Conseil d'Etat

Décision du 24 septembre 2024 n° 494511

24/09/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Ligue des droits de l'Homme demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du Premier ministre de bloquer l'accès au réseau " Tiktok " en Nouvelle-Calédonie, révélée le 15 mai 2024, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du paragraphe II de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Lisa Gamgani, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme ;

Considérant ce qui suit :

1. La Ligue des droits de l'Homme demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du Premier ministre, révélée le 15 mai 2024, de bloquer l'accès au réseau social " Tiktok " en Nouvelle-Calédonie. Par un mémoire distinct présenté à l'appui de sa contestation, elle soutient que le paragraphe II de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa version résultant de la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes du II de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence : " Le ministre de l'intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ".

4. Par une décision révélée le 15 mai 2024, le Premier ministre a demandé à l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, assurant la gestion de Mobilis, unique opérateur de téléphonie mobile sur ce territoire, de bloquer l'accès au réseau social " Tiktok ". Ce blocage s'est poursuivi jusqu'au 29 mai 2024. Il ressort des écritures du Premier ministre que la décision en litige a été prise par lui-même, en vertu des pouvoirs dont il dispose en cas de circonstances exceptionnelles, et non par le ministre de l'intérieur sur le fondement des dispositions du paragraphe II de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dont la requérante conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ces dispositions ne peuvent, par suite, être regardées comme applicables au présent litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Ligue des droits de l'Homme.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Ligue des droits de l'Homme et au premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au ministre de l'intérieur.

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