Conseil constitutionnel

Décision n° 2024-1102 QPC du 12 septembre 2024

12/09/2024

Conformité - non lieu à statuer

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 12 juin 2024 par le Conseil d’État (décision nos 492584, 492595, 492637 et 492662 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Aéroports de la Côte d’Azur et autres par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, par la société Aéroports de Paris, pour la société Area et autres par la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et pour l’union des aéroports français et francophones associés par Mes Claire Vannini, Sarah Dardour-Attali et Adrien Merchadier, avocats au barreau des Hauts–de-Seine. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-1102 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 100 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Au vu des textes suivants :

– la Constitution ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

– le code des impositions sur les biens et services ;

– le code général des impôts ;

– le code des transports ;

– la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ;

– la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023 ;

– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

– les observations présentées pour la société Aéroports de la Côte d’Azur et autres par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 24 juin 2024 ;

– les observations présentées par la société Aéroports de Paris, enregistrées le même jour ;

– les observations présentées pour la société Area et autres par la SCP Célice, Texidor, Perier, enregistrées le même jour ;

– les observations présentées pour l’union des aéroports français et francophones associés par Mes Vannini, Dardour-Attali et Merchadier, enregistrées le même jour ;

– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’association du transport aérien international et autres par Me Rémi Sermier, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ;

– les secondes observations présentées pour la société Aéroports de Paris par Mes Vannini, Dardour-Attali et Merchadier, enregistrées le 5 juillet 2024 ;

– les secondes observations présentées pour l’union des aéroports français et francophones associés par Mes Vannini, Dardour-Attali et Merchadier, enregistrées le même jour ;

– les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la société Aéroports de la Côte d’Azur et autres, Me Dardour-Attali, pour l’union des aéroports français et francophones associés, Me Merchadier, pour la société Aéroports de Paris, Me Olivier Texidor, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la société Area et autres, Me Sermier, pour l’association du transport aérien international et autres, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 10 juillet 2024 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L’article 100 de la loi du 29 décembre 2023 mentionnée ci–dessus prévoit :« I. – Le titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :

« 1° La sous-section 2 de la section 5 du chapitre Ier est abrogée ;

« 2° Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :

« "Chapitre V : Taxes communes à plusieurs modes de transports

« "Section unique : Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance

« "Sous-section 1 : Éléments taxables et territoires

« "Art. L. 425-1.- Les règles relatives aux éléments taxables et aux territoires de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre Ier du livre Ier et à la présente sous–section.

« "Art. L. 425-2.- Est soumise à la taxe l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

« "1° L’exploitation est rattachée au territoire de taxation mentionné à l’article L. 425-3 dans les conditions prévues à l’article L. 425–5 ;

« "2° Les revenus de l’exploitation, au sens de l’article L. 425–6, encaissés au cours de l’année civile excèdent 120 millions d’euros ;

« "3° Le niveau moyen de rentabilité de l’exploitant, au sens de l’article L. 425-8, excède 10 %.

« "Art. L. 425-3.- Le territoire de taxation comprend, outre le territoire unique mentionné à l’article L. 411-5, les territoires des collectivités suivantes :

« "1° Saint-Barthélemy, sauf en ce qui concerne la voirie et les ports maritimes ;

« "2° Saint-Martin, sauf en ce qui concerne la voirie et les ports maritimes ;

« "3° Saint-Pierre-et-Miquelon, sauf en ce qui concerne la voirie classée en route nationale.

« "Les dispositions du présent code relatives à la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont applicables dans les collectivités mentionnées aux 1° à 3° du présent article.

« "Paragraphe 1 : Exploitation des infrastructures de transport de longue distance

« "Art. L. 425-4.- Une infrastructure de transport de longue distance s’entend de l’infrastructure qui permet le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants.

« "Les déplacements de longue distance s’entendent de ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de la mobilité mentionnée au I de l’article L. 1231–1 du code des transports ou de la région d’Île-de-France.

« "Art. L. 425-5.- L’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance est rattachée au territoire de taxation lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

« "1° L’infrastructure exploitée est située en totalité sur le territoire mentionné à l’article L. 425-3 ;

« "2° L’infrastructure exploitée n’est pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger dans le cadre d’une convention conclue par la France avec ce dernier.

« "Art. L. 425-6.- Les revenus de l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance s’entendent de l’ensemble des contreparties, hors taxe sur la valeur ajoutée, obtenues ou à obtenir par l’entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu’elle réalise, à l’exception des revenus suivants :

« "1° Les contreparties des opérations qui répondent aux conditions cumulatives suivantes :

« "a) Elles relèvent d’une activité distincte et indépendante de l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance rattachée au territoire de taxation ;

« "b) Elles ne sont pas réalisées au moyen d’une telle infrastructure ;

« "c) Elles ne résultent pas d’une valorisation du domaine relatif à une telle infrastructure ou à ses accessoires ;

« "2° Les contreparties obtenues au titre de la vente d’électricité produite par l’entreprise mentionnée au premier alinéa à des personnes autres que les usagers des infrastructures de transport de longue distance exploitées.

« "Paragraphe 2 : Niveau moyen de rentabilité de l’exploitant

« "Art. L. 425-7.- Le niveau de rentabilité de l’exploitant s’entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d’affaires.

« "Le résultat net et le chiffre d’affaires sont ceux de l’entreprise exploitant la ou les infrastructures de transport de longue distance, déterminés dans les conditions prévues par les règlements mentionnés au 1° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant l’Autorité des normes comptables et applicables à l’exercice comptable considéré.

« "Toutefois, la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance n’est pas prise en compte dans les charges pour déterminer le résultat net.

« "Art. L. 425-8.- Le niveau moyen de rentabilité de l’exploitant s’entend de la moyenne des niveaux de rentabilité de l’exploitant des sept derniers exercices comptables achevés, en excluant les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux pour lesquels il est le plus faible.

« "Pour le calcul de cette moyenne, chaque niveau de rentabilité de l’exploitant est pris en compte à proportion de la durée de l’exercice comptable auquel il se rapporte.

« "Sous-section 2 : Fait générateur

« "Art. L. 425-9.- Les règles relatives au fait générateur de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre II du livre Ier et à la présente sous-section.

« "Art. L. 425-10.- Le fait générateur de la taxe est constitué par l’achèvement de l’année civile.

« "Toutefois, en cas de cessation d’activité de l’exploitant, il est constitué par cette cessation.

« "Sous-section 3 : Montant

« "Art. L. 425-11.- Les règles relatives au montant de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre III du livre Ier et à la présente sous-section.

« "Art. L. 425-12.- Le montant de la taxe est égal au produit des facteurs suivants :

« "1° Les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile, pour la fraction qui excède le seuil mentionné au 2° de l’article L. 425–2 ;

« "2° Le taux de 4,6 %.

« "Sous-section 4 : Exigibilité

« "Art. L. 425-13.- Les règles relatives à l’exigibilité de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre IV du livre Ier.

« "Sous-section 5 : Personnes soumises aux obligations fiscales

« "Art. L. 425-14.- Les règles relatives aux personnes soumises aux obligations fiscales pour la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre V du livre Ier et à la présente section.

« "Art. L. 425-15.- Le redevable de la taxe est l’entreprise exploitant une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance.

« "Sous-section 6 : Constatation de la taxe

« "Art. L. 425-16.- Les règles relatives à la constatation de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VI du livre Ier.

« "Sous-section 7 : Paiement

« "Art. L. 425-17.- Les règles relatives au paiement de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VII du livre Ier et à la présente sous-section.

« "Art. L. 425-18.- La taxe est acquittée par acomptes.

« "Sous-section 8 : Contrôle, recouvrement et contentieux

« "Art. L. 425-19.- Les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VIII du livre Ier.

« "Sous-section 9 : Affectation

« "Art. L. 425-20.- I.- Sous réserve du II du présent article, l’affectation du produit de la taxe est déterminée au 4° de l’article L. 1512–20 du code des transports.

« "II.- À compter de 2024, une fraction égale à un douzième du produit de la taxe est affectée aux communes exerçant la compétence définie au 5° de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels cette compétence a été transférée dans les conditions prévues au II de l’article L. 5214-16, au I de l’article L. 5215-20, au I de l’article L. 5215–20-1 ou au II de l’article L. 5216-5 du même code.

« "À compter de 2024, une fraction égale à un douzième du produit de la taxe est affectée aux départements, à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique, à la collectivité de Corse et à la collectivité européenne d’Alsace.

« "La répartition de ces fractions entre les affectataires est déterminée en fonction de la longueur de voirie en gestion selon des modalités définies par décret."

« II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Au premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39, après la référence : "990 G", sont insérés les mots : "du présent code ainsi qu’au 1° de l’article L. 421-94 et à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services" ;

« 2° Le second alinéa de l’article 213 est supprimé.

« III. – L’article L. 1512-20 du code des transports est complété par un 4° ainsi rédigé :

« "4° La taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance mentionnée à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services."

« IV. – Le I est applicable à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon ».

 

2. Les requérantes, rejointes par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions relatives à la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance de méconnaître, à plusieurs titres, les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

3. En premier lieu, elles soutiennent que, en définissant les « déplacements de longue distance » comme ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de la mobilité, ces dispositions retiendraient un critère ne permettant pas de prendre en compte l’amplitude réelle de ces déplacements. Elles leur reprochent également d’exclure du champ de la taxe les infrastructures de transport permettant des déplacements dans le ressort de la région d’Île-de-France, quelles que soient l’ampleur de ces déplacements et l’infrastructure utilisée. Elles critiquent en outre l’exclusion du territoire de taxation des infrastructures de transport transfrontalières et de celles principalement utilisées pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger en vertu d’une convention internationale. Ces dispositions feraient ainsi reposer le champ d’application de cette taxe sur des critères sans rapport avec son objet et institueraient des différences de traitement injustifiées entre les redevables.

4. En deuxième lieu, elles reprochent à ces dispositions de soumettre à une même imposition les exploitants d’infrastructures de transport de longue distance sans tenir compte de leurs différents modèles économiques et régimes juridiques, ni de leur inégale capacité à répercuter sur les usagers la taxe dont ils sont redevables. Certaines parties requérantes soutiennent également que les modalités d’affectation de la taxe introduiraient une différence de traitement injustifiée entre les redevables, dès lors qu’elle bénéficierait uniquement aux infrastructures ferroviaires et routières.

5. En troisième lieu, d’une part, l’une des parties requérantes soutient que le seuil de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires à partir duquel l’exploitant d’une infrastructure de transport de longue distance est assujetti à la taxe ne reposerait sur aucune justification objective ou rationnelle. Certaines parties requérantes et intervenantes reprochent à cet égard au législateur d’avoir intégré, parmi les revenus de l’exploitation retenus pour apprécier ce seuil, ceux provenant d’activités commerciales accessoires ou étrangères à l’exploitation de l’infrastructure de transport ou ceux qui résultent seulement d’une valorisation du domaine relatif à une telle infrastructure, et d’avoir ainsi défini des règles d’assujettissement à la taxe qui seraient sans rapport avec son objet. Par ailleurs, les dispositions définissant les revenus de l’exploitation comme ceux obtenus ou à obtenir par l’entreprise qui exploite l’infrastructure seraient incohérentes avec celles prévoyant que sont soumis à la taxe les revenus encaissés au cours d’une année civile. En outre, ces mêmes parties reprochent à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre opérateurs exerçant une même activité économique, en imposant uniquement au titre de cette activité les opérateurs qui sont également exploitants d’une infrastructure de longue distance. Elles soutiennent que les exploitants d’infrastructures seraient eux-mêmes traités différemment, selon la rentabilité de leurs activités accessoires, sans qu’une telle différence de traitement ne soit justifiée. Elles font également valoir que, en excluant des revenus de l’exploitation ceux provenant de la vente de l’électricité produite par l’exploitant, sauf dans le cas où cette électricité est revendue aux usagers de l’infrastructure, ces dispositions introduiraient une différence de traitement injustifiée entre les redevables de la taxe.

6. D’autre part, certaines parties requérantes soutiennent qu’en prévoyant que le niveau de rentabilité à partir duquel un exploitant est soumis à la taxe correspond au quotient entre le résultat net et le chiffre d’affaires réalisés au cours d’un exercice, ces dispositions ne permettraient pas d’apprécier la rentabilité réelle de l’exploitation. En outre, elles reprochent à ces dispositions de subordonner l’assujettissement à la taxe à une évaluation de la rentabilité de l’exploitation au cours d’une période de sept exercices antérieure à l’année d’imposition, sans tenir compte du déficit comptable pouvant être constaté, le cas échéant, au cours de cette dernière année. Par ailleurs, une telle période ne tiendrait pas compte du cycle d’amortissement des investissements réalisés par l’exploitant d’une infrastructure de transport de longue distance, qui s’étendrait sur une durée plus importante. Ces mêmes parties reprochent également à ces dispositions d’introduire une différence de traitement injustifiée entre exploitants, au motif que ceux ayant débuté leur activité depuis moins de sept exercices comptables ne sont pas assujettis à la taxe. Elles critiquent par ailleurs l’exclusion de toute déduction du montant de la taxe due au titre d’un exercice pour apprécier la rentabilité de l’exploitation.

7. En quatrième lieu, certaines parties requérantes et intervenantes soutiennent, d’une part, que faute de prévoir un mécanisme de plafonnement du montant de la taxe ou un barème progressif, ces dispositions ne prendraient pas suffisamment en compte les capacités contributives des entreprises redevables. D’autre part, le montant de la taxe n’étant pas déductible de l’impôt sur les sociétés, les revenus de l’exploitation seraient soumis à un cumul d’impositions aboutissant à un niveau de prélèvement confiscatoire. Elles font valoir également que la taxe, compte tenu de son taux et de son assiette, entraînerait des effets de seuil excessifs pénalisant les exploitations les plus performantes.

8. En dernier lieu, elles soutiennent que la charge que ferait peser la taxe sur les capacités d’investissement des redevables en faveur de la décarbonation des mobilités serait manifestement contraire à l’objectif environnemental poursuivi, selon elles, par ces dispositions.

9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions suivantes :– les mots « d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 » figurant au premier alinéa de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, ainsi que ses 2° et 3° ;

– le second alinéa de l’article L. 425-4 du même code ;

– les articles L. 425-5 et L. 425-6 du même code ;

– les premier et dernier alinéas de l’article L. 425-7 du même code ;

– le premier alinéa de l’article L. 425-8 du même code ;

les articles L. 425-12 et L. 425-15 du même code ;

– les mots « et à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services » figurant au premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts.

 

10. Les parties intervenantes soutiennent en outre que, en soumettant à la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance les entreprises du transport aérien qui contribueraient déjà à la réparation des dommages causés par leurs émissions de gaz à effet de serre, ces dispositions méconnaîtraient l’article 4 de la Charte de l’environnement.

– Sur la recevabilité :

11. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23-2 et du troisième alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu’il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions, sauf changement des circonstances.

12. Dans sa décision du 28 décembre 2023 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les mots « d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 » figurant à l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, dans la même rédaction que celle contestée par les parties requérantes et intervenantes. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision.

13. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de réexaminer ces dispositions.

– Sur le fond :

14. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

15. Selon l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

. En ce qui concerne le champ d’application de la taxe :

S’agissant des déplacements de longue distance :

16. En application de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance est soumise à une taxe sous certaines conditions. En vertu de l’article L. 425-4 du même code, cette taxe s’applique aux infrastructures qui permettent le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants. Les dispositions contestées de cet article définissent les déplacements de longue distance comme ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de mobilité ou de la région d’Île-de-France.

17. En premier lieu, d’une part, il ressort des travaux préparatoires que, en instaurant une taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, le législateur a entendu assurer le financement d’investissements publics dans le secteur des transports. Il a donc poursuivi un objectif de rendement budgétaire.

18. D’autre part, le Conseil constitutionnel n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé. À cet égard, il était loisible au législateur de retenir comme déplacements de longue distance les seuls déplacements effectués entre les ressorts de plusieurs autorités organisatrices de mobilité et non ceux limités au ressort d’une même autorité ou au sein de la région d’Île-de-France. Il s’est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en lien avec cet objectif de rendement budgétaire.

19. En second lieu, la différence de traitement entre les exploitants d’infrastructures de transport, selon qu’ils exploitent ou non des infrastructures permettant de tels déplacements de longue distance, est fondée sur une différence de situation. Elle est en outre en rapport avec l’objet de la loi.

20. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés.

S’agissant du rattachement au territoire de taxation :

21. Selon les dispositions contestées de l’article L. 425-5 du code des impositions sur les biens et services, l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance est rattachée au territoire de taxation lorsque cette infrastructure est située sur le territoire mentionné à l’article L. 425-3 du même code et qu’elle n’est pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements qui s’effectuent dans le cadre d’un accord international.

22. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu exclure du champ de la taxe certaines infrastructures de transport transfrontalières ou internationales soumises à un régime particulier. En subordonnant l’imposition de l’exploitation d’une infrastructure de transport à la double condition que cette infrastructure soit située en totalité sur le territoire de taxation défini par l’article L. 425-3 et qu’elle ne soit pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger dans le cadre d’une convention conclue par la France avec ce dernier, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

. En ce qui concerne les redevables de la taxe :

23. Si, en règle générale, le principe d’égalité devant la loi impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

24. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 425-15 du code des impositions sur les biens et services, les entreprises exploitant une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance sont redevables de la taxe.

25. D’une part, il était loisible au législateur de définir des règles d’imposition identiques pour l’ensemble des exploitants d’infrastructures de transport de longue distance sans distinguer selon les conditions d’exploitation de ces infrastructures ou leur régime juridique.

26. D’autre part, si, en application de l’article L. 425-20 du code des impositions sur les biens et services, une partie du produit de la taxe est affectée à l’agence de financement des infrastructures de transport de France afin notamment de financer des investissements dans le secteur ferroviaire, il n’en résulte, s’agissant des conditions d’assujettissement à la taxe prévues par les dispositions contestées, aucune différence de traitement entre les redevables.

27. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques ne peuvent donc qu’être écartés.

. En ce qui concerne les critères d’assujettissement à la taxe :

28. Les dispositions contestées de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services prévoient que l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance, rattachée au territoire de taxation, est soumise à la taxe à la double condition que les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile excèdent un certain montant et que l’exploitant atteigne un certain niveau de rentabilité.

29. Selon les dispositions contestées de l’article L. 425-6, les revenus de l’exploitation sont constitués, sauf exception, par l’ensemble des contreparties obtenues ou à obtenir par l’entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu’elle réalise.

30. Les dispositions contestées de l’article L. 425-7 précisent que le niveau moyen de rentabilité s’entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d’affaires, sans toutefois que le montant de la taxe ne soit pris en compte au titre des charges déductibles. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 425-8, ce niveau moyen est évalué sur une période comprenant les sept derniers exercices comptables.

31. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu imposer spécialement les exploitations d’infrastructures de transport de longue distance les plus rentables et générant un chiffre d’affaires important.

32. D’une part, le législateur a fixé à un montant de 120 millions d’euros le chiffre d’affaires à partir duquel un exploitant est assujetti à la taxe. Si l’article L. 425-6 définit les revenus de l’exploitation comme ceux obtenus ou à obtenir par l’exploitant, il ressort des termes mêmes des dispositions contestées de l’article L. 425-2 que seuls doivent être pris en compte, pour apprécier ce seuil, les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile.

33. D’autre part, il était loisible au législateur de soumettre à la taxe l’ensemble des contreparties perçues par l’entreprise à la seule exception de celles provenant d’opérations qui relèvent d’une activité distincte et indépendante de l’exploitation de l’infrastructure, qui ne sont pas réalisées au moyen de celle-ci et qui ne résultent pas d’une valorisation du domaine relatif à celle-ci ou à ses accessoires, ainsi que de celles provenant de la vente d’électricité à d’autres personnes que les usagers de l’infrastructure, ces contreparties étant dépourvues de lien avec l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance. Le législateur a donc retenu un critère d’assujettissement objectif et rationnel par rapport au but poursuivi.

34. En outre, en prévoyant que le niveau de rentabilité s’entend du quotient entre le résultat net et le chiffre d’affaires généré par l’exploitation, apprécié sur les sept derniers exercices comptables achevés, le législateur a également retenu un critère d’assujettissement objectif et rationnel par rapport au but poursuivi.

35. En second lieu, d’une part, s’il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre les exploitants, selon qu’ils ont débuté ou non leur activité depuis plus de sept exercices et remplissent ainsi le critère de rentabilité précité, cette différence de traitement repose sur une différence de situation. Elle est en outre en rapport avec l’objet de la loi.

36. D’autre part, l’exploitant d’une infrastructure de transport de longue distance exerçant une activité économique accessoire, qui est soumis à la taxe au titre des revenus de cette activité, ne se trouve pas dans la même situation qu’un opérateur exerçant une activité de même nature sans exploiter d’infrastructure de transport de longue distance. La différence de traitement contestée est ainsi fondée sur une différence de situation et est en rapport avec l’objet de la loi.

37. Par ailleurs, le principe d’égalité devant la loi n’imposait pas au législateur de traiter différemment les redevables de la taxe selon qu’ils présentent ou non un déficit comptable. Il n’était pas davantage tenu de prendre en considération la rentabilité de leurs activités annexes, leur choix de constituer des filiales, leur capacité à répercuter le montant de la taxe sur d’autres opérateurs ou sur les usagers, ou encore la circonstance que les exploitants ont été soumis à la taxe au cours des années précédentes.

38. Au demeurant, la circonstance que l’application des critères d’assujettissement conduirait à ce que la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance ne soit due que par un faible nombre d’exploitants relevant seulement du transport aérien et autoroutier est sans incidence sur l’appréciation de la conformité des dispositions contestées aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

39. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés.

. En ce qui concerne le montant de la taxe :

40. En application des dispositions contestées de l’article L. 425–12 du code des impositions sur les biens et services, le montant de la taxe s’élève à 4,6 % de la fraction des revenus d’exploitation qui excèdent le seuil d’assujettissement.

41. Selon les dispositions contestées du premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, le montant de la taxe ne constitue pas une charge déductible du bénéfice net établi au titre de l’impôt sur les sociétés.

42. En premier lieu, d’une part, la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, dont le taux est de 4,6 %, ne porte que sur la fraction des revenus de l’exploitation excédant un montant de 120 millions d’euros. Cette taxe étant assise sur les revenus encaissés par l’exploitant au cours d’une année civile et non sur le bénéfice réalisé par celui-ci au titre d’un exercice comptable, il n’y a pas lieu de prendre en compte, dans l’appréciation de son caractère confiscatoire, l’imposition sur les bénéfices à laquelle est par ailleurs assujetti ce redevable à raison d’autres opérations. Ces dispositions ne font donc pas peser sur les redevables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et ne présentent pas un caractère confiscatoire.

43. D’autre part, il était loisible au législateur, sans méconnaître les exigences précitées de l’article 13 de la Déclaration de 1789, de ne pas prévoir de barème progressif ou de plafonnement du montant de la taxe et, s’agissant d’une imposition assise sur le chiffre d’affaires, de ne pas instituer d’exonération en faveur des exploitants présentant un déficit comptable.

44. En second lieu, s’il résulte des dispositions contestées relatives au seuil de rentabilité une différence de traitement entre les exploitants d’infrastructures de transport de longue distance ayant un niveau moyen de rentabilité proche de 10 %, selon que celui-ci est inférieur ou supérieur à ce taux, la différence de traitement en résultant est inhérente à l’existence même d’un seuil d’assujettissement. Compte tenu du montant des revenus à partir duquel la taxe est due, de son taux et des conditions d’évaluation du niveau moyen de rentabilité de l’exploitation, qui s’opère sur les sept derniers exercices comptables achevés, dont sont exclus les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux exercices pour lesquels il est le plus faible, il ne résulte pas des dispositions contestées d’effets de seuil manifestement excessifs.

45. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés.

46. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d’entreprendre, ni en tout état de cause l’article 4 de la Charte de l’environnement, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

 

Article 1er. – Il n’y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 » figurant à l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services.

 

Article 2. – Sont conformes à la Constitution :

– les 2° et 3° de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, le second alinéa de l’article L. 425–4 du même code, ses articles L. 425-5 et L. 425-6, les premier et dernier alinéas de son article L. 425–7, le premier alinéa de son article L. 425–8 ainsi que ses articles L. 425–12 et L. 425-15, dans leur rédaction issue de la loi n° 2023–1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ;

– les mots « et à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services » figurant au premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la même loi.

 

Article 3. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 septembre 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.

 

Rendu public le 12 septembre 2024.

 

Abstracts

5.1.3.7

Droit fiscal

En vertu des dispositions contestées de l’article L. 425-15 du code des impositions sur les biens et services, les entreprises exploitant une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance sont redevables de la taxe. D’une part, il était loisible au législateur de définir des règles d’imposition identiques pour l’ensemble des exploitants d’infrastructures de transport de longue distance sans distinguer selon les conditions d’exploitation de ces infrastructures ou leur régime juridique. D’autre part, si, en application de l’article L. 425-20 du code des impositions sur les biens et services, une partie du produit de la taxe est affectée à l’agence de financement des infrastructures de transport de France afin notamment de financer des investissements dans le secteur ferroviaire, il n’en résulte, s’agissant des conditions d’assujettissement à la taxe prévues par les dispositions contestées, aucune différence de traitement entre les redevables. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 23 24 25 26 27

5.1.4.8

Droit fiscal

Le Conseil constitutionnel était saisi de plusieurs dispositions relatives à la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Étaient notamment contestées les dispositions définissant le champ d'application de la taxe et, en particulier, la notion de déplacements de longue distance. En application de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance est soumise à une taxe sous certaines conditions. En vertu de l’article L. 425-4 du même code, cette taxe s’applique aux infrastructures qui permettent le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants. Les dispositions contestées de cet article définissent les déplacements de longue distance comme ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de mobilité ou de la région d’Île-de-France. La différence de traitement entre les exploitants d’infrastructures de transport, selon qu’ils exploitent ou non des infrastructures permettant de tels déplacements de longue distance, est fondée sur une différence de situation. Elle est en outre en rapport avec l’objet de la loi. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 16 19 20

5.1.4.8

Droit fiscal

Étaient également critiquées les dispositions déterminant les critères d'assujettissement à la taxe. Les dispositions contestées de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services prévoient que l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance, rattachée au territoire de taxation, est soumise à la taxe à la double condition que les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile excèdent un certain montant et que l’exploitant atteigne un certain niveau de rentabilité. Selon les dispositions contestées de l’article L. 425-6, les revenus de l’exploitation sont constitués, sauf exception, par l’ensemble des contreparties obtenues ou à obtenir par l’entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu’elle réalise. Les dispositions contestées de l’article L. 425-7 précisent que le niveau moyen de rentabilité s’entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d’affaires, sans toutefois que le montant de la taxe ne soit pris en compte au titre des charges déductibles. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 425-8, ce niveau moyen est évalué sur une période comprenant les sept derniers exercices comptables. D’une part, s’il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre les exploitants, selon qu’ils ont débuté ou non leur activité depuis plus de sept exercices et remplissent ainsi le critère de rentabilité précité, cette différence de traitement repose sur une différence de situation. Elle est en outre en rapport avec l’objet de la loi. D’autre part, l’exploitant d’une infrastructure de transport de longue distance exerçant une activité économique accessoire, qui est soumis à la taxe au titre des revenus de cette activité, ne se trouve pas dans la même situation qu’un opérateur exerçant une activité de même nature sans exploiter d’infrastructure de transport de longue distance. La différence de traitement contestée est ainsi fondée sur une différence de situation et est en rapport avec l’objet de la loi. Par ailleurs, le principe d’égalité devant la loi n’imposait pas au législateur de traiter différemment les redevables de la taxe selon qu’ils présentent ou non un déficit comptable. Il n’était pas davantage tenu de prendre en considération la rentabilité de leurs activités annexes, leur choix de constituer des filiales, leur capacité à répercuter le montant de la taxe sur d’autres opérateurs ou sur les usagers, ou encore la circonstance que les exploitants ont été soumis à la taxe au cours des années précédentes. Au demeurant, la circonstance que l’application des critères d’assujettissement conduirait à ce que la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance ne soit due que par un faible nombre d’exploitants relevant seulement du transport aérien et autoroutier est sans incidence sur l’appréciation de la conformité des dispositions contestées aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 28 29 30 35 36 37 38 39

5.4.3.2

Cadre d'appréciation du principe

Appréciation du caractère confiscatoire de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Après avoir rappelé que cette taxe, dont le taux est de 4,6 %, ne porte que sur la fraction des revenus de l’exploitation excédant un montant de 120 millions d’euros, le Conseil juge que, étant assise sur les revenus encaissés par l’exploitant au cours d’une année civile et non sur le bénéfice réalisé par celui-ci au titre d’un exercice comptable, il n’y a pas lieu de prendre en compte, dans l’appréciation de son caractère confiscatoire, l’imposition sur les bénéfices à laquelle est par ailleurs assujetti ce redevable à raison d’autres opérations. Ces dispositions ne font donc pas peser sur les redevables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et ne présentent pas un caractère confiscatoire. Pour apprécier l'ampleur d'un effet de seuil résultant du taux de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, le Conseil constitutionnel tient compte du montant des revenus à partir duquel la taxe est due, de son taux et des conditions d’évaluation du niveau moyen de rentabilité de l’exploitation, qui s’opère sur les sept derniers exercices comptables achevés, dont sont exclus les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux exercices pour lesquels il est le plus faible.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 40 41 42 44

5.4.4.1

Adéquation des dispositions législatives

Le Conseil constitutionnel était saisi de plusieurs dispositions relatives à la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Étaient critiquées, tout d'abord, les dispositions qui, au titre du champ d'application de la taxe, définissent la notion de déplacements de longue distance. En application de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance est soumise à une taxe sous certaines conditions. En vertu de l’article L. 425-4 du même code, cette taxe s’applique aux infrastructures qui permettent le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants. Les dispositions contestées de cet article définissent les déplacements de longue distance comme ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de mobilité ou de la région d’Île-de-France. D’une part, il ressort des travaux préparatoires que, en instaurant une taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, le législateur a entendu assurer le financement d’investissements publics dans le secteur des transports. Il a donc poursuivi un objectif de rendement budgétaire. D’autre part, le Conseil constitutionnel n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé. À cet égard, il était loisible au législateur de retenir comme déplacements de longue distance les seuls déplacements effectués entre les ressorts de plusieurs autorités organisatrices de mobilité et non ceux limités au ressort d’une même autorité ou au sein de la région d’Île-de-France. Il s’est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en lien avec cet objectif de rendement budgétaire. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 16 17 18 20

5.4.4.1

Adéquation des dispositions législatives

Au titre du champ d'application de la taxe, étaient également critiquées les conditions de rattachement au territoire de taxation. Selon les dispositions contestées de l’article L. 425-5 du code des impositions sur les biens et services, l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance est rattachée au territoire de taxation lorsque cette infrastructure est située sur le territoire mentionné à l’article L. 425-3 du même code et qu’elle n’est pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements qui s’effectuent dans le cadre d’un accord international. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu exclure du champ de la taxe certaines infrastructures de transport transfrontalières ou internationales soumises à un régime particulier. En subordonnant l’imposition de l’exploitation d’une infrastructure de transport à la double condition que cette infrastructure soit située en totalité sur le territoire de taxation défini par l’article L. 425-3 et qu’elle ne soit pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger dans le cadre d’une convention conclue par la France avec ce dernier, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 21 22

5.4.4.1

Adéquation des dispositions législatives

Étaient par ailleurs contestées les dispositions déterminant les critères d'assujettissement à la taxe. Les dispositions contestées de l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services prévoient que l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance, rattachée au territoire de taxation, est soumise à la taxe à la double condition que les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile excèdent un certain montant et que l’exploitant atteigne un certain niveau de rentabilité. Selon les dispositions contestées de l’article L. 425-6, les revenus de l’exploitation sont constitués, sauf exception, par l’ensemble des contreparties obtenues ou à obtenir par l’entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu’elle réalise. Les dispositions contestées de l’article L. 425-7 précisent que le niveau moyen de rentabilité s’entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d’affaires, sans toutefois que le montant de la taxe ne soit pris en compte au titre des charges déductibles. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 425-8, ce niveau moyen est évalué sur une période comprenant les sept derniers exercices comptables. Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu imposer spécialement les exploitations d’infrastructures de transport de longue distance les plus rentables et générant un chiffre d’affaires important. D’une part, le législateur a fixé à un montant de 120 millions d’euros le chiffre d’affaires à partir duquel un exploitant est assujetti à la taxe. Si l’article L. 425-6 définit les revenus de l’exploitation comme ceux obtenus ou à obtenir par l’exploitant, il ressort des termes mêmes des dispositions contestées de l’article L. 425-2 que seuls doivent être pris en compte, pour apprécier ce seuil, les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile. D’autre part, il était loisible au législateur de soumettre à la taxe l’ensemble des contreparties perçues par l’entreprise à la seule exception de celles provenant d’opérations qui relèvent d’une activité distincte et indépendante de l’exploitation de l’infrastructure, qui ne sont pas réalisées au moyen de celle-ci et qui ne résultent pas d’une valorisation du domaine relatif à celle-ci ou à ses accessoires, ainsi que de celles provenant de la vente d’électricité à d’autres personnes que les usagers de l’infrastructure, ces contreparties étant dépourvues de lien avec l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance. Le législateur a donc retenu un critère d’assujettissement objectif et rationnel par rapport au but poursuivi. En outre, en prévoyant que le niveau de rentabilité s’entend du quotient entre le résultat net et le chiffre d’affaires généré par l’exploitation, apprécié sur les sept derniers exercices comptables achevés, le législateur a également retenu un critère d’assujettissement objectif et rationnel par rapport au but poursuivi. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 28 29 30 31 32 33 34 39

5.4.4.2.1

Proportionnalité par rapport aux facultés contributives (impôt confiscatoire)

En application des dispositions contestées de l’article L. 425–12 du code des impositions sur les biens et services, le montant de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance s’élève à 4,6 % de la fraction des revenus d’exploitation qui excèdent le seuil d’assujettissement, lui-même fixé à 120 millions d'euros des revenus tirés de l'exploitation. Selon les dispositions contestées du premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, le montant de la taxe ne constitue pas une charge déductible du bénéfice net établi au titre de l’impôt sur les sociétés. D’une part, la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, dont le taux est de 4,6 %, ne porte que sur la fraction des revenus de l’exploitation excédant un montant de 120 millions d’euros. Cette taxe étant assise sur les revenus encaissés par l’exploitant au cours d’une année civile et non sur le bénéfice réalisé par celui-ci au titre d’un exercice comptable, il n’y a pas lieu de prendre en compte, dans l’appréciation de son caractère confiscatoire, l’imposition sur les bénéfices à laquelle est par ailleurs assujetti ce redevable à raison d’autres opérations. Ces dispositions ne font donc pas peser sur les redevables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et ne présentent pas un caractère confiscatoire. D’autre part, il était loisible au législateur, sans méconnaître les exigences précitées de l’article 13 de la Déclaration de 1789, de ne pas prévoir de barème progressif ou de plafonnement du montant de la taxe et, s’agissant d’une imposition assise sur le chiffre d’affaires, de ne pas instituer d’exonération en faveur des exploitants présentant un déficit comptable. Rejet du grief.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 40 41 42 43 45

11.6.3.5.1

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 9

11.6.5.1

Non-lieu à statuer

Dans sa décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les mots « d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 » figurant à l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, dans la même rédaction que celle contestée par les parties requérantes et intervenantes. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu pour le Conseil de réexaminer ces dispositions (non-lieu partiel).

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 11 12 13

11.7.2.2.3

Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée

Il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, qui est à l'origine des dispositions contestées de l'article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et les services, qu'en instaurant une taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, le législateur a entendu assurer le financement d’investissements publics dans le secteur des transports. Il a donc poursuivi un objectif de rendement budgétaire.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 17

11.7.2.2.3

Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée

Il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, qui est à l'origine des dispositions contestées de l'article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et les services, qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu imposer spécialement les exploitations d’infrastructures de transport de longue distance les plus rentables et générant un chiffre d’affaires important.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 31

11.7.3.2.3

Modalités retenues par la loi manifestement inappropriées à cet objectif

Contrôlant les dispositions de l'article L. 425-2 du code des impositions sur les bien set les services, qui instituent la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, le Conseil juge qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé. À cet égard, il était loisible au législateur de retenir comme déplacements de longue distance les seuls déplacements effectués entre les ressorts de plusieurs autorités organisatrices de mobilité et non ceux limités au ressort d’une même autorité ou au sein de la région d’Île-de-France.

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 18

11.8.7.1.1.4.1

Refus de reconnaître un changement des circonstances

Dans sa décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les mots « d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 » figurant à l’article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, dans la même rédaction que celle contestée par les parties requérantes et intervenantes. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu pour le Conseil de réexaminer ces dispositions (non-lieu partiel).

2024-1102 QPC, 12 septembre 2024, paragr. 11 12 13