Cour de cassation

Arrêt du 26 novembre 2024 n° 24-85.348

26/11/2024

Renvoi

N° R 24-85.348 F-D

N° 01555

26 NOVEMBRE 2024

LR

QPC INCIDENTE : RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 26 NOVEMBRE 2024

M. [E] [G] a présenté, par mémoire spécial reçu le 28 octobre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et tentative, en bande organisée, associations de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance de mise à l'isolement judiciaire rendue par le juge d'instruction.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 145-4-1, alinéa 1er, in fine, du code de procédure pénale, telles que précisées par celles de l'article R. 57-5-7, alinéa 2, du même code, en ce qu'elles ne prévoient pas les modalités de traitement, par le président de la Chambre de l'instruction, du recours formé contre l'ordonnance de placement à l'isolement judiciaire, et en particulier le délai légal dans lequel ce recours doit être jugé, et qu'elles n'indiquent pas à a minima que ce délai doit être bref, portent-elles atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, à la liberté individuelle et à la sûreté garantis par les articles 2, 7, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 66 de la Constitution ? ».

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

4. La question posée présente un caractère sérieux, pour les raisons suivantes.

5. En premier lieu, selon le Conseil constitutionnel, le droit à un recours juridictionnel effectif n'est garanti, en matière de privation de liberté, que si le juge judiciaire est tenu de statuer dans les plus brefs délais.

6. Or, la décision de placement d'une personne détenue au régime de l'isolement, qui est prise sans le consentement de l'intéressée, si elle ne porte que sur une modalité de l'emprisonnement, se distingue néanmoins de celui-ci dans la mesure où elle n'en n'est pas la conséquence directe.

7. En outre, elle entraîne un durcissement du régime de détention.

8. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant tant sur la détention provisoire que sur le maintien à l'isolement de la personne mise en examen, est compétente pour statuer sur cette dernière mesure (Crim., 4 janvier 2022, pourvoi n° 21-85.869). Il s'ensuit que, dans cette hypothèse, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les brefs délais applicables en matière de détention provisoire. En revanche, lorsque le président de la chambre de l'instruction est saisi d'un recours contre une mesure d'isolement, l'article D. 43-6 du code de procédure pénale prévoit qu'il statue dans un délai raisonnable.

9. Il s'en déduit que le délai imparti au juge pour apprécier le bien-fondé de la mesure d'isolement dépend, d'une part, du choix de ce même juge de prononcer par une unique ordonnance ou par deux décisions distinctes, choix qui n'obéit à aucun critère défini par le législateur, d'autre part, de l'exercice d'une voie de recours par la personne détenue contre la mesure de sûreté principale.

10. À cet égard, la faculté offerte à cette personne de demander à tout moment sa mise en liberté pourrait ne pas constituer une garantie suffisante.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-quatre.

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