Non renvoi
COMM.
COUR DE CASSATION
JB
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 22 janvier 2025
NON-LIEU A RENVOI
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 123 F-D
Pourvoi n° U 24-16.995
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025
Par mémoire spécial présenté le 28 octobre 2024, M. [F] [U], domicilié [Adresse 4] (États-Unis), a formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1213) à l'occasion du pourvoi n° U 24-16.995 formé contre les arrêts rendus les 5 février 2024 et 29 avril 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans une instance l'opposant :
à
1°/ la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domiciliée [Adresse 1], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques,
2°/ la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 2],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, et de la directrice générale des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents : M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. [C] [U], domicilié en France, est décédé le [Date décès 3] 2001, en laissant pour lui succéder, notamment, son fils M. [F] [U] (M. [U]).
2. Le 29 juillet 2011, l'administration fiscale a adressé à ce dernier une proposition de rectification portant réintégration dans l'actif de la succession de biens que le défunt avait placés dans des trusts et rappel subséquent de droits de mutation à titre gratuit.
3. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. [U] a assigné l'administration fiscale en décharge des suppléments de droits mis en recouvrement.
4. Ayant retenu que [C] [U] ne s'était pas irrévocablement dessaisi des biens placés dans les trusts dénommés 1989 David Trust et Delta Trust, le premier soumis au droit des Bermudes puis au droit de Guernesey, le second au droit des Bermudes, la cour d'appel a rejeté les demandes de M. [U].
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre les arrêts rendus les 5 février et 29 avril 2024 par la cour d'appel de Paris, M. [U] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Les dispositions du 1° [de] l'article 750 ter du code général des impôts, en leur version applicable avant la loi du 29 juillet 2011, portent-elles atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques découlant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 lorsqu'elles sont interprétées de telle sorte que l'héritier d'une personne ayant constitué un trust qui ne s'éteint pas au décès de cette dernière est redevable des droits de mutation à titre gratuit sur des biens qui ont été apportés au trust et qui ne sont pas dévolus à cet héritier à raison de ce décès ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne la contestation, par M. [U], d'un rappel de droits de mutation à titre gratuit mis à sa charge par l'administration fiscale en application de l'article 750 ter, 1°, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998.
7. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
10. En effet, l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.
11. Or, il résulte de la disposition contestée, telle qu'interprétée de façon constante par la Cour de cassation (Crim., 6 janvier 2021, pourvoi n° 18-84.570, publié), qu'il appartient au juge d'analyser le fonctionnement concret du trust concerné afin de rechercher si le constituant a, dans les faits, continué à exercer à l'égard des biens placés dans le trust des prérogatives qui sont révélatrices de l'exercice du droit de propriété, de telle sorte qu'il ne peut être considéré comme s'en étant véritablement dessaisi et que ce n'est que lorsque le constituant du trust ne s'est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens qu'il y a placés que ses héritiers sont tenus de les déclarer à l'administration fiscale lors de la succession.
12. Ainsi, les héritiers n'ont à s'acquitter de droits de mutation à titre gratuit que sur des biens qui sont restés la propriété du constituant du trust et leur ont été transmis par le décès de ce dernier, de sorte que la disposition contestée, dans la portée effective que lui confère l'interprétation jurisprudentielle en cause, ne porte pas atteinte à l'exigence de prise en compte des facultés contributives, peu important que le trust continue de produire ses effets après le décès de son constituant ou que les héritiers du constituant ne soient pas les bénéficiaires du trust.
13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.
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