Conformité - réserve
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 25 juillet 2024 par le Conseil d’État (décision nos 493887, 494120 et 494964 du 24 juillet 2024), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le groupement forestier Forêt de Teillay et autres par Me Henri Savoie, avocat au barreau de Paris, pour la société Les Nardilays et autres par Me Patrick Mèle, avocat au barreau de Paris, et pour la fédération nationale des chasses professionnelles et autres par Me Aymard de la Ferté–Sénectère, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024–1109 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 171–1, L. 372–1, L. 424–3–1 et L. 428–21 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations en intervention présentées par l’association Les amis des chemins de Sologne, enregistrées le 2 août 2024 ;
– les observations présentées pour le groupement forestier Forêt de Teillay et autres par Me Savoie, enregistrées le 5 août 2024 ;
– les observations présentées par le Président du Sénat, enregistrées le 9 août 2024 ;
– les observations en intervention présentées par l’association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement, enregistrées le même jour ;
– les observations en intervention présentées par l’association Comité central agricole de la Sologne, enregistrées le même jour ;
– les observations présentées pour la société Les Nardilays et autres par Me Mèle, enregistrées le 12 août 2024 ;
– les observations en intervention présentées pour le groupement foncier rural Champ Guilbert par Me Louis Ribière, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ;
– les observations en intervention présentées par l’association nationale des chasseurs de grand gibier, enregistrées le 13 août 2024 ;
– les observations présentées pour la fédération nationale des chasses professionnelles et autres par Me de la Ferté–Sénectère, enregistrées le 14 août 2024 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
– les observations en intervention présentées pour la fédération nationale de la propriété privée rurale par la SCP Foussard–Froger, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
– les observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 14 août 2024 ;
– les observations en intervention présentées par l’association Ligue pour la protection des oiseaux, enregistrées le même jour ;
– les secondes observations présentées pour le groupement forestier Forêt de Teillay et autres par Me Savoie, enregistrées le 27 août 2024 ;
– les secondes observations présentées pour la société Les Nardilays et autres par Me Mèle, enregistrées le 28 août 2024 ;
– les secondes observations en intervention présentées pour la fédération nationale de la propriété privée rurale par la SCP Foussard–Froger, enregistrées le même jour ;
– les secondes observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le même jour ;
– les secondes observations en intervention présentées pour le groupement foncier rural Champ Guilbert par Me Ribière, enregistrées le même jour ;
– les secondes observations en intervention présentées par l’association Ligue pour la protection des oiseaux, enregistrées le même jour ;
– les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Savoie, pour le groupement forestier Forêt de Teillay et autres, Me Mèle, pour la société Les Nardilays et autres, Me de la Ferté–Sénectère, pour la fédération nationale des chasses professionnelles et autres, Me Michaël Grienenberger–Fass, avocat au barreau de Paris, pour l’association Les amis des chemins de Sologne et autres, Me Ribière, pour le groupement foncier rural Champ Guilbert, Me Delphine Rooz, avocate au barreau de Paris, pour la fédération nationale de la propriété privée rurale, Me Clarisse Macé, avocate au barreau de Paris, pour l’association France nature environnement, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 8 octobre 2024 ;
Au vu des pièces suivantes :
– la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 11 octobre 2024 ;
– la note en délibéré présentée pour le groupement forestier Forêt de Teillay et autres par Me Savoie, enregistrée le même jour ;
– la note en délibéré présentée pour la société Les Nardilays et autres par Me Mèle, enregistrée le même jour ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. L’article L. 171–1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 février 2023 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« I. – Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l’article L. 170–1 ont accès :
« 1° Aux locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du présent code, à l’exclusion des locaux à usage d’habitation. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures et, en dehors de ces heures, lorsqu’ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le présent code ;
« 2° Aux autres lieux, notamment aux enclos, à tout moment, où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du présent code ;
« 3° Aux véhicules, navires, bateaux, embarcations et aéronefs utilisés pour la détention, le transport, la conservation ou la commercialisation des animaux, des végétaux ou de tout autre produit susceptible de constituer un manquement aux prescriptions du présent code.
« II. – Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment ».
2. L’article L. 372–1 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, prévoit :
« Les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151–9 du code de l’urbanisme ou, à défaut d’un tel règlement, dans les espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles sont posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1,20 mètre et elles ne peuvent ni être vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. Ces clôtures sont en matériaux naturels ou traditionnels définis par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251–1 du code général des collectivités territoriales, par le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse prévu aux articles L. 4424–9 à L. 4424–15–1 du même code, par le schéma d’aménagement régional pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion prévu à l’article L. 4433–7 dudit code ou par le schéma directeur de la région d’Île-de-France prévu à l’article L. 123–1 du code de l’urbanisme. Les clôtures existantes sont mises en conformité avant le 1er janvier 2027. Tout propriétaire procède à la mise en conformité de ses clôtures dans des conditions qui ne portent pas atteinte à l’état sanitaire, aux équilibres écologiques ou aux activités agricoles ou forestières du territoire. Le présent alinéa ne s’applique pas aux clôtures réalisées plus de trente ans avant la publication de la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Il appartient au propriétaire d’apporter par tous moyens la preuve de la date de construction de la clôture, y compris par une attestation administrative. Toute réfection ou rénovation de clôtures construites plus de trente ans avant la promulgation de la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 précitée doit être réalisée selon les critères définis au présent article.
« Le premier alinéa du présent article ne s’applique pas :
« 1° Aux clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse ;
« 2° Aux clôtures des élevages équins ;
« 3° Aux clôtures érigées dans un cadre scientifique ;
« 4° Aux clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial ;
« 5° Aux domaines nationaux définis à l’article L. 621–34 du code du patrimoine ;
« 6° Aux clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole définie à l’article L. 311–1 du code rural et de la pêche maritime ;
« 7° Aux clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières ;
« 8° Aux clôtures posées autour des jardins ouverts au public ;
« 9° Aux clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre intérêt public.
« L’implantation de clôtures dans les espaces naturels et les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151–9 du code de l’urbanisme est soumise à déclaration.
« Les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation ».
3. L’article L. 424–3–1 du même code, dans la même rédaction, prévoit :
« I. – Tout propriétaire d’un enclos prenant la décision d’en supprimer la clôture ou se conformant à l’article L. 372–1 procède à l’effacement de celle-ci dans des conditions qui ne portent atteinte ni à l’état sanitaire, ni aux équilibres écologiques, ni aux activités agricoles du territoire.
« II. – Dans le cas où une des atteintes mentionnées au I du présent article résulte de l’effacement d’une clôture, celui-ci est soumis à déclaration préalable auprès du représentant de l’État dans le département où l’enclos est situé.
« III. – Les modalités de déclaration préalable prévoient notamment d’informer l’administration des mesures qui sont prises préalablement à l’effacement de la clôture en vue de la régulation des populations de grand gibier contenues dans l’enclos.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture détermine ces modalités de déclaration préalable ».
4. L’article L. 428–21 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit :
« Les gardes-chasse particuliers assermentés constatent par procès-verbaux les infractions aux dispositions du présent titre qui portent préjudice aux détenteurs de droits de chasse qui les emploient.
« Leurs procès-verbaux font foi jusqu’à preuve contraire.
« Ils sont habilités à procéder à la saisie du gibier tué à l’occasion des infractions qu’ils constatent et ils en font don à l’établissement de bienfaisance le plus proche ou le détruisent.
« Par ailleurs, les agents de développement mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 421–5 constatent par procès-verbaux, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent article, les infractions relatives à la conformité des clôtures mentionnées à l’article L. 372–1, au plan de gestion annuel mentionné au I de l’article L. 424–3, au schéma départemental de gestion cynégétique, au plan de chasse et au permis de chasser, sur tous les territoires du département dont les propriétaires et détenteurs du droit de chasse sont adhérents d’une fédération. Ils disposent à cet effet des mêmes droits d’accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et aux agents chargés de la police de l’environnement en application du 1° du I de l’article L. 171–1. Toute infraction constatée est signalée au représentant de l’État dans le département ».
5. En premier lieu, les requérants, rejoints par certaines parties intervenantes, reprochent à l’article L. 372-1 du code de l’environnement d’imposer aux propriétaires fonciers la mise en conformité des clôtures implantées sur leurs terrains, pouvant conduire à leur destruction totale ou partielle, sans prévoir une indemnisation. Elles institueraient ainsi une privation de propriété en méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
6. Ils reprochent également à ces dispositions de remettre en cause le droit de se clore en interdisant aux propriétaires d’édifier ou de maintenir des clôtures protégeant leur bien de toute intrusion. Selon eux, cette interdiction, dont le champ d’application serait trop large, ne serait pas justifiée par un motif d’intérêt général. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété, garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789.
7. Certains requérants font valoir en outre que, en raison de l’imprécision des termes « espaces naturels » et « clôtures », ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant le droit de propriété.
8. Par ailleurs, les requérants et certaines parties intervenantes soutiennent que, en prévoyant que cette obligation de mise en conformité s’applique de manière rétroactive aux clôtures régulièrement édifiées jusqu’à trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023, ces dispositions porteraient atteinte à des situations légalement acquises ainsi qu’aux attentes légitimes des propriétaires, sans motif d’intérêt général suffisant. Elles seraient ainsi contraires à la garantie des droits protégée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi que, selon certains requérants, aux principes de sûreté et de sécurité juridique.
9. De plus, ils soutiennent que, en excluant de l’obligation de mise en conformité les clôtures édifiées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023, ces dispositions instaureraient une différence de traitement injustifiée entre propriétaires, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
10. Enfin, certains requérants font valoir que ces dispositions auraient pour effet de faire obstacle à l’exploitation commerciale de certains enclos cynégétiques réservés au petit gibier, en méconnaissance de la liberté d’entreprendre.
11. En deuxième lieu, les requérants et certaines parties intervenantes reprochent aux dispositions de l’article L. 424–3–1 du même code de faire supporter aux propriétaires la charge financière de l’effacement de leurs clôtures ainsi que le coût des mesures de régulation du gibier qu’il appartiendrait à l’État de supporter. En outre, ces dispositions causeraient un préjudice anormal et spécial aux propriétaires, notamment lorsqu’ils exploitent une activité de chasse commerciale. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration de 1789.
12. En dernier lieu, les requérants reprochent aux dispositions des articles L. 171–1 et L. 428–21 du même code de permettre aux fonctionnaires et agents chargés de la protection de l’environnement, ainsi qu’aux agents de développement recrutés par les fédérations départementales des chasseurs, d’accéder à tout moment aux enclos, quand bien même ils auraient le caractère d’un domicile, sans avoir à recueillir l’assentiment du propriétaire ni, en cas de refus de ce dernier, l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Il en résulterait une méconnaissance de l’inviolabilité du domicile ainsi que du droit au respect de la vie privée. Certains requérants reprochent également à ces dispositions de méconnaître, pour les mêmes motifs, le droit à un recours juridictionnel effectif.
13. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « notamment aux enclos » figurant au 2° du paragraphe I de l’article L. 171–1 du code de l’environnement, sur les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 372–1 du même code, sur les mots « ou se conformant à l’article L. 372-1 » figurant au paragraphe I de l’article L. 424–3–1 de ce même code et sur l’avant–dernière phrase du dernier alinéa de son article L. 428–21.
– Sur les dispositions contestées de l’article L. 372–1 du code de l’environnement :
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du droit de propriété et de l’incompétence négative du législateur :
14. La propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
15. Il résulte du droit de propriété le droit pour le propriétaire de clore son bien foncier.
16. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle–même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
17. Selon les dispositions contestées, les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques.
18. En premier lieu, ces dispositions visent uniquement à soumettre l’implantation, la réfection ou la rénovation de clôtures au respect de telles caractéristiques. Il en résulte que, si cette obligation peut conduire à la destruction d’une clôture, elle n’entraîne pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation à l’exercice du droit de propriété.
20. En troisième lieu, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou, en l’absence d’un tel règlement, dans les espaces naturels. À cet égard, les notions de « clôture » et d’« espaces naturels » ne sont pas imprécises.
21. En quatrième lieu, d’une part, ces dispositions, qui imposent que les clôtures respectent une distance de trente centimètres au-dessus du sol et une hauteur limitée à un mètre vingt, ne font pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers. D’autre part, les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les objectifs précités et le droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence.
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits :
24. Selon l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
25. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.
26. Les dispositions contestées obligent tout propriétaire à procéder à la mise en conformité des clôtures édifiées moins de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023 avec les caractéristiques qu’elles prévoient et selon certaines conditions.
27. En imposant la mise en conformité des clôtures existantes, y compris lorsque celles-ci ont été régulièrement implantées, ces dispositions portent atteinte à des situations légalement acquises.
28. Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel eu égard aux conséquences sur l’environnement de leur multiplication au cours des trente dernières années. Ce faisant, il a poursuivi, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 19, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que les objectifs d’intérêt général précités.
29. En deuxième lieu, d’une part, les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures. D’autre part, l’obligation de mise en conformité des clôtures existantes ne s’applique pas aux clôtures réalisées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023.
30. En dernier lieu, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 21, ces dispositions n’empêchent pas les propriétaires de maintenir des clôtures existantes, afin de matérialiser physiquement leur propriété pour en interdire l’accès aux tiers, à la condition qu’elles respectent les caractéristiques qu’elles prévoient. En outre, elles s’appliquent sous réserve des mêmes exceptions que celles mentionnées au paragraphe 22.
31. Il résulte de ce qui précède que l’atteinte portée aux situations légalement acquises est, en l’espèce, justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants et proportionnée aux buts poursuivis.
32. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi :
33. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
34. Au regard de l’objet des dispositions contestées, qui visent à réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel réalisés au cours des trente dernières années, les propriétaires fonciers ne sont pas placés dans la même situation selon que leurs clôtures ont été ou non édifiées au moins trente ans avant la date de publication de la loi du 2 février 2023.
35. Dès lors, la différence de traitement résultant de ces dispositions, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.
36. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
37. Il résulte de tout ce qui précède que les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 372-1 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d’entreprendre, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
– Sur les dispositions contestées de l’article L. 424-3-1 du code de l’environnement :
38. Selon l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Si cet article n’interdit pas de faire supporter, pour un motif d’intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
39. Les dispositions contestées de l’article L. 424-3-1 du code de l’environnement fixent les conditions dans lesquelles un propriétaire foncier procède à l’effacement d’une clôture, lorsqu’il décide de se conformer aux critères définis par l’article L. 372-1 du même code.
40. En prévoyant que la mise en conformité d’une clôture doit être effectuée dans des conditions qui ne portent atteinte ni à l’état sanitaire du territoire, ni aux équilibres écologiques, ni aux activités agricoles, ces dispositions, qui n’ont pas pour objet ni pour effet de reporter sur les propriétaires des dépenses incombant par nature à l’État, ne créent aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
41. Le grief tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut donc qu’être écarté.
42. Par suite, les mots « ou se conformant à l’article L. 372-1 » figurant au paragraphe I de l’article L. 424-3-1 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.
– Sur les dispositions contestées de l’article L. 171–1 du code de l’environnement :
43. Selon l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile.
44. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile.
45. L’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ces derniers peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation.
46. Ces fonctionnaires et agents ont également accès à tout moment aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code, dont font partie, en application des dispositions contestées, les enclos.
47. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
49. Par suite, eu égard à la nature des lieux auxquels ces agents peuvent accéder à tout moment, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le principe de l’inviolabilité du domicile.
50. Par conséquent, les mots « notamment aux enclos » figurant au 2° du paragraphe I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la réserve énoncée au paragraphe 48, être déclarés conformes à la Constitution.
– Sur les dispositions contestées de l’article L. 428–21 du code de l’environnement :
51. L’article L. 428–21 du code de l’environnement prévoit que les agents de développement, recrutés par les fédérations départementales de chasseurs, sont chargés de constater certaines infractions aux règles de ce même code.
52. En application des dispositions contestées de cet article, ces agents disposent des mêmes droits d’accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l’environnement en application du 1° du paragraphe I de l’article L. 171–1 du même code.
53. Ces dernières dispositions autorisent uniquement les agents de développement à accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code, à l’exclusion des locaux à usage d’habitation. En revanche, elles ne leur permettent pas d’accéder aux autres lieux, et notamment aux enclos, dont l’accès est régi par les dispositions du 2° du paragraphe I du même article.
54. Dès lors, d’une part, le grief tiré de ce que les dispositions contestées de l’article L. 428–21 du code de l’environnement, en permettant à ces agents d’accéder à des enclos, méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile ne peut qu’être écarté. D’autre part, eu égard aux garanties qu’elles prévoient, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
55. L’avant–dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 428–21 du même code, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. – Sont conformes à la Constitution :
– les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 372-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée ;
– les mots « ou se conformant à l’article L. 372-1 » figurant au paragraphe I de l’article L. 424–3-1 du même code, dans la même rédaction ;
– l’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 428–21 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi.
Article 2. – Sous la réserve énoncée au paragraphe 48, les mots « notamment aux enclos » figurant au 2° du paragraphe I de l’article L. 171–1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023–54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, sont conformes à la Constitution.
Article 3. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 octobre 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS.
Rendu public le 18 octobre 2024.
Abstracts
1.2.3.9
Droit de propriété
La propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il résulte du droit de propriété le droit pour le propriétaire de clore son bien foncier.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 14 15
3.3.4.2.1
Le législateur a épuisé sa compétence
Selon les dispositions contestées, les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques. Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou, en l’absence d’un tel règlement, dans les espaces naturels. À cet égard, les notions de « clôture » et d’« espaces naturels » ne sont pas imprécises. Rejet du grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 17 20 23
4.2.2.4.1
Atteinte à un acte ou à une situation légalement acquise
Les dispositions contestées obligent tout propriétaire à procéder à la mise en conformité des clôtures édifiées moins de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023 avec les caractéristiques qu’elles prévoient et selon certaines conditions. En imposant la mise en conformité des clôtures existantes, y compris lorsque celles-ci ont été régulièrement implantées, ces dispositions portent atteinte à des situations légalement acquises. Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel eu égard aux conséquences sur l’environnement de leur multiplication au cours des trente dernières années. Ce faisant, il a poursuivi, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 19, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que les objectifs d’intérêt général précités. En deuxième lieu, d’une part, les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures. D’autre part, l’obligation de mise en conformité des clôtures existantes ne s’applique pas aux clôtures réalisées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023. En dernier lieu, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 21, ces dispositions n’empêchent pas les propriétaires de maintenir des clôtures existantes, afin de matérialiser physiquement leur propriété pour en interdire l’accès aux tiers, à la condition qu’elles respectent les caractéristiques qu’elles prévoient. En outre, elles s’appliquent sous réserve des mêmes exceptions que celles mentionnées au paragraphe 22.Il résulte de ce qui précède que l’atteinte portée aux situations légalement acquises est, en l’espèce, justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants et proportionnée aux buts poursuivis. Rejet du grief.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 26 27 28 29 30 31 32
4.5.3
Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)
L’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ces derniers peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation. Ces fonctionnaires et agents ont également accès à tout moment aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code, dont font partie, en application des dispositions contestées, les enclos. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. En second lieu, en vertu du paragraphe II de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de l’inviolabilité du domicile, permettre à ces agents d’accéder à des enclos sans l’accord de l’occupant, si ces lieux sont susceptibles de constituer un domicile. Par suite, eu égard à la nature des lieux auxquels ces agents peuvent accéder à tout moment, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le principe de l’inviolabilité du domicile.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 45 46 47 48 49
4.5.3
Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)
L’article L. 428–21 du code de l’environnement prévoit que les agents de développement, recrutés par les fédérations départementales de chasseurs, sont chargés de constater certaines infractions aux règles de ce même code. En application des dispositions contestées de cet article, ces agents disposent des mêmes droits d’accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l’environnement en application du 1° du paragraphe I de l’article L. 171–1 du même code. Ces dernières dispositions autorisent uniquement les agents de développement à accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code, à l’exclusion des locaux à usage d’habitation. En revanche, elles ne leur permettent pas d’accéder aux autres lieux, et notamment aux enclos, dont l’accès est régi par les dispositions du 2° du paragraphe I du même article. Dès lors, d’une part, le grief tiré de ce que les dispositions contestées de l’article L. 428–21 du code de l’environnement, en permettant à ces agents d’accéder à des enclos, méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile ne peut qu’être écarté. D’autre part, eu égard aux garanties qu’elles prévoient, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 51 52 53 54
4.7.4.1
Notion de privation de propriété
Selon les dispositions contestées, les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques. Ces dispositions visent uniquement à soumettre l’implantation, la réfection ou la rénovation de clôtures au respect de telles caractéristiques. Il en résulte que, si cette obligation peut conduire à la destruction d’une clôture, elle n’entraîne pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation à l’exercice du droit de propriété.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 17 18
4.7.5.1
Principe de conciliation avec des objectifs d'intérêt général
Selon les dispositions contestées, les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques. [...] En deuxième lieu, d’une part, il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la libre circulation des animaux sauvages dans les milieux naturels afin de prévenir les risques sanitaires liés au cloisonnement des populations animales, de remédier à la fragmentation de leurs habitats et de préserver la biodiversité. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. D’autre part, le législateur a cherché à faciliter l’intervention des services de lutte contre l’incendie. Il a aussi souhaité éviter une dégradation des paysages. Il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général. En troisième lieu, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou, en l’absence d’un tel règlement, dans les espaces naturels. [...]. En quatrième lieu, d’une part, ces dispositions, qui imposent que les clôtures respectent une distance de trente centimètres au-dessus du sol et une hauteur limitée à un mètre vingt, ne font pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers. D’autre part, les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation. En dernier lieu, le législateur a circonscrit le champ de l’obligation prévue par les dispositions contestées. En sont exclues en particulier les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse, les clôtures des élevages équins, les clôtures érigées dans un cadre scientifique, les clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial, les clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole, les clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières, ainsi que les clôtures nécessaires à la sécurité publique. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les objectifs précités et le droit de propriété. Rejet du grief.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 17 19 20 21 22 23
4.7.5.3
Atteinte au droit de propriété non contraire à la Constitution
Selon les dispositions contestées, les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques. [...] En deuxième lieu, d’une part, il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la libre circulation des animaux sauvages dans les milieux naturels afin de prévenir les risques sanitaires liés au cloisonnement des populations animales, de remédier à la fragmentation de leurs habitats et de préserver la biodiversité. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. D’autre part, le législateur a cherché à faciliter l’intervention des services de lutte contre l’incendie. Il a aussi souhaité éviter une dégradation des paysages. Il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général. En troisième lieu, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou, en l’absence d’un tel règlement, dans les espaces naturels [...]. En quatrième lieu, d’une part, ces dispositions, qui imposent que les clôtures respectent une distance de trente centimètres au-dessus du sol et une hauteur limitée à un mètre vingt, ne font pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers. D’autre part, les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation. En dernier lieu, le législateur a circonscrit le champ de l’obligation prévue par les dispositions contestées. En sont exclues en particulier les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse, les clôtures des élevages équins, les clôtures érigées dans un cadre scientifique, les clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial, les clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole, les clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières, ainsi que les clôtures nécessaires à la sécurité publique. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les objectifs précités et le droit de propriété. Rejet du grief.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 17 19 20 21 22 23
5.1.4.13
Droit de l'environnement
Au regard de l’objet des dispositions contestées, qui visent à réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel réalisés au cours des trente dernières années, les propriétaires fonciers ne sont pas placés dans la même situation selon que leurs clôtures ont été ou non édifiées au moins trente ans avant la date de publication de la loi du 2 février 2023. Dès lors, la différence de traitement résultant de ces dispositions, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi. Rejet du grief.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 34 35 36
5.4.3.2
Cadre d'appréciation du principe
Les dispositions contestées de l’article L. 424-3-1 du code de l’environnement fixent les conditions dans lesquelles un propriétaire foncier procède à l’effacement d’une clôture, lorsqu’il décide de se conformer aux critères définis par l’article L. 372-1 du même code. En prévoyant que la mise en conformité d’une clôture doit être effectuée dans des conditions qui ne portent atteinte ni à l’état sanitaire du territoire, ni aux équilibres écologiques, ni aux activités agricoles, ces dispositions, qui n’ont pas pour objet ni pour effet de reporter sur les propriétaires des dépenses incombant par nature à l’État, ne créent aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Rejet du grief.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 39 40 41
11.6.3.5.1
Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 13
11.7.2.2.3
Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée
Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la libre circulation des animaux sauvages dans les milieux naturels afin de prévenir les risques sanitaires liés au cloisonnement des populations animales, de remédier à la fragmentation de leurs habitats et de préserver la biodiversité. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. [...] le législateur a cherché à faciliter l’intervention des services de lutte contre l’incendie. Il a aussi souhaité éviter une dégradation des paysages. Il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 19
11.7.2.2.3
Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée
Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel eu égard aux conséquences sur l’environnement de leur multiplication au cours des trente dernières années. Ce faisant, il a poursuivi, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 19, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que les objectifs d’intérêt général précités.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 28
16.8
CODE DE L'ENVIRONNEMENT
L’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ces derniers peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation. Ces fonctionnaires et agents ont également accès à tout moment aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code, dont font partie, en application des dispositions contestées, les enclos. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. En second lieu, en vertu du paragraphe II de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de l’inviolabilité du domicile, permettre à ces agents d’accéder à des enclos sans l’accord de l’occupant, si ces lieux sont susceptibles de constituer un domicile. Par suite, eu égard à la nature des lieux auxquels ces agents peuvent accéder à tout moment, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le principe de l’inviolabilité du domicile.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 45 46 47 48 49
16.26
DROIT DE PROPRIETE
L’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ces derniers peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation. Ces fonctionnaires et agents ont également accès à tout moment aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code, dont font partie, en application des dispositions contestées, les enclos. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. En second lieu, en vertu du paragraphe II de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de l’inviolabilité du domicile, permettre à ces agents d’accéder à des enclos sans l’accord de l’occupant, si ces lieux sont susceptibles de constituer un domicile. Par suite, eu égard à la nature des lieux auxquels ces agents peuvent accéder à tout moment, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le principe de l’inviolabilité du domicile.
2024-1109 QPC, 18 octobre 2024, paragr. 45 46 47 48 49