Non-lieu à statuer
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 11 octobre 2024, la société Novagraaf Europe B.V. demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 9 septembre 2024 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du 3° de l'article 131 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions règlementées ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ces dispositions.
Par un mémoire distinct, enregistré le 14 octobre 2024, la société Novagraaf Europe B.V. demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 3° de l'article 131 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions règlementées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 ;
- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 122-12 du code de justice administrative : " (...) Les présidents de chambre peuvent, par ordonnance (...) : 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative (...) ". Aux termes de l'article R. 771-19 du même code : " L'application des dispositions de la présente section ne fait pas obstacle à l'usage des pouvoirs que les présidents de chambre tiennent des dispositions des articles R. 122-12 et R. 822-5. ".
2. Une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution élargit de façon temporaire le pouvoir réglementaire dont le Gouvernement dispose, en l'autorisant à adopter des mesures qui relèvent du domaine normalement réservé à la loi, que ce soit en vertu de l'article 34 de la Constitution ou d'autres dispositions de celle-ci. Alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, les ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution conservent le caractère d'actes administratifs, aussi longtemps qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une ratification, qui ne peut être qu'expresse, par le Parlement.
3. Toutefois, celles de leurs dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l'expiration du délai de l'habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. L'expiration du délai fixé par la loi d'habilitation fait ainsi obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d'abrogation portant sur les dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même celles-ci seraient illégales.
4. Il résulte des dispositions de l'article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 que le délai d'habilitation d'un an à compter de la promulgation de cette loi conféré au Gouvernement pour prendre les mesures relatives permettant de clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé a expiré.
5. La société Novagraaf Europe B.V. a demandé au Premier ministre d'abroger le 3° de l'article 131 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions règlementées, et demande l'annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé sur cette demande. Il résulte de ce qui précède qu'une telle demande adressée au Premier ministre doit être regardée comme tendant à ce qu'un projet de loi abrogeant les dispositions litigieuses soit soumis au Parlement. Or, le refus du Gouvernement de soumettre un projet de loi au Parlement en application des dispositions de l'article 39 de la Constitution touche aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels et constitue un acte insusceptible de tout contrôle juridictionnel.
6. Les conclusions dirigées contre un tel refus ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative. Elles ne peuvent, dès lors, et sans qu'il soit besoin pour le Conseil d'Etat de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions du 3° de l'article 131 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions règlementées porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, qu'être rejetées, de même que les conclusions de la requête à fin d'injonction.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Novagraaf Europe B.V. est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Novagraaf Europe B.V..
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Fait à Paris, le 4 novembre 2024
Signé : Mme B A
La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le secrétaire du contentieux,
par délégation : Marie-Adeline Allain
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