Non-lieu à statuer
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2024, M. B A, représenté par Me Mindren, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du préfet de la Gironde du 3 juillet 2023 portant classement sans suite de sa déclaration de nationalité, ensemble la décision implicite de rejet du 4 novembre 2023 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à Me Mindren, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat accordée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 21-13-2 du code civil ;
- elle méconnaît le principe d'égalité.
La requête a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par un mémoire distinct, enregistré le 3 juin 2024, M. A demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision portant classement sans suite de sa déclaration de nationalité, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 21-13-2 du code civil.
Par courriers du 9 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative, en application de l'article 29 du code civil et des articles 17-4 et 17-2 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.
Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2024, M. A a fait valoir ses observations sur ce moyen d'ordre public.
M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lorrain Mabillon.
Considérant ce qui suit :
1. M. B A, né le 23 février 1986 au Maroc et de nationalité marocaine, est entré sur le territoire français en 1987, y a accompli l'ensemble de sa scolarité et y réside de manière régulière sous couvert d'une carte de résident longue durée. Ses quatre frères, nés en France en 1987, 1998, 1993 et 1999, sont de nationalité française en application de l'article 19-3 du code civil, le père de M. A étant lui-même né en France. M. A a sollicité l'acquisition de la nationalité française sur le fondement de l'article 21-13-2 du code civil. Le 7 mars 2023, le préfet de la Gironde l'a invité à produire des pièces nécessaires à l'instruction de sa demande. Par courrier du 3 juillet 2023, le préfet de la Gironde a classé sans suite sa demande comme incomplète faute pour M. A d'avoir produit un document établissant que son frère ou sa sœur avait acquis la nationalité française en application des articles 21-7 ou 21-11 du code civil. Par sa requête, M. A demande au tribunal d'annuler cette décision, ensemble la décision implicite de rejet du 4 novembre 2023 portant rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2024. Il n'y a pas lieu, par suite, de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
3. En second lieu, aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. ". Aux termes de l'article 17-2 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable par renvoi de l'article 17-4 du même décret, aux déclarations de nationalité souscrites en application de l'article 21-13-2 du code civil : " " I. -Si la déclaration n'est pas assortie de l'ensemble des pièces dont la production est requise en vertu de l'article 17-1, le préfet compétent pour la recevoir en vertu de l'article 3 met l'intéressé en demeure de produire les pièces manquantes dans le délai qu'il fixe. Il l'informe qu'à défaut de production des pièces réclamées son dossier pourra faire l'objet d'une décision de classement sans suite. / La notification d'une décision de classement sans suite mentionne que cette décision ne fait pas obstacle à la souscription d'une nouvelle déclaration et qu'elle peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal judiciaire dans le délai de six mois. ".
4. Il résulte des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 17-2 du décret du 30 décembre 1993 qu'il n'appartient qu'au tribunal judiciaire de connaître de la contestation de la décision par laquelle le préfet classe sans suite une déclaration de nationalité souscrite en application de l'article 21-13-2 du code civil.
5. La décision attaquée du préfet de la Gironde du 3 juillet 2023 classe sans suite la déclaration de nationalité française souscrite par M. A au titre de l'article 21-13-2 du code civil. Il en résulte que sa requête dirigée contre cette décision ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande de renvoi au Conseil Constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, la requête doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de M. A est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Chauvin, présidente,
Mme Ballanger, première conseillère,
Mme Lorrain Mabillon, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
A. LORRAIN MABILLON La présidente,
A. CHAUVIN
La greffière,
C. LALITTE
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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