Tribunal administratif de Bordeaux

Décision du 7 janvier 2025 n° 2402448

07/01/2025

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoires enregistrés le 10 avril et le 21 octobre 2024, Mme A B, représentée par Me Hachet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2024 du préfet de la Corrèze prononçant la suspension de son permis de conduire pour une période de huit mois, ensemble la décision du 18 mars 2024 de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui restituer son permis de conduire

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 23 100 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du caractère illégal de l'arrêté du 23 février 2024 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entachée d'irrégularité faute de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1, L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les dispositions des articles R. 235-5 et R. 235-6 du code de la route méconnaissent le droit de la défense tel que protégé par l'article 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe constitutionnel de la proportionnalité de la mesure de police administrative à la gravité des faits reprochés protégé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- les dispositions des articles R. 235-2 et R. 235-6 du code de la route méconnaissent le droit de la défense tel que protégé par l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;

- les dispositions de l'article L. 224-2 du code de la route méconnaissant le principe de non-discrimination tel que protégé par l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur dans la qualification juridique des faits et une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2024, Mme B, représentée par Me Hachet, demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2024 du préfet de la Corrèze, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 224-2, L. 235-1, L. 235-2 du code de la route.

Elle soutient que :

- ces dispositions sont applicables au litige ;

- les dispositions des articles L. 224-2 et L. 235-2 du code de la route n'ont pas fait l'objet d'un contrôle par le juge constitutionnel et si les dispositions de l'article L. 235-1 du même code ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011, un changement est intervenu à la suite de cette décision dans les définitions des substances ou plantes classées comme stupéfiants et notamment le cannabis ;

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux car ces dispositions créent une rupture d'égalité entre les automobilistes ayant fait usage d'alcool et ceux ayant fait usage de stupéfiants dès lors que le permis du conducteur contrôlé peut être suspendu lorsqu'il a fait usage de stupéfiants, et non lorsque la personne est sous l'influence des effets psychotropes actuels d'un produit stupéfiant, contrairement à l'alcool.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2024, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

- l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants, et des analyses et examens prévus par le code de la route.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cornevaux, président-rapporteur,

- et les observations de Me Hachet, représentant Mme B.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B a fait l'objet d'un contrôle de police le 20 février 2024. La rétention immédiate de son permis de conduire a été prononcée au motif qu'elle circulait sous l'emprise de stupéfiants. Le préfet de la Corrèze a, par un arrêté du 23 février 2024, suspendu son permis de conduire pour une durée de huit mois. Mme B demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité :

2. D'une part, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 224-2 " I. - Le représentant de l'État dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis prévue à l'article L. 224-1, ou dans les cent vingt heures pour les infractions pour lesquelles les vérifications prévues aux articles L. 234-4 à L. 234-6 et L. 235-2 ont été effectuées, prononcer la suspension du permis de conduire lorsque: (...) 2o Il est fait application des dispositions de l'article L. 235-2 si les analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques établissent que le conducteur conduisait après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou si le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur a refusé de se soumettre aux épreuves de vérification prévues au même article L. 235-2; (...) ". Aux termes de l'article L. 235-1 du code de la route " I.- Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. Si la personne se trouvait également sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende. (...) ". Aux termes de l'article L. 235-2 du même code : " Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou la police nationales territorialement compétents et, sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints font procéder, sur le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur impliqué dans un accident mortel ou corporel de la circulation, à des épreuves de dépistage en vue d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants.

4. En premier lieu, la requérante conteste la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 235-1 du code de la route. Toutefois cet article concerne la répression pénale de la conduite sous stupéfiants et non la procédure de suspension administrative à titre provisoire du permis de conduire régie par l'article L. 224-2 du code de la route. Dès lors, ces dispositions ne sont pas applicables au litige dont Mme B a saisi le tribunal.

5. En deuxième lieu, la requérante sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité de l'ensemble des dispositions de l'article L. 224-2 et L. 235-2 du code de la route au principe d'égalité devant la loi protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au regard du traitement de la conduite en l'état d'imprégnation alcoolique. Toutefois, cette question ne présente pas de caractère sérieux dès lors que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, le conducteur ayant consommé de l'alcool, produit qui n'est frappé d'aucune interdiction, n'est pas dans la même situation que le conducteur ayant fait usage de THC, substance stupéfiante.

6. En troisième lieu, la requérante sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité de l'ensemble des dispositions de l'article L. 224-2 et L. 235-2 du code de la route au principe de liberté d'aller et venir protégé par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors que la suspension du permis de conduire est possible dès que la substance stupéfiante est détectée et pas seulement lorsque le conducteur conduit sous l'influence d'un produit stupéfiant. Toutefois, le législateur a institué la suspension immédiate du permis de conduire pour le conducteur qui a fait usage de stupéfiants. C'est l'usage de produits ou plantes classées comme stupéfiants, établi par une analyse sanguine ou salivaire, qui entraîne la suspension du permis de conduire, sans qu'un taux en dessous duquel la consommation de stupéfiants serait considérée comme n'ayant pas d'incidence sur les facultés du conducteur soit défini, en cohérence avec l'interdiction générale d'usage des stupéfiants. La limitation induite par cette incrimination à la liberté d'aller et venir est ainsi proportionnée au but recherché de protection de la santé et de la sécurité publique qui sont des objectifs de valeur constitutionnelle. Ainsi cette question ne présente pas de caractère sérieux.

7. En quatrième lieu, la requérante sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité de l'ensemble des dispositions de l'article L. 224-2 et L. 235-2 du code de la route au respect du principe constitutionnel des droits de la défense et d'individualisation des peines, tel qu'il est garanti par les articles 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors que la suspension du permis de conduire est possible sans que le conducteur testé positif au stupéfiant s'entretienne avec un avocat avant de renoncer à son droit à une contre-expertise. Toutefois, cette question ne présente pas de caractère sérieux dès lors que, sous couvert de la critique de dispositions législatives, la question posée ne tend qu'à discuter la conformité aux principes de valeur constitutionnelle invoqués des dispositions des articles R. 235-6 et R. 235-11 du code de la route, de nature réglementaire ne pouvant faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

8. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par Mme B au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

10. L'arrêté attaqué, vise notamment les dispositions des articles L. 224-1 et L. 224-2 du code de la route, indique que Mme B a fait l'objet, le 20 février 2024 à 14h40 sur le territoire de la commune Merlines, d'une mesure de rétention de son permis de conduire pour avoir commis une infraction punie par le code de la route de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, en raison de sa conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, source d'un danger grave et immédiat pour la sécurité des usagers de la route et pour lui-même. Par suite, la décision attaquée comprend les considérations de droit et de fait ayant conduit à son édiction est suffisamment motivée. Ainsi la décision en litige, qui ne présente pas un caractère stéréotypé, est suffisamment motivée et ce moyen doit être écarté.

11. En deuxième lieu, d'une part, l'article L. 224-1 du code de la route prévoit que les officiers et agents de police judiciaire procèdent à la rétention à titre conservatoire d'un permis de conduire, notamment, lorsque le conducteur conduisait après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. L'article L. 224-2 du même code permet au préfet, si les mêmes conditions sont remplies, de prononcer, dans les 120 heures qui suivent, la suspension du permis pour une durée pouvant aller jusqu'à un an. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales (...) ". Les modalités de la procédure contradictoire applicables aux décisions mentionnées à l'article L. 211-2 sont définies à l'article L. 122-1 du même code. La suspension d'un permis de conduire est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du même code.

12. Compte tenu des conditions particulières d'urgence dans lesquelles intervient la décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, qui doit être prise dans les 120 heures et qui a pour objet de faire obstacle à ce qu'un conducteur conduise après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, le préfet peut légalement prendre cette décision en se dispensant de procédure contradictoire en application du 1° de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration cité au point précédent. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la recherche de stupéfiants dans le prélèvement salivaire de Mme B s'est révélée positive. Ces circonstances sont de nature à faire regarder la conductrice comme représentant un danger grave et immédiat pour la sécurité des usagers de la route et pour elle-même. Dans ces conditions, contrairement à ce que la requérante soutient, le préfet de la Corrèze pouvait légalement prendre la décision de suspension litigieuse en se dispensant du respect de la procédure contradictoire. Le moyen tiré du vice de procédure doit par suite être écarté.

13. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 235-5 du code de la route : " Les vérifications mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 235-2 comportent une ou plusieurs des opérations suivantes : /examen clinique en cas de prélèvement sanguin;/ analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin. ". Aux termes de l'article R. 235-6 du même code : " I. Le prélèvement salivaire est effectué par un officier ou agent de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétent à l'aide d'un nécessaire, en se conformant aux méthodes et conditions prescrites par l'arrêté prévu à l'article R. 235-4. / A la suite de ce prélèvement, l'officier ou l'agent de police judiciaire demande au conducteur s'il souhaite se réserver la possibilité de demander l'examen technique ou l'expertise prévus par l'article R. 235-11 ou la recherche de l'usage des médicaments psychoactifs prévus au même article. / Si la réponse est positive, il est procédé dans le plus court délai possible à un prélèvement sanguin dans les conditions fixées au II. / II. Le prélèvement sanguin est effectué par un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer à titre de remplaçant, dans les conditions fixées à l'article L. 4131-2 du code de la santé publique ou un infirmier, dans le respect des règles liées à l'exercice de la profession d'infirmier déterminées en application de l'article L. 4311-1 du code de la santé publique, requis à cet effet par un officier ou un agent de police judiciaire. Le prélèvement sanguin peut également être effectué par un biologiste requis dans les mêmes conditions. / Ce praticien effectue le prélèvement sanguin à l'aide d'un nécessaire mis à sa disposition par un officier ou un agent de police judiciaire, en se conformant aux méthodes prescrites par un arrêté pris dans les conditions prévues à l'article R. 235-4. / Un officier ou un agent de police judiciaire assiste au prélèvement sanguin. / III. - L'examen clinique, en cas de prélèvement sanguin, est effectué par un médecin ou un étudiant en médecine autorisé à exercer à titre de remplaçant, dans les conditions fixées à l'article L. 4131-2 du code de la santé publique, requis à cet effet par un officier ou un agent de police judiciaire. ".

14. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ". Aux termes de l'article 9 de la déclaration précitée : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. ". Aux termes de l'article 16 de la même déclaration : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution. ". Enfin aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. ".

15. La requérante soutient que les dispositions précitées du code de la route méconnaissent le principe d'individualisation de la peine protégé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, car le dosage des stupéfiants n'est pas systématique mais seulement possible, pour le conducteur qui en exprimerait le souhait. Elle soutient en outre que ces dispositions ne respectent pas le droit de la défense tel que protégé par les articles 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme car il n'est pas prévu que le conducteur puisse consulter un avocat avant de renoncer à son droit à un dépistage sanguin pour effectuer le dosage des stupéfiants. Toutefois, la décision de suspension du permis du conducteur ayant fait l'usage de stupéfiants ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ni une mesure adoptée à l'issue d'une procédure juridictionnelle mais une mesure de police administrative, qui a notamment pour objet, de prévenir les atteintes à l'ordre public et le danger grave et immédiat que représente le conducteur qui conduit après usage de substances ou plantes classés comme stupéfiants. Ainsi, les dispositions précitées du code de la route ne méconnaissent pas les articles 8, 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni de l'article 6 de la convention de la convention européenne des droits de l'homme.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ".

17. Si la requérante soutient que l'article L. 224-2 du code de la route méconnaît le principe de non-discrimination tel que protégé par l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, le conducteur ayant consommé de l'alcool, produit qui n'est frappé d'aucune interdiction, n'est pas dans la même situation que le conducteur ayant fait usage de THC, substance stupéfiante.

18. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'analyse du laboratoire du CHU de Limoges produit en défense, que la recherche de stupéfiants dans le prélèvement salivaire de Mme B s'est révélée positive aux substances cannabiniques qui implique la présence de THC. En se bornant à soutenir qu'elle n'aurait consommé que du cannabidiol (CBD), produit dépourvu de propriétés stupéfiantes au sens de l'article L. 235-1 du code de la route, Mme B n'établit pas que les conditions posées pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 224-2 du code de la route n'étaient pas réunies et qu'elle ne pouvait donc pas faire l'objet d'une suspension de permis de conduire. Dés lors le moyen tiré de l'erreur de la qualification juridique des faits et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme B ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

20. Dès lors que le présent jugement rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée, Mme B ne peut se fonder sur l'illégalité fautive de cette décision pour obtenir l'indemnisation de son préjudice de jouissance. Dès lors, ses conclusions indemnitaires doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par Mme B.

Article 2 : La requête de Mme B est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au préfet de la Corrèze

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.

Le président du tribunal,

G. CORNEVAUX La greffière,

I. MONTANGON

La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

N°2402448

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D