Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2024, la société Baalon Energies, représentée par Me Cassin, demande au tribunal administratif, en application de l'article L. 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 à l'appui de sa requête tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la société Electricité de France à lui verser une somme de 2 555 072,12 euros, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
Elle soutient que :
- la disposition contestée est applicable au litige, dès lors notamment que son application est rétroactive à compter du 1er janvier 2022 ;
- elle n'a fait l'objet d'aucune déclaration de conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
- elle n'est pas conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, dès lors qu'elle a pour effet de priver les producteurs d'électricité ayant conclu des contrats en application des articles L. 311-12 et L. 314-18 du code de l'énergie de toute espérance de gains au-delà du prix fixé contractuellement et, par conséquent, d'une partie de leur rémunération au titre de la production d'électricité alors même qu'aucun motif d'intérêt général ne le justifie, de sorte qu'il en résulte une atteinte manifeste aux conditions d'exercice du droit de propriété ;
- elle n'est pas conforme au principe de liberté contractuelle et au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, dès lors qu'elle porte atteinte, en cours d'exécution, à un élément essentiel des contrats légalement conclus par les producteurs d'électricité sans que les modifications rétroactives des contrats de complément de rémunération qui en découlent ainsi que la période de rétroactivité de la mesure ne soient proportionnées à l'objectif poursuivi par le législateur, et alors même que le seul motif financier poursuivi par le législateur ne constitue pas un motif impérieux d'intérêt général permettant cette validation rétroactive ;
- elle n'est pas conforme à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et au principe de garantie des droits, dès lors que le reversement intégral de l'excédent de rémunération par rapport au prix garanti contractuellement prive les producteurs d'électricités des effets légitimement attendus des contrats légalement conclus ;
- elle n'est pas conforme au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, dès lors qu'elle introduit une différence de traitement entre les producteurs d'électricité bénéficiant de contrats de complément de rémunération et ceux opérant sans ces contrats alors que l'ensemble de ces producteurs a bénéficié d'une situation de marché durablement élevée de sorte qu'ils se trouvent dans une situation similaire au regard de l'objet de lutte contre la rémunération excessive ;
- la question posée présente un caractère sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsqu'à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (...) ". L'article R. 771-6 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction n'est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par le même moyen, une disposition législative dont le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d'absence de transmission pour ce motif, elle diffère sa décision sur le fond jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'État ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel. ". Et enfin aux termes de l'article R. 771-7 du même code : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".
2. Par une ordonnance n° 2304456 du 12 septembre 2024, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens, estimant que la question n'était pas dépourvue de caractère sérieux, a transmis au Conseil d'Etat la même question prioritaire de constitutionnalité que celle invoquée par la société requérante dans la présente instance. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre à nouveau cette question au Conseil d'Etat. Il appartiendra seulement au tribunal, en application des dispositions précitées de l'article R. 771-6 du code de justice administrative, de différer son jugement au fond jusqu'à ce qu'il soit informé de la décision du Conseil d'Etat ou, si la question lui est transmise, de la décision du Conseil Constitutionnel.
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Baalon Energies.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Baalon Energies, à la société Electricité de France et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Fait à Nancy, le 16 octobre 2024.
La présidente de la 3ème chambre,
A. Samson-Dye
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.