Cour administrative d'appel de Marseille

Arrêt du 30 septembre 2024 n°23MA01043

30/09/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, Mme A B a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 10 février 2023, modifié le 22 mars 2023, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre par un arrêté initial du 18 novembre 2022.

D'autre part, Mme A B a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023, par lequel le ministre de l'intérieur lui a fait interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Nice, lui a fait obligation de se présenter au commissariat de police de Nice tous les jours, lui a fait obligation de déclarer tout changement de lieu d'habitation et de se trouver en relation directement ou indirectement avec des personnes nommément désignées ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a modifié l'article 2 de l'arrêté du 10 février 2023, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre par un arrêté initial du 18 novembre 2022.

Par deux ordonnances n° 2301866 et n° 2302372 du 19 avril 2023 et du 19 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 avril 2023 sous le n° 23MA01043, Mme B, représentée par Me Djierdjian, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 avril 2023 ;

2°) de renvoyer sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que c'est à tort que le magistrat désigné a rejeté par ordonnance sa demande, alors que, contrairement à ce qui a été retenu, seul le délai de deux mois de droit commun lui était opposable, et non le délai de quarante-huit heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire distinct, enregistré le 25 juin 2024, Mme B demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2023, modifié le 22 mars 2023, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre par un arrêté initial du 18 novembre 2022, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 228-2 du code de sécurité intérieure.

Elle soutient qu'au regard de la nature de la mesure contestée, l'absence de délai dans lequel la cour administrative d'appel doit statuer porte une atteinte grave au droit à un recours effectif alors que conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 16 février 2018, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d'annulation de la mesure dans de brefs délais.

Par une décision en date du 13 juillet 2023, Mme B a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée, sous le n° 23MA01399, le 2 juin 2023, Mme B, représentée par Me Djierdjian, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il n'est établi aucun élément précis, circonstancié et étayé justifiant l'arrêté initial et son renouvellement ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation, ni la nécessité de la mesure ni son caractère proportionné n'étant justifiés en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire distinct, enregistré le 25 juin 2024, Mme B demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2023, modifié le 22 mars 2023, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre par un arrêté initial du 18 novembre 2022, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 228-2 du code de sécurité intérieure.

Elle soutient qu'au regard de la nature de la mesure contestée, l'absence de délai dans lequel la cour administrative d'appel doit statuer porte une atteinte grave au droit à un recours effectif alors que conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 16 février 2018, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d'annulation de la mesure dans de brefs délais.

Par une décision en date du 29 septembre 2023, Mme B a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président par intérim de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 décembre 2019, Mme B a été condamnée par la cour d'appel de Paris à une peine d'emprisonnement pour actes en relation avec une entreprise terroriste. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, se fondant sur cette condamnation ainsi que sur des incidents causés par l'intéressée durant son incarcération, a, en application des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, édicté à l'encontre de Mme B, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance lui interdisant de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Nice, lui faisant obligation de se présenter tous les jours au commissariat pendant une durée de trois mois, et lui interdisant d'entrer en contact avec certaines personnes. Par un arrêté du 10 février 2023, le ministre a renouvelé cette mesure pour une durée de trois mois. Par un arrêté du 22 mars 2023, il a modifié l'horaire de présentation au commissariat. Par un arrêté du 12 mai 2023, l'interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Nice avec obligation de se présenter tous les jours au commissariat a été renouvelée pour trois mois et celle d'entrer en contact avec certaines personnes, pour six mois. Par un second arrêté du même jour, l'horaire de l'obligation de se présenter au commissariat tel que fixé dans l'arrêté du 10 février 2023 a été à nouveau modifié. Mme B a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande, enregistrée sous le n° 2301866, tendant à l'annulation de l'arrêté modifié du 10 février 2023. Par l'ordonnance n° 2301866 du 19 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a rejeté cette demande comme tardive. Mme B relève appel de cette ordonnance par une requête enregistrée sous le n° 23MA01043. Par ailleurs, Mme B a saisi le tribunal administratif de Nice d'une seconde demande, enregistrée sous le n° 2302372, tendant à l'annulation de deux arrêtés du 12 mai 2023. Par l'ordonnance n° 2302372 du 19 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme B relève appel de cette ordonnance par une requête enregistrée sous le n° 23MA01399.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 23MA01043 et n° 23MA01399 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans la rédaction que lui a donnée la loi organique du 10 décembre 2009 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de son article 23-2 : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

4. Aux termes de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure : " Le ministre de l'intérieur peut () faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune () / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. / () / La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. / () / La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ou à compter de la notification de chaque renouvellement lorsqu'il n'a pas été fait préalablement usage de la faculté prévue au huitième alinéa, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine () ".

5. Mme B soutient qu'au regard de la nature de la mesure contestée, l'absence de mention par les dispositions du code de la sécurité intérieure d'un délai contraint dans lequel la cour administrative d'appel doit statuer porte une atteinte grave au droit à un recours effectif alors que conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 16 février 2018, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d'annulation de la mesure dans de brefs délais.

6. Toutefois, d'une part, le législateur a enserré dans des délais contraints les recours introduit par la personne concernée devant le tribunal de premier ressort et a imposé au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue de statuer sur ces recours dans un délai soit de soixante-douze heures, soit de quinze jours selon l'option choisie par la personne objet des mesures de contrôle et de surveillance. D'autre part, aucun principe de valeur constitutionnelle ne confère aux justiciables un droit à un double degré de juridiction.

7. Il résulte de ce qui précède que la question posée étant dépourvue de caractère sérieux, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Sur l'ordonnance n° 2301866 du 19 avril 2023 rejetant la demande d'annulation de l'arrêté modifié du 10 février 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer :

8. Aux termes de l'article R. 773-46 du code de justice administrative : " Les attributions dévolues par les dispositions réglementaires du présent code à la formation de jugement ou à son président sont exercées par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. / Il peut, par ordonnance : / () 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. ".

9. Pour considérer la demande de Mme B irrecevable, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur son caractère tardif en opposant à la demandeuse le délai de quarante-huit heures prévu au sixième alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure. Or, il ressort des termes même de ladite demande que la requérante entendait exercer le recours prévu au dernier alinéa de ce même article pour lequel le délai de droit commun de deux mois trouve à s'appliquer.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête introduite par Mme B pour irrecevabilité. L'ordonnance n° 2301866 du 19 avril 2023 doit donc être annulée. Il y a lieu de renvoyer au tribunal administratif de Nice l'affaire, comme le demande Mme B.

Sur l'ordonnance n° 2302372 du 19 mai 2023 rejetant la demande d'annulation des arrêtés du 12 mai 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

11. Il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme B ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'ordonnance attaquée, de l'erreur d'appréciation que le magistrat désigné aurait commise.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant du cadre juridique :

12. Aux termes de l'article L. 228-1 du même code :" Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ".

13. Aux termes de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure : " () / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. () ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a constaté dans sa décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, il revient au juge administratif de s'assurer que les mesures de police administrative prescrites sur le fondement de ces dispositions sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent.

S'agissant de la légalité externe :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " doivent être motivées les décisions qui : / 1° () constituent une mesure de police / () ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

15. L'arrêté du 12 mai 2023, par lequel le ministre de l'intérieur a décidé d'un second renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à l'encontre de Mme B mentionne les considérations de droit et évoque un incident survenu le 1er avril 2023 lors de la présentation de Mme B au commissariat. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté de renouvellement de la mesure ne peut qu'être écarté.

16. En second lieu, la décision du 12 mai 2023 portant modification des horaires de présentation de Mme B au commissariat vise les articles du code de la sécurité intérieure dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.

S'agissant de la légalité interne :

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui s'est rendue au commissariat pour un pointage le 1er avril 2023, en réponse aux policiers lui indiquant qu'elle était en retard, a adopté une attitude agressive à leur encontre et les a filmés. Mme B ne conteste pas sérieusement ces griefs circonstanciés en faisant valoir qu'en réalité, elle s'était filmée dans le seul but de prouver qu'elle s'était bien conformée à l'obligation de pointage, ou que l'opacité du vitrage faisait matériellement obstacle à ce qu'elle filme les agents. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de matérialité des faits doit être écarté.

18. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, qui a manifesté avec constance son adhésion aux thèses pro-djihadistes, de tels faits suffisent à caractériser la persistance d'une menace d'une particulière gravité pour l'ordre et la sécurité publics. C'est ainsi sans commettre d'erreur d'appréciation que le ministre a pu considérer que les conditions posées par l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure étaient réunies et décider du renouvellement de la mesure de contrôle administratif et de surveillance décidée à l'encontre de Mme B.

19. En troisième lieu, compte tenu de la menace que l'appelante continue de représenter pour l'ordre et la sécurité publics à un niveau de particulière gravité, l'obligation quotidienne de pointage y compris les dimanches et jours fériés ou chômés ainsi que l'interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Nice doivent être regardées comme étant nécessaires et proportionnées. Si l'appelante fait valoir que cette mesure la place dans l'impossibilité de rendre visite à son père qui vit à Drap, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder la mesure comme disproportionnée, étant remarqué que l'intéressée peut solliciter de l'administration des sauf-conduit et contester, le cas échéant, le refus de délivrance de tels sauf-conduit. Par conséquent, le moyen tiré du caractère non nécessaire et disproportionné de la mesure de contrôle administratif et de surveillance ne saurait être accueilli.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'ordonnance n° 2302372 du 19 mai 2023.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, dans l'instance n° 23MA01399. Dans les circonstances, de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge dans l'instance n° 23MA01043.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B.

Article 2 : L'ordonnance n° 2301866 du 19 avril 2023 est annulée et la demande de Mme B devant le tribunal administratif de Nice enregistrée sous le n° 2301866 est renvoyée devant ce même tribunal.

Article 3 : Le surplus de la requête enregistrée sous le n° 23MA01043 et la requête enregistrée sous le n° 23MA01399 sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A B, au ministre de l'intérieur et à Me Djerdjian.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2024.

N°s 23MA01043 - 23MA01399 2

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