime) a déclaré une maladie que la caisse primaire d'assurance maladie du Cher (la caisse) a prise en charge, le 30 novembre 2018, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles.
2. La caisse a également pris en charge, le 21 novembre 2019, au titre d'une rechute, la nouvelle affection déclarée par la victime.
3. Celle-ci a, le 8 novembre 2021, saisi la caisse d'une demande d'accord amiable pour la reconnaissance de la faute inexcusable de la société. La caisse ayant rejeté cette demande au motif qu'elle serait prescrite, la victime a saisi une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
4. Par jugement du 17 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Bourges a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée au greffe de la Cour de cassation le 24 octobre 2024, et ainsi rédigée :
« Les articles L. 452-1, L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, en ce qu'ils déterminent les règles relatives à l'engagement et à la prescription en matière de demande de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable commise par l'employeur à l'origine d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, tels qu'appliqués par la jurisprudence constante de la Cour de cassation (2e Civ., 9 décembre 2020, n° 09-72.667 ; 2e Civ., 13 novembre 2011, n° 10-11.875), aux termes de laquelle l'action en reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable n'est pas ouverte à la victime d'une rechute de cet accident ou de cette maladie (Soc., 3 mars 1994, n° 91-17.795 ; Soc., 31 mai 2001, n° 99-21.352 ; 2e Civ.,9 juin 2004, n° 03-10.789 ; 2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-10.944 ; 2e Civ., 1er décembre 2011, n° 10-27.147), aux termes de laquelle la survenance d'une rechute n'ouvre pas un nouveau délai de prescription, quand bien même cette rechute résulte d'un acte fautif de l'employeur, sont-ils conformes à l'article 4 de la Déclaration de 1789 dont il découle un droit à réparation de la victime d'un acte fautif ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif découlant de l'article 16 de cette même Déclaration ? ».
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Les dispositions contestées, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, sont applicables au litige qui porte sur la détermination du point de départ du délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'occasion d'une rechute.
6. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
8. D'autre part, il ne peut être sérieusement soutenu que les dispositions critiquées, en ce qu'elles édictent des règles de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qui ne sont pas modifiées en cas de rechute de la victime, portent une atteinte disproportionnée à son droit d'obtenir réparation d'un acte fautif ainsi qu'à son droit à un recours juridictionnel effectif découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
9. D'abord, en effet, la victime peut contester, dans sa relation avec la caisse primaire d'assurance maladie, la qualification de rechute retenue par celle-ci, tant que cette décision n'est pas devenue définitive à son égard.
10. Ensuite, la rechute ne pouvant être que la conséquence exclusive de l'accident ou de la maladie initiale, en dehors de tout événement extérieur, il en découle que seule la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle peut être recherchée par le salarié victime sur le fondement de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.
11. Enfin, l'indemnisation complémentaire à laquelle la victime d'une faute inexcusable a droit en application de ce texte s'étend aux conséquences de la rechute de cet accident ou de cette maladie.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.
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