Cour de cassation

Arrêt du 24 octobre 2024 n° 24-13.766

24/10/2024

Non renvoi

CIV. 3

 

COUR DE CASSATION

 

CL

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 24 octobre 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

Mme TEILLER, président

 

Arrêt n° 629 FS-D

 

Pourvoi n° J 24-13.766

 

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024

 

Par mémoire spécial présenté le 6 août 2024,

 

1°/ M. [T] [N],

 

2°/ Mme [O] [L], épouse [N],

 

tous deux domiciliés [Adresse 2], [Localité 3],

 

ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1203) à l'occasion du pourvoi n° J 24-13.766 formé contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2024 par la cour d'appel de Versailles (chambre 1-2), dans une instance les opposant :

 

1°/ à M. [V] [F],

 

2°/ à Mme [C] [J], épouse [F],

 

tous deux domiciliés [Adresse 1], [Localité 3],

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de M. et Mme [N], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [F], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

 

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. Propriétaires d'une parcelle séparée de celle de M. et Mme [F] par une partie de terrain appartenant à M. et Mme [G], M. et Mme [N] ont assigné M. et Mme [F] en élagage des branches du chêne, situé sur le terrain de ces derniers, surplombant leur fonds et en indemnisation de leurs préjudices.

 

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

 

2. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2024 par la cour d'appel de Versailles, M. et Mme [N] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

 

« L'article 673 du code civil, tel qu'il a été interprété par la Cour de cassation dans son arrêt du 20 juin 2019 (pourvoi n° 18-12.278), méconnaît-il le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe d'égalité devant la loi protégé par l'article 6 de cette même Déclaration, en ce que ses dispositions, qui confèrent au propriétaire du fonds sur lequel s'étendent les branches d'un arbre implanté sur le fonds de son voisin le droit imprescriptible de contraindre celui-ci à les couper, ne sont applicables qu'aux fonds contigus ? »

 

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

 

3. La disposition contestée est applicable au litige, les demandeurs au pourvoi fondant leurs prétentions sur l'article 673 du code civil.

 

4. Au regard de la portée effective que lui confère l'interprétation jurisprudentielle constante invoquée par la question (3e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-12.278, publié), elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

5. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

6. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

7. En effet, en premier lieu, le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec la loi qui l'établit.

 

8. Or, la différence de traitement entre les propriétaires d'une parcelle contiguë au fonds sur lequel sont situés les arbres, arbustes et arbrisseaux dont les branches avancent, et ceux dont la parcelle n'est pas contiguë à ce fonds repose sur une différence de situation objective résultant de la configuration des fonds, en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

 

9. Il en résulte que la différence de traitement critiquée ne méconnaît pas le principe d'égalité.

 

10. En second lieu, l'article 673 du code civil, tel qu'interprété par la Cour de cassation, n'a ni pour objet ni pour effet de priver le propriétaire d'un fonds, non contigu à celui sur lequel sont implantés les arbres, arbustes ou arbrisseaux dont les branches dépassent sur le sien, de son droit de propriété et ne porte pas à celui-ci une atteinte excessive, dès lors que d'autres voies de droit permettent d'agir en cessation des troubles qui en résulteraient et en réparation des atteintes pouvant être portées à ce droit.

 

11. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre.

Code publication

n