Tribunal administratif de La Réunion

Jugement du 12 décembre 2024 n°2400684

12/12/2024

Rejet

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2024, la commune de Saint-Leu, représentée par Me Portelli, demande au tribunal :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 26 décembre 2023 prononçant la carence de la commune de Saint-Leu et fixant à 80 % le taux de majoration pour la période triennale 2020-2022, au titre de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le taux de majoration du prélèvement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté de carence est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison de l'inconstructibilité de l'essentiel du territoire de la commune, compte tenu des risques naturels qui concernent le littoral, du risque sismique et du risque inondation, du coût du foncier et des équipements, qui rendent impossible la rentabilisation de la construction massive de logements sociaux et ne tient pas compte des efforts accomplis par la commune de Saint-Leu pour favoriser des constructions ;

- le taux de majoration du prélèvement est disproportionné dès lors qu'il ne tient pas compte des risques naturels qui concernent le littoral, le risque sismique et le risque inondation.

Par un mémoire distinct enregistré le 3 juin 2024, la commune de Saint-Leu demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2023 par lequel le préfet de La Réunion a prononcé la carence de la commune de Saint-Leu en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation avec un taux de majoration de 80%, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

Elle soutient que le paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'article 9 de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019, viole le principe d'égalité tel qu'il résulte de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'il ne retient que trois critères d'inconstructibilité, que chaque critère est exclusif et qu'il ne propose aucune définition de ce qu'est un " territoire urbanisé " portant ainsi atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2024, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité du paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé.

- le moyen tiré de la disproportion de la sanction n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Un mémoire a été produit par la commune de Saint-Leu le 21 novembre 2024, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 ;

- la loi n°2022-217 du 21 février 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Sauvageot, rapporteur public ;

- les observations de Me Portelli pour la commune de Saint-Leu et de Mme A pour le préfet de La Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 23 décembre 2023, le préfet de La Réunion a constaté la carence de la commune de Saint-Leu dans le respect de son objectif de réalisation de logements sociaux sur la période triennale 2022-2022 et a fixé le taux de majoration du prélèvement opéré annuellement en application de l'article L. 302-7 du code de la construction à compter du 1er janvier 2024 pour une durée de 3 ans à 80 %. La commune de Saint-Leu demande au tribunal d'une part l'annulation de cet arrêté et transmet d'autre part une question prioritaire de constitutionnalité concernant le paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité concernant le paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, que le tribunal, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. La commune de Saint-Leu soutient que le paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation viole le principe d'égalité tel qu'il résulte de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité.

4. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social : " Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 147-1 du code de l'urbanisme ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation résultant de l'application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du code de l'environnement, ou d'un plan de prévention des risques miniers défini à l'article L. 174-5 du code minier. ".

5. Aux termes du III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 : " III. - Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article, pour lesquelles la présente section n'est pas applicable. / La liste de ces communes est arrêtée sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent, après avis du représentant de l'Etat dans la région et de la commission nationale mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1. Cette liste ne peut porter que sur des communes situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliées aux bassins d'activités et d'emplois par le réseau de transports en commun, dans des conditions définies par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article, ou situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dans laquelle le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social, se situe en-deçà d'un seuil fixé par ce même décret, ou sur des communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 112-6 du code de l'urbanisme ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation résultant de l'application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code, ou d'un plan de prévention des risques miniers défini à l'article L. 174-5 du code minier ".

6. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'article 65 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, applicable au litige à la date de l'arrêté préfectoral attaqué : " (...) III. - Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article, pour lesquelles la présente section n'est pas applicable. / La liste de ces communes est arrêtée sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent, après avis du représentant de l'Etat dans la région et de la commission nationale mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1. Cette liste ne peut comprendre que des communes entrant dans l'une de ces catégories : 1° Les communes qui ne sont pas situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants et dont l'isolement ou les difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants les rendent faiblement attractives, définies dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat ; 2° Les communes situées dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale mentionnés au I du présent article dans lesquels le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social, est inférieur au seuil fixé par le décret mentionné au premier alinéa du II . III bis.- La présente section n'est pas applicable aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une interdiction de construire des bâtiments à usage d'habitation résultant de l'application : 1° Du classement en zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 112-6 du code de l'urbanisme ; 2° D'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement ; 3° Du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles définis respectivement aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code ou d'un plan de prévention des risques miniers ; 4° Des dispositions de l'article L. 121-22-4 du code de l'urbanisme applicables aux zones exposées au recul du trait de côte définies au 1° de l'article L. 121-22-2 du même code ; 5° Des dispositions relatives aux périmètres de protection immédiate des points de captage délimités en application de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique. Un arrêté pris par le représentant de l'Etat dans le département fixe, une fois au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8 du présent code, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa du présent III bis (...) ".

7. Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2012-660 du 17 janvier 2013, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 10 de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, notamment en ce qu'il étend les dérogations à l'exigence d'un taux de logements sociaux aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une inconstructibilité liée à un plan de prévention des risques technologiques, naturels ou miniers.

8. Les modifications de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral litigieux, issues de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 invoquée par la commune et de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, portant fixation par voie règlementaire et dans les limites prévues par la loi, d'une liste des communes concernées par des dérogations à l'obligation d'atteindre sur leur territoire un taux de logements sociaux par rapport au nombre de résidences principales, ne constituent pas des changements de circonstances de droit affectant de manière substantielle la portée des dispositions déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-660 du 17 janvier 2013, reprises en substance par les dispositions précitées du III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable à la date de l'arrêté préfectoral litigieux, qui justifieraient le réexamen de la conformité de cet article à la Constitution. Enfin, aucune circonstance de fait nouvelle ne justifie davantage le réexamen du paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation par le Conseil constitutionnel.

9. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, en l'absence de changement de circonstances au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, le moyen tiré de ce que le paragraphe III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Saint Leu.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

11. Aux termes de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser à l'échelle communale en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement et, le cas échéant, après avis de la commission mentionnée à l'article L. 302-9-1-1, prononcer la carence de la commune. () Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7. Le taux de majoration du prélèvement ne peut être inférieur au rapport entre le nombre de logements sociaux non réalisés et l'objectif total de logements mentionné au I de l'article L. 302-8 () ".

12. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.

13. En outre, lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 17 avril 2023 de notification du bilan triennal relatif au stock et au flux des logements sociaux de la commune de Saint-Leu qu'elle n'a réalisé que 194 logements sociaux au titre de l'objectif fixé pour la période triennale 2020-2022, soit un taux de 20,66 %. Pour contester l'arrêté préfectoral du 23 décembre 2023 par lequel le préfet a constaté sa carence, la commune soutient que le préfet n'a pas pris en compte le caractère inconstructible de l'essentiel du territoire de la commune, l'exposition aux risques naturels qui concernent le littoral, au risque sismique et au risque inondation, le coût du foncier et des équipements qui rend impossible la rentabilisation de la construction massive de logements sociaux et ne tient pas compte des efforts accomplis par la commune de Saint-Leu pour favoriser des constructions. Cependant, par ses simples allégations, la commune n'établit pas que des raisons objectives justifient qu'elle n'ait pas respecté, ce qu'elle admet par ailleurs, l'obligation résultant des objectifs fixés pour la période triennale en cause. En particulier si elle rencontre des difficultés sur le plan du foncier dans la mesure où elle est concernée par des contraintes en matière de géographie du territoire et des risques naturels existant, pour lequel elle allègue que 92% de son territoire serait inconstructible, elle ne démontre toutefois pas l'impossibilité de construire des logements sociaux au regard des contraintes particulières et spécifiques qu'elle rencontre, notamment en matière d'urbanisme ou d'environnement, lesquelles sont au demeurant une caractéristique commune partagée par les communes de l'île. En outre, si elle se prévaut d'aides financières qu'elle a accordé pour de nombreuses opérations de constructions de logements sociaux et de garanties d'emprunt qu'elle a accordées sur la période 2020-2023, elle n'explique pas en quoi les dispositions de ce plan constituent un moyen permettant de réaliser les objectifs fixés. Par suite, la commune de Saint-Leu qui n'apporte aucune explication de nature à justifier le non-respect des objectifs qui lui sont fixés, n'est pas fondée à soutenir qu'en prononçant sa carence, le préfet a commis une erreur d'appréciation.

15. En second lieu, la commune de Saint-Leu soutient que la mesure prononcée par le préfet au titre de la carence constatée est disproportionnée. Il résulte toutefois de l'instruction que le taux d'atteinte des objectifs de la commune pour la période triennale 2020-2022 est de 20,66 % avec la création de 194 logements sociaux alors que l'objectif était de 939. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet n'aurait pas tenu compte des spécificités de la commune, et compte tenu du faible taux de réalisation et des contraintes invoquées justifiant le non-respect de son objectif pour la période triennale concernée, la majoration prévue à l'article L. 302-9-1 à 80% du prélèvement initial pour la commune de Saint-Leu ne présente pas un caractère disproportionné. Dès lors, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en fixant ce taux à 80%.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de La Réunion du 26 décembre 2023 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Leu demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Saint Leu.

Article 2 : La requête de la commune de Saint-Leu est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de de Saint Leu et au ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Blin, présidente,

M. Monlaü, premier conseiller,

Mme Tomi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

Le rapporteur,

X. MONLAÜ

La présidente,

A. BLIN

La greffière,

S.LE CARDIET-BALOUKJY

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2400684