Conseil d'Etat

Décision du 25 octobre 2024 n° 494061

25/10/2024

Renvoi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 29 juillet et 13 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B A demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations n° 2024-38 et 2024-79 des 12 mars et 23 avril 2024 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 124-20 du code général de la fonction publique, en particulier son 3°.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61 1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. A ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droit et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Les dispositions de l'article 55 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ont autorisé le Gouvernement, pendant un délai de vingt-quatre mois porté à vingt-huit mois par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à l'adoption de la partie législative du code général de la fonction publique. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique. A la date de la présente décision, cette ordonnance n'a pas été ratifiée et le délai fixé par la loi d'habilitation est expiré.

3. La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A est dirigée contre les dispositions de l'article L. 124-20 du code général de la fonction publique et en particulier de son 3°, issues de l'ordonnance du 24 novembre 2021. Selon cet article : " Si l'avis de compatibilité avec réserves ou d'incompatibilité rendu en application des 2° ou 3° de l'article L. 124-14 n'est pas respecté : / 1° L'agent public peut faire l'objet de poursuites disciplinaires ; / 2° Le fonctionnaire retraité peut faire l'objet d'une retenue sur pension, dans la limite de 20 % du montant de la pension versée, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions ; / 3° L'administration ne peut procéder au recrutement de l'agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l'avis rendu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ; / 4° Il est mis fin au contrat dont est titulaire l'agent à la date de notification de l'avis rendu par la Haute Autorité, sans préavis et sans indemnité de rupture. / Les 1° à 4° s'appliquent également en l'absence de saisine préalable de l'autorité hiérarchique ".

4. Les dispositions mentionnées au point 3 sont applicables au litige et relèvent du domaine de la loi. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le grief tiré de ce que les dispositions du 3° de cet article ainsi que de son dernier alinéa portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découle le principe de nécessité et de proportionnalité des sanctions, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ces dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du 3° et du dernier alinéa de l'article L. 124-20 du code général de la fonction publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B A, à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et au ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique.

Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre du travail et de l'emploi.

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