Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2024, Mme B, représentée par Me Ory, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 octobre 2024, notifié le 19 octobre 2024, du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre de l'intérieur et des outre-mer, portant application des articles L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier décidant du gel de ses avoirs pour une durée de six mois, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de l'urgence :
- l'urgence est présumée ;
- l'arrêté en litige porte une atteinte grave et immédiate à sa situation eu égard à la circonstance que son foyer ne peut pas faire face aux dépenses de la vie courante, ne peut assurer l'entretien de ses enfants et que son droit de propriété est méconnu ;
Sur l'existence d'un moyen sérieux de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité :
- l'arrêté en litige n'est pas motivé en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté en litige est fondé sur des dispositions anti constitutionnelles ;
- la mesure prise à son encontre est disproportionnée dans ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire ;
Par un mémoire distinct, enregistré le 30 octobre 2024, Mme B, représentée par Me Ory, demande au juge des référés de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la question de savoir si les dispositions l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, introduites par l'Ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016, sont, d'une part, entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le droit à un recours effectif en ce qu'elles n'imposent pas de délai au tribunal administratif de Paris pour l'examen des recours dirigés contre les mesures de gel des avoirs, et d'autre part, si elles portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété en ce qu'elles permettent de renouveler ces mesures sans avoir à démontrer la survenance d'éléments nouveaux et de manière illimitée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée le 29 octobre 2024 sous le numéro 2428883 par laquelle
Mme B demande l'annulation de l'arrêté en litige.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Véronique Hermann Jager pour statuer sur les demandes de référé.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions aux fins de suspension :
1. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ". Aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () ". L'article L. 522-3 dudit code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. ".
2. D'autre part, aux termes de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier : " Le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques : 1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent ; 2° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes mentionnées au 1° ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci ".
3. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. D'autre part, l'urgence doit s'apprécier objectivement et globalement et tenir compte du fait que le requérant ne se soit pas placé lui-même dans une situation qui ne lui permette pas d'invoquer utilement -ni sérieusement- la notion d'urgence. Il en est notamment ainsi lorsque la situation d'urgence découle directement de la négligence ou de la carence du requérant, ou de tout autre acte positif qui lui est directement imputable. Enfin, la condition d'urgence s'apprécie à la date de la décision à laquelle le juge statue.
4. Au soutien de ses conclusions aux fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre de l'intérieur, en date du 3 octobre 2024, portant application des articles L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier et décidant du gel de ses avoirs pour une durée de six mois, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et pour justifier de l'existence d'une urgence, Mme B fait valoir que le gel de ses avoirs porte une atteinte grave et immédiate à sa situation matérielle et nuit de manière grave et immédiate à sa situation et à celle des membres de sa famille. S'il est constant que la décision de gel des avoirs qui vise les personnes qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent, a, au nombre des conséquences qu'elle entraine, pour effet de bloquer les comptes bancaires et autres avoirs financiers des personnes concernées, de les empêcher, pour six mois, de disposer de leurs ressources financières comme elles l'entendent, et ainsi de rendre plus difficiles les actes de la vie courante, notamment en matière de consommation des personnes visées par ce gel, les justificatifs présentés à l'appui de ses conclusions, ne démontrent cependant pas que l'intéressée se trouverait, du fait de cette décision, privée de toute ressource et ne pourrait plus faire face aux dépenses courantes et serait ainsi placée dans une situation de précarité et d'urgence l'empêchant de faire face aux dépenses de la vie quotidienne. Ainsi, les éléments invoqués et les justificatifs produits ne permettent pas d'établir l'existence d'une situation d'urgence. Par suite, il y a lieu de faire application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête dans son ensemble, y compris la question prioritaire de constitutionnalité.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C B épouse A.
Fait à Paris, le 8 novembre 2024 .
La juge des référés,
V. Hermann Jager
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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