Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 août et 9 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B A demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-754 du 7 juillet 2024 relatif à l'expérimentation prévue à l'article 21 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie.
Il soutient que :
- le décret attaqué lui fait grief ;
- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les articles 226-18 et 226-19-1 du code pénal, la dignité de la personne humaine et la liberté d'entreprendre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article 21 de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie prévoit, à compter du 1er janvier 2025, la mise en œuvre d'une expérimentation visant à modifier les modalités de financement des services autonomie à domicile mentionnés à l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles au titre de leur activité d'aide et d'accompagnement, par dix départements au plus, qui, pour une durée maximale de deux ans prenant fin au plus tard le 31 décembre 2026, peuvent, d'une part, mettre en place une dotation globale ou forfaitaire, en remplacement total ou partiel des tarifs horaires appliqués, dans le cadre d'une convention avec les services concernés, et, d'autre part, allouer tout ou partie de la dotation mentionnée au 3° du I de l'article L. 314-2-1 du même code sous la forme d'une dotation populationnelle dépendant du nombre et des caractéristiques des usagers concernés et pouvant être modulée selon des engagements relatifs à la qualité du service, à la prévention et à l'accompagnement.
2. Le décret du 7 juillet 2024 relatif à l'expérimentation prévue à l'article 21 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie définit les modalités d'organisation, de mise en œuvre et d'évaluation de cette expérimentation. Il dispose notamment que les départements sont sélectionnés dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt organisé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, que les modèles de financement expérimentés visent à améliorer la qualité de la prise en charge, l'équilibre économique des services et la qualité de vie au travail des professionnels, que chaque président du conseil départemental sélectionné conclut une convention avec le directeur général de l'agence régionale de santé et le directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie avant le 31 décembre 2024, que chaque département expérimentateur organise un appel à manifestation d'intérêt en vue de sélectionner des services autonomie à domicile volontaires et de statuts juridiques différents pour participer à l'expérimentation et qu'un comité national de suivi de l'expérimentation et des comités de pilotage départementaux sont mis en place, la composition du comité d'évaluation prévu au II de l'article 21 de la loi du 8 avril 2024 étant également précisée. M. A demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat (...) qui se prononce dans un délai déterminé ". Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ".
4. Les dispositions du décret contesté présentent un caractère réglementaire et ne sont ainsi pas au nombre des dispositions législatives, seules visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Elles ne sont, en conséquence, pas susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Sur les autres moyens de la requête :
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le décret contesté a pour seul objet de préciser les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation d'une modification du financement des services autonomie à domicile au titre de leur activité d'aide et d'accompagnement prévue par l'article 21 de la loi du 8 avril 2024, sans prévoir lui-même de modèle de financement. Par suite, M. A ne peut utilement soutenir que le décret contesté instituerait un financement des activités d'aide et d'accompagnement par des dotations " déloyales " reposant sur des " catégorisations " et des " surfacturations " dont les usagers n'auraient pas été informés et pour lesquelles ils n'auraient pas consenti au traitement de leurs données personnelles.
6. Pour le même motif, il ne peut pas plus utilement soutenir que les modèles de financement expérimentés auraient dû comporter des dispositions destinées à contrôler les manquements des prestataires de services d'aide et d'accompagnement à domicile et imposer pour ce faire le recours à l'application qu'il a développée à cette fin, ni que ce décret attaqué méconnaîtrait, faute de comporter des dispositions en ce sens, l'article R. 232-17 du code de l'action sociale et des familles prévoyant que le département organise le contrôle d'effectivité de l'aide d'allocation personnalisée d'autonomie, l'article 434-3 du code pénal punissant le fait, pour quiconque en ayant connaissance, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives notamment de privations ou de mauvais traitements infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, qu'il porterait atteinte à la dignité de la personne humaine ou qu'il méconnaîtrait la liberté d'entreprendre.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête, M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.
Article 2 : La requête de M. A est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B A.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 octobre 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 15 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly
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