Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 12 septembre 2024 n° 2401320

12/09/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2024, l'association " Collectif La Verte ", représentée par Me Achour, demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté n°2023-01424 du 17 novembre 2023 portant attribution des autorisations de stationnement à titre expérimental, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 26 de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Elle soutient que :

- ces dispositions sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, en particulier la question soulevée est différente de celle posée par la CGT-Taxis ;

- elles méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant la loi en ce qu'elles excluent les personnes physiques du bénéfice de la location-gérance alors que cette différence de traitement avec les personnes morales n'est pas justifiée par une différence de situation ou un élément objectif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code des transports ;

- la loi n°2023-380 du 19 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Collectif La Verte ", qui rassemble des conducteurs de taxi dans le but de défendre la profession et les intérêts communs de celle-ci, demande l'annulation de l'arrêté n°2023-01424 du 17 novembre 2023 ayant pour objet d'attribuer 652 autorisations de stationnement à titre expérimental à des personnes morales sélectionnées préalablement, en application de l'article 26 de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023. Elle demande au tribunal que soit transmise au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de cet article.

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

Sur les dispositions en litige :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 : " Aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l'accessibilité des transports publics particuliers aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu'au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation à l'article L. 3121-5 du code des transports, des autorisations de stationnement mentionnées à l'article L. 3121-1 du même code à des personnes morales exploitant des taxis. / Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu'à des personnes morales titulaires d'autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris. Elles ne peuvent être exploitées qu'avec des taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Elles sont incessibles et ont une durée de validité de cinq ans à compter de la date de leur délivrance. / Les conditions et les modalités d'attribution de ces autorisations sont définies par décret en Conseil d'Etat. Elles doivent notamment prendre en compte la capacité des personnes morales bénéficiaires à assurer l'exploitation de ces autorisations par des véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant durant toute la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et jusqu'à la fin de l'expérimentation, à faciliter les demandes de réservation préalable au bénéfice des personnes utilisatrices de fauteuil roulant et à permettre la transmission à l'autorité administrative des informations nécessaires à la réalisation de l'évaluation mentionnée au III du présent article. Les deux derniers alinéas de l'article L. 3121-5 du code des transports ne leur sont pas applicables. / II. - Par dérogation au I de l'article L. 3121-1-2 du code des transports, l'exploitation des autorisations de stationnement délivrées en application du I du présent article peut être assurée par des salariés ou par un locataire gérant auquel la location d'une autorisation et d'un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce, le montant du loyer étant fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties. / III. - Au plus tard le 30 juin 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation afin de déterminer notamment l'opportunité de sa pérennisation et de son extension en dehors de la zone de compétence du préfet de police de Paris ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 3121-1-2 du code des transports : " I.-Le titulaire exploite personnellement l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1. Cette disposition n'est pas applicable aux autorisations de stationnement délivrées avant le 1er octobre 2014./ Lorsqu'une même personne physique ou morale est titulaire d'une ou plusieurs autorisations de stationnement délivrées avant le 1er octobre 2014, l'exploitation peut en être assurée par des salariés ou par un locataire-gérant auquel la location de l'autorisation et du véhicule mentionné au même article L. 3121-1 a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce. Elle peut également être assurée par une société coopérative ouvrière de production titulaire des autorisations qui consent la location du taxi aux coopérateurs autorisés à exercer l'activité de conducteur de taxi conformément à l'article L. 3120-2-2 du présent code./ II.-Le titulaire de l'autorisation de stationnement justifie de son exploitation effective et continue dans des conditions définies par décret ".

5. Ces dispositions ont pour objet, à titre expérimental, de donner compétence au préfet de police pour délivrer, dans un délai rapproché, de nouvelles autorisations de stationnement, incessibles et valables cinq ans, afin d'augmenter, notamment pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024, l'offre de transports pour les personnes utilisatrices de fauteuil roulant en région parisienne pour répondre aux besoins constatés. Ces dispositions prévoient notamment, par dérogation au principe de l'exploitation personnelle prévu par l'article L. 3121-1-2 du code des transports, que les autorisations de stationnement délivrées en application du dispositif expérimental qu'elles créent, lesquelles ne peuvent être attribuées qu'à des personnes morales, peuvent faire l'objet d'une exploitation par un locataire-gérant.

6. D'autre part, en vertu de l'arrêté du 17 novembre 2023 contesté, 652 autorisations de stationnement sont attribuées, à titre expérimental, aux personnes morales dont la liste figure en annexe, à la suite de l'appel à candidature ouvert entre le 6 septembre et le 15 octobre 2023.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

7. A l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'elle a formé contre l'arrêté du 17 novembre 2023 pris pour l'application de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023, l'association " Collectif La Verte " soulève la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions. Eu égard à la teneur de ses écritures, elle doit être regardée comme ne contestant la conformité à la Constitution de ces dispositions qu'en tant qu'elles permettent aux personnes morales titulaires des autorisations de stationnement qu'elles prévoient de recourir à des locataires-gérants pour les exploiter, alors que cette faculté est interdite aux personnes physiques se voyant accorder de telles autorisation de stationnement avec un système de liste d'attente. Elle soutient qu'elles portent, ce faisant, atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

8. Aux termes de l'article 6 de la cette Déclaration, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

9. Les dispositions contestées ont pour objet de créer, à titre expérimental, dans la zone de compétence du préfet de police, une possibilité de délivrance de nouvelles autorisations de stationnement afin d'augmenter, notamment pendant les jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024, l'offre de transports pour les personnes utilisatrices de fauteuil roulant en région parisienne et autorisent, pour la gestion de ces autorisations, le recours à la location-gérance. Elles répondent ainsi à un objectif d'intérêt général qui consiste à augmenter l'offre de transport accessible en y faisant contribuer les personnes morales susceptibles d'investir de façon importante et rapide tout en évitant de fragiliser les personnes bénéficiaires des autorisations, exposées en toute hypothèse au risque qu'elles soient remises en cause au terme du délai de cinq ans assigné à l'expérimentation. Si les dispositions contestées conduisent ainsi à ce que les personnes morales titulaires de ces nouvelles autorisations de stationnement, non renouvelables, et les personnes physiques titulaires d'autorisation pérennes délivrées depuis le 1er octobre 2014 sont soumises à des règles de gestion différente, il n'en résulte pas qu'elles institueraient une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation entre ces deux catégories de personnes et en rapport direct avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par la loi.

10. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association " Collectif La Verte ".

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association " Collectif La Verte " et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Fait à Paris, le 12 septembre 2024.

La présidente de la 6ème section

K. Weidenfeld

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