Rejet
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, M. B C, représenté par Me Desport, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision en date du 26 septembre 2022, notifiée le 5 octobre 2022, portant retrait de son agrément à titre définitif dans la réserve citoyenne ainsi que retrait du grade honorifique de lieutenant-colonel, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux en date du 2 décembre 2022 ;
2°) d'enjoindre à rétablir son agrément à la réserve citoyenne et ses droits attachés ainsi que son grade honorifique ;
3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intégré la réserve citoyenne en 2009 ; le 27 octobre 2021 a été prise la dernière décision de renouvellement de son agrément au grade honorifique de lieutenant-colonel ; le 11 mars 2022 son agrément lui a été retiré ; il a contesté ce retrait devant la commission des recours des militaires le 19 mai 2022 qui, par décision du 14 juin 2022, s'est déclarée incompétente ; le 26 septembre 2022 l'agrément lui a été retiré à titre définitif ;
- il n'est pas établi que l'auteur de la décision du 26 septembre 2022 avait compétence ;
- la décision en litige qui annule et remplace la décision du 11 mars 2022 dépourvue de motivation a été prise en méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration car la décision d'agrément dans la réserve citoyenne est créatrice de droits, elle était légale et, à la date du 11 mars 2022, le délai de 4 mois était expiré dès lors que le dernier renouvellement datait du 27 octobre 2021 ;
- l'article R. 4211-10 du code de la défense qui confère à l'administration un pouvoir discrétionnaire de retrait de droit, sans exigence de motivation ou respect du principe du contradictoire, est en contradiction avec les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; ces contradictions justifieraient une question prioritaire de constitutionnalité ;
- l'instruction n° 511629/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 27 mars 2016 n'a pas de valeur normative.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la question prioritaire de constitutionnalité à la supposer soulevée est irrecevable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- l'arrêté du 14 décembre 2007 relatif au port de l'uniforme militaire par les réservistes de la réserve militaire, les anciens réservistes admis à l'honorariat de leur grade et les anciens militaires n'appartenant à aucune de ces deux catégories ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa ;
- et les conclusions de M. Joos, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B C a intégré la réserve citoyenne le 1er novembre 2009. Par décision du 27 octobre 2021, l'agrément qui lui a été accordé a été renouvelé du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2024 au grade de lieutenant-colonel. Le 6 février 2022, il a été aperçu dans une station-service à Brive-la-Gaillarde, revêtu d'un uniforme militaire avec les attributs de la Légion d'honneur et de la Médaille militaire. Par décision du 11 mars 2022, la direction des ressources humaines de l'armée de Terre (DRH-AT) lui a retiré son agrément dans la réserve citoyenne à compter du 11 mars 2022, avec la perte de son grade honorifique de lieutenant-colonel. Le 19 mai 2022, il a formé un recours réceptionné le 25 mai 2022 auprès de la commission des recours des militaires (CRM) qui par lettre du 14 juin 2022, s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur ce recours, dans la mesure où l'appartenance à la réserve citoyenne ne permet pas d'occuper un emploi militaire et a transmis cette contestation à la DRH-AT. Par décision du 26 septembre 2022, notifiée le 5 octobre 2022, la DRH-AT a annulé la décision du 11 mars 2022 et retiré à titre définitif l'agrément de M. C dans la réserve citoyenne avec la perte de son grade honorifique. Le 30 novembre 2022, M. C a formé un recours gracieux auprès de la DRH-AT réceptionné le 2 décembre 2022, resté sans réponse. Par la présente requête il demande l'annulation de la décision du 26 septembre 2022, ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 2 février 2023.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes de l'article R.771-3 du code de justice administrative : " le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23- 1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité. " ".
3. Si le requérant soutient que les dispositions 6° de l'article R. 4211-10 du code de la défense entreraient en contradiction avec les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration en raison de l'absence d' " (...) exigence de motivation ou de respect du principe du contradictoire préalable " concernant la radiation des réservistes citoyens, à supposer qu'il entende ainsi présenter une question prioritaire de constitutionnalité, ainsi que l'oppose le ministre, celle-ci présentée d'une part s'agissant d'une disposition réglementaire, d'autre part n'ayant pas été présentée dans un mémoire distinct, ne peut qu'être rejetée comme irrecevable.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 4241-2 du code de la défense : " la réserve citoyenne de défense et de sécurité est composée de volontaires-agréés par l'autorité militaire ou par les services mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale. ". Aux termes de l'article R. 4241-1 du code de la défense, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur définit les modalités d'accès à la réserve citoyenne des forces armées et des formations rattachées. / L'agrément donné à la demande d'accès à la réserve citoyenne peut à tout moment être retiré, à titre temporaire ou définitif, par décision motivée du ministre de la défense (...). Le ministre de la défense (...) peut, par arrêté, déléguer aux commandants de formation administrative ou aux autorités dont ils relèvent les pouvoirs qu'il tient du présent article. Ces délégataires peuvent déléguer leur signature à un ou plusieurs de leurs subordonnés pour les actes pris en application du présent article. " et aux termes de l'article R. 4211-10 du même code : " La radiation de la réserve est prononcée d'office par le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale dans les cas suivants : / (...) 6° Retrait définitif par le ministre de la défense (...) de l'agrément donné à la demande d'accès à la réserve citoyenne. / Le ministre de la défense (...) peut, par arrêté, déléguer aux commandants de formation administrative ou aux autorités dont ils relèvent les pouvoirs qu'il tient du présent article. Ces délégataires peuvent déléguer leur signature à un ou plusieurs de leurs subordonnés pour les actes pris en application du présent article. ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la décision du 13 juillet 2022 portant délégation de signature (DRH-AT), " délégation est donnée à l'effet de signer, au nom du ministre, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, aux personnes désignées ci-après : 22. Monsieur le colonel A D, chef du bureau " réserve ", dans la limite des attributions du pôle " gestion du personnel ", en matière de gestion et de chancellerie des militaires de réserve ". Par suite, en tant que chef du bureau de gestion des réservistes au sein de la DRH-AT, le colonel A D disposait de la compétence pour établir et signer la décision du 26 septembre 2022 portant retrait de l'agrément du requérant dans la réserve citoyenne. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la décision du 26 septembre 2022 mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquels son auteur a entendu se fonder, notamment que le retrait de l'agrément de M. C est motivé par le port de médailles qui ne lui avaient pas été décernées, par une tenue non réglementaire à l'extérieur d'une enceinte miliaire et qu'en agissant de la sorte, il a trompé la confiance de la hiérarchie miliaire. Elle est ainsi suffisamment motivée.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 14 décembre 2007 relatif au port de l'uniforme militaire par les réservistes de la réserve militaire, les anciens réservistes admis à l'honorariat de leur grade et les anciens militaires n'appartenant à aucune de ces deux catégories, en vigueur à la date de la décision en litige : " Le réserviste de la réserve citoyenne peut, à titre exceptionnel, être autorisé par l'autorité militaire de rattachement à porter la tenue spécifique de la réserve citoyenne lors de prises d'armes, de cérémonies militaires ou de rencontres officielles dans le cadre d'activités définies ou agréées par l'autorité militaire, à l'exclusion de toute autre circonstance publique ou privée. La composition de cette tenue est fixée par chaque armée ou formation rattachée et obéit à des caractéristiques vestimentaires communes. (...) ".
8. Il est constant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le requérant portait la tenue militaire alors qu'aucune réunion ou cérémonie ne le justifiait, ainsi qu'une fourragère rouge qui correspond à la Légion d'honneur alors qu'il n'a pas reçu les mérites de ce titre, et une médaille militaire verte dont il n'est pas titulaire. Par suite, c'est à bon droit, la valeur normative de l'instruction n° 511629/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 27 mars 2016 étant sans incidence, que le ministre des armées a retiré l'agrément de M. C au motif notamment qu'il portait une tenue non réglementaire à l'extérieur d'une enceinte militaire.
9. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. C doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B C est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
Mme Keiflin, première conseillère,
M. Garros, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
L'assesseure la plus ancienne,
Laura KEIFLIN
La greffière,
Nadine PENNETIER-MOINET
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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